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⚫ ressource? Quel sujet de vanité de se voir dans des obscurités • impénétrables? Quelle consolation de n'attendre jamais de conso« lateur?

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475. Ce repos dans cette ignorance est une chose mons« trueuse, et dont il faut faire sentir l'extravagance à ceux qui y passent leur vie, en leur présentant ce qui se passe en euxmêmes, pour les confondre par la vue de leur folie. Car voici « comment raisonnent les hommes, quand ils choisissent de vivre « dans cette ignorance de ce qu'ils sont, et sans en chercher d'éclaircissement: Je ne sais qui m'a mis au monde, ni ce que c'est que le monde, ni que moi-même. Je suis dans une igno«rance terrible de toutes choses. Je ne sais ce que c'est que mon corps, que mes sens, que mon âme; et cette partie même de moi qui pense ce que je dis, et qui fait réflexion sur tout et sur « elle-même, ne se connaît non plus que le reste. Je vois ces ef« froyables espaces de l'univers qui m'enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans savoir pourquoi je « suis plutôt placé en ce lieu qu'en un autre, ni pourquoi ce peu a de temps qui m'est donné à vivre m'est assigné à ce point, plutôt qu'à un autre de toute l'éternité qui m'a précédé et de << toute celle qui me suit. Je ne vois que des infinités de toutes parts « qui m'engloutissent comme un atome, et comme une ombre qui « ne dure qu'un instant sans retour. Tout ce que je connais, c'est « que je dois bientôt mourir; mais ce que j'ignore le plus, c'est « cette mort même que je ne saurais éviter. Comme je ne sais d'où « je viens, aussi ne sais-je où je vais; et je sais seulement qu'en « sortant de ce monde je tombe pour jamais ou dans le néant, ou dans les mains d'un Dieu irrité, sans savoir à laquelle de ces deux conditions je dois être éternellement en partage.

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476. « Voilà mon état plein de misère, de faiblesse, d'obscurité. Et de tout cela je conclus que je dois donc passer tous les jours « de ma vie sans songer à ce qui doit m'arriver; et que je n'ai « qu'à suivre mes inclinations, sans réflexion et sans inquiétude, « en faisant tout ce qu'il faut pour tomber dans le malheur éter« nel, au cas que ce qu'on en dit soit véritable. Peut-être que je pourrais trouver quelque éclaircissement dans mes doutes; mais je ne veux pas prendre la peine ni faire un pas pour le chercher; et, en traitant avec mépris ceux qui se travailleraient de ce soin, je veux aller sans prévoyance et sans crainte tenter un si grand événement, et me laisser mollement conduire à la mort, dans l'incertitude de l'éternité de ma condition. En vérité, il est glo

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rieux à la religion d'avoir pour ennemis des hommes si dérai«sonnables.....

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477. « Qu'il se trouve des hommes indifférents à la perte de « leur être et au péril d'une éternité de misère, cela n'est point . naturel. Ils sont autres à l'égard de toutes les autres choses; ils « craignent jusqu'aux plus petites, ils les prévoient, ils les sentent; « et ce même homme qui passe les jours et les nuits dans la rage « et le désespoir, par la perte d'une charge ou pour quelque offense « imaginaire à son honneur, est celui-là même qui sait qu'il va « tout perdre par la mort, et qui demeure néanmoins sans inquiétude, sans trouble et sans émotion. Cette étrange insensibilité << pour les choses les plus terribles, dans un cœur si sensible aux plus légères, est une chose monstrueuse; c'est un enchantement « incompréhensible et un assoupissement surnaturel.

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478. Un homme dans un cachot, ne sachant si son arrêt est « donné, n'ayant plus qu'une heure pour l'apprendre, et cette <«< heure suffisant, s'il sait qu'il est donné, pour le faire révoquer, «< il est contre nature qu'il emploie cette heure-là non à s'informer « si l'arrêt est donné, mais à jouer et à se divertir. C'est l'état où se << trouvent ces personnes, avec cette différence que les maux dont « ils sont menacés sont bien autres que la simple perte de la vie, « ou un supplice passager que ce prisonnier appréhenderait. Ce-pendant ils courent sans souci dans le précipice, après avoir mis quelque chose devant leurs yeux pour s'empêcher de le voir, et <«< ils se moquent de ceux qui les en avertissent..... Il faut qu'il y « ait un étrange renversement dans la nature de l'homme pour <«< vivre dans cet état, et encore plus pour en faire vanité. Car quand ils auraient une certitude qu'ils n'auraient rien à craindre après la mort que de tomber dans le néant, ne serait-ce pas un sujet de désespoir plutôt que de vanité? N'est-ce donc pas une

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« folie inconcevable, n'en étant pas assurés, de faire gloire d'être dans ce doute ?.....

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479. «Rien ne découvre davantage une étrange faiblesse d'esprit, que de ne pas connaitre quel est le malheur d'un homme « sans Dieu; rien ne marque davantage une extrême bassesse de « cœur, que de ne pas souhaiter la vérité des promesses éternelles; «< rien n'est plus làche, que de faire le brave contre Dieu. Qu'ils « laissent donc ces impiétés à ceux qui sont assez mal nés pour « en être véritablement capables; qu'ils soient au moins honnêtes gens, s'ils ne peuvent encore être chrétiens; et qu'ils recon« naissent enfin qu'il n'y a que deux sortes de personnes qu'on

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puisse appeler raisonnables, ou ceux qui servent Dieu de tout lear cœur parce qu'ils le connaissent, où ceux qui le cherchent « de tout leur cœur parce qu'ils ne le connaissent pas encore (1). » 480. On ne peut que gémir sur l'état déplorable de ces infortunés qui, dans leur avilissante dégradation, vivent absolument comme s'ils n'avaient jamais entendu nommer Dieu; rapportant toutes leurs pensées et tous leurs désirs à cette vie, sans rien attendre après la mort. Ils ont beau faire, ils ne changeront point l'ordre établi de Dieu; un jour viendra que, « saisis de trouble « et d'une horrible frayeur, ils seront surpris d'étonnement en voyant tout d'un coup, contre leur attente, le juste sauvé. Touchés « de regret, et jetant des soupirs dans le serrement de leurs cœurs, «< ils diront en eux-mêmes : C'est là celui qui a été autrefois l'objet « de nos railleries, et que nous donnions pour exemple d'un « homme digne de toutes sortes d'opprobres. Insensés que nous étions! sa vie nous paraissait une folie, et sa mort sans hon<< neur. Cependant le voilă parmi les enfants de Dieu, et son sort « est d'être avec les saints. Nous nous sommes donc égarés de la « voie de la vérité; la lumière de la justice n'a point lui pour «< nous, et le soleil de l'intelligence ne s'est point levé sur nous. Nous nous sommes lassés dans la voie de l'iniquité et de la pernous avons marché dans des chemins difficiles, et nous " avons ignoré la voie du Seigneur. De quoi nous a servi notre orgueil? Qu'avons-nous retiré de la vaine ostentation de nos richesses? Toutes ces choses sont passées comme l'ombre, et « comme un courrier qui court; comme un vaisseau qui fend les « eaux agitées, dont on ne trouve point de trace après qu'il est passé, et qui ne laisse aucun vestige sur sa route; où comme un oiseau qui vole dans les airs, sans qu'on puisse remarquer par où il passe: on n'entend que le bruit de ses ailes qui frappent l'air et qui le divisent avec effort, et, son vol achevé, on ne trouve plus aucune trace de son passage; ou comme une flèche lancée avers son but : l'air qu'elle divise se rejoint aussitôt, sans qu'on reconnaisse par où elle a passé. Ainsi nous ne sommes pas plutôt nés, que nous avons cessé d'être; nous n'avons pu montrer « en nous aucune trace de vertu, et nous avons été consumés par « notre propre malice. Voilà ce que les pécheurs diront dans l'en« fer parce que l'espérance des méchants est comme la paille lé

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gère que le vent emporte, ou comme l'écume qui est dispersée

(1) Pascal, Pensées, part. п, art. 11: Nécessité d'étudier la religion.

« par la tempête, ou comme la fumée que le vent dissipe, ou « comme le souvenir d'un hôte qui passe, et qui n'est qu'un jour « en un mème lieu (1). »

481. Mais si rien ne peut excuser ceux qui vivent dans l'indifférence en matière de religion, sans examiner si la religion est divine ou non, on ne peut excuser non plus ceux qui, tout en admettant la nécessité d'une religion, prétendent que toutes les religions sont bonnes, et qu'on peut à volonté choisir indifféremment l'une ou l'autre, suivant les temps, les lieux, et d'autres circonstances qui peuvent influer sur notre détermination.

ARTICLE II.

Peut-on être indifférent sur le choix d'une religion?

482. Il ne peut y avoir qu'une seule religion divine dans le monde. On pourrait même dire qu'il n'y a jamais eu qu'une seule et même religion : c'est la religion chrétienne, qui remonte à l'origine du genre humain, qui s'est développée par la révélation mosaïque, et a reçu de Jésus-Christ la forme qu'elle doit conserver jusqu'à la consommation des siècles. Il est vrai qu'à différentes époques on a vu paraître, à côté de cette religion sainte, les superstitions grossières de l'idolâtrie, les erreurs des philosophes, les hérésies, les sectes enfin, qui, en prenant le nom de ceux qui leur ont donné le jour, semblent avoir multiplié les religions; mais ce ne sont pas précisément les religions que les sectes ont multipliées, mais bien les erreurs qui accompagnent et altèrent la religion partout ailleurs que dans l'Eglise de Dieu. Il n'y a qu'une loi naturelle chez tous les peuples, malgré les erreurs graves que l'on remarque de distance en distance contre plusieurs de ses préceptes : de même, quoique la révélation divine ait été altérée par les paiens et les hérétiques, quoiqu'il y ait toujours eu des erreurs sur différents points de la religion, il est vrai de dire qu'il n'y a qu'une seule et même religion, plus ou moins exactement observée, selon la connaissance qu'en ont les hommes. Mais nous ajouterons qu'une erreur, quelque nom qu'on lui donne, par cela même qu'elle est contraire à la religion qui vient de Dieu, ne peut être que criminelle et dans ceux qui, la connaissant, n'y renoncent pas, et dans ceux qui, ayant des doutes, ne cherchent pas à les éclaircir, comme

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s'il était indifférent de professer l'erreur ou la vérité. Néanmoins, pour ne pas nous écarter du langage reçu, nous nous exprimerons comme s'il y avait réellement plusieurs religions dans le monde, et nous montrerons qu'il ne peut y en avoir qu'une de vraie ; qu'on ne peut, par conséquent, être indifférent sur le choix d'une religion. 483. En effet, demander si on peut être indifférent dans le choix d'une religion, c'est demander si on peut indifféremment, sans compromettre son salut, embrasser le culte du vrai Dieu ou les superstitions du paganisme, l'Évangile ou l'Alcoran; si on est libre de se faire catholique, luthérien, calviniste, anglican, quaker, anabaptiste, socinien, moscovite; de former même une ou plusieurs nouvelles sectes qui n'auraient rien de commun, s'il était possible, ni avec les anciennes, ni avec celles qui existent aujourd'hui, ni avec l'Église catholique; c'est demander si on peut changer de religion comme on peut changer son domicile ou la couleur de ses vêtements; si la lumière et les ténèbres, la vérité et l'erreur, le oui et le non, sont une seule et même chose aux yeux de Celui qui est la vérité même, et qui a le mensonge en horreur. Voilà la question or, l'exposer telle qu'elle est, c'est la résoudre; c'est faire sentir l'absurdité des systèmes de ceux qui, pour se dispenser de tout examen, prétendent que toutes les religions sont bonnes.

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484. Cependant, pour mieux comprendre encore combien ce système est révoltant, écoutez le déiste : « Que la vérité existe ou « non, que t'importe? Elle n'existe pas pour toi. Ton devoir est d'obéir aveuglément à tous les fourbes qui se diront envoyés de « Dieu. Quelque erreur qu'ils enseignent, tu dois l'aimer ; quelque culte qu'ils établissent, tu dois le pratiquer sincèrement. Le sort t'a-t-il fait naître dans une contrée païenne? adore les dieux de «ton pays; sacrifie à Jupiter, à Mars, à Priape, à Vénus; initie "pieusement tes filles aux mystères de la bonne déesse. Tu rendras « en Égypte les honneurs divins aux crocodiles sacrés et au dieu "Apis; chez les Phéniciens, tu offriras tes enfants à Moloch; au << Mexique, tu prendras les armes pour conquérir des victimes hu«<maines à l'affreuse idole qu'on y révère; ailleurs, tu te proster« neras humblement devant un tronc d'arbre, devant des pierres, « des plantes, des débris d'animaux, restes impurs de la mort. As« tu vu le jour à Constantinople? répète du fond du cœur : Dieu << est Dieu, et Mahomet est son prophète. A Rome, tu mépriseras « ce même Mahomet comme un imposteur (1). »

(1) J. J. Rousseau, Émile.

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