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LIVRE QUATRE-VINGT-DIXIÈME.

La révolution française et l'Eglise catholique, de 1798 à 1802.

Nous avons entendu Jésus-Christ dire au chef de ses apôtres : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre ellc. Cependant, à la fin du dix-huitième siècle, ces portes semblaient sur le point de prévaloir : l'idolatrie au Japon, en Corée, en Chine, dans l'Inde; le mahométisme chez les Turcs et les Arabes; le schisme de Photius chez les Grecs et les Russes; l'hérésie de Luther et de Calvin dans une partie de l'Allemagne, dans la Scandinavie et dans l'Angleterre ; l'hérésie de Jansénius, l'incrédulité philosophique, pervertissant plus ou moins le clergé et le peuple de France, d'Espagne, de Portugal et même d'Italie; tous les souverains catholiques en hostilité avec le chef de l'Eglise et le contraignant à supprimer la compagnie de Jésus, la compagnie de ses plus vaillants défenseurs ; les autres congrégations religieuses tombées dans un relâchement incurable; le bras séculier de l'Eglise, l'empereur apostolique, commençant la guerre contre elle par des innovations schismatiques et révolutionnaires; les parlements ou corporations judiciaires de France se faisant une gloire de persécuter les évêques et les prêtres fidèles pour favoriser les hérétiques; l'incrédulité moderne, la fausse sagesse, prévalant dans toutes les cours des princes et se tenant d'autant plus assurée de prévaloir contre l'Eglise, abandonnée de tout le monde et même attaquée par tout le monde.

Mais comment alors Jésus-Christ tiendra-t-il sa parole? Il la tiendra, comme toujours, à sa manière. Un jour, nous lui avons entendu dire « Maintenant est le jugement du monde; maintenant le prince de ce monde va être chassé dehors. Et moi, quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi '. » Et, cinq jours après, nous l'avons vu, abandonné de tous les siens, garrotté par ses ennemis, traîné dans les rues, frappé de verges, couronné d'épines, attaché à une croix et expirant entre deux larrons. Et cependant il tenait alors sa parole, il jugeait le monde, il chassait dehors le prince de ce monde, il descendait même aux enfers pour lui écraser la

Joan., 12, 31 et 32.

tête; dès-lors il attirait toutes choses à lui, à commencer par un des larrons, à continuer par l'empire romain, à finir par toutes les nations de la terre. L'histoire de cette attraction mystérieuse et vi– sible, c'est l'histoire que nous écrivons.

Vers la fin du dix-huitième siècle, voulant purifier son Eglise, régénérer la France et d'autres peuples, confondre la fausse sagesse qui les égare, il laissera faire les plus méchants et souffrira de nouveau dans les siens, pour achever ce qui manque à sa passion du Calvaire.

Le quatre mai 1789, dans la ville de Versailles, résidence habituelle des rois de France depuis Louis XIV, on vit une procession sortir de l'église Notre-Dame, où elle avait chanté le Veni Creator, se rendre à l'église Saint-Louis, pour y assister à la messe du SaintEsprit c'était la procession solennelle des états-généraux du royaume. Les députés du peuple ouvraient la marche, portant le modeste costume de laine, jadis assigné aux représentants des communes; venaient ensuite les députés de la noblesse, brillants d'or, de soie, d'hermine et de fastueux panaches; après eux s'avançaient les députés du clergé, revêtus des ornements du sacerdoce, et l'archevêque de Paris, M. de Juigné, portant l'ostensoir étincelant de pierreries; à la suite du saint-sacrement marchaient le roi Louis XVI, la reine Marie-Antoinette d'Autriche-Lorraine, les princes et les princesses du sang, les dames de la cour, les pairs de France et les héritiers de cette antique féodalité qui ne semblait revivre en image que pour assister à ses propres funérailles. Après la messe, l'évêque de Nancy, M. de la Fare, monta en chaire et prononça un discours sur ce texte : « La religion fait la force des empires et le bonheur des peuples. >>

