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123. Prétendez-vous qu'un fourbe ait pu altérer tous ces manuscrits ? Mais il faudrait pouvoir marquer l'époque de cette altération. Direz-vous que personne ne se sera aperçu de la fraude? Mais cela était-il possible, surtout s'il s'agit d'un livre extrêmement répandu, si ce livre intéresse des nations entières, s'il se trouve la règle de leur conduite? Serait-il possible à un homme, quelque puissant qu'il fût, de défigurer les vers de Virgile, ou de changer les faits intéressants de l'histoire romaine, que nous lisons dans Tite-Live et dans les autres historiens? Fût-on assez adroit pour altérer en secret toutes les éditions et tous les manuscrits, ce qui est impossible, on découvrirait toujours l'imposture, parce qu'il faudrait de plus altérer la mémoire chez les hommes: ici la tradition orale défendrait la vérité de l'histoire. On ne saurait tout d'un coup faire changer les hommes de croyance sur certains faits. Il faudrait encore de plus renverser les monuments; car les monuments assurent la vérité de l'histoire, ainsi que la tradition orale. Aussi ne peut-on indiquer aucun livre de quelque importance qui ait été altéré de façon à ce que les différentes copies se contredisent sur les faits essentiels, au point qu'il soit impossible de remonter à l'original. Tous les manuscrits et toutes les éditions de Virgile par exemple, de Cicéron, de Salluste et de Tacite, se ressemblent, à quelque différence près. On peut dire de même de tous les livres (1): on peut le dire principalement des livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, qui intéressent au plus haut point les Juifs et les chrétiens. Cependant nous ne nous en tiendrons pas là.

ARTICLE I.

De l'intégrité du Pentateuque.

124. Forcés de reconnaître Moyse pour auteur du Pentateuque, quelques incrédules se bornent à soutenir que ce livre n'est pas aujourd'hui tel qu'il est sorti de la plume du législateur des Hébreux, et que les faits merveilleux que nous y lisons y ont été ajoutés par une main plus récente. Mais, indépendamment des considérations générales qui rendent impossible l'altération d'un livre de cette nature, nous ajouterons que les mêmes raisons qui prouvent l'authenticité du Pentateuque prouvent également son intégrité.

(1) Encyclopédie du xvine siècle, art. Certitude.

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SI. Preuve de l'intégrité du Pentateuque par la croyance générale des Juifs.

125. L'authenticité des livres de Moyse nous est constatée par la foi publique et la tradition constante des Juifs. Or, ce même témoignage nous en garantit l'intégrité. En effet, de tout temps la nation juive a été persuadée qu'elle avait entre les mains le Pentateuque tel qu'il a été écrit par Moyse, et qu'il a été transmis de siècle en siècle, de génération en génération, sans souffrir aucune altération quant à la substance des faits, des dogmes et de la morale. C'est un fait qu'on ne révoque point en doute. Et remarquez qu'il ne s'agit pas d'un livre sans intérêt, mais bien d'un livre qui contient l'histoire de la nation; du livre de la loi, qui renferme la constitution politique et religieuse des Hébreux; d'un livre dont Moyse avait fait placer l'original dans l'arche d'alliance; d'un livre que les prêtres et les lévites étaient chargés de lire au peuple assem blé, à des temps marqués, et qu'ils devaient eux-mêmes étudier jour et nuit, afin de s'instruire et de se pénétrer de l'importance de leurs fonctions; d'un livre où les princes et les rois devaient apprendre la jurisprudence, où les pères de famille trouvaient la généalogie de leurs ancêtres, et les citoyens les titres de leurs possessions.

126. Or, nous le demandons, comment pourra-t-on s'assurer de l'intégrité d'un livre quelconque, si on ne s'en rapporte pas au témoignage d'une nation tout entière, touchant l'intégrité d'un livre comme celui dont il s'agit? Quel est le livre qu'on puisse désormais regarder comme pur et exempt d'altération, si on refuse de reconnaître l'intégrité du Pentateuque? Craignez-vous qu'un faussaire ait trompé la vigilance des musulmans pour ce qui tient à l'Alcoran, et des autres nations pour ce qui regarde les livres qui les intéressent le plus? Non, il n'était point au pouvoir d'un fourbe, fût-il le plus puissant monarque du monde, d'anéantir ou de corrompre tous les exemplaires des livres de Moyse, à moins qu'il n'eût anéanti la nation tout entière. L'altération du Pentateuque ne pouvait évidemment s'opérer à l'insu du peuple, des magistrats, des prêtres et des lévites : d'ailleurs, ils étaient tous souverainement intéressés à réclamer contre la moindre innovation. On ne peut donc accuser la nation de s'être prêtée aux vues d'un imposteur, et d'avoir favorisé l'altération de ses livres. Quel eût été le but et le motif d'une aussi lâche complaisance? A-t-on jamais vu tout

