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mentale du peuple de Dieu ? Les Juifs, à leur retour en Judée, n'étaient point un peuple sorti des forêts, sans lois, sans religion, sans culte, sans gouvernement; ces hommes étaient les fils et les petitsfils de ceux qui avaient été emmenés captifs à Babylone; plusieurs même parmi eux avaient vu l'ancien temple et le culte qu'on y célébrait. Tous, comme on le voit par le livre de Daniel, avaient suivi les lois de leur nation sur la terre étrangère. Aussi rapportèrent-ils de la Chaldée les vases et les instruments qui avaient servi au culte du Seigneur avant la prise de Jérusalem; et, rentrés dans leur patrie, ils virent le nouveau temple s'élever sur les ruines de l'ancien, les prêtres et les lévites reprendre leurs fonctions, les lois et les cérémonies observées comme l'ayant toujours été par leurs ancêtres, pendant neuf cents ans avant la captivité. Or, Esdras aurait-il pu tromper les Juifs sur toutes ces choses? Aurait-il pu écrire leur histoire et leur donner des lois comme faisant partie de leur ancienne constitution, si cette histoire et ces lois eussent été nouvelles pour la nation? Pouvait-il faire un roman, et dire à ses concitoyens « Voilà l'histoire de votre législateur et de vos pères ; « voilà le code sacré du gouvernement et de la religion de vos ana cêtres, le livre que Moyse a laissé à son peuple, que vos histo« riens et vos prophètes ont cité d'âge en âge, que vos prêtres, vos « rois et vous-mêmes n'avez cessé de lire jusqu'à présent (1). » On conçoit que ce projet se présente à l'esprit d'un insensé; mais un peuple, quel qu'il soit, ne sera jamais dupe d'une telle extravagance.

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83. Nous irons plus loin: deux cents ans avant Esdras, les Samaritains ont reçu des dix tribus séparées les livres qu'on attribue à Moyse, et les ont conservés aussi soigneusement que les Juifs. Deux peuples si opposés ne les ont pas pris l'un de l'autre; mais « tous les deux les ont reçus de leur origine commune, dès le temps de Salomon et de David. Les anciens caractères hébreux, que les - Samaritains retiennent encore, montrent assez qu'ils n'ont pas suivi Esdras, qui les a changés. Aussi le Pentateuque des Samaritains « et celui des Juifs sont deux originaux complets, indépendants l'un de l'autre. La parfaite conformité qu'on y voit, dans la substance - du texte, justifie la bonne foi des deux peuples. Ce sont des té« moins fidèles qui conviennent sans s'être entendus, ou, pour

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« mieux dire, qui conviennent malgré leurs inimitiés, et que la

(1) M. Frayssinous, Défense du Christianisme, conf. sur le Pentateuque ; Duvoisin, Autorité des livres de Moyse, part. 1. c. v, etc.

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seule tradition immémoriale de part et d'autre a mis dans la même pensée. Ceux donc qui ont voulu dire, quoique sans aucune rai⚫ son, que ces livres, étant perdus ou n'ayant jamais existé, ont été « ou rétablis, ou composés de nouveau, ou altérés par Esdras, tre qu'ils ont été démentis par Esdras même, comme on a pu le «< remarquer, le sont aussi par le Pentateuque, qu'on trouve en«< core aujourd'hui entre les mains des Samaritains, tel que l'avaient lu dans les premiers siècles Eusèbe de Césarée, saint Jé<< rôme et les autres auteurs ecclésiastiques, tel que ces peuples « l'avaient conservé dès leur origine : et une secte si faible ne sem<< ble durer si longtemps que pour rendre ce témoignage à l'autorité « de Moyse (1).

