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que plus de victimes (1). Lucien lui-même, ennemi déclaré du christianisme, introduit, dans ses dialogues, l'imposteur Alexandre disant que la province de Pont est pleine d'athées et de chrétiens, Pontum atheis plenum esse et christianis (2). Les païens accusaient les chrétiens d'athéisme, comme Socrate en avait été accusé Jui-même, parce qu'ils ne reconnaissaient point les dieux du pays. Quant à ce que Lucien dit du nombre des chrétiens dans le Pont, son témoignage se trouve confirmé par Eusèbe de Césarée : au rapport de cet historien, il se tint un concile dans cette province en 198, que l'on croit être l'année de la mort de Lucien (3).

777. Nous pourrions aller plus loin; mais pourquoi fatiguer le lecteur de citations? C'est un fait notoire, incontestable, qu'au commencement du quatrième siècle l'Évangile avait pénétré dans toutes les contrées du monde connu, et bien au delà des limites de l'empire romain. Aussi, loin de le contester, les incrédules s'en prévalent souvent pour calomnier la conversion de l'empereur Constantin, comme si cette conversion eût été nécessaire pour consommer l'œuvre de Dieu. Selon eux, la conviction n'y eut aucune part; l'empereur ne se déclara en faveur du christianisme que pour se trouver à la tête du parti le plus puissant. Ainsi donc, de leur aveu, la foi chrétienne avait pris le dessus, non-seulement sans le secours, mais encore malgré tous les efforts des puissances de la terre, comme nous le verrons dans l'article suivant.

ARTICLE II.

La propagation de l'Evangile, aussi prompte que générale, ne peut être que l'œuvre de Dieu.

778. Une révolution aussi rapide, aussi universelle, aussi étonnante que celle qui s'est opérée dans le monde, en moins de trois siècles, par la prédication des apôtres et de leurs successeurs, n'est point un événement naturel. D'abord, si vous mettez Dieu de côté, les disciples de Jésus de Nazareth, hommes sans lettres, sans science, sans fortune, sans crédit, sans puissance, sans ressource aucune, n'auraient pu ni former ni même concevoir le projet de remplacer la loi de Moyse par une loi nouvelle; de renverser le culte des idoles; de faire prévaloir partout le mystère de la croix, qui ne pouvait qu'exciter la haine des Juifs et la moquerie des païens; de prêcher une doctrine tout à la fois la plus sublime et la (3) Conciles de Labbe,

(1) Lettre à Trajan. tom. 1, col. 598.

(2) Dialog. Alexandre.

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plus contraire aux préjugés de leur temps, et aux désordres consacrés par les superstitions et les mystères du paganisme. Un tel projet de la part des apôtres, surtout d'après la manière dont leur maître avait été traité par les Juifs et les magistrats romains, eût été, sans contredit, le projet le plus insensé, le plus extravagant qu'on puisse imaginer; il ne se conçoit que dans un homme en délire. Quel motif d'ailleurs aurait pu les déterminer à cette entreprise? Quel avantage trouvaient-ils à tout sacrifier pour son exécution, le repos, la liberté, la vie même? La gloire, direzvous. Mais quelle gloire y a-t-il à se faire égorger sans autre chance que de passer tôt ou tard pour des fourbes, des imposteurs, ou pour des fanatiques enragés? Évidemment les apôtres n'ont pu s'arrêter à la pensée de convertir le monde à Jésus-Christ, à moins qu'ils n'aient été inspirés d'en haut, et qu'ils n'aient eu des preuves irrécusables de l'inspiration divine. Ainsi donc on peut dire que la prédication même de l'Évangile par les apôtres prouve que l'établissement du christianisme est l'œuvre de Dieu.

779. Mais supposons qu'ils eussent formé d'eux-mêmes le dessein de faire reconnaître partout l'Évangile de Jésus-Christ, et Jésus-Christ lui-même, non-seulement comme l'envoyé de Dieu, mais comme étant vrai Dieu et vrai homme en même temps, cussent-ils réussi? Non, certainement : persuadés ou non de la vérité de leur enseignement, si les apôtres et leurs successeurs avaient prêché l'erreur en prêchant Jésus-Christ, jamais ils n'auraient pu ni confondre les conseils de la synagogue, l'hypocrisie des pharisiens, la sagesse des sages et l'orgueil des philosophes, la fourberie des prêtres et les oracles mensongers du paganisme; ni renverser les idoles et détruire les superstitions de l'idolâtrie; ni désarmer les tyrans et les bourreaux; ni arborer la croix partout, jusqu'au Capitole. Comment, en effet, auraient-ils soumis à l'empire de Jésus-Christ, non-seulement l'empire romain, mais encore les régions lointaines et barbares que les Césars n'avaient pas encore pu soumettre par la puissance des armes? Par quels moyens auraientils opéré la plus étonnante révolution qui fût jamais? Il n'y a pas de milieu: ou il faut reconnaitre le doigt de Dieu dans l'établissement du christianisme, ou il faut l'attribuer, soit aux qualités personnelles, au génie, au talent, à la condition des apôtres ; soit à la nature de la doctrine qu'ils prêchaient et aux dispositions de ceux qui l'ont adoptée; soit à la puissance, au concours de l'autorité publique. Voilà les seules causes naturelles, les seuls moyens humains de propager l'erreur, de changer ou de modifier l'esprit public en ma

