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bâton, à la cangue, et confessèrent le nom de Jésus-Christ devant les juges. Leur courage consola de la faiblesse de ceux que la crainte avait portés à renoncer à leur foi. Mais la plupart de ces derniers lorsque l'orage fut passé, témoignèrent leur douleur et se soumirent à la pénitence qu'on leur imposa. Le calme revint de nouveau et les missionnaires reprirent peu à peu leurs pénibles fonctions. Il y avait bien encore de temps en temps quelques moments d'alarmes, qui obligeaient les chrétiens à de plus grandes précautions. Mais au milieu de ces alternatives d'inquiétudes et de repos, la foi continua de fleurir dans cet empire. Il y avait des provinces où elle se professait en toute liberté. Plusieurs mandarins la favorisaient, et quelques-uns étaient même chrétiens; ce qui n'étonnera pas quand on se rappellera qu'une branche presque entière de la famille impériale avait embrassé le christianisme plusieurs années auparavant, et avait été, pour cela même, exposée à une persécution au milieu de laquelle sa fidélité ne se démentit point1.

Le sept mars 1785, parut un édit de l'empereur de la Chine contre plusieurs missionnaires et chrétiens. Un orage violent s'était élevé l'année précédente contre les chrétiens de ce vaste empire. Quatre missionnaires européens venaient d'y entrer et passaient dans le Hou-Kouang, lorsqu'ils furent dénoncés par un Chinois qui avait renoncé à la foi et livrés aux mandarins. Ce fut là l'origine de la persécution. Les Chinois s'imaginèrent que les chrétiens pouvaient être d'intelligence avec des mahométans révoltés qui faisaient alors la guerre à l'empire. On les traita donc avec rigueur, on fit des recherches sévères, on arrêta un grand nombre de fidèles. Les gouverneurs mettaient tout en œuvre pour se saisir surtout des missionnaires. Malheureusement des lettres interceptées et quelques domestiques mis à la question avaient révélé le secret des missions et les moyens dont on se servait pour introduire et distribuer les prêtres dans les différentes parties de l'empire. On parvint donc à trouver plusieurs de ces derniers et on les fit passer à Péking. Trois évêques furent pris dès le commencement. C'étaient MM. Magi et Saconi, évêques de Miletopolis et de Domitopolis, et M. de Saint-Martin, évêque de Caradre, les deux premiers Italiens et le troisième Français. Celui-ci survécut à ses collègues, qui moururent en prison. D'autres missionnaires, européens et chinois, furent aussi arrêtés. Le sept mars, parut un édit qui condamnait six d'entre eux à une prison perpétuelle, quatre prêtres chinois à l'exil et trente-quatre chrétiens à l'exil, à la cangue et à diverses

'Picot. Mémoires, t. 2, an 1747.

autres peines. L'édit ordonnait en outre de nouvelles recherches et recommandait aux mandarins de forcer par les tourments les chrétiens d'apostasier. Les poursuites recommencèrent de nouveau. Tout était en alarmes. Les missionnaires fuyaient et se cachaient. Quelques-uns se déclarèrent eux-mêmes pour ne compromettre personne. Il arrivait des prisonniers à Péking de toutes les parties de l'empire, et les gouverneurs suivaient en beaucoup d'endroits les ordres de la cour avec une extrême vivacité. Quand on eut pris tous les missionnaires que l'on soupçonnait être en Chine, l'empereur donna, le neuf novembre, un second édit par lequel il leur faisait grâce de la peine de prison portée contre eux et leur donnait le choix de rester à Péking ou de se retirer à Macao. Mais il ne fut rien changé aux peines prononcées contre les Chinois, que l'on regardait comme bien plus coupables. On en envoya beaucoup en exil. Ceux d'entre eux que l'on soupçonna d'être prêtres furent encore moins ménagés, et quelques-uns moururent en exil. Quant aux missionnaires européens arrêtés, les uns, profitant de la permission de l'empereur, restèrent à Péking; les autres préférèrent de se retirer à Macao et ensuite à Manille, d'où ils espéraient trouver avec le temps quelque moyen de rentrer secrètement en Chine et de s'y donner au service des missions. L'évêque de Caradre y rentra en effet l'an 1787, et fut suivi de plusieurs de ses compagnons d'exil. Ils reprirent l'exercice de leurs fonctions avec les précautions convenables, et travaillèrent à fermer les plaies que le dernier orage venait de faire à cette mission. Il ne paraît pas que Kien-Long, qui ne mourut qu'en 1798, les ait troublés de nouveau, et, sauf peutêtre quelques alarmes passagères et quelques vexations locales, les missionnaires continuèrent paisiblement leur ministère et multiplièrent dans cette vaste contrée les adorateurs du vrai Dieu '.

