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ARTICLE II.

La religion est nécessaire à la société.

427. L'homme est né pour la société; l'état social est naturel à l'homme, puisqu'il ne grandit et ne se conserve que dans la société. Ses besoins, ses facultés, ses penchants, ses inclinations, tout, dans l'homme, justifie ce mot du Créateur : Il n'est pas bon que l'homme soit seul; Non est bonum esse hominem solum (1). De là l'institution du mariage, d'où est née la famille ou la société domestique; puis la société civile, qui n'est que le développement de la famille ; puis encore la société générale, le genre humain, qui est la grande famille dont Dieu est le chef. Aux yeux d'un chrétien, dit Tertullien, le monde entier n'est qu'une vaste république qui comprend tous les hommes; unam omnium rempublicam agnoscimus mundum (2). Aussi est-il constaté, par l'histoire de tous les peuples et de tous les temps, que les hommes ont toujours vécu en société ; preuve que l'état social est la condition native de l'homme.

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428. Or la religion est le principal fondement de la société; les sages de l'antiquité l'ont reconnu. Celui, dit Platon, qui renverse la religion, renverse le fondement de toute société humaine; Omnis humanæ societatis fundamentum convellit, qui religionem convellit (3). Suivant Xénophon, « les villes et les nations les «< plus attachées au culte divin ont toujours été les plus durables et « les plus sages (4). » Plutarque n'est pas moins exprès : « On bâtirait plutôt, dit-il, une ville dans les airs, que de constituer un « État sans la croyance des dieux (5). » Nous voyons en effet, chez toutes les nations anciennes et modernes, les lois civiles sanctionnées par la religion; ce qui a fait dire à Rousseau que jamais État ne fut fondé, que la religion ne lui servit de base (6); et à Voltaire, que partout où il y aura une société établie, la religion est nécessaire (7). Il n'est aucun législateur qui n'ait appelé la religion au secours de la politique. « Les lois de Minos, de Zaleucus, celles des « Douze Tables, reposent entièrement sur la crainte des dieux. Cicéron, dans son traité des Lois, pose la Providence comme la « base de toute législation. Numa avait fait de Rome la ville sa

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(1) Genèse, c. II, v. 18. (2) Apolog. c. xxxvIII. (3) Liv. x, des Lois. (4) Sur Socrate. - (5) Contre Colotès. (6) Contrat social, liv. iv, c. vIII. (7) Traité de la Tolérance, c. xx.

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crée, pour en faire la ville éternelle... Otez la religion à la masse « des hommes, par quoi la remplacerez-vous? Si on n'est pas « préoccupé du bien, on le sera du mal; l'esprit et le cœur ne peu« vent demeurer vides. Quand il n'y aura plus de religion, il n'y << aura plus ni patrie ni société pour des hommes qui, en recouvrant « leur indépendance, n'auront que la force pour en abuser. C'est « surtout dans les États libres que la religion est nécessaire. C'est là, « dit Polybe, que, pour n'être pas obligé de donner un pouvoir dan« gereux à quelques hommes, la plus forte crainte doit être celle des « dieux (1). »

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429. Mais voyons plus particulièrement pourquoi la religion est nécessaire à la société. Tout homme tend au bonheur; il n'est heureux qu'autant qu'il jouit paisiblement des biens qui répondent à l'avidité de ses désirs. Il en est de même de la société; elle aussi veut être heureuse, et ne l'est réellement qu'autant qu'elle jouit en repos des biens qui répondent à son activité, à son énergie naturelle; qu'autant qu'elle est parvenue à l'état de paix et de calme, qui est l'expression de l'ordre et de la prospérité publique. Mais il ne peut y avoir d'ordre social sans qu'il y ait unité, puisque la société consiste dans l'union de ses membres; elle n'est elle-même que la réunion d'êtres semblables qui tendent au même but : où il n'y a pas unité, il y a séparation, dislocation, opposition, résistance, désordre et souffrance; ce qui est incompatible avec le bonheur. Pour qu'il y ait unité sociale, il faut que chaque partie soit ordonnée par rapport au tout, chaque individu par rapport à la famille, chaque famille par rapport à la société, à l'État auquel elle appartient. Et pour cela il faut qu'il y ait subordination, une hiérarchie qui établisse dans les uns le pouvoir de commander, et dans les autres l'obligation d'obéir. Il n'y a pas de société possible, quelle qu'en soit la forme constitutive, sans qu'il y ait un chef qui gouverne et des sujets qui soient gouvernés: ubi non est gubernator, populus corruet (2). Il faut donc une constitution qui forme le droit public du pays, une charte qui exprime les rapports des sujets et du pouvoir. De plus, il est nécessaire, pour le maintien de l'ordre, que les rapports de l'individu avec la famille et des citoyens entre eux soient réglés conformément aux droits de la nature et aux règles de l'équité; il faut donc des lois civiles qui soient l'expression de ces mêmes rapports. Mais les lois humaines

