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Aussi Dieu ne manqua-t-il point de glorifier son humble serviteur. A peine Benoit-Joseph Labre eut-il rendu le dernier soupir, le Mercredi-Saint seize avril 1783, après quelques heures de maladie, que le bruit de sa sainteté, déjà connue de plusieurs personnes, se répandant par toute la ville, on accourut dans la maison où il était mort. On le transporta dans une église voisine, où, pendant quatre jours, une foule immense assiégeait son cercueil, voulait baiser ses pieds et voir cet homme de Dieu. On l'invoquait, on recherchait tout ce qui avait été à son usage. Plusieurs miracles opérés par son intercession furent confirmés par des informations juridiques. Le vingt avril, dimanche de Pâques, on l'enterra après avoir reconnu que son corps était aussi sain et aussi flexible qu'au moment de sa mort. Des prodiges continuèrent à s'opérer sur son tombeau. On accourait des différentes parties de l'Italie pour obtenir de ce pauvre volontaire des grâces spirituelles, ou la guérison de différents maux ; et Dieu se plaisait à faire éclater la gloire de son serviteur, par les faveurs signalées qu'il accordait à son intercession. En attendant que la cause de la béatification de Benoit-Joseph Labre ait été instruite avec les délais prescrits et les formalités ordinaires, le titre de vénérable lui a été donné par un décret de la congrégation des rites.

Cependant M. Thayer, encore ministre puritain, se moquait du nouveau saint et de ses miracles. Comme le nombre et le poids des témoignages croissaient néanmoins chaque jour, il crut enfin devoir examiner la chose par lui-même. Il interrogea les personnes guéries, leurs alentours, les médecins, et resta persuadé malgré lui que ces guérisons avaient quelque chose de surnaturel. Il se trouva dès-lors dans une situation des plus violentes : il voyait clairement la vérité de la religion catholique, mais il était retenu par mille préjugés dans la secte dont il était ministre. Dans ces circonstances, on lui donne à lire un petit livre, italien : Manifeste d'un cavalier chrétien converti à la religion catholique. L'auteur y raconte l'histoire de sa conversion, et discute brièvement les points controversés entre les catholiques et les protestants; le tout précédé de la prière suivante, pour implorer les lumières de l'EspritSaint.

<< Dieu de bonté, tout-puissant et éternel, père des miséricordes, sauveur du genre humain, je vous supplie humblement, par votre bonté souveraine, d'éclairer mon esprit et de toucher mon cœur, afin que, par le moyen de la foi, de l'espérance et de la charité véritables, je vive et je meure dans la vraie religion de JésusChrist. Je suis certain que, comme il n'y a qu'un seul Dieu, il ne

283 peut y avoir qu'une seule foi, une seule religion, une seule voie de salut, et que toutes les voies opposées à celle-ci ne peuvent conduire qu'à l'enfer. C'est cette foi, ô mon Dieu! que je recherche avec empressement pour l'embrasser et me sauver. Je proteste donc devant votre divine majesté, et je jure, par tous vos divins attributs, que je suivrai la religion que vous m'aurez fait connaître pour vraie, et que j'abandonnerai, quoi qu'il doive m'en coûter, celle où je reconnaîtrai des erreurs et de la fausseté. Je ne mérite pas, il est vrai, cette faveur, à cause de la grandeur de mes péchés, dont j'ai une profonde douleur, puisqu'ils offensent un Dieu si bon, si grand, si saint, si digne d'être aimé ; mais ce que je ne mérite pas, j'espère l'obtenir de votre infinie miséricorde, et je vous conjure de me l'accorder par les mérites du sang précieux qui a été répandu pour nous, pauvres pécheurs, par votre Fils unique JésusChrist, Amen. »

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M. Thayer ayant parcouru cette prière des yeux, n'osa d'abord la dire il désirait d'être éclairé, mais il craignait de l'être trop. Enfin il se jette à genoux, s'excite à réciter cette prière avec le plus de sincérité possible : la violente agitation de son âme se résout en une abondance de larmes. A peine a-t-il achevé la lecture du petit livre, qu'il s'écrie: Mon Dieu, je vous promets de me faire catholique? Et il tint parole. Sa conversion opéra un merveilleux changement dans tout son être. Il dit lui-même : « Les vérités que j'ai eu le plus de peine à croire sont celles qui me donnent aujourd'hui le plus de consolation. Le mystère de l'eucharistie, qui m'avait paru si incroyable, est devenu pour moi une source intarissable de délices spirituelles. La confession, que j'avais regardée comme un joug intolérable, me semble infiniment douce par la tranquillité qu'elle produit dans mon âme. Ah! si les hérétiques et les incrédules pouvaient sentir les douceurs que l'on goûte aux pieds des autels, ils cesseraient bientôt de l'être. »

Après sa conversion, M. Thayer revint en France, entra au séminaire, et reçut la prêtrise en 1787. En attendant une occasion favorable pour retourner en Amérique, il fit plusieurs voyages à Londres. La dernière fois il y demeura toute une année, dans le quartier où se retiraient les pauvres et les mendiants. Il devint comme leur curé, les prêchait dans une manufacture abandonnée qui lui servait d'église, en convertit un grand nombre du péché à la grâce, ou même de l'hérésie à la vraie foi. Il fonda pour eux deux écoles, vivait pauvrement comme eux aussi l'aimaient-ils à l'égal d'un père, et lui amenaient-ils chaque jour de nouvelles âmes à

convertir. Comme il était d'un caractère doux et aimable, plusieurs ministres protestants le fréquentaient, et prenaient des idées plus saines de la religion catholique.

M. Thayer arriva à Baltimore en 1790, lorsque Pie VI venait d'y instituer le premier évêque des Etats-Unis. Il se rendit ensuite à Boston, dans sa famille, qui le reçut avec beaucoup de joie. L'église de Boston ne comptait qu'une centaine de catholiques français, irlandais et américains. Grâce particulièrement au zèle du nouveau missionnaire, cette église naissante devint en peu d'années assez nombreuse pour être érigée en évêché. M. Thayer assista au synode de Baltimore en 1791, sous l'évêque Caroll. Dans le même temps, on vit entrer au séminaire de cette ville, pour se consacrer aux missions, un prince russe, Démétrius Gallitzin.

Chose merveilleuse! l'Angleterre catholique était encore opprimée par l'Angleterre protestante; et c'est dans ce moment même qu'elle enfante à Dieu l'église féconde des Etats-Unis ! Certainement Dieu ne laissera point ceci sans récompense.

Quant à l'Angleterre protestante, fondée comme elle est sur un principe de schisme, de dissolution et d'anarchie, elle verra toujours se produire plus effrayantes les conséquences de ce principe, jusqu'à ce que l'excès du mal lui fasse tourner ses regards vers l'Eglise romaine, pour y retrouver le principe de l'unité, de l'ordre et de la vie. Les funestes conséquences du protestantisme anglais sont avouées et déplorées par ses ministres eux-mêmes.

Latimer, qui écrivait sous Henri VIII et son successeur, disait dès lors : « La débauche se pratique en Angleterre d'une manière inconnue dans les autres parties du monde, et on en parle comme d'une chose de bon ton, d'une de ces bagatelles que personne ne songe à réformer. -Triste était alors (en 1700) l'état de la religion, nous dit le pasteur anglican Strype. Les ecclésiastiques s'emparaient de plusieurs bénéfices, sans résider dans aucune de leurs paroisses. La plupart aliénaient leurs biens et exigeaient des réversions de rentes sur la tête de leur femme et de leurs enfants. Parmi les laïques, quelques-uns vivaient sans assister à aucun service divin. Un grand nombre étaient tout-à-fait païens ou athées. Chez nous, dit l'évêque anglican Walton, tout le monde se croit docteur, tous reçoivent d'en haut leur enseignement... Le plus grand sot nous donne ses rêves pour la parole de Dieu; des sectes innombrables ont renouvelé toutes les anciennes hérésies, et inventé des opinions plus monstrueuses que celles émises jusqu'à nous. Les sectaires ont rempli nos villes, nos villages, nos églises et nos

chaires, et ils ont conduit le pauvre-peuple sur le seuil de la perdition 1. >>

Les misères physiques n'étaient pas moindres que la confusion intellectuelle. « Parcourez, disait l'anglican Fielding en 1755, certains quartiers de Londres, portez la vue dans la déplorable chaumière du pauvre le triste spectacle, le dégoûtant assemblage de toutes les misères humaines vous arrachera des larmes. Est-il possible de voir, sans la plus profonde compassion, des familles entières dépourvues de tout ce qui est nécessaire à la vie, transies de froid, épuisées de besoin, succombant sous la plus affreuse indigence, dévorées enfin de maladies, conséquences inévitables d'une si affligeante situation? Si l'on ressent si peu de compassion pour les pauvres, c'est que l'on craint plus le mal qu'ils font que celui qu'ils souffrent. C'est dans le fond de leurs cabanes que, plongés dans la fange et dans la misère, ils sont en proie à tous les tourments de la faim, du froid et des maladies. Mais c'est au milieu de la société qu'ils vont mendier et assiéger le riche par leurs importunités ; c'est au milieu du public qu'ils exercent leurs rapines et leurs vols. Il n'y a pas dans tout l'arrondissement de Westminster une paroisse qui ne paie chaque année une somme considérable pour les pauvres, et, nonobstant, on ne citerait pas une seule rue qui ne fourmille, le jour, de mendiants; la nuit, de voleurs... >>

« Les maux que déplorait Fielding, nous dit John Hill vers la fin du même siècle, se sont extrêmement multipliés et aggravés depuis. Les besoins et les calamités du pauvre vertueux, la conduite dépravée et l'indolence vicieuse du pauvre fripon, l'accroissement des uns et des autres, les dépenses immenses pour les secourir, sont des maux qui ne furent jamais si généralement sentis, déplorés avec tant de force que dans l'époque actuelle. » John Musson Good s'écrie: « C'est une chose déplorable, mais généralement reconnue, que, quoiqu'aucun pays d'Europe ne soit assujéti à la moité des taxes énormes qui pèsent sur la Grande-Bretagne pour le soulagement des pauvres, qu'aucun ne présente la moitié autant d'institutions de bienfaisance, dont le but est de leur porter secours, néanmoins il n'est aucun pays où les pauvres soient si nombreux et si malheureux. » Dans sa lettre à l'évêque anglican de Durham, Bernard dit : « La taxe des pauvres est le baromètre qui marque, au mépris de la plus brillante apparence de notre prospérité, les progrès de notre faiblesse intérieure; et plus notre industrie et nos manufactures s'étendent, plus notre commerce se répand sur le

• Mouvement religieux en Angleterre. Paris, 1844, p. 2 et 3.

globe, plus l'énormité de la taxe devient colossale. Elle s'accroît avec notre accroissement, elle grandit avec notre force, parce que ses racines ont pénétré jusque dans la source vitale de notre existence et de notre prospérité. Enfin, c'est un fait constant que le tiers de la population anglaise est à la mendicité, et par là même à la charge des deux autres.

Et ceux qui déploraient ces maux ne remontaient pas encore à la cause pour trouver le remède. En 1710, le clergé anglican, sur les ordres de la reine-papesse Anne, examina l'état de la religion en Angleterre. Il signale avec beaucoup de force les progrès de l'antichristianisme, de l'athéisme même. Les principaux ennemis de la foi chrétienne étaient lord Shaftesbury, qui avait pris des leçons de Locke et de Bayle; Whiston, prêtre anglican, qui nonseulement niait, mais combattait avec fureur la divinité de JésusChrist, et se déclarait ainsi formellement antechrist. Le clergé anglican condamna les ouvrages de Whiston, mais il épargna ceux de Clarke, qui enseignait la même impiété. En revanche, on provoqua des mesures contre les catholiques, qui seuls pouvaient, sans inconséquence, combattre toutes les erreurs, parce qu'ils ont conservé toutes les vérités 2. Henri Dodwell, autre ministre anglican, homme érudit, mais paradoxal, écrivit pour soutenir qu'il y avait eu peu de martyrs dans les premiers siècles du christianisme; que l'âme de l'homme est mortelle de sa nature, et ne devient immortelle que grâce à un certain baptême conféré par les évêques. Son fils attaqua ouvertement le christianisme. Un autre ministre anglican, Thomas Burnet, attaquait l'éternité des peines. Le ministre Wollaston n'était guère plus chrétien, non plus que Middleton. Prideaux, auteur d'une histoire des Juifs, écrivait contre les précédents, mais aussi contre les catholiques. Daniel Whitby fit de même, mais finit par rétracter ce qu'il avait écrit contre les nouveaux ariens, et par penser comme eux. Hoadly, évêque anglican de Winchester, Kennet, évêque anglican de Peterborough, en niant la trinité des personnes divines et la divinité de Jésus-Christ, soutinrent nettement que dans l'Eglise il n'y a d'autre autorité spirituelle que celle du magistrat séculier: controverse qui partagea le clergé anglican en deux camps hostiles. Clayton, évêque anglican de Clogher, et Rundle, évêque anglican de Derry, en Irlande, se montraient ariens comme Hoadly. Cet antichristianisme paraît même avoir dominé dans l'église anglicane pendant le dix-huitième siècle : c'est-à-dire que les évêques et les prêtres anglicans

' Mouvement religieux en Angleterre, p. 4-6. — Picot. Mémoires, an 1710.

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