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eux-mêmes louaient et bénissaient le pape Ganganelli en marbre. Mais rien ne fait mieux connaître le Phidias italien et sa patrie que les particularités suivantes.

C'était vers 1790. A force de travailler, Canova tomba malade. Les médecins lui conseillèrent l'air de Crespano, bourg voisin de Possagno, où l'attendait sa mère, qui s'y était remariée et lui avait donné un frère, qui fut un savant helléniste, et puis un digne évêque. Après avoir donné les premiers moments à la tendresse maternelle, Canova voulut revoir son endroit natal, Possagno. Or, tous les habitants des deux bourgs, hommes, femmes, enfants, avaient formé un complot pour le surprendre, sans que pas un trahît le secret. Canova se met donc en route, presque seul, les larmes dans les yeux, cherchant en quelque sorte les chemins détournés. A quelque distance de Possagno, une foule de jeunes gens placés en embuscade fondent sur lui de toutes parts avec des cris de joie, d'admiration, et les Evviva italiens. Il s'arrête, il ne peut parler; on lui ordonne enfin, mais respectueusement, d'avancer. Par caractère, Canova éprouvait une sincère répugnance pour les honneurs et les acclamations. Quel n'est pas son trouble quand, à vingt pas plus loin, il aperçoit la route couverte d'immortelles, de branches de lauriers et de roses! A droite et à gauche du chemin triomphal, Possagno et les environs s'étaient rassemblés. Les femmes, les enfants ne pouvaient retenir leur émotion. Les cloches sonnaient dans tous les villages; le curé, les anciens du peuple marchaient au-devant de lui les boîtes, les mousquets, des hymnes chantés au son d'une musique villageoise le saluaient de toutes parts, et ce cortége le conduisit jusqu'à la maison de son grand-père, destinée à le recevoir.

Canova garda toute sa vie un tendre souvenir de ce touchant accueil. Possagno n'avait qu'une église pauvre et ruinée. En 1819, les habitants prièrent leur compatriote d'accorder quelques secours afin de la rebâtir. Donner peu pour des restaurations mesquines, déplaisait à Canova; il résolut de donner beaucoup, mais pour quelque chose de grand et de magnifique. Il conçut un plan d'église qui réunit ce que le parthénon d'Athènes et le panthéon de Rome avaient de plus beau. Il voulut associer les habitants de Possagno à cette grande entreprise. La commune devait fournir les matériaux nécessaires, ce qui ne serait ni grandes pierres, ni marbres; elle donnerait le gros sable, la chaux; en échange, Canova payait la contribution personnelle pour deux cent cinquante habitants, et fournissait les boeufs, les charrois et les moyens de transport pour tous les objets accordés par la commune. Le contrat fut signé. Sur cent ducats de dépenses, Canova en donnait quatre-vingt-quinze et

la commune cinq. Survinrent les jeunes filles de Possagno qui voulurent entrer dans cette rivalité de courtoisie. Canova ordonna qu'elles seraient écoutées. Elles déclarèrent qu'elles s'engageaient volontairement, et sans l'exigence d'aucun salaire, à apporter la portion des matériaux les moins lourds, et qu'elles vaqueraient régulièrement à ce travail aux heures de repos les jours ouvrables, et les jours de fêtes après les cérémonies de l'église, si le curé le permettait. Le curé le permit. Canova accepta cette offre, et fonda une gratification annuelle de mille livres, qui serait partagée entre les jeunes filles agréées pour prendre part à ce travail. Il commença à payer la gratification avant qu'aucune d'elles se mit à l'ouvrage, parce que, disait-il, les actes gracieux doivent être justes, et que les actes justes doivent être gracieux. Ce fut bientôt un spectacle ravissant de voir ces jeunes filles, la tête ornée de fleurs, apporter les menues pierres, dans des brouettes à deux timons, où elles s'attelaient en chantant et en folâtrant. Le jour destiné pour la pose de la première pierre est arrivé. Ce sont les femmes seules, à l'exclusion des hommes, quels qu'ils soient, par leur rang et par leur âge, qui iront, au nombre de deux cents, chercher l'eau nécessaire pour établir les fondations. Ces mouvements spontanés de piété, de dévouement, de patriotisme touchèrent Canova. Il voulut seul être le maçon, prit la scie et le marteau, tailla un bloc, reçut la truelle, le mortier, et posa la première pierre.

En 1822, Canova revint voir sa construction, mais il était malade, et ses compatriotes lui donnèrent des marques de reconnaissance qui devaient être les dernières. Il mourut à Venise, le treize octobre de la même année, après avoir reçu les sacrements de l'Eglise avec une vive piété, à l'âge de soixante-cinq ans. Ses dernières paroles furent: <0 Seigneur! vous m'avez donné le bien que j'ai en ce moment; vous me l'ôtez, que votre nom soit béni dans l'éternité! » Par son testament, il laissa au pape Pie VII le droit de choisir dans ses ouvrages ce qui lui serait agréable. Il légua aux fils du sénateur Faliéro deux de ses statues à leur choix ; aux jeunes filles de Possagno trois dots de soixante écus romains, chacune à perpétuité, et à son frère, l'abbé Sartori-Canova, l'héritage universel de ses biens, en l'invitant à terminer, sans la plus petite épargne, l'église de Possagno, où il voulait être inhumé. Ce que le digne frère exécuta fidèlement 1.

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§ II.

Vie, congrégation, travaux, écrits de saint Liguori.

Mais un enfant de l'Italie qui surpasse tous ses contemporains en mérite et en gloire devant Dieu et son Eglise, c'est saint Alphonse de Liguori, dont nous avons vu les commencements. Avant qu'il eût embrassé l'état ecclésiastique, sa famille voulut successivement lui faire épouser deux jeunes princesses: devenu prêtre, il épousa la pauvreté et le travail, se fit le serviteur et l'apôtre des lazzaroni, des domestiques, des maçons, des cochers, des artisans de toute espèce, les instruisant sur les places, dans des maisons particulières, dans des chapelles ou oratoires, soit par lui-même, soit par ses amis et ses pénitents. Un mauvais maître d'école, Pierre Barberèze, s'étant converti à un discours d'Alphonse, instruisait à son tour les petits porte-faix dans la boutique d'un barbier. Le local n'étant bientôt plus assez considérable, on se réunit dans la chapelle des Bonnetiers les réunions avaient lieu tous les soirs; il s'y trouvait jusqu'à soixante jeunes porte-faix, sans compter les autres. Lucas Nardone, vieux soldat, plusieurs fois déserteur, mais converti par un discours d'Alphonse, tenait une conférence semblable dans un autre local. De bons prêtres, amis du saint, se faisaient un plaisir d'assister et de présider à ces réunions populaires. Chacune de ces réunions comptait de cent à cent cinquante personnes. Après avoir satisfait leur piété, ces bonnes gens se récréaient ensemble le dimanche: dans la suite ils prirent pour règle d'aller servir les malades dans les hôpitaux. Alphonse étant revenu dans sa vieillesse prêcher à Naples, Barberèze, qui avait toujours continué sa bonne œuvre, assistait fidèlement à tous ses sermons. Le saint l'ayant rencontré un jour, lui dit en souriant: Que faites-vous ici? Je suis venu entendre le Saint-Esprit, répondit Barberèze. Ce digne disciple d'Alphonse mourut en odeur de sainteté l'an 1767.

En l'année 1751, après avoir prêché plusieurs missions très-fatigantes dans la Pouille, Alphonse se reposait dans un ermitage, au diocèse de Scala. Les bergers de la plaine et les chevriers des montagnes, apprenant qu'il y avait là des missionnaires, y vinrent en foule. Alphonse leur fit une espèce de mission : ce qui en attirait toujours d'autres. Dieu lui fit connaître qu'il était appelé à établir une congrégation de prêtres pour le salut des âmes les plus abandonnées, dans les villages et les hameaux écartés. Cette entreprise

lui valut bien des contradictions et des souffrances. Bon nombre de ses amis le blâmèrent hautement. Le père Ripa, fondateur du collége des Chinois à Naples, chez lequel il demeurait comme pensionnaire, le traita de fanatique : il aurait voulu qu'il s'agrégeât à son collége. Une autre congrégation de missionnaires aurait voulu qu'il restât avec eux. Mais Dieu voulait une congrégation nouvelle et spéciale pour les pauvres gens de la campagne. Alphonse en jeta les fondements l'an 1752 dans la ville de Scala. Mais, avant de s'y rendre de Naples, il eut un sacrifice bien douloureux à faire. Il reposait sur son lit, lorsque tout d'un coup son père entre, l'embrasse, le serre contre son cœur pendant trois heures de suite, le suppliant de la manière la plus tendre de ne pas l'abandonner. Alphonse avoua, dans sa vieillesse, que ce fut le combat le plus pénible de sa vie. Il aimait tendrement son père, qui dès-lors l'avait pris en quelque sorte pour son directeur spirituel; mais il aima Dieu plus que son père et sa mère.

La communauté de Scala se composa d'abord de huit : elle était pauvre, mais fervente. Sept prêtres et un frère laïque ; ils refusaient à leurs corps toute espèce de soulagement, se chargeaient constamment de cilices et de chaînettes armées de pointes. C'était surtout au temps des repas qu'ils donnaient un libre cours à leur amour pour la mortification, et qu'ils se tourmentaient par des humiliations et des pénitences de tout genre. Quelques-uns, pour se préparer à manger, commençaient par traîner la langue sur la terre; d'autres se mettaient à genoux et y demeuraient quelque temps les bras étendus en croix ; celui-là faisait le tour du réfectoire et, par esprit d'humilité, baisait les pieds de chacun de ses frères. Ils mangeaient à genoux ou étendus par terre; plusieurs, pour se rendre encore plus pénible leur triste réfection, se suspendaient un grosse pierre au cou, afin de se donner ainsi l'air de vrais condamnés. Leur nourriture était misérable et assaisonnée d'herbes amères; beaucoup se privaient de viande, ou, s'ils en prenaient, ils se refusaient les fruits et faisaient d'autres abstinences. Leurs mets étaient de si mauvaise qualité, que les pauvres eux-mêmes ne se pouvaient résoudre à manger les restes. Il ne faut pas s'en étonner. Celui qui faisait la cuisine était un ancien militaire qui ne savait jusqu'alors que manier l'épée. Tantôt le potage était brûlé, tantôt trop salé, une autre fois il ne l'était pas du tout; un autre jour il servait les mets encore crus et sans aucun assaisonnement. Il lui arriva même une fois de pétrir le pain sans y avoir mis de levain, tellement que les habitants voulurent en avoir par dévotion.

TOME XXVII.

5

Cet habile cuisinier était un gentilhomme d'Acquaviva, nommé Vitus Curtius: il remplissait, dans l'île de Procida, l'office de secrétaire auprès d'un seigneur, lorsque son ami et compatriote, le gentilhomme Sportelli, songeait à quitter le monde pour se réunir avec saint Liguori. Curtius était un esprit bizarre, plein d'orgueil; ses livres de dévotion, comme il disait, n'étaient que son pistolet et sa baïonnette. Il avait plusieurs fois mal usé de ses armes. Un jour, il se mit à raconter à son ami, comme pour se divertir, un songe qu'il avait eu la nuit précédente. « Je me voyais, dit-il, au pied d'une montagne élevée et rapide, que beaucoup de prêtres s'efforçaient de franchir; il me prit envie de les imiter, mais à peine avais-je fait un pas, que le pied me manquait et que je retombais en arrière. Ne voulant pas céder, je recommençais plusieurs fois mes tentatives; mais, à mon grand déplaisir, je glissais et retombais toujours, jusqu'à ce qu'un des prêtres, qui prit enfin compassion de moi, me donna la main et m'aida ainsi à franchir la montagne avec eux. » Les deux amis traversaient ainsi, en discourant, les rues de Naples, lorsque Curtius, à la vue d'un ecclésiastique qu'il ne connaissait pas, s'écria tout à coup : « Mais voici le prêtre qui m'a donné la main la nuit passéc! » Sportelli lui apprend alors que ce prêtre est Alphonse de Liguori, qui avait dessein de fonder une nouvelle congrégation de missionnaires; il lui déclare en même temps l'intention qu'il a lui-même de s'y associer. Curtius comprit aussitôt que le songe était une marque de vocation divine et déclara qu'il voulait aussi se mettre à la suite d'Alphonse, non comme prêtre, mais comme frère servant1.

Cependant la nouvelle communauté faisait des missions avec beaucoup de fruits, ce qui lui attirait l'affection des peuples et le déplaisir d'autres congrégations jalouses. Alphonse eut à subir une autre épreuve. Pour que la nouvelle congrégation pût subsister, il lui fallait une règle; pour lui donner une règle convenable, il fallait s'accorder sur le but précis de la congrégation. On se divisa là-dessus. La plupart des prêtres, ayant à leur tête Mandarini, pensaient qu'il fallait joindre l'enseignement littéraire de la jeunesse avec les missions des campagnes. Alphonse pensait qu'il fallait s'en tenir à un but unique, le salut des âmes les plus abandonnées. Comme on ne put s'accorder, on se sépara. L'Eglise n'y perdit rien : au lieu d'une seule congrégation partagée entre deux buts divers, il y eut deux congrégations poursuivant chacune son but spécial. Alphonse, naguère à la tête d'une communauté nombreuse, se vit

› Mémoires sur la vie et la congrégation de saint Liguori, 1. 1, C. 21.

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