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L'autorité de l'Église une fois mise de côté, la croyance du chrétien n'a plus d'autre fondement que le sens privé, que la raison individuelle; alors vous admettrez ou vous n'admettrez pas telle ou telle interprétation, suivant qu'elle s'accordera ou ne s'accordera pas avec votre manière de voir. « Si l'on se met à raisonner, dit << Bossuet, sur la doctrine des mœurs, sur les inimitiés, sur les « usures, sur la mortification, sur la chasteté, sur les mariages, « avec ce principe, Qu'il faut réduire l'Écriture sainte à la droite raison, où n'ira-t-on pas? N'a-t-on pas vu la polygamie enseignée « par les protestants, et en spéculation et en pratique ? Et ne sera<«<t-il pas aussi facile de persuader aux hommes que Dieu n'a pas « voulu porter leur croyance au delà des règles du bon sens, que de « leur persuader qu'il n'a pas voulu porter leur croyance au delà du bon raisonnement? Mais quand on en sera là, que sera-ce que ce « bon sens dans les mœurs, sinon ce qu'a déjà été ce bon raisonne«ment dans la croyance, c'est-à-dire, ce qu'il plaira à chacun (1)?:

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$59. Troisièmement, il est également faux qu'on puisse connaître les vérités nécessaires au salut, en distinguant les articles fondamentaux et non fondamentaux. Cette distinction, qu'on doit au ministre Jurieu, est arbitraire, contradictoire, impraticable, et favorise toutes les erreurs. Elle est arbitraire: on ne peut citer aucun passage de l'Écriture qui restreigne à certaines vérités la nécessité de la foi; aucun texte sacré qui légitime l'indifférence sur les points moins importants de l'Evangile; aucun endroit qui distingue les dogmes qu'on peut rejeter sans danger, de ceux qu'on est obligé d'admettre sous peine de damnation. On ne lit nulle part, dans les livres saints, que telles ou telles vérités soient nécessaires au salut, que telles ou telles autres vérités ne soient point nécessaires. L'interprétation qu'on a voulu donner à quelques textes est une interprétation forcée, inconnue de nos pères de toute l'antiquité chrétienne, inconnue même des premiers chefs de la réforme.

860. Le système des articles fondamentaux et non fondamentaux est contradictoire : les réformés ne peuvent le défendre sans se condamner eux-mêmes, sans condamner la réforme. En effet, en faisant entrer dans l'Eglise toutes les communions chrétiennes, les luthériens, les zwingliens, les calvinistes, les anabaptistes, les anglicans, les taboristes, les hussites, les wicléfites, les vaudois, les Grecs schismatiques, les nestoriens, les eutychiens,

(1) vi avertissement, part. ine, no 114.

les melchites, les Abyssins, ils ont été forcés, pour être conséquents, d'y introduire les papistes, c'est-à-dire, les catholiques romains dans toutes ces sociétés, dit Jurieu, Dieu conserve ses vérités fondamentales. D'après ce principe, tous les protestants conviennent qu'on peut se sauver en demeurant dans la communion romaine. Or comment concilier cette concession avec la prétendue nécessité de la réforme? Quel motif alors peut-on mettre en avant pour justifier la rupture de Luther, de Calvin et de Henri VIII avec le pape? Pourquoi ces divisions qui sont venues troubler la famille, la cité, la nation, l'Europe entière? Pourquoi traiter d'Antechrist l'évêque de Rome, et l'Église romaine de prostituée, de Babylone, si cette Eglise et son chef ont gardé les vérités nécessaires au salut? Pourquoi encore, de nos jours, ces invectives, ces calomnies, cet acharnement, cette intolérance de la part des protestants à l'égard des catholiques (1), si les catholiques appartiennent à l'Église de Jésus-Christ? Pourquoi enfin s'exposer à la damnation éternelle en persévérant dans un schisme où, comme l'enseignent les catholiques de tous les temps, on ne peut persévérer sciemment sans compromettre son salut; plutôt que de rentrer dans la communion de la grande Église, où, comme l'enseignent tous les protestants, on peut être sauvé? Il n'y a pas de milieu: ou il faut reconnaitre que rien ne peut justifier la réforme, ni les désordres qui en ont été la suite; ou il faut que les réformés renoncent à la distinction des articles fondamentaux et non fondamentaux.

