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jeunesse. Là ce bon pasteur interrogeait avec une tendre affection les enfants sur les principales vérités de la foi; lorsque par leurs réponses ils se montraient instruits, il leur donnait des prix; et l'espoir d'une récompense d'autant plus honorable qu'elle était décernée après un sévère examen, excitait leur émulation. Comme il ne pouvait s'adresser à toute la jeunesse, plusieurs se voyaient tristement privés du prix qu'ils avaient ambitionné. La fille d'un berger, près d'Arles, ainsi frustrée, résolut d'aller trouver l'archevêque pour le prier de juger, par les réponses qu'elle ferait à ses questions, si elle était indigne de la palme décernée à plusieurs de ses compagnes. A peine âgée de onze ans, la petite téméraire arrive à l'archevêché et demande à parler à monseigneur; le suisse répond d'abord que son maître ne donne pas d'audience à des filles aussi jeunes; celle-ci fait les plus vives instances, et l'autre, y cédant enfin, va déclarer à M. Dulau qu'une fort jeune enfant souhaite lui parler. « Faites-la venir, dit le bon pasteur, je me dois aux petits ainsi qu'aux grands. » Elle expose dans son langage naïf l'objet de sa visite; l'archevêque, charmé de sa candeur et de sa fermeté, l'interroge; l'enfant répond avec beaucoup de justesse et reçoit un prix plus précieux que tous ceux qui ont été distribués à la paroisse. Elle est si transportée de joie, qu'en retournant à l'humble demeure de son père, elle s'écrie le long des rues de la ville J'ai un prix de monseigneur! j'ai un prix de monseigneur!

L'archevêque d'Arles fut l'oracle des assemblées du clergé de France. Long-temps avant la révolution, il l'avait annoncée comme inévitable, si les disciples du sanctuaire ne s'imposaient eux-mêmes une salutaire réforme. Dans le désastreux hiver de 1788, il trouve moyen, avec les magistrats d'Arles, de prévenir, par d'abondantes aumônes, la révolte du peuple affamé. Député aux deux assemblées des notables et aux états-généraux, son extrême modestie et sa grande timidité l'empêchèrent de se faire entendre à la tribune. Sa science et sa parole ne restèrent cependant pas inutiles. Il fut l'âme du comité épiscopal qui rédigea l'Exposition de ses principes. Il instruisait son diocèse par d'excellents écrits, qui en préservèrent la plus grande partie du schisme. C'est lui qui, sur le décret de déportation contre les prêtres fidèles, prépara une adresse d'une sensibilité si parfaite, que Louis XVI, ému jusqu'aux larmes, promit dès-lors de refuser sa sanction à ce décret d'iniquité.

L'archevêque d'Arles est arrêté le onze août 1792 en entrant dans l'enceinte des détenus, il y reconnaît ses deux grands-vicaires, MM. de Thorame et de Foucault. A peine transféré dans l'église des

Carmes, l'archevêque reçoit la visite d'un horloger nommé Carcel : il avait déjà sauvé quatre prêtres; il offre au prélat des moyens faciles d'évasion. « Mon cher, lui répond-il, je vous remercie de votre bonne volonté je suis innoncent; si je fuyais, on pourrait me croire coupable. Que la volonté du Seigneur s'accomplisse en

tout! >>

Les prisonniers passèrent deux jours et deux nuits sans autre lit qu'une chaise. Plusieurs étaient accablés de vieillesse ou d'infirmités; plusieurs étaient réduits à une indigence qui ne leur laissait pas même de quoi pourvoir à leur nourriture. Un des révolutionnaires qui avaient montré le plus de fureur pour leur incarcération fut touché de leurs souffrances. Il fit donner aux gardes la permission de laisser entrer ce qu'on apporterait aux captifs, en s'assurant seulement qu'il n'y avait pas d'armes. Il invita même les âmes charitables des environs à secourir les pauvres prêtres. Comme on ne leur laissait pas la consolation de célébrer les saints mystères, ils y suppléaient en répétant les prières de la messe, et en s'unissant à celle que célébrait à Rome le Vicaire de Jésus-Christ. Le médecin obtint toutefois qu'ils pourraient se promener dans le jardin, au fond duquel il y avait un oratoire où se trouvait une image de la sainte Vierge. Ces promenades étaient encore une occupation sainte. Les uns se rendaient par manière de pélerinage au petit oratoire, les autres lisaient les saintes Ecritures ou disaient leur bréviaire, plusieurs s'entretenaient pieusement de choses religieuses: tous rentraient ensuite gaîment dans leur prison, qui était l'église même, parvis du ciel.