tière de religion. Or, non-seulement les apôtres n'avaient pour eux aucun de ces moyens, mais il n'est aucun de ces moyens qui n'ait offert les plus grands obstacles à la propagation de l'Évangile. Loin de favoriser leur mission, leurs qualités personnelles, leur ignorance, leur défaut de talent et d'éducation, la doctrine qu'ils enseignaient, les préjugés des Juifs et des gentils, les mœurs corrompues des païens, l'opposition de la puissance publique, étaient autant d'obstacles qui tous, sans être réunis comme ils l'étaient contre le christianisme, auraient été suffisants pour l'étouffer dans son berceau. Donc il faut reconnaître le doigt de Dieu dans l'établissement du christianisme.

780. Premièrement, on ne peut attribuer le succès de la prédication évangélique au talent, à l'éloquence, à la science des apôtres, ni au rang qu'ils occupaient dans la société. Ce n'étaient ni des orateurs, ni des philosophes, ni des savants versés dans les secrets de la science et de la politique; Jésus-Christ ne les avait choisis ni dans l'Aréopagé, ni dans le sénat de Rome, ni parmi les scribes, les docteurs de la loi, les princes de la synagogue; c'étaient de simples pêcheurs, des hommes de la dernière classe du peuple, sans éducation, sans lettres, sans science, sans richesses, sans crédit, sans aucune considération aux yeux du monde; des gens dépourvus, du côté de la nature, de tout avantage capable de faire la moindre impression sur les esprits. En un mot, ils n'avaient rien d'eux-mêmes qui pût accréditer leur mission auprès des peuples, des prêtres, des philosophes, des magistrats et des rois; tout en eux, au contraire, ne pouvait que décrier leur doctrine et faire échouer leur projet : loin de trouver un appui dans ses propres fondateurs, le christianisme naissant les avait plutôt contre lui-même; leur ignorance et leur condition ne pouvaient que l'avilir et le faire mépriser des peuples. Ce n'est done point aux qualités personnelles des apôtres que l'on doit attribuer l'établissement du christianisme.

781. Non-seulement ils n'avaient pas pour eux la science et l'influence que peut donner une haute position sociale; mais ils n'ont trouvé l'une et l'autre que dans ceux à qui ils ont prêché Jésus-Christ. Étant aussi grossiers qu'ignorants, ils ont eu à lutter contre les grandeurs de la terre et les lumières de leur siècle, du siècle d'Auguste, le plus poli et le plus éclairé de tous les siècles qui s'étaient écoulés depuis la création, de ce siècle si fécond en chefs-d'œuvre de tout genre. L'empire romain était rempli de philosophes, d'orateurs, de rhéteurs, de poëtes et d'historiens. Jamais

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le goût des sciences, des lettres et des arts n'avait été plus universellement répandu. Voilà donc l'ignorance des apôtres aux prises avec la science, des hommes qui ne connaissaient guère que leur barque et leurs filets avec les plus grands génies de l'antiquité. Cependant la parole évangélique sort victorieuse du combat. Ainsi se vérifie ce que dit saint Paul : « Dieu a choisi ce qu'il y a d'in« sensé selon le monde pour confondre les sages, ce qu'il y a de vil « et de méprisable aux yeux des hommes, et ce qui n'est pas, pour « détruire ce qui est: Quæ stulta sunt mundi elegit Deus, ut confundat sapientes.... Et ignobilia mundi et contemptibilia elegit Deus, et ea quæ non sunt, ut ea quæ sunt destrueret (1). 782. Secondement, on ne peut attribuer le succès des apôtres à la doctrine évangélique, ni aux dispositions de ceux qui l'ont reçue. Il est bien vrai que, par la sublimité de ses dogmes et la pureté de sa morale, le christianisme l'emportait infiniment sur le paganisme, qui avait grandement altéré les traditions primitives; il l'emportait même de beaucoup sur le judaïsme, qui n'en était que la figure. Mais, tout sublimes qu'ils étaient, les dogmes évangéliques ne pouvaient que révolter les philosophes et les docteurs de la loi, et ils n'étaient nullement à la portée du peuple. Il fallait adorer Jésus-Christ, qui avait été crucifié comme un imposteur par ceux de sa nation et par les Romains; il fallait se prosterner devant la croix, qui était un scandale pour les Juifs et une folie pour les Grecs. Les premiers ne pouvaient embrasser l'Évangile sans regarder leur nation comme coupable de déicide; les gentils ne pouvaient être chrétiens qu'en renonçant au culte des faux dieux, qu'en brûlant les idoles qu'ils avaient encensées avec leurs pères, qu'en réduisant leur entendement en servitude sous le joug de la foi. Ajoutez à cela que la religion chrétienne, faute d'ètre bien comprise, paraissait aux yeux des gentils comme une religion nouvelle; ce qui formait un violent préjugé contre elle en faveur de l'idolâtrie, que les peuples croyaient aussi ancienne que le monde.

783. La doctrine des apôtres n'était pas moins contraire aux passions du cœur qu'aux préjugés de l'esprit. Quel contraste, en effet, entre les maximes de l'Evangile et les maximes de la philosophie, entre les agapes de l'Église primitive et les fêtes du paganisme, entre les mœurs des chrétiens et les mœurs des païens! Pour être disciple de Jésus-Christ, il faut mortifier ses sens et ses convoitises, être modeste jusqu'à l'humilité, charitable jusqu'à ai

(1) 1o épître aux Corinthiens, c. 1, v. 27 et 28.

mer ses ennemis comme soi-même, doux jusqu'à pardonner les injures, patient jusqu'à éviter le murmure, détaché des biens de ce monde jusqu'à préférer l'indigence à l'injustice, chaste jusqu'à repousser la pensée du mal, fidèle à la foi jusqu'à l'échafaud, obéissant à la loi jusqu'à la mort. Il n'est aucune vertu, soit privée, soit domestique, soit publique, que le christianisme ne commande; aucun acte d'héroïsme, aucun genre de perfection, dans l'ordre moral, qu'il ne conseille; comme il n'est aucun crime, aucun vice, aucune action mauvaise, aucune affection déréglée, qu'il ne condamne plus ou moins sévèrement, et souvent sous peine de la mort éternelle. Certes, une morale aussi sainte, aussi sévère, n'était pas de nature à faire des prosélytes parmi les païens, qui pouvaient se livrer à la volupté, aux désordres les plus honteux, à l'exemple et comme sous le patronage de leurs dieux.

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784. « Tous les sens, toutes les passions, tous les intérêts combattaient pour l'idolâtrie. Elle était faite pour le plaisir; les divertissements, les spectacles, et enfin la licence même, y faisaient « une partie du culte divin. Les fêtes n'étaient que des jeux ; et il n'y avait nul endroit de la vie humaine d'où la pudeur fût ban« nie avec plus de soin qu'elle ne l'était des mystères de la religion. « Comment accoutumer des esprits si corrompus à la régularité de la religion véritable, chaste, sévère, ennemie des sens, et uniquement attachée aux biens invisibles? Saint Paul parlait à Félix, « gouverneur de la Judée, de la justice, de la chasteté, et du jugement à venir. Cet homme effrayé lui dit : Retirez-vous quant " à présent; je vous manderai quand il faudra. C'était un discours à remettre au loin à un homme qui voulait jouir sans scrupule, et « à quelque prix que ce fût, des biens de la terre (1). » Les apôtres avaient donc contre eux, tout à la fois, et la doctrine sublime et sévère qu'ils prêchaient, et les préjugés de tous les peuples, et les mœurs corrompues, toutes les passions du monde païen. Donc, évidemment, on ne peut attribuer les succès de la prédication apostolique, ni à la nature de l'Évangile, ni aux dispositions de ceux qui ont embrassé le christianisme.

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785. Troisièmement, on ne peut les attribuer non plus au concours de l'autorité publique. Loin de là: les apôtres et leurs successeurs sont en butte à la haine de la synagogue et des pharisiens, à la tyrannie des empereurs et des rois, à la cruauté des gouverneurs et des magistrats, à la fureur des peuples. Depuis sa

(1) Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, part. μ, no 12,

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