un peuple concourir à se tromper lui-même et à tromper la postérité en falsifiant les titres sacrés de sa religion, en inventant des fables et des faits déshonorants pour lui, comme il s'en trouve dans le Pentateuque? Si les Juifs croyaient à leur religion, ils n'ont pu approuver ni souffrir l'altération des livres de Moyse; s'ils n'y croyaient pas, ce n'est point en laissant insérer dans ces livres des miracles inventés à plaisir, qu'ils auraient pu se convaincre, ni eux ni leurs enfants, de la mission divine de leur législateur (1).

SII. Preuve tirée de l'impossibilité de toute altération.

127. Ou le Pentateuque est pur, entier, tel, quant au fond, qu'il a été rédigé par Moyse; ou il a été altéré. Or, cette seconde hypothèse n'est point admissible. D'abord, on ne se persuadera point qu'il se soit rencontré quelqu'un assez hardi pour former le projet de corrompre les livres de Moyse, et d'y insérer des prodiges inconnus jusqu'alors: et si on l'eût tenté, la fraude n'eûtelle pas été repoussée avec indignation par les prêtres, par les magistrats, par tout le peuple, qui n'aurait jamais permis qu'on introduisît aucune nouveauté dans la religion de ses pères? D'ailleurs, a quelle époque fera-t-on remonter l'altération du Pentateuque? A qui l'attribuera-t-on? A Esdras, répondent les incrédules: si, après le retour du peuple juif de la captivité de Babylone, Esdras n'a pu fabriquer les livres de Moyse, il a pu du moins les altérer, disentils, en y insérant les miracles et les prédictions qui les font passer pour divins. Mais une altération aussi grave se conçoit-elle plus facilement que la supposition du Pentateuque? Non : il n'était pas plus facile à Esdras de corrompre ce livre, que de le forger sous le nom du législateur des Hébreux; il ne pouvait y porter atteinte qu'en altérant en même temps les livres de Josué, des Juges, des Rois, des Prophètes, tous les autres livres de la nation; car tous ces livres tiennent à ceux de Moyse comme l'édifice au fondement. 128. Les miracles et les prédictions sont tellement répandus ⚫ dans tous ces livres, comme le dit Bossuet, sont tellement incul«qués et répétés si souvent, avec tant de tours divers et une si « grande variété de fortes figures, en un mot, en font tellement « tout le corps, qu'il faut n'avoir jamais seulement ouvert ces saints • livres, pour ne voir pas qu'il est encore plus aisé de les refondre, « pour ainsi dire, tout à fait, que d'y insérer les choses que les in