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84. Si on veut que la loi de Moyse ait été perdue et qu'Esdras ait fabriqué le Pentateuque, il faudra dire aussi qu'il a composé ou altéré tous les livres de l'Ancien Testament: assertion extravagante, s'il en fut jamais. Écoutez Bossuet : « Pour perdre une loi quand << on l'a une fois reçue, il faut qu'un peuple soit exterminé, ou que, « par divers changements, il en soit venu à n'avoir plus qu'une << idée confuse de son origine, de sa religion et de ses coutumes. Si <«< ce malheur est arrivé au peuple juif, et que la loi, si connue « sous Sédécias, se soit perdue soixante ans après, malgré les soins « d'un Ézéchiel, d'un Jérémie, d'un Baruch, d'un Daniel, sans «< compter les autres, et dans le temps que cette loi avait ses martyrs, comme le montrent les persécutions de Daniel et des trois enfants; si, dis-je, cette sainte loi s'est perdue en si peu de temps, et demeure si profondément oubliée qu'il soit permis à . Esdras de la rétablir à sa fantaisie, ce n'était pas le seul livre qu'il lui fallait fabriquer. Il lui fallait composer en même temps << tous les prophètes anciens et nouveaux, c'est-à-dire, ceux qui << avaient écrit et devant et durant la captivité, ceux que le peuple « avait vu écrire, aussi bien que ceux dont il conservait la mémoire; « et non-seulement les prophètes, mais encore les livres de Salo<< mon, et les Psaumes de David, et tous les livres d'histoire, puisqu'à peine se trouvera-t-il dans toute cette histoire un seul fait considérable, et dans tous ces autres livres un seul chapitre qui, détaché de Moyse tel que nous l'avons, puisse subsister un seul « moment. Tout y parle de Moyse, tout y est fondé sur Moyse: et ⚫ la chose devait être ainsi, puisque Moyse et sa loi, et l'histoire

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qu'il a écrite, était en effet dans le peuple juif tout le fondement

(1) Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, part. 1. no xIII.

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de la conduite publique et particulière. C'était, en vérité, à Es« dras une merveilleuse entreprise, et bien nouvelle dans le monde, « de faire parler en même temps, avec Moyse, tant d'hommes de « caractère et de style différent, et chacun d'une manière uni⚫ forme et toujours semblable à elle-même, et faire accroire tout à coup à tout un peuple que ce sont là les livres anciens qu'il a « toujours révérés, et les nouveaux qu'il a vu faire, comme s'il « n'avait jamais ouï parler de rien, et que la connaissance du temps - présent, aussi bien que celle du temps passé, fût tout à coup « abolie. Tels sont les prodiges qu'il faut croire, quand on ne veut pas croire les miracles du Tout-Puissant, ni recevoir le témoignage par lequel il est constant qu'on a dit à tout un grand peuple qu'il les avait vus de ses yeux.

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85. « Mais si ce peuple est revenu de Babylone dans la terre de « ses pères, si nouveau et si ignorant qu'à peine se souvint - il « qu'il eût été, en sorte qu'il ait reçu sans examiner tout ce qu'Esdras aura voulu lui donner, comment donc voyons-nous, dans le livre qu'Esdras a écrit, et dans celui de Néhémias son contem« porain, tout ce qu'on y dit des livres divins? Avec quel front Es« dras et Néhémias osent-ils parler de la loi de Moyse en tant d'endroits et publiquement, comme d'une chose connue de tout le

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monde, et que tout le monde avait entre les mains? Comment a voit-on tout le peuple agir naturellement en conséquence de cette loi, comme l'ayant eue toujours présente? Mais comment dit-on dans le même temps, et dans le retour du peuple, que tout ce ⚫ peuple admira l'accomplissement de l'oracle de Jérémie touchant « les soixante-dix ans de captivité? Ce Jérémie, qu'Esdras venait « de forger avec tous les autres prophètes, comment a-t-il tout d'un « coup trouvé créance? Par quel artifice nouveau a-t-on pu persuader à tout un peuple, et aux vieillards qui avaient vu ce prophète, qu'ils avaient toujours attendu la délivrance miraculeuse qu'il leur avait annoncée dans ses écrits? Mais tout cela sera encore supposé Esdras et Néhémias n'auront point écrit l'histoire de leur temps, quelque autre l'aura faite sous leur nom, et ceux « qui ont fabriqué tous les autres livres de l'Ancien Testament au« ront été si favorisés de la postérité, que d'autres faussaires leur en auront supposé à eux-mêmes, pour donner créance à leur im« posture. On aura honte sans doute de tant d'extravagances (1) ! » Concluons: il est prouvé que le Pentateuque n'a pu être supposé

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(1) Ibidem.

par Esdras ni par qui que ce soit; le Pentateuque est donc authentique.

S IV. Des difficultés que l'on fait contre l'authenticité du
Pentateuque.

