Sayfadaki görseller
PDF
ePub

simple, composé de parties; d'un Dieu qui se mange et se digère lui-même, qui aime et qui hait la même chose en même temps, etc. Spinosa se sert toujours du mot Dieu; Bayle le prend par ses propres paroles.

d'une machine si industrieusement compliquée, arrangée avec un art si puissant, dépendante de tant de ressorts concourans tous au même but, qu'il est impossible de l'imiter, et impossible à un homme de bon sens de l'admirer.

Les spinosistes modernes répondent : « Ne vous ef

Mais, au fond, Spinosa ne reconnaît point de Dieu. Il n'a problablement employé cette expression, il n'a dit qu'il faut servir et aimer Dieu, que pour ne point effa-farouchez pas des conséquences que vous nous imputez; roucher le genre humain. Il paraît athée dans toute la nous trouvons, comme vous, une suite d'effets admiraforce du terme ; il n'est point athée comme Épicure, qui bles dans les corps organisés et dans toute la nature. La reconnaissait des dieux inutiles et oisifs; il ne l'est pas cause éternelle est dans l'intelligence éternelle que nous comme la plupart des Grecs et des Romains, qui se mo- admettons, et qui, avec la matière, constitue l'universaquaient des dieux vulgaires; il l'est, parce qu'il ne recon- lité des choses qui est Dieu. Il n'y a qu'une seule subnaît nulle providence, parce qu'il ne reconnaît que l'éter-stance qui constitue ainsi l'univers qui ne fait qu'un tout nité, l'immensité et la nécessité des choses. Il ne doute inséparable. »> pas comme Pyrrhon, il affirme; et qu'affirme-t-il? Qu'il n'y a qu'une seule substance, qu'il ne peut y en avoir deux; que cette substance est étendue et pensante; et c'est ce que n'ont jamais dit les philosophes grecs et asiatiques, qui ont admis une âme universelle.

On réplique à cette réponse: Comment pouvez-vous nous prouver que la pensée qui fait mouvoir les astres, qui anime l'homme, qui fait tout, soit une modulité, et que les déjections d'un crapaud ou d'un ver soient une autre modulité de ce même être souverain? Oseriez-vous dire qu'un si étrange principe vous est démontré? Ne

n'entendez point? Bayle a très bien démêlé les sophismes de votre maître dans les détours et dans les obscurités d'un style prétendu géométrique et réellement très confus; de ce maître, je vous renvoie à lui : des philosophes ne doivent pas récuser Bayle.

Il ne parle en aucun endroit de son livre des desseins marqués qui se manifestent dans tous les ètres. Il n'exa-couvrez-vous pas votre ignorance par des mots que vous mine point si les yeux sont faits pour voir, les oreilles pour entendre, les pieds pour marcher, les ailes pour voler; il ne considère ni les lois du mouvement dans les animaux et dans les plantes, ni leur structure adaptée à ces lois, ni la profonde mathématique qui gouverne le cours des astres: il craint d'apercevoir que tout ce qui existe atteste une providence divine; il ne remonte point des effets à leurs causes; mais, se mettant tout d'un coup à la tête de l'origine des choses, il bâtit son roman sur une supposition. Il supposait le plein, quoiqu'il soit démontré que tout mouvement est impossible dans le plein. C'est là principalement ce qui lui fait regarder l'univers comme une seule substance.

Comment Spinosa, ne pouvant douter que l'intelligence et la matière existent, n'a-t-il pas examiné au moins si la Providence n'a pas tout arrangé? Comment n'a-t-il pas jeté un coup d'œil sur ces ressorts, sur ces moyens dont chacun a son but, et recherché s'ils prouvent un artisan suprême? Il fallait qu'il fût ou un physicien bien ignorant, ou un sophiste gonflé d'un orgueil bien stupide, pour ne pas reconnaître une Providence toutes les fois qu'il respirait et qu'il sentait son cœur battre; car cette respiration et ce mouvement du cœur sont des effets

Quoi qu'il en soit, je remarquai de Spinosa qu'il suivait sa route sans regarder rien de ce qui pouvait la traverser. Il y a plus, il renversait tous les principes de la morale.

Bayle, qui l'a si maltraité, a recherché comme lui la vérité toute sa vie par des routes différentes. Spinosa fait un système spécieux en quelques points, et bien erroné dans le fond. Bayle a combattu tous les systèmes. Qu'est-il arrivé des écrits de l'un et de l'autre? Ils ont occupé l'oisiveté de quelques lecteurs; c'est à quoi tous les écrits se réduisent; et depuis Thalès jusqu'aux plus chimériques raisonneurs, jusqu'à leurs plagiaires, aucun philosophe n'a influé seulement sur les mœurs de la rue où il demeurait. Pourquoi? parce que les hommes se conduisent par la coutume et non par la métaphysique. Un seul homme éloquent, habile et accrédité, pourra beaucoup sur les hommes; cent philosophes n'y pourront rien, s'ils ne sont que philosophes.

DIDEROT.

Les absurdes rigoristes en religion ne connaissent pas | habits sacerdotaux, ces jeunes acolytes vêtus de leurs l'effet des cérémonies extérieures sur le peuple. Ils n'ont jamais vu notre adoration de la croix, le vendredi-saint, l'enthousiasme de la multitude à la procession de la Fête-Dieu, enthousiasme qui me gagne moi-même quelquefois. Je n'ai jamais vu cette longue file de prètres en

aubes blanches, ceints de leurs larges ceintures bleues, et jetant des fleurs devant le Saint-Sacrement, cette foule qui les précède et qui les suit dans un silence religieux, tant d'hommes le front prosterné contre terre ; je n'ai jamais entendu ce chant grave et pathétique, en

tonné par les prêtres et répondu affectueusement par une infinité de voix d'hommes, de femmes, de jeunes filles et d'enfans, sans que mes entrailles s'en soient émues, n'en aient tressailli, et que les larmes ne m'en soient venues aux yeux. Il y a là-dedans je ne sais quoi de sombre, de mélancolique. J'ai connu un peintre protestant qui avait fait un long séjour à Rome, et qui convenait qu'il n'avait jamais vu le souverain pontife officier dans Saint-Pierre, au milieu des cardinaux et de toute la prélature romaine, sans devenir catholique. ( Diderot, Essais sur la peinture.)

Point de vertus sans croire en Dieu; point de bonheur sans vertu : ce sont les deux propositions de l'illustre philosophe dont je vais exposer les idées. (Schaftesbury.)

Des athées qui se piquent de probité, et des gens sans probité qui vantent leur honneur, voilà mes adversaires. (Discours préliminaire.)

J'écris de Dieu je compte sur peu de lecteurs, et n'aspire qu'à quelques suffrages. Si ces pensées ne plaisent à personne, elles pourront n'être que mauvaises; mais je les tiens pour détestables, si elles plaisent à tout le monde. (Pensées philosophiques.)

Convenez qu'il y aurait de la folie à refuser à vos semblables la faculté de penser. Sans doute; mais que s'ensuit-il de là? Il s'en suit que si l'univers, que dis-je l'univers ! si l'aile d'un papillon m'offre des traces mille fois plus distinctes d'une intelligence que vous n'avez d'indices que votre semblable a la faculté de penser, il est mille fois plus fou de nier qu'il existe un Dieu que de nier que votre semