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> Je pardonne encore très-volontiers à ceux qui me gardaient les mauvais traitements et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi. J'ai trouvé quelques âmes sensibles et compâtissantes; que celles-là jouissent dans leur cœur de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser. Je prie MM. de Malesherbes, Tronchet et Desèze de recevoir ici tous mes remerciments et l'expression de ma sensibilité pour tous les soins et les peines qu'ils se sont donnés pour moi. Je finis en déclarant devant Dieu, et prêt à paraître devant lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi. Signé Louis. >>

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Le roi ayant été ramené à la prison du Temple après sa défense, la convention se mit à délibérer. Trois questions étaient posées et devaient être résolues dans l'ordre suivant. Louis est-il coupable? - Le jugement sera-t-il soumis à la sanction du peuple? - Quelle sera sa peine? La discussion se prolongea jusqu'au quinze janvier 1793. Ce jour, sur la première question: Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté de la nation, et d'attentat contre la sûreté générale de l'état? six cent quatre-vingttrois députés déclarèrent Louis coupable: les autres soixante-six étaient absents ou se récusèrent; pas un n'osa proclamer le roi in

nocent.

La convention procéda, séance tenante, à l'appel nominal sur la deuxième question : Le jugement, quel qu'il soit, sera-t-il envoyé à la sanction du peuple? Quatre cent vingt-quatre voix contre deux cent quatre-vingt-six rejetèrent ce moyen de salut. Six membres refusèrent de voter; vingt-neuf étaient absents par commission ou par maladie. Ainsi la convention refusa de renvoyer au peuple le soin de juger le roi: ce qu'elle avait appris des dispositions du pays lui fit craindre, avec juste raison, de ne rencontrer parmi les Français qu'une majorité ennemie du meurtre. Elle passa outre, parce qu'elle se défia de la nation; par là elle assuma sur elle seule la responsabilité du régicide. Que le sang du roi, versé par le bourreau, ne retombe donc pas sur d'autres que sur ses juges et sur leurs complices! la France fut innocente de ce grand attentat '.

On remit aux jours suivants à voter sur la troisième question : Quelle sera la peine? - Dès le principe, une difficulté préjudicielle s'éleva sur le nombre de voix qui seraient requises pour faire force de jugement. Le code pénal voulait qu'un prévenu ne fût condamné qu'après avoir été déclaré coupable par les deux tiers des juges puisque la convention s'érigeait en tribunal, il était naturel

' Gabourd. Convention, t. 1, p. 229.

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qu'elle acceptât jusqu'au bout cette condition, et qu'elle demeurât fidèle aux lois protectrices des accusés. Lanjuinais parla dans ce sens avec beaucoup de courage; mais Danton répondit que la convention jugeait en qualité d'assemblée politique représentant le pays, et non comme une cour de justice ordinaire : il en conclut que la simple majorité devait suffire, et la convention l'approuva en passant à l'ordre sur la réclamation de Lanjuinais 1.

Autour de la salle où se décidait le sort de Louis XVI stationnait une foule de brigands armés qui disaient à chaque député qui entrait : « Ou sa tête ou la tienne!» Sur sept cent vingt-un députés présents, majorité absolue trois cent soixante-un, deux votèrent pour les galères; deux cent quatre-vingt-six, pour la détention et le bannissement à la paix, ou pour des peines analogues; quarantesix, pour la mort avec sursis. Ainsi, le nombre des votes qui tendaient à épargner la vie du roi fut de trois cent trente-quatre. Mais trois cent quatre-vingt-sept étaient pour la mort : ce qui formait la majorité nécessaire dans les affaires politiques, mais non la majorité des deux tiers, requise dans les jugements criminels. Le Girondin Vergniaud, qui présidait la séance, annonça donc, d'une voix émue, que la convention nationale condammait Louis Capet à la mort. Les trois défenseurs du roi furent immédiatement introduits à la barre, et l'avocat Desèze donna lecture de l'acte suivant, émané de Louis XVI: « Je dois à mon honneur, je dois à ma famille de ne point souscrire à un jugement qui m'inculpe d'un crime que je ne puis me reprocher. En conséquence, je déclare que j'interjette appel à la nation elle-même du jugement de ses représentants. Je donne pouvoir spécial à mes défenseurs, et je charge expressément leur fidélité de faire connaître à la convention cet appel par tous les moyens qui seront en leur pouvoir, etc. Fait à la tour du Temple ce seize janvier 1793. Signé LoUIS. » La convention, sur la motion de Robespierre, repoussa cet appel au peuple, et défendit d'y donner suite, sous peine d'être poursuivi et puni comme coupable d'attentat contre la sûreté générale de la république.

Parmi les dix-sept évêques constitutionnels qui se trouvaient. alors à la convention, Grégoire était absent et en mission dans la Savoie; mais il envoya son vote dans une lettre du dix-neuf janvier 1793, où il déclarait voter pour la condamnation de Louis Capet, sans appel au peuple. Deux, Lalande et Wandelaincourt, évêques de la Meurthe et de la Haute-Marne, qui avaient déjà refusé de juger Louis XVI coupable, votèrent son bannissement;

'Gabourd. Convention, t. 1, p. 230.

neuf furent pour la détention, savoir: Fauchet, évêque du Calvados; Roger, de l'Ain; Thibault, du Cantal; Séguin, du Doubs; Marbos, de la Drôme; Saurine, des Landes; Villar, de la Mayenne; Sanadon, des Basses-Pyrénées, et Caseneuve, des Hautes-Alpes. Les cinq autres condamnèrent Louis à mort. Ce sont Lindet, évêque de l'Eure; Massieu, de l'Oise; Gay-Vernon, de la Haute-Vienne; Huguet, de la Creuse, et Audrein, qui n'était encore que vicaire épiscopal du Morbihan, mais qui n'en devint pas moins évêque du Finistère. Tel fut le scandale que donnèrent ces pères de la nouvelle église. Leurs prêtres, au nombre de vingt-deux, qui se trouvaient à l'assemblée, suivirent leur exemple. Seize d'entre eux opinèrent pour la mort. Ceci peut faire augurer aux chefs du gouvernement français ce qu'ils auraient à attendre, dans l'occasion, d'un clergé de leur fabrique, d'un clergé civil ou constitutionnel. Parmi les anciens nobles, le marquis philosophe de Condorcet, ami et confident de Voltaire et compagnie, condamna aux galères le roi de France, le fils de saint Louis, le successeur de Charlemagne, comme à une peine plus ignominieuse que la mort même. Le chef de la noblesse française, le premier prince du sang royal, le duc d'Orléans, dit alors Philippe-Egalité, fut d'une cruauté moins philosophique. Monté à son tour à la tribune, il y prononça d'une voix ferme ces paroles : « Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que tous ceux qui ont attenté ou qui attenteront par la suite à la souveraineté du peuple, méritent la mort, je vote la mort! » Le bon Louis XVI, apprenant ce vote de son parent, fut pénétré d'une affliction profonde, et dit : « Qu'ai-je donc fait à mon cousin, pour qu'il me poursuive ainsi?... Mais pourquoi lui en vouloir? il est plus à plaindre que moi. Ma position est triste, sans doute; mais le fût-elle davantage, je ne voudrais pas changer avec lui. >>

Le vingt janvier, les ministres du gouvernement républicain se présentèrent dans la prison de Louis XVI, et lui notifièrent son arrêt de condamnation. Le roi, qu'on avait empêché de communiquer avec ses défenseurs, écouta l'arrêt d'une manière calme et digne; puis, pour toute réponse, il présenta un papier au ministre de la justice, en le priant de vouloir bien le remettre sur-le-champ à la convention. Cet écrit était conçu en ces termes : « Je demande un délai de trois jours pour pouvoir me préparer à paraître devant Dieu je demande, pour cela, de voir la personne que j'indiquerai aux commissaires de la commune, et que cette personne soit à l'abri de toute crainte et de toute inquiétude pour cet acte de charité qu'elle remplira auprès de moi. Je demande à être délivré de

:

la surveillance perpétuelle que le conseil général a établie depuis quelques jours; je demande à pouvoir voir ma famille, dans cet intervalle, quand je le demanderai, et sans témoins. Je désirerais que la convention s'occupât tout de suite du sort de ma famille, et qu'elle lui permit de se retirer librement où elle le jugerait à propos. Je recommande à la bienfaisance de la nation toutes les personnes qui m'étaient attachées. Il y en a beaucoup qui avaient mis toute leur fortune dans leurs charges, et qui, n'ayant plus d'appointements, doivent être dans le besoin... Dans les pensionnaires, il y a beaucoup de vieillards, de femmes et d'enfants, qui n'avaient que cela pour vivre. » Cette réclamation simple et touchante ayant été transmise à la convention, l'assemblée chargea le ministre de la justice, Garat, de répondre à Louis, que : « La nation française, toujours grande et toujours juste, s'occuperait du sort de sa famille et qu'il lui serait permis de voir sa famille et de communiquer avec le prêtre de son choix. » Elle rejeta le sursis; et un arrêté du conseil exécutif, publié le même soir, fit connaître au peuple que l'exécution de Louis Capet aurait licu le lendemain, vingt- un janvier, sur la place de la Révolution, autrefois appelée place

Louis XV.

Le roi entendit cette nouvelle lecture sans ajouter aucune observation. Un moment après, il demanda à Garat s'il avait fait prévenir l'abbé Edgeworth de Firmont, prêtre irlandais dont il avait désiré recevoir l'assistance; Garat répondit qu'il l'avait amené dans sa voiture, et, presque en même temps, l'abbé de Firmont obtint l'autorisation de se présenter. Le roi le fit passer dans son cabinet et lui dit : « C'est donc à présent la grande affaire qui doit m'occuper tout entier! hélas! la seule affaire, car que sont toutes les autres auprès de celle-là? » Le roi, se voyant seul avec lui, laissa couler quelques larmes, et dit : « Pardonnez cet instant de faiblesse, si toutefois on peut le nommer ainsi. Depuis long-temps je vis au milieu de mes ennemis, et l'habitude m'a en quelque sorte familiarisé avec eux ; mais la vue d'un sujet fidèle parle tout autrement à mon cœur c'est un spectacle auquel mes yeux ne sont plus accoutumés, et il m'attendrit malgré moi. » Ayant ensuite demandé quelques détails sur la situation du clergé et sur les persécutions dirigées contre les prêtres fidèles, il adressa à son confesseur la recommandation suivante : « Ecrivez à M. l'archevêque de Paris; dites-lui que je meurs dans sa communion, et que je n'ai jamais reconnu d'autre pasteur. >>

Cette conversation fut interrompue par l'un des commissaires, qui vint annoncer au roi l'arrivée de sa famille Ce fut une entre

TOME XXVII.

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vue, comme sur le Calvaire, où l'âme de la mère fut transpercée d'un glaive de douleur. Ici c'étaient le père, la mère, la sœur, le fils, la fille, qui se voyaient pour la dernière fois. Pendant sept quarts d'heure, le roi tint sa femme, sa sœur, ses jeunes enfants étroitement embrassés, et tous ensemble mêlèrent leur affliction. Il paraît que le roi fut obligé d'apprendre lui-même à sa famille la nouvelle fatale qu'elle ignorait. Ce n'étaient point des sanglots et des larmes, mais des cris aigus, inarticulés, qui retentirent au loin. Les derniers moments furent plus calmes. Mais le moment de se séparer ranima les sanglots et les plaintes : la reine avait saisi le roi par un bras, sa sœur Elisabeth par l'autre ; la fille tenait son père embrassé par le milieu du corps, et le jeune fils était devant lui, donnant la main à sa mère et à sa tante. La fille, ne pouvant supporter plus long-temps ces angoisses, tomba évanouie, et il fallut l'emporter. Quand cette scène du calvaire eut un terme, le roi revint auprès de l'abbé de Firmont, et lui dit d'une voix profondément altérée : « Ah! faut-il donc que j'aime, et que je sois si tendrement aimé! Mais c'en est fait, oublions tout le reste pour ne songer qu'au salut; cette pensée doit seule, en ce moment, concentrer toutes mes affections. » Il se confessa ensuite, et reçut l'absolution du prêtre.

L'abbé de Firmont, aidé de Cléry, fit ses préparatifs pour offrir le saint sacrifice le lendemain. Il avait obtenu de la commune les objets nécessaires. Le roi consentit à se coucher. A peine au lit, il s'endormit d'un profond sommeil, et dormit paisiblement jusqu'à cinq heures, moment qu'il avait fixé lui-même pour son réveil. Dès qu'il fut habillé, il appela son confesseur, qui célébra les saints mystères. Une commode, placée au milieu de la chambre, servait d'autel; le roi, devant lequel on avait placé un coussin, ne voulut pas en faire usage: constamment à genoux, et les yeux attachés au livre de prières, il entendit la messe avec un religieux recueillement, et reçut la sainte communion.

Les meurtriers du roi n'avaient pas eu un sommeil si tranquille. L'un d'eux avait été tué dans un restaurant par un ancien gardedu-corps. Chacun se crut menacé d'un sort pareil. La nuit entière se passe à organiser des moyens de surveillance et de répression. A la pointe du jour, la garde nationale, tout entière sous les armes, se rend à ses postes. La population, saisie de consternation et d'épouvante, ferme ses fenêtres et ses boutiques : Paris semble une cité morte.

Le roi avait promis à la reine de la voir une dernière fois : il se priva de cette consolation, pour ne pas mettre sa famille à une si

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