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tote, différant quelquefois dans les mots, sont d'accord pour le fond, et que l'ensemble de leur doctrine forme une espèce de trinité dans laquelle se réunissent les philosophies anciennes. Thalès et les philosophes d'Ionie s'étaient adonnés spécialement aux connaissances physiques, Pythagore et les philosophes d'Italie aux connaissances intellectuelles, Socrate aux connaissances morales. Les anciens Grecs entendaient par physique l'ensemble de tout ce qui existe. La philosophie de Thalès s'occupait ainsi de l'être, celle de Pythagore du vrai, celle de Socrate du bien. Platon et Aristote les réunissent toutes les trois, et, comme l'ont remarqué Cicéron et saint Augustin, elles se trouvèrent une espèce de trinité dont le docteur chrétien fait voir la profonde justesse1. Dieu est par son essence, il se connaît, il s'aime : Dieu est l'être suprême, la vérité, le bien. Dieu s'est manifesté par la création: un vestige de sa triple splendeur est empreint partout une image de cette triple splendeur reluit dans l'homme. L'homme est, il connaît, il aime. Toutes ses connaissances se rapportent à ces trois ordres: connaître la nature des êtres, connaissances naturelles dans le sens le plus large; connaître la vérité et les moyens de s'en assurer, connaissances logiques ou rationnelles; connaître le bien et les règles pour y parvenir, connaissances morales. Et ces trois sortes de connaissances ne sont qu'une seule et même sagesse ; parce que la vérité n'est que l'être en tant qu'objet de l'intelligence, le bien n'est que l'être en tant qu'objet de la volonté; et parce que la source de tout être, de toute vérité, de tout bien, est Dieu.

:

Pline l'ancien présentait une autre encyclopédie chez les Latins. Des encyclopédies abrégées furent écrites par Boèce, Cassiodore et saint Isidore de Séville. Enfin, au treizième siècle, les Franciscains Roger Bacon et saint Bonaventure, les Dominicains saint Thomas, Albert le Grand et Vincent de Beauvais dressèrent de nouveau, avec la netteté et la précision d'Aristote, l'état général des sciences, telles qu'elles étaient alors, y compris les sciences naturelles et historiques. Le Dominicain Vincent de Beauvais exécuta lui seul, sous le nom de Bibliothèque du monde ou de Miroir général, une encyclopédie tout entière, qui, pour la beauté de l'ensemble et l'intérêt des détails, n'a pas encore été surpassée ni même égalée. Elle a trois grandes divisions: nature, doctrine, histoire, sous les titres de miroir naturel, miroir doctrinal, miroir historique, dans lesquels se réfléchissent, sous divers aspects, la grandeur de Dieu et sa provi

'Cicéron. Acad. quæst., 1. 1. Aug. de civit. Dei, 1. 8, c. 4 et seqq; 1. 44,

c. 25.

dence; ce qui des trois miroirs ne fait qu'un miroir général et une véritable bibliothèque du monde.

L'encyclopédie des incrédules modernes ressemble au chaos pour la confusion et les ténèbres : c'est une masse informe d'éléments disparates on n'y voit qu'une chose bien claire, c'est l'envie de renier Dieu et sa religion. Telle est l'idée que nous en donnent les architectes eux-mêmes. Il y en a trois principaux : Voltaire, d'Alembert et Diderot. D'Alembert a fait le frontispice ou la préface : Diderot était l'entrepreneur général de l'œuvre. Fils d'un coutelier de Langres, sans études suivies, il finit par être un franc athée et un grossier matérialiste. Dans un petit poème, il mit ainsi en vers le vœu cité plus haut de Voltaire :

Et ses mains ourdiraient les entrailles du prêtre,
A défaut de cordon, pour étrangler les rois.