L'empire d'Anam comprend le Tong-King et la Cochinchine. La foi avait été prêchée dès 1727, et, à travers une alternative de persécutions et de paix, elle n'avait pas laissé de faire de grands progrès. On y comptait, dit-on, jusqu'à deux cent mille chrétiens, conduits par différents ecclésiastiques et religieux, lorsqu'en 1696, et ensuite en 1712, deux édits arrêtèrent un peu ces progrès et obligèrent les missionnaires à se cacher ou même à sortir du pays. En 1721, la persécution recommença avec plus de force. On poursuivit les prêtres. Deux Jésuites, les pères Messari et Buccharelli furent arrêtés. Le premier mourut dans sa prison. Le second cut la tête tranchée le onze octobre 1723, avec neuf Tongkinois chrétiens

'Picot. Mémoires, t. 2, an 1785.

qui lui servaient de catéchistes. Plus de cent cinquante autres fidèles furent condamnés à une espèce d'esclavage. Cependant il paraît que le reste des chrétiens n'en fut point ébranlé et qu'ils conservèrent la foi au milieu des dangers et des mauvais traitements '.

Ils sentaient toutefois le besoin d'ouvriers évangéliques, quand six Jésuites tentèrent d'y aborder en 1736; mais quatre de ces religieux furent pris, interrogés et emprisonnés. Après neuf mois de prison, ils furent condamnés à être décapités. Ils subirent leur supplice avec la plus parfaite résignation. Leurs noms étaient Barthélemi Alvarez, Emmanuel de Abreu, Vincent d'Acunha et JeanGaspard Cratz, les trois premiers Portugais et le dernier Allemand. La persécution dura long-temps dans ce royaume ; mais on assure que la foi du plus grand nombre se soutint au milieu de ces épreuves". La persécution n'était pas encore apaisée en 1745. Deux Dominicains, les pères Gil de Fédéric et Mathieu-Alphonse Lézéniana furent arrêtés et eurent la tête tranchée le douze janvier, ou le vingt-deux, suivant une autre relation. Deux religieux dominicains, Hyacinthe Castanéda et Vincent Liène, le premier Espagnol et le second Tongkinois, furent encore décapités en 1773.

Cependant, vers l'an 1770 il y eut une révolution dans l'empire d'Anam. Le souverain légitime fut mis à mort par les rebelles, avec un de ses neveux. Un autre de ses neveux, Gia-Long, parvint à s'échapper de leurs mains et se réfugia auprès du chef des missionnaires catholiques, monseigneur Pigneau de Behaine, évêque d'Adran, et y resta caché pendant un mois. L'évêque, qui était de France, lui procura la protection de Louis XVI, lui amena les militaires français de l'Inde, qui lui formèrent une armée : il l'aida surtout de ses conseils et l'encouragea par son exemple. Enfin, l'an 1799, il lui fit assiéger et prendre une des principales villes, ce qui le rendit maître de tout l'empire. L'évêque mourut vers la fin de la même année. Ce fut un deuil général. Après les funérailles les plus magnifiques, le roi Gia-Long éleva un monument sur son tombeau et y établit à perpétuité une garde de cinquante hommes. En 1801, il permit aux chrétiens le libre exercice de leur religion dans tout son empire. En 1820, sur son lit de mort, il défendit strictement à Minh-Menh, son fils et son successeur, de jamais persécuter la religion chrétienne. Nous verrons plus tard comment ce fils, qui, dans la personne de son père, doit le trône aux chrétiens de France et aux chrétiens de son empire, a été reconnaissant envers les uns et les autres, et obéissant à son père.

'Picot. Mémoires, t. 1, an 1723. — 2 Ibid., t. 2, an 1737.

L'évêque d'Adran, Pierre-Joseph-Georges Pigneau de Behaine, naquit en décembre 1741, au bourg d'Origny, diocèse de Laon, d'une famille originaire de Vervins: il reçut sa première éducation au collège de Laon et la termina dans le séminaire dit de la SainteFamille ou des Trente-Trois, à Paris. Emporté par le désir de suivre la carrière des missions étrangères et craignant l'opposition de ses parents, il alla s'embarquer secrètement au port de Lorient, vers la fin de 1765, se rendit à Cadix et ensuite à Pondichéri, d'où il se proposait de passer en Cochinchine, pour se joindre aux autres missionnaires; mais il en fut empêché par la guerre civile, qui désolait ce pays, et alla attendre à Macao une occasion favorable. En 1767, il se réfugia dans l'île de Hon-dat, province de Kan-kao, près du Camboge. Pigneau se livra dans cette retraite à l'étude de la langue cochinchinoise; et, appelant auprès de lui quelques jeunes Siamois, Cochinchinois et Tongkinois, il les instruisit des vérités de la religion et se prépara lui-même à braver tous les dangers qu'offrait son périlleux apostolat. Le collége général des Missions, établi à Siam, venait d'être transféré à IIon-dat, à cause de l'invasion du royaume de Siam par les Birmans. Pigneau en fut établi supérieur par Piguel, évêque de Canathe, vicaire apostolique de la Cochinchine. Accusé auprès du gouverneur de Kan-kao d'avoir donné asile à un prince fugitif de Siam et de l'avoir fait passer à la cour du roi de Camboge, Pigneau fut arrêté par ordre de ce gouverneur, qui le fit mettre en prison (1768), avec un autre missionnaire français et un prêtre chinois, et les condamna en outre au supplice de la cangue celles dont les trois missionnaires furent chargés étaient si pesantes qu'ils tombèrent tous malades. La résignation qu'ils montraient au milieu de ces tribulations et la preuve qu'on acquit qu'ils étaient innocents leur fit obtenir la liberté, après trois mois de détention.