86. On a fait des difficultés contre l'authenticité du Pentateuque. On a dit, d'après Voltaire, que Moyse n'a pu écrire les livres qu'on lui attribue; que, de son temps, l'art de graver ses pensées sur la pierre, sur la brique et sur le plomb, ou sur le bois, était la seule manière d'écrire, et qu'il n'est pas croyable que le législateur des Juifs ait eu le temps et les moyens d'écrire les cinq livres du Pentateuque. Voilà ce qu'on a dit, mais ce qu'on n'a pas prouvé. Que le Décalogue, qui est l'abrégé de la loi, ait été gravé sur la pierre, nous ne le contestons pas : mais où a-t-on vu que toutes les parties du Pentateuque aient été gravées de la même manière? Où a-t-on vu que, du temps de Moyse, on n'ait connu que ce moyen de mettre ses pensées par écrit ? Parce qu'on a gravé sur le marbre les inscriptions des monuments érigés sous le règne de Louis XV, en conclura-t-on qu'on ne connaissait pas alors d'autre manière d'écrire, et que les cinquante ou soixante volumes de Voltaire se trouvent, dans les bibliothèques, gravés sur des tables de marbre (1)? Non, il n'est point démontré que, quinze cents ans avant l'ère chrétienne, on ignorat l'art de graver sur l'écorce de certains arbres, sur le papyrus, sur les feuilles de palmier, sur des tablettes de cire, ou sur d'autres matières propres à recevoir l'empreinte de la parole, et à la transmettre à la postérité. D'ailleurs, l'histoire des peuples n'atteste-t-elle pas que l'invention des lettres est de la plus haute antiquité? Il est reçu, parmi les savants, que Cécrops et Cadmus, à peu près contemporains de Moyse, apportèrent dans la Grèce les caractères de l'alphabet. Enfin, il est constant que Moyse est l'auteur du Pentateuque, qu'il a écrit lui-même les cinq livres qui forment le Pentateuque : donc l'art d'écrire était connu du temps de Moyse. Pour ébranler un fait aussi bien établi, il faut quelque chose de plus qu'une assertion, fût-elle l'assertion d'un esprit fort (2).

87. Il y a d'autres objections: mais que dit-on pour autoriser la supposition du Pentateuque, et que peut-on objecter à une tra

(1) Duvoisin, Autorité des livres de Moyse, part. 1, c. IV. — Lettres de quelques Juifs à Voltaire, par l'abbé Guenée.

- (2) Voyez les

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dition de plus de trois mille ans, soutenue par sa propre force et par la suite des choses? « Rien de suivi, rien de positif, rien d'im« portant; des chicanes sur des nombres, sur des lieux ou sur des « noms et de telles observations, qui dans toute autre matière « ne passeraient tout au plus que pour de vaines curiosités, inca⚫pables de donner atteinte au fond des choses, nous sont ici allé« guées comme faisant la décision de l'affaire la plus sérieuse qui

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fut jamais. Il y a, dit-on, des difficultés dans l'histoire de l'Écri« ture. Il y en a, sans doute, qui n'y seraient pas si le livre était « moins ancien, ou s'il avait été supposé, comme on a osé le dire, « par un homme habile et industrieux; si l'on eût été moins reliagieux à le donner tel qu'on le trouvait, et qu'on eût pris la liberté de corriger ce qui faisait de la peine. Il y a des difficultés que fait un long temps, lorsque les lieux ont changé de nom ou d'é<tat; lorsque les dates sont oubliées; lorsque les généalogies ne - sont plus connues; qu'il n'y a plus de remèdes aux fautes qu'une a copie tant soit peu négligée introduit si aisément en de telles choses; ou que des faits échappés à la mémoire des hommes « laissent de l'obscurité dans quelque partie de l'histoire. Mais enfin cette obscurité est-elle dans la suite même ou dans le fond de l'affaire? Nullement : tout y est suivi; et ce qui reste d'obscur ne « sert qu'à faire voir dans les livres saints une antiquité plus vénérable (1). »

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88. « Mais enfin, n'y a-t-il pas dans le Pentateuque des choses qui ne peuvent être de Moyse? D'où vient qu'on trouve sa mort

« à la fin de ce livre? Quelle merveille que ceux qui ont continué « son histoire aient ajouté sa fin bienheureuse au reste de ses actions, afin de faire du tout un même corps? Pour les autres « additions, voyons ce que c'est. Est-ce quelque loi nouvelle, ou « quelque nouvelle cérémonie, quelque dogme, quelque miracle, • quelque prédiction? On n'y songe seulement pas ; il n'y en a pas « le moindre soupçon, ni le moindre indice: c'eût été ajouter à ⚫ l'œuvre de Dieu; la loi l'avait défendu, et le scandale qu'on eût • causé eût été horrible. Quoi donc on aura continué peut-être ⚫ une généalogie commencée; on aura peut-être expliqué un nom « de ville changé par le temps; à l'occasion de la manne dont le « peuple a été nourri pendant quarante ans, on aura marqué le temps où cessa cette nourriture céleste, et ce fait écrit depuis daus un autre livre sera demeuré pour remarque dans celui de

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(1) Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, part. и. c. xш.

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