L'archevêque d'Arles, dont les infirmités augmentaient chaque jour davantage, fut encore sollicité plusieurs fois d'employer des moyens pour obtenir d'être transporté chez lui. Il répondit toujours: « Je suis trop bien ici et en trop bonne compagnie. » Cependant, la troisiểme nuit de sa prison, il n'avait pas encore de lit ; il fut impossible de lui en faire accepter un, parce qu'il avait compté les matelas, et qu'il en manquait un pour un nouveau prisonnier. Ses discours fortifiaient les autres; sa piété, sa patience les pénétraient d'admiration. Précisément parce qu'ils l'avaient vu le plus éminent en dignité, des gardes sans entrailles se plaisaient à l'outrager de toutes manières. Les malheureux n'atteignaient pas son âme. Concentré en Jésus-Christ, il se taisait et s'estimait le plus heureux, parce qu'il avait le plus à souffrir. Il prenait l'air dans le jardin, escorté de deux fusiliers; un militaire, dont la mise semblait commander la décence, gesticule d'une manière ironique derrière M. Dulau, puis, passant devant le pontife, il met un genou en terre,

tire son épée, la pose en forme de croix sur la poitrine du pontife, et lui dit : « C'est ainsi que demain je te sacrerai moi-même. » L'offensé se détourne sans dire un mot. Un gendarme brutal fait spécialement de lui l'objet de jeux atroces. Assis à ses côtés, il lui dit tout ce que la plus vile populace peut inventer de sarcasmes grossiers, de basses railleries, le félicite sur ce qu'il représentera noblement sous la guillotine, ensuite se lève, lui donne par dérision tous les titres de noblesse que l'assemblée vient d'abolir; et le disciple du Dieu couronné d'épines ne répond rien. L'homme féroce, s'asseyant de nouveau près de lui, allume sa pipe et lui en souffle la fumée sur le visage; l'archevêque se tait toujours, et, près de se trouver mal par la fétidité de la fumée, se contente de changer de place; son persécuteur le suit encore, jusqu'à ce qu'il voie sa cruelle obstination vaincue par une patience inaltérable. Au milieu de la nuit, un des prisonniers, troublé par quelque bruit qu'il avait cru entendre, réveilla l'archevêque en sursaut pour lui dire: Monseigneur, voilà les assassins! - Eh bien, répondit avec douceur le saint homme, si le bon Dieu demande notre vie, le sacrifice doit être tout fait. Et, sur ces paroles, il se rendort paisiblement'.

Les évêques de Saintes et de Beauvais étaient deux frères : François-Joseph et Pierre-Louis de la Rochefoucauld. Ils furent arrêtés tous deux dans leur appartement. Les révolutionnaires en voulaient spécialement à l'évêque de Beauvais et laissaient la liberté à celui de Saintes. Mais il leur dit : « Messieurs, j'ai toujours été uni à mon frère de la plus tendre amitié; je le suis encore plus par mon attachement à la même cause. Puisque son amour pour la religion et son horreur pour le parjure font tout son crime, je vous supplie de croire que je ne suis pas moins coupable. Il me serait d'ailleurs impossible de voir mon frère conduit en prison et de ne pas aller lui tenir compagnie. Je demande à y être emmené avec lui et à partager son sort. » Cet aimable et héroïque prélat conserva dans sa prison volontaire toute sa gaîté naturelle. Toujours riant, toujours prévenant, il se plaisait surtout, avec son frère, à accueillir les nouveaux prisonniers avec une bonté, avec des attentions qui bientôt faisaient oublier à ceux-ci toutes leurs peines.

François-Louis Hébert, supérieur des Eudistes et confesseur de Louis XVI, était d'une bienveillance expansive qu'on dirait presque sans exemple. Personne ne sortait de chez lui qu'avec un sentiment

'Barruel. Hist. du clergé pendant la révolution, - Carron. Confesseurs de la foi, t. 1.

profond d'édification et qu'avec cet esprit de piété, d'amour de Dieu et du prochain qu'on avait recueilli de son cœur et de ses lèvres. Il n'existait pas dé caractère plus heureux, d'humeur plus riante et plus douce; il possédait son âme dans la paix, dans la joie, et répandait l'onction, avec les consolations les plus vives, dans le sein des affligés ou dans celui des chrétiens trop portés au trouble et à la crainte.

Mais de toutes les vertus qui distinguaient l'homme de Dieu, il n'en fut pas une qui le signalât autant au respect et à l'admiration des peuples que son inépuisable et inconcevable charité. Non, disait un pieux fidèle qui avait passé dans son commerce intime trentetrois ans de sa vie, non, jamais je n'ai connu d'homme plus égal et plus aimable dans son humeur, plus fervent dans sa piété, plus tendre dans sa charité, dont les actes continuels étaient aussi simples, je dirais presque aussi naturels, qu'ils se montraient sublimes; chaque nouveau jour de sa vie rappelait le précédent, annonçait le suivant, et tous se ressemblaient pour sa miséricorde envers les êtres souffrants. Il allait visiter les prisonniers, les exhortait, les prêchait, concourait efficacement à la délivrance de plusieurs d'entre eux; n'étant étranger à aucune branche de son saint ministère, confessant considérablement, attirant tous les cœurs par sa simplicité parfaite, ses manières engageantes. Il aimait surtout les enfants, qui le bénissaient et le révéraient tendrement: il plaçait les uns en métier, poussait aux études ceux qui manifestaient d'heureuses dispositions; procurait des places aux servantes exposées au danger de perdre leurs mœurs; ouvrait des asiles religieux aux vierges heureusement dégoûtées du monde; ne conservait que les habits qui le couvraient; dans les temps de disette, allait au-devant des prières, prévenant les besoins des uns, devinant ceux des autres que la confusion recélait; avait comme des émissaires et de fidèles messagers pour leur porter tous les secours qui leur devenaient nécessaires. Pendant son séjour à Caen, ayant reçu le don d'une montre d'or d'un grand prix, à l'instant même il la vendit pour les pauvres; et, dans le reste de son angélique carrière, on ne peut plus compter le nombre de ses sacrifices.

En 1792, dernière année de sa vie, il eut occasion de rendre service à un illustre infortuné. Au commencement du mois d'août, Louis XVI lui écrivait : « Je n'attends plus rien des hommes; apportez-moi les consolations célestes. » Louis XVI avait choisi pour son confesseur cet ami des pauvres. Le dix août, M. Hébert dit à un pieux fidèle: « Le roi est dans les meilleurs sentiments et résigné

parfaitement à ce qu'il plaira d'ordonner au Seigneur. Le même jour, M. Hébert fut arrêté et enfermé aux Carmes '.

Le vingt-six août, l'assemblée législative promulgua le décret de déportation contre les prêtres fidèles. Manuel, procureur-syndic de la commune de Paris, assembla le conseil secret des municipaux. Avec Marat, le boucher Legendre et un prêtre jureur, il délibéra sur ce décret et le trouva trop doux. Au lieu de la déportation, on prononça la mort. Danton, ministre de la justice, se chargea de l'exécution. Manuel se rendit le même jour à l'église des Carmes. Un des prisonniers, l'abbé Salins, chanoine de Couserans, lui demanda s'il connaissait quelque terme à leur captivité et quel était le crime qu'elle punissait. Manuel répondit : « Vous êtes tous prévenus de propos... Il y a un jury établi pour vous juger; mais on a commencé par les plus grands criminels: vous viendrez à votre tour. On ne vous croit pas tous également coupables, et on relachera les innocents. » L'abbé Salins lui montrant les vieux solitaires de saint François de Sales, lui dit : « Si vous nous accusez de conspiration, voyez, examinez... Ces personnages-là n'ont-ils pas l'air de redoutables conjurés? » Manuel ajouta simplement : « Votre déportation est résolue. On s'occupe de l'exécution; les sexagénaires et les infirmes doivent être renfermés dans une maison commune. Je venais m'informer si vous en connaîtriez une plus propre à cet objet que celle de Port-Royal. Quand elle sera pleine, nous fermerons la porte et nous y mettrons pour écriteau : Ci-git le ci-devant clergé de France. Quant aux autres, ceux qui seront reconnus innocents par le jury, ils auront le temps de vaquer à leurs affaires pendant le temps qu'accorde la loi. Il faut prendre des mesures pour leur assurer une pension, car il serait inhumain d'expatrier quelqu'un et de l'envoyer à la charge d'un autre royaume, sans lui accorder quelque secours pour vivre dans sa retraite. »

C'est ainsi que les victimes s'entretenaient confidemment avec l'homme qui avait prononcé leur mort et qui prenait des mesures pour l'exécution. Par une sorte d'humanité philosophique, les prisonniers eurent une nourriture plus délicate et plus abondante; il leur accorda même la promenade du jardin, qu'on leur avait interdite depuis plusieurs jours. Ils y étaient le mercredi vingt-neuf août, lorsque Manuel vint encore les compter, regardant çà et là du milieu du jardin. Divers prêtres s'approchèrent encore de lui avec la même simplicité et confiance. Il leur dit que l'arrêté de la municipalité, relatif à leur déportation, était terminé ; qu'il leur

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