Sur la fin de 1769, une sédition s'étant élevée à Kan-kao, Pigneau s'enfuit avec ses élèves à Pondichéri. L'année suivante, le Pape le nomma évêque d'Adran in partibus et coadjuteur de l'évêque de Canathe. Ce prélat étant mort en 1771, Pigneau lui succéda comme vicaire apostolique. En 1774, il se rendit à Macao, puis au Camboge, d'où il entra dans la basse Cochinchine, qui était à cette époque en proie à la guerre civile. Les rebelles, connus sous le nom de Tayson, avaient fait prisonnier le roi légitime et son neveu, qui lui avait succédé, et les avaient fait périr. Mais Gia-Long, frère cadet de ce dernier, et qui avait été arrêté comme lui, parvint à s'échapper, resta un mois caché dans la maison de l'évêque d'Adran et profita de l'éloignement des Tay-son pour sortir de sa retraite et rassembler

quelques soldats. Son parti grossissant de jour en jour, il se vit bientôt maître de toute la basse Cochinchine et fut proclamé roi en 1779. Ce souverain, qui n'avait point oublié le dévouement que lui avait montré l'évêque d'Adran, appela ce prélat à sa cour, et il ne faisait rien sans le consulter. On voit, dans un passage du troisième voyage du capitaine Cook, livre vi, que l'évêque d'Adran jouissait, dès 1778, d'une grande autorité à la Cochinchine. Ce célèbre navigateur dit qu'il envoya à ce prélat un télescope, pour le remercier des secours qu'il avait fait donner à son équipage.

Mais en 1782, le chef des rebelles, qui avait usurpé le titre d'empereur, pénétra dans les provinces méridionales et força le roi légitime à prendre de nouveau la fuite. L'évêque d'Adran fut également obligé d'abandonner la Cochinchine et de se retirer au Camboge, avec le collége dont il avait conservé la direction et deux Franciscains espagnols. La guerre, accompagnée de la famine et de maladies, dura plusieurs années pendant lesquelles le roi éprouva presque toujours des pertes, et l'évêque eut à souffrir bien des maux. Au milieu de janvier 1784, sur les frontières du royaume de Siam, on annonça à l'évêque que le roi de Cochinchine n'était qu'à une portée de canon. Il se rendit aussitôt auprès de ce prince, qu'il trouva dans le plus pitoyable état, n'ayant avec lui que six ou sept cents soldats, un vaisseau et une quinzaine de bateaux, sans aucun moyen de nourrir le petit nombre d'hommes qui l'accompagnaient et qui étaient réduits à manger des racines. L'évêque d'Adran lui donna une partie de ses provisions. Vers la fin de l'année, il le vit une seconde fois, plus découragé encore. Les Siamois, ses alliés, sous prétexte de le rétablir dans ses états, n'avaient cherché qu'à se servir de son nom pour piller ses sujets. Dans le désespoir où ses revers l'avaient réduit, il se proposait de se rendre à Batavia ou à Goa, pour y solliciter un refuge, au défaut des secours que la Hollande et la reine de Portugal lui avaient fait offrir. Dès 1779, les Anglais lui avaient offert deux vaisseaux armés en guerre, pour l'aider à se rétablir sur son trône, ou bien un asile au Bengale, dans le cas où ce secours ne serait pas suffisant.

L'évêque d'Adran lui fit prendre une autre résolution : ce fut de s'adresser au roi de France, Louis XVI, et il se chargea d'être luimême son ambassadeur. Comme sûreté de sa parole, le roi lui confia son fils aîné, âgé de six ans, sur la promesse de le conduire à Versailles pour réclamer l'appui du roi très-chrétien. Au lieu d'instructions écrites, qui pouvaient être mal interprétées, le roi remit à l'évêque le sceau principal de sa dignité royale, qui, pour tous les Cochinchinois, en est regardé comme l'investiture, afin que, dans

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