(1) Portalis, Discours sur l'organisation des cultes. — (2) Proverb. c. XI,

ne peuvent atteindre toutes les actions de l'homme; il est des vertus, le dévouement principalement, qu'elles commanderaient en vain; il est des choses plus ou moins immorales, des désordres plus ou moins nuisibles à la société, qu'elles ne punissent point et qu'elles ne pourraient punir : il faut donc, outre les lois civiles, des lois qui règlent les pensées et les affections qui sont le mobile de toutes les actions; des lois morales qui forment les mœurs, et deviennent la plus forte garantie que nous puissions avoir de la probité des hommes. Ainsi, constitution, lois, mœurs, telles sont les trois conditions indispensables pour fonder et faire prospérer une société.

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430. Or, la constitution, les lois, les mœurs qui n'auraient pas d'autre appui que la volonté des hommes, ne pourraient, ni consolider la société, ni la rendre prospère et capable de concourir au bien-être de l'humanité. Otez la religion du serment, ôtez l'idée d'un Dieu vengeur du crime et de la trahison, aussitôt la constitution manque de base, elle devient impuissante et contre le despotisme et la tyrannie des souverains, et contre l'insubordination ou la révolte des sujets. On ne peut plus alors donner raison des droits et des devoirs, ni de la part des rois à l'égard des peuples, ni de la part des peuples à l'égard des rois. La loi du plus fort prend le dessus, et les princes et les sujets n'examinent plus ce qu'ils se doivent réciproquement, mais ce qu'ils peuvent les uns contre les autres. « Un prince, dit Montesquieu, qui craint la religion et qui la hait, « est comme les bêtes sauvages qui mordent la chaîne qui les empêche de se jeter sur ceux qui passent. Celui qui n'a point du « tout de religion est un animal terrible qui ne sent sa liberté que « lorsqu'il déchire ou qu'il dévore (1). » Que deviendrait un peuple s'il avait à sa tête un czar impie, ou qui, usurpant le pouvoir du législateur suprême, voulût dominer les consciences et en arracher les convictions? « Si ce monde était gouverné par des athées, dit Vol« taire, il vaudrait autant être sous l'empire immédiat de ces êtres « infernaux qu'on nous peint acharnés contre leurs victimes (2). › Que deviendraient, à leur tour, les monarques les plus dévoués au bonheur de leurs peuples, s'ils n'avaient à gouverner que des athées ou des panthéistes? N'auraient-ils pas à craindre d'être condamnés légalement à l'échafaud? Non, sans religion. il n'y a pas de constitution qui tienne.

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431. Invoquerez-vous le serment? Mais le serment est une chose sacrée, sacramentum, un acte de religion, par lequel on

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prend à témoin Dieu lui-même comme vengeur du parjure : l'invoquer, ce serait donc une contradiction, une moquerie. AurezVous recours au pacte social qui existe entre les citoyens et le chef de l'État? Mais, en dehors de la religion, ce pacte, quel qu'il soit, solennel ou non, exprès ou tacite, ne sera jamais regardé comme obligatoire que par ceux qui sont intéressés à ce qu'il soit respecté. Ferez-vous valoir la considération du bien général ? Mais c'est toujours au nom du bien général que les despotes asservissent les peuples, que les révolutionnaires renversent les rois, et que les citoyens s'égorgent. En appellerez-vous au suffrage de la nation? Mais les citoyens se diviseront, parce qu'ils sont divisés d'intérêts; les guerres civiles s'allumeront, et l'anarchie, le plus terrible de tous les fléaux, portera la désolation partout. Il faut donc, de toute nécessité, faire intervenir la religion comme sanction de toute constitution politique, sous peine de compromettre l'ordre social et le bonheur des peuples.

432. Il en est des lois comme de la constitution; elles ne sont obligatoires que par la religion; tout pouvoir vient de Dieu, non est potestas nisi a Deo (1); ce n'est qu'en vertu de ce pouvoir qui leur vient d'en haut, quoique indirectement, que les rois règnent, et que les législateurs décernent la justice: Per me reges regnant, et conditores legum justa decernunt (2). Dans le système contraire, personne n'a droit de commander, personne n'est obligé d'obéir. Les hommes peuvent proposer de belles lois aux peuples; mais ces lois sont sans vigueur parce qu'elles sont humaines, et qu'elles manquent d'une autorité supérieure, qui est celle de Dieu. Personne ne se soumet, parce que celui qui écoute se croit autant que celui qui commande. De là la défiance, et de la part des citoyens à l'égard des législateurs qui consulteront leurs intérêts plutôt que les intérêts du peuple, et de la part des législateurs à l'égard des citoyens qui, au lieu d'obéir, ne céderont qu'à la force, comme à une nécessité physique. De là les lois ne seront plus qu'une occasion de luttes incessantes entre le chef et les membres de la société; de là l'empire de la terreur, pour arracher à la peur ce qu'en vain l'on demanderait à la conscience. Direz-vous que cela suffit au maintien de l'ordre? Non, cela ne suffit point: il n'est pas conforme à l'ordre que l'anarchie règne dans tous les esprits, que ceux qui commandent et ceux qui se croient asservis soient constamment en opposition les uns aux autres, lors même que le pou

(1) Epitre aux Romains, c. XII. — (2) Proverb., c. vшi, v. 15.

voir a le dessus : « La tranquillité de l'État sous le despotisme, dit « Rousseau, c'est la tranquillité de la mort; elle est plus destruc«< tive que la mort même. » Pour qu'une société soit dans des conditions convenables, il faut qu'il y ait repos, un repos réel, et de fortes garanties pour la sécurité publique.

433. D'ailleurs, n'y a-t-il pas des crimes de plus d'une sorte qui échappent à la police et à l'animadversion des lois? Que peut le Code pénal contre les crimes et les délits secrets? Que peutil, par exemple, contre ceux qui se rendent coupables d'homicide en empêchant l'homme de naitre, ou en lui refusant, après sa naissance, les soins et les choses nécessaires à la vie? Que peuvent les tribunaux à l'égard de ceux qui se rendent coupables d'adultère, sans qu'on puisse même les soupçonner d'avoir eu la pensée du crime? Que peuvent-ils contre ceux qui réduisent en cendres un hameau, un village, une ville entière, si, comme il arrive souvent, on ne peut prouver juridiquement qu'ils sont incendiaires? Que feront les magistrats au cadavre de celui qui, pour se soustraire à une mort ignominieuse, a retourné contre lui-même ses armes meurtrières, après s'en étre servi pour assassiner son voisin, son maître, son père ou son roi? Grace au progrès, en ôtant aux hommes la croyance et la crainte de l'enfer, la philosophie leur ôte en mème temps la crainte de la justice humaine; elle leur offre l'impunité des plus grands crimes, en leur donnant, dans le suicide, le moyen de désarmer le bourreau. Non, encore une fois, les lois qui n'ont pas d'autre sanction que la prison, le bagne ou l'échafaud, ne sauraient rendre une société heureuse, ni assurer la prospérité d'une nation. A quoi servent les lois sans les mœurs, disait un païen : Quid leges sine moribus vanæ proficiunt?

434. Mais, de même que les constitutions politiques et les lois civiles, les mœurs, sans l'intervention de la religion, ne reposent non plus que sur l'arbitraire, l'égoïsme et la force. Quand on essaye de former les mœurs d'un pays par la raison seule, en dehors des lois divines, l'homme est naturellement conduit à ne reconnaître d'autre autorité, d'autre loi, que la force dirigée par l'intérêt particulier ou par la passion ; il n'a plus d'autres règles que ses désirs, que la ruse et la fraude, qu'il colore du nom de sagesse ou d'habileté. Alors que voit-on dans la société, sinon une réunion d'hommes ennemis les uns des autres, et sans cesse occupés à se nuire mutuellement? Assujettis à la seule loi de leurs appétits, indépendants de toute autorité et libres de tout devoir, ils n'ont plus besoin de raison pour légitimer leurs actes: il suffit que l'homme

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