Diderot compila au moins un tiers de l'Histoire philosophique des établissements et du commerce des Européens dans les DeuxIndes, par Raynal, ex-jésuite, puis mauvais prêtre, enfin écrivain déclamateur et anarchiste. Diderot fit encore une bonne part du Système de la nature, par d'Holbach, baron allemand, matérialiste et athée, donnant à dîner tous les dimanches à une bande d'incrédules qui lui aidaient à compiler en français des livres impies. Tel était Diderot, le grand architecte de l'encyclopédie. Les premiers volumes excitèrent de violentes réclamations, l'impression fut suspendue en 1752; le privilége d'imprimer fut révoqué l'an 1759. Mais ce n'était que pour la forme. L'ouvrage continua de s'imprimer à Paris, d'une manière soi-disant clandestine et sans être soumis à aucune censure. Ce fut alors que l'encyclopédie devint de plus en plus hardie. Plusieurs des coopérateurs se retirèrent, entre autres d'Alembert. Diderot resta seul, et il avoue lui-même qu'il prit de toute main pour, achever l'ouvrage. Sa fougue irreligieuse prit dèslors un essor que rien n'arrêtait, et l'encyclopédie, comme il dit lui-même, devint un gouffre où des espèces de chiffonniers jetèrent pêle-mêle une infinité de choses mal vues, mal digérées, bonnes, mauvaises, détestables, vraies, fausses, incertaines, et toujours incohérentes et disparates. Voilà l'éloge qu'en faisait le naïf éditeur. Voltaire était du même avis. Cet édifice, écrivait-il au comte d'Argental, en parlant de l'encyclopédie, est bâti moitié de marbre, moitié de boue. Je me flatte, écrivait-il à Diderot, que vous ne souffrirez plus des articles tels que celui de femme, de fat, ni tant de vaines déclamations, ni tant de puérilités et de

lieux communs sans principes, sans définition, sans instruction. Le même marquait à d'Alembert: Laissera-t-on subsister dans l'encyclopédie des exclamations ridicules ? Déshonorera-t-on un livre utile par de pareilles pauvretés? Laissera-t-on subsister cent articles qui ne sont que des déclamations insipides, et n'êtesvous pas honteux de voir tant de fange à côté de votre or pur? Enfin d'Alembert lui-même disait dans la réponse à cette lettre, le vingt-deux février 1770 : L'encyclopédie est un habit d'arlequin, où il y a quelques morceaux de bonne étoffe et trop de haillons. Telle était l'idée que les faiseurs de l'ouvrage en avaient conçue.

Son grand mérite, à leurs yeux, c'était d'attaquer le christianisme, au moins par des voies indirectes. Diderot lui-même annonce expressément cette marche, article encyclopédie. « Toutes les fois, par exemple, disait-il, qu'un préjugé national mériterait du respect, il faudrait, à son article particulier, l'exposer respectueusement et avec tout son cortège de vraisemblance et de séduction; mais renverser l'édifice de fange, dissiper un vain amas de poussière, en renvoyant aux articles où des principes solides servent de base aux vérités opposées. Cette manière de détromper les hommes opère très-promptement sur les bons esprits. »

L'encyclopédie était donc un corps de bataille, dirigé contre Dieu et son Eglise. Cette guerre impie, les magistrats français se donnaient quelquefois l'air de vouloir la réprimer; mais au fond ils y poussaient, ils y travaillaient eux-mêmes, non-seulement par leurs persécutions contre les évêques et les prêtres fidèles, mais encore par des écrits peu dignes de la gravité et de la maturité qu'on suppose dans un magistrat. Ainsi le président Dupaty, au parlement de Bordeaux, a laissé des Lettres sur l'Italie remplies d'impostures et d'un fanatisme d'irreligion telle, qu'il va jusqu'à regretter les divinités et les impuretés païennes 1.

Le président Montesquieu, au même parlement, mort en 1755, publia d'abord une satire, Lettres persanes, où les choses les plus saintes ne sont pas plus épargnées que les vices, les travers, les ridicules, les préjugés et la bizarrerie des Français. Ses Considérations sur la cause de la grandeur et de la décadence des Romains offrent du bon, mais paraissent tirées en partie d'un ouvrage anglais qu'il ne cite pas. Le principal ouvrage de Montesquieu est intitulé : De l'esprit des lois : il eût été intitulé beaucoup mieux: De l'esprit sur les lois. Cette remarque, déjà faite de son temps, n'en est pas moins juste.

Feller. Dict. histor.

Nous avons vu trois des plus beaux génies de l'antiquité, Confucius parmi les Chinois, Platon parmi les Grecs, Cicéron parmi les Romains, chercher et trouver l'esprit ou la raison des lois générales dans la fin ou la destinée divine de l'homme. Nous les avons vus chercher même, l'un après l'autre, quel devait être un gouvernement, une société, pour atteindre à la perfection, Or, ce que dans cette vue, Confucius, Platon et Cicéron ont imaginé de plus parfait, nous le voyons réalisé dans Moïse et dans le Christ, autrement dans l'Eglise catholique. C'est donc là seulement qu'on peut bien apprécier l'esprit bon ou mauvais des lois diverses.