(1) Duvoisin, Autorité des livres de Moïse, part. 1, ch. vi

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« crédules sont si fâchés d'y trouver. Et quand même on leur au« rait accordé tout ce qu'ils demandent, le miraculeux et le divin « est tellement le fond de ces livres, qu'il s'y retrouverait encore, « malgré qu'on en eût. Qu'Esdras, si on veut, y ait ajouté après « coup les prédictions des choses déjà arrivées de son temps: celles « qui se sont accomplies depuis, par exemple sous Antiochus et les « Machabées, et tant d'autres que l'on a vues, qui les aura ajou«tées? Dieu aura peut-être donné à Esdras le don de prophétie, afin que l'imposture d'Esdras fût plus vraisemblable; et on aimera <«< mieux qu'un faussaire soit prophète, qu'Isaïe, ou que Jérémie, ⚫ ou que Daniel : ou bien chaque siècle aura porté un faussaire heu« reux, que tout le peuple en aura cru; et de nouveaux imposteurs, « par un zèle admirable de religion, auront sans cesse ajouté aux « livres divins, après même que le canon en aura été clos, qu'ils « se seront répandus avec les Juifs par toute la terre, et qu'on les « aura traduits en tant de langues étrangères. N'eût-ce pas été, à « force de vouloir établir la religion, la détruire par les fondements? Tout un peuple laisse-t-il donc changer si facilement ce qu'il croit être divin, soit qu'il le croie par raison ou par erreur? Quelqu'un « peut-il espérer de persuader aux chrétiens, ou même aux Turcs, d'ajouter un seul chapitre ou à l'Évangile, ou à l'Alcoran (1) ? » 129. D'ailleurs, supposons par impossible qu'Esdras, de concert avec les prêtres, les lévites, les magistrats, avec tout le peuple, ait altéré le Pentateuque; qu'il y ait ajouté les prodiges qui établissent la mission divine de Moyse: n'eût-il pas été naturel d'en retrancher en même temps les murmures, les infidélités, les crimes des Juifs, et les châtiments dont ils ont été si souvent punis de Dieu ? Nous eût-on représenté ce peuple comme indocile, ingrat, retombant dans l'idolâtrie, malgré les bienfaits dont il a toujours été comblé d'en haut? C'eût été un moyen de trouver grâce auprès de la nation et de la rendre complice de l'imposture, si toutefois une nation tout entière pouvait entrer dans un aussi étrange complot. Cependant il n'en a pas été ainsi : on retrouve dans le Pentateuque les murmures et l'incrédulité des Juifs, les faits les plus déshonorants pour la nation. Ce livre n'a donc réellement souffert aucune altération essentielle.

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130. Enfin, si Esdras ayant toujours, si on veut, le peuple pour lui, avait inséré dans les livres de Moyse les miracles que nous y lisons, on ne les trouverait que dans le Pentateuque des Juifs;

(1) Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, part. 11, chap. xxvII.

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leurs exemplaires ne seraient point, quant au fond, conformes au Pentateuque des Samaritains: loin d'adopter les additions d'Esdras, les Samaritains n'eussent pas manqué de le traiter de faussaire, et de reprocher ces altérations aux Juifs, dont ils étaient les ennemis déclarés. Cependant le Pentateuque des Samaritains et celui des Juifs nous offrent une conformité parfaite pour la substance du texte : nous y lisons les mêmes faits, les mêmes prodiges, les mêmes dogmes, tels que nous les lisons dans la version des Septante et dans la Vulgate de l'Église latine. Donc, encore une fois, il est impossible que le Pentateuque ait été altéré par Esdras; donc il est arrivé jusqu'à nous tel qu'il est sorti des mains de

son auteur.

SIII. Des difficultés contre l'intégrité du Pentateuque.

131. On dit qu'il y a des altérations dans le texte du Pentateuque; que l'hébreu diffère du samaritain, et que les anciennes versions ne s'accordent pas entre elles. On en convient: mais les variétés qu'on nous objecte sont-elles substantielles? On ne le prouve point, et on serait fort embarrassé de le prouver. En effet, les variantes qui se rencontrent dans les différents textes et les différentes versions du Pentateuque n'en attaquent pas la substance; elles sont du genre de celles que nous offrent tous les anciens livres, ceux même dont la pureté n'a pas souffert d'altération. Il est constant que de toutes les versions et de tout texte, quel qu'il soit, il en revient toujours les mêmes lois, les mêmes miracles, les mêmes prédictions, la même suite d'histoire, le même corps de doctrine, la même substance enfin, comme le dit Bossuet : En quoi, continue-t-il,

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« nuisent après cela les diversités des textes? Que nous fallait-il ⚫ davantage que ce fond inaltérable des livres sacrés, et que pou« vions-nous demander de plus à la divine Providence? Et pour « ce qui est des versions, est-ce une marque de supposition ou de « nouveauté, que la langue de l'Écriture soit si ancienne qu'on en « ait perdu les délicatesses, et qu'on se trouve empêché à en rendre a toute l'élégance ou toute la force dans la dernière rigueur? N'est-ce ⚫ pas plutôt une preuve de la plus grande antiquité? Et si on veut « s'attacher aux petites choses, qu'on me dise si de tant d'endroits " où il y a de l'embarras, on en a jamais rétabli un seul par rai« sonnement ou par conjecture. On a suivi la foi des exemplaires; et ⚫ comme la tradition n'a jamais permis que la saine doctrine pût « être alterée, on a cru que les autres fautes, s'il y en restait, ne

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