Il y avait cinq cent quatre-vingt-dix-huit députés du peuple, appelé alors le tiers ou le troisième état, par distinction d'avec le clergé et la noblesse, qui formaient les deux premiers dans les anciens états-généraux du royaume. Les députés du clergé étaient deux cent quatre-vingt-dix; la noblesse n'en avait que deux cent soixante-dix, par le refus qu'avait fait la noblesse de Bretagne d'en envoyer. D'après un édit du roi, il devait y avoir douze cents en tout, dont six cents ou la moitié du peuple ou du tiers-état ; ce qui, en prenant pour base la population, était encore bien au-dessous du nombre proportionnel. Comme depuis 1614 il n'y avait pas eu d'états-généraux, et que les successeurs de Henri IV et leurs ministres les avaient supprimés en quelque sorte, pour gouverner le royaume chacun à son gré, quelquefois au gré d'une courtisane de haut et de bas étage, il y avait bien des doutes, bien des incerti

tudes, ne fût-ce qu'à cause du changement considérable qui s'était opéré, depuis cent soixante-quinze ans, et dans les esprits et dans les choses. Cette longue interruption des états-généraux avait paru à Richelieu et à Louis XIV une politique fort habile; on eut lieu de voir sous Louis XVI que ç'avait été un grand malheur. Dans l'espace de cent soixante-quinze ans, bien des choses auraient pu se modifier insensiblement, l'une après l'autre, sans secousse pour le royaume : accumulées pendant une si longue période, leur changement brusque et simultané sera inévitablement une révolution terrible pour la France et pour l'Europe.

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Les assemblées électorales avaient eu le droit de rédiger des cahiers contenant des instructions à l'usage de leurs mandataires. Voici en substance les principes qui avaient été proclamés par la généralité de ces assemblées. La personne du roi était inviolable et sacrée, la royauté héréditaire de mâle en mâle, suivant l'ordre de primogéniture, dans la race régnante: en cas de vacance du trône, par le décès de tous les princes issus de Henri IV, la nation devait rentrer dans le droit d'élire son souverain. La religion catholique devait être dominante et avoir seule un culte public. Les états-généraux pouvaient seuls régler les conditions et les pouvoirs de la régence. La puissance législative devait être exercée par les députés de la nation, conjointement avec le roi. — Au roi seul, comme administrateur suprême, devait appartenir la puissance exécutive. Le pouvoir judiciaire devait être exercé, au nom du roi, par des juges dont les fonctions seraient indépendantes du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. — Les limites des divers pouvoirs devaient être clairement définies et posées. La liberté individuelle devait être mise à l'abri de tout ordre arbitraire et obtenir de la loi de justes garanties. Les asservissements personnels devaient être abolis. La liberté de la presse devait être établie, sauf la répression des abus. Le secret des lettres était inviolable. - Les ministres seraient responsables. Le droit de propriété devait être réputé sacré; nul ne pouvait être dépossédé de sa chose que pour des motifs d'intérêt public et moyennant une suffisante et préalable indemnité. Le consentement de là nation était nécessaire pour le prélèvement de l'impôt. - Les étatsgénéraux devaient désormais être convoqués à des intervalles rap2 prochés et périodiques; des assemblées provinciales et des munici palités électives seraient établies dans tout le royaume. Tous les citoyens devaient être déclarés égaux devant la loi et soumis à l'impôt, tous admissibles aux emplois ecclésiastiques, civils et militaires. La noblesse ne pouvait être accordée à l'avenir que

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pour récompenser des services importants; aucune profession utile n'y pourrait faire déroger. — La justice sera gratuitement rendue; les juges, nommés par le roi, déclarés inamovibles; on abolira la vénalité des charges; nul ne sera enlevé à ses juges naturels ; la loi interdirait l'établissement de commissions judiciaires. Le chiffre de l'impôt serait arrêté par les états-généraux, la répartition en serait faite par les états provinciaux, chaque année, il serait rendu compte de l'emploi des finances. La dette publique, vérifiée et reconnue par les états-généraux, serait déclarée nationale et intégralement remboursée; il ne serait point créé de papier-monnaie. Le roi serait le chef suprême de l'armée, ayant droit de paix et de guerre, nommant seul aux grades militaires et demeurant principalement chargé de la défense du royaume '.

Le clergé, dans l'ordre politique, se montrait plus circonspect que le tiers-état, et néanmoins il demandait qu'on régularisât pour l'avenir l'institution des états-généraux, en tant que base de la représentation nationale; plusieurs cahiers réclamaient l'établissement d'assemblées provinciales; d'autres, la suppression des tribunaux d'exception; d'autres, et ils étaient en majorité, l'uniformité des lois administratives et une organisation municipale libre et régulière. La plupart des cahiers du clergé sollicitaient pour toute la France un même code civil, l'uniformité des lois de procédure civile, la publicité des débats judiciaires, l'égalité des peines, l'abolition de la confiscation des biens et l'adoucissement de la législation criminelle.

Par un sentiment généreux de patriotisme, le clergé renonçait à l'exemption de l'impôt et consentait à contribuer pour sa part aux charges publiques; dans l'intérêt des classes pauvres, confiées à sa sollicitude, il demandait que les biens de la noblesse fussent également soumis à l'impôt et que les seuls journaliers jouissent désormais de l'immunité; il réclamait pour les indigents et les ouvriers le droit de n'être soumis ni à la saisie mobilière ni à celle de leurs outils ; il insistait pour qu'on imposât surtout les objets de luxe. De plus, il ne craignait pas de proposer la suppression de tous les monopoles et usages qui grevaient le commerce et l'agriculture, tels que les jurandes, les maîtrises, les douanes de l'intérieur, le cens, les corvées, les droits de péage et de chasse, et généralement tous les priviléges féodaux : enfin, d'accord avec le tiers et la minorité de la noblesse, il demandait que désormais tous les

'Gabourd. Hist. de la révolution et de l'empire. Assemblée constituante. Introduction, p. 107 et seqq.

citoyens fussent également admissibles aux emplois civils et militaires.

Dès l'année précédente l'assemblée du clergé avait demandé les états-généraux. « Sans les assemblées nationales, disait-elle, le bien du règne le plus long ne peut être qu'un bien passager; la prospérité d'un empire repose sur une seule tête... Charlemagne, malgré ses conquêtes et ses courses rapides de l'Elbe aux Pyrénées, tenait ces assemblées fréquentes et célèbres, où se posaient les fondements de notre police ecclésiastique et civile... Nos fonctions sont sacrées lorsque nous montons à l'autel pour faire descendre les bénédictions célestes sur les rois et sur leurs royaumes; elles le sont encore lorsque, après avoir annoncé aux peuples leurs devoirs, nous représentons leurs droits; lorsque nous portons la vérité au pied du trône... Les tribunaux sont dans le silence et dans l'éloignement... Ne vous privez pas plus long-temps de leurs lumières et ouvrez à leurs voix tous les accès du trône : il ne vous restera plus alors que d'entendre la voix de la nation'. >>

La noblesse se montrait plus jalouse du maintien de ses droits plus soucieuse de tenir à l'écart les classes bourgeoises. Le plus grand nombre des cahiers de cet ordre demandaient encore, sous quelques rapports, le maintien de l'inégalité entre les citoyens. Plusieurs cahiers de la noblesse, par exemple, réclamaient en sa faveur le privilége de porter l'épée et de demeurer exempte de la milice, la création de nouveaux chapitres pour les filles nobles et de nouvelles commanderies d'hommes 2.

Le gouvernement du roi avait laissé indécise une question fort importante, la question du vote. Les députés aux états-généraux voteront-ils par tête, sans distinction de clergé, de noblesse, de tiers-état, en sorte que la majorité réunie des trois ordres fasse loi? ou bien voteront-ils par ordres séparés, de manière qu'il n'y ait que trois votes, du clergé, de la noblesse, du tiers-état, et qu'il faille l'accord des trois pour former une résolution? Dans ce dernier cas, le tiers ou le peuple ne devant avoir qu'un vote sur trois, il était inutile de lui donner une double représentation. De plus, si, pour réformer les abus qui profitent à la noblesse, le consentement de la noblesse est absolument nécessaire, la réforme n'est plus possible les états-généraux ne feront que constater le mal, sans pouvoir y porter de remède il était inutile de les convoquer. D'ailleurs, le tiers-état formait la presque totalité de la nation : sur vingt-quatre millions d'âmes que comptait la France, la noblesse

'Gabourd, p. 96 et seqq.

2 Ibid., p. 109 et seqq.

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