861. Enfin, ce système est impraticable, et favorise toutes les erreurs. Il est impossible de discerner les vérités fondamentales de celles qui ne le sont pas. Jusqu'ici les protestants n'ont pas encore pu s'accorder entre eux sur la question de savoir quels sont les points qu'on doit tenir pour fondamentaux. Et comment s'accor

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(1) Voici ce que dit M. Tholuck, protestant : « Le caractère pratique de dé«votion et d'instruction catholique est quelque chose de vraiment beau et de respectable, que nous devrions imiter. Ainsi, par exemple, en laissant de côté « les ouvrages polémiques d'une certaine partie de la presse actuelle, nous n'a«vons rencontré qu'un seul catéchisme catholique, quoi que puissent dire les ignorants, où il soit fait mention des autres communions, ou des questions «< controversées. Au contraire, il est impossible de tomber sur deux pages de « nos meilleurs catéchismes, sans y trouver quelque sortie contre l'indignité de l'Eglise romaine, contre ses doctrines tout humaines, sur les té« nèbres du papisme, etc. » Voyez l'Essai sur la crédibilité de l'histoire évangélique, en réponse au D' Strauss, par M. A. Tholuck; traduction abrégée et annotée par M. l'abbé de Valroger, Introduction, page 30.

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deraient-ils, puisqu'ils ne reconnaissent pas d'autre règle, pour l'interprétation de la parole de Dieu, que le sentiment privé, l'examen particulier, ou la raison individuelle ? Direz-vous, avec les uns, que l'on sent les vérités fondamentales comme on sent la lumière quand elle paraît, ou la chaleur quand on est près du feu; ou, avec les autres, qu'on voit clairement ces mêmes vérités, parce qu'elles ne comprennent que ce qui est clairement enseigné dans l'Écriture? Mais d'où vient que tous ne sentent pas ou ne voient pas la même chose? Que répondrez-vous, comme protestant, à celui qui ne sent ni ne voit comme vous? au luthérien, qui ne sent ni ne voit comme le calviniste? au calviniste, qui ne sent ni ne voit comme l'anglican? à l'anglican, qui ne sent ni ne voit comme le quaker? Que répliquerez-vous au socinien, qui ne sent ni ne voit les mystères de la religion chrétienne? ou à celui de vos frères qui, n'étant obligé, d'après vos principes, de n'admettre de l'Écriture que ce qu'il sent ou voit clairement, vous dira qu'il ne sent ou qu'il ne voit que des mythes ou fictions populaires dans le Pentateuque, les Prophètes et les Évangiles? Dire, d'après Jurieu, que la règle la plus sûre est de n'admettre comme fondamental et nécessaire au salut que ce que les chrétiens ont cru unanimement et croient encore partout, ce n'est point résoudre la difficulté. Quelles sont en effet les vérités qui ont été constamment admises par tous les chrétiens, absolument parlant? Quel est le mystère, quel est le dogme du christianisme qui n'ait pas été contesté par quelques hérétiques? Si vous ne regardez comme fondamental que ce qui est commun à toutes les sectes, il vous sera donc permis de rejeter avec les ariens la divinité du Verbe; avec les macédoniens, la divinité du Saint-Esprit; avec les nestoriens, l'unité de personne en Jésus-Christ; avec les pélagiens, le péché originel et la nécessité de la grâce; avec les sociniens, tous les mystères de la religion chrétienne; avec les déistes et les rationalistes, la révélation même? Évidemment, si la règle la plus sûre est de ne croire que ce qui a été unanimement cru partout, la règle la plus súre sera de ne plus rien croire en matière de religion.

862. De quelque manière que vous exposiez votre système, il vous est impossible de prouver que celui qui ne pense pas comme vous se trompe ou ne se trompe pas sur un point fondamental. De quelque côté que vous vous tourniez, votre adversaire, quel qu'il soit, familiste, antimonien, schwedenborgien, socinien, rationaliste ou tout autre, vous pressera toujours; et, armé d'arguments ad hominem, il vous forcera d'admettre ses erreurs ou d'aban

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donner votre système. Il est donc vrai que la distinction des articles fondamentaux et non fondamentaux est arbitraire, contradictoire, impraticable, favorisant toutes les erreurs. S'il y a au « monde un fait constant, dit Bossuet, c'est que chercher la vérité « tout seul même dans la sainte Écriture, par son propre esprit, par << son propre raisonnement, et non pas avec le corps et dans l'u« nité de l'Église, c'est la source de tous les schismes et de toutes « les hérésies. » Il est donc faux qu'on puisse connaître les vérités nécessaires au salut, en recourant à la distinction des articles fondamentaux et non fondamentaux; il est faux que chacun puisse interpréter l'Écriture selon son esprit particulier; il est faux même que l'Écriture soit la seule règle de notre croyance : il est done nécessaire de reconnaître l'autorité de l'Église enseignante, dépositaire de l'Écriture et de la tradition, prononçant en dernier ressort sur les controverses, avec l'obligation, pour tous, de se soumettre à son enseignement et à ses décisions.

863. Ce droit d'enseigner et de juger en matière de doctrine appartient à l'Église, en vertu de sa constitution; c'est une propriété qui lui est essentielle; propriété sans laquelle, étant en butte à toutes les erreurs, elle ne pourrait pas plus tenir qu'une maison bâtie sur le sable, qu'un édifice sans fondement. Et comme nous ne pouvons nous conformer à l'enseignement et aux décrets de l'Église qu'autant que nous les connaissons, qu'autant par conséquent que l'Église elle-même est visible et perpétuellement visible, nous allons parler de la visibilité et de la perpétuité de l'Église.

CHAPITRE IV.

De la visibilité et de la perpétuité de l'Église.

864. C'est un dogme catholique, que l'Église est essentiellement visible, d'une visibilité sensible, perpétuelle, constante, indéfectible. Les prophètes nous l'ont annoncé, en nous représentant l'Église comme la maison du Seigneur, élevée sur le sommet des montagnes, au-dessus des collines, à laquelle doivent se réunir loutes les nations (1); comme une haute montagne qui se montre

(1) Erit in novissimis diebus præparatus mons domus Domini in vertice mon tium, et elevabitur super colles, et fluent ad eum omnes gentes. Isaie, c. 11, v. 2

à toute la terre (1); un royaume qui doit durer éternellement (2). C'est, suivant les livres saints, une cité qui, étant placée sur la · hauteur, ne peut être cachée (3); un tribunal suprême dont les décisions font loi (4); une société où il y a des pasteurs et des docteurs, chargés d'un ministère public pour l'édification du corps de Jésus-Christ (5), qui est l'Église (6), contre laquelle les portes de l'enfer ne prévaudront point (7); un troupeau confié à la sollicitude des évêques, établis par l'Esprit Saint pour youverner l'Église de Dieu (8), précher l'Evangile à toute créature (9), enseigner tous les peuples, baptiser, et administrer les autres sacrements. « Allez, dit Notre-Seigneur à ses apòtres; en<< seignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du . Fils, et du Saint-Esprit, et leur apprenant toutes les choses que « je vous ai commandées. Et voici que je suis avec vous tous les « jours, jusqu'à la consommation des siècles (10). » Le ministère de la prédication et des sacrements, dans les apôtres et leurs successeurs, pour tous les jours, jusqu'à la fin des temps, entraîne nécessairement la visibilité perpétuelle, constante, indéfectible de l'Église. Tout, dans l'Écriture, suppose que l'Église est une société visible et permanente, qui doit durer autant que le monde ; et c'est ainsi qu'on l'a toujours entendu dans le christianisme, Nous pourrions citer les écrits de saint Augustin contre les donatistes, qui prétendaient que l'Église n'était visible que dans la partie de l'Afrique qu'ils occupaient (11); saint Jérôme, qui nous représente l'Église comme fondée sur la pierre, et ne pouvant être ébranlée

(1) Abscissus est lapis de monte sine manibus, et percussit statuam in pedibus ejus.... et factus est mons magnus, et implevit omnem terram. Daniel, c. 11, v. 34 et 35. — (2) Suscitabit Deus cœli regnum quod in æternum non dissipabitur; et regnum ejus alteri populo non tradetur.... et ipsum stabit in æternum. Ibidem, v. 44. — (3) Vos estis lux mundi; non potest civitas abscondi supra montem posita. Saint Matthieu, c. v, v. 14. — (4) Si Ecclesiam non audierit, sit tibi sicut ethnicus et publicanus. Ibidem, c. xvш, v. 17. — (5) Ipse dedit quosdam quidem apostolos, quosdam autem prophetas, alios vero evangelistas, alios autem pastores et doctores, ad consummationem sanctorum, in opus ministerii, in ædificationem corporis Christi. Epitre aux Éphésiens, c. iv, v. 11 et 12. — (6) Pro corpore ejus (Christi), quod est Ecclesia. Épit. aux Colossiens, c. 1, v. 24. —(7) Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; et portæ inferi non prævalebunt adversus eam. Saint Matthieu, c. XXVI, v. 18. – (8) Attendite vobis et universo gregi, in quo vos Spiritus Sanctus posuit episcopos regere Ecclesiam Dei. Actes des apótres, c. xx, v. 28. (9) Prædicate Evangelium omni creaturæ. Saint Marc, c. XVI, v. 15. — (10) Voyez le texte au no 833, note 1. (11) Liv. 1, contre Pélilien; Traité 1 sur l'Épit. I de saint Jean, et alibi.

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