Dans son premier livre des lois, Cicéron dit que, pour établir le droit, il faut remonter à cette loi souveraine, qui est née tous les siècles avant qu'aucune loi eût été écrite, ni aucune ville fondée. Pour y parvenir, il faut croire avant tout que la nature entière est gouvernée par la divine Providence, que l'homme a été créé par le Dieu suprême, et que par la raison il est en société avec Dieu. Cette raison commune à Dieu et à l'homme, voilà la loi qui fait de cet univers une seule cité sous le Dieu tout-puissant 2. Où cette loi est méconnue, violée par la tyrannie d'un, de plusieurs ou de la multitude, non-seulement la société politique est vicieuse, il n'y a plus même de société. Cela est encore plus vrai d'une démocratie que de tout autre gouvernement 3.

Comparés à cette grande communion humaine, comme l'appelle Platon, à cette société universelle, qui seule a pour but les intérêts communs à tous les hommes, ce qu'on appelle des peuples et des nations n'apparaissent plus et ne sont plus en effet que des associations locales pour des intérêts matériels et particuliers. Les lois qu'ils font dans cette vue ne sont pas des lois proprement dites, mais de simples règlements. Car, dit Cicéron, ce que décrètent les peuples suivant les temps et les circonstances, reçoit le nom de loi plus de la flatterie que de la réalité. Quant aux décrets injustes, ajoute-t-il, ils ne méritent pas plus le nom de lois que les complots des larrons.

Dans cette divine constitution de l'humanité, la forme de gouvernement est telle que la souhaitaient Platon et Cicéron. Ils en distinguent trois : le gouvernement d'un seul, le gouvernement de quelques-uns, le gouvernement du grand nombre. Tous les trois sont bons, quand la loi véritable y est observée; quand elle ne

'L. 7 de cette histoire. 2 Cicer. de legib., 1. 1, n. 6, 15, édit. Lefebvre, 1825. 3 Cic. de repub., 1. 3, n. 25. Cic. de legib., 1. 2, n. 5. Plato. Minos.

TOME XXVII.

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l'est pas, tous les trois dégénèrent en tyrannie ou despotisme. Un quatrième leur paraît, surtout à Cicéron, infiniment préférable, comme réunissant les avantages des trois autres, sans leurs dangers : c'est une monarchie tempérée d'aristocratie et de démocratie. Or, tel est le gouvernement de l'Eglise catholique '.

Eh bien! pour l'esprit, l'ensemble et la perfection des lois, le président Montesquieu reste infiniment au-dessous des deux auteurs païens. Chez lui, nul ensemble, nulle suite, nul enchaînement. C'est un hachis de petites phrases, de petites pensées distribuées en petits chapitres, où bien souvent elles ne tiennent pas plus ensemble qu'un hachis de menues herbes distribuées par petites portions aux pensionnaires du couvent. On dirait un président qui, obligé de résumer une cause, n'en sait point exposer de suite, le commencement, le milieu et la fin, mais seulement émettre quelques phrases détachées. La Biographie universelle nous apprend qu'en effet telle était la difficulté de Montesquieu au parlement de Bordeaux, et que ce fut pour ce motif qu'il résigna ses fonctions et s'adonna uniquement aux lettres.

Ce que Platon et Cicéron avaient fort bien distingué, le gouvernement d'un seul, le gouvernement de quelques-uns, le gouvernement du grand nombre et l'abus de chacun de ces gouvernements, Montesquieu a eu l'adresse de l'embrouiller et d'y joindre une bévue. Il distingue le gouvernement d'un seul ou la monarchie, et le gouvernement du grand nombre ou la démocratie; puis il ajoute que quand, dans le grand nombre, on n'en prend qu'un petit, c'est l'aristocratie. Enfin il pose une troisième ou quatrième forme ou essence de gouvernement, le despotisme ou la tyrannie, qui n'est pas une forme, une constitution spéciale de gouvernement, mais l'abus commun des trois autres. Un écrivain qui se trompe à ce point, dès le début de son livre et dans la division même du sujet, ne peut guère inspirer de confiance pour le détail.

Le quinze mars 1767, Voltaire écrivait à l'avocat Linguet : « Je crois comme vous, monsieur, qu'il y a plus d'une inadvertance dans l'Esprit des lois. Très-peu de lecteurs sont attentifs; on ne s'est point aperçu que presque toutes les citations de Montesquieu sont fausses. Il cite le prétendu Testament du cardinal de Richelieu, et il lui fait dire au chapitre v, dans le livre in, que, s'il se trouve dans le peuple quelque malheureux honnête homme, il ne faut pas s'en servir. Ce Testamunt, qui d'ailleurs ne mérite pas la peine d'être cité, dit précisément le contraire, et ce n'est point au

'Cicer. de rep., 1. 1, n. 45. Plato. Politic. Bellarmin. de Romano Pont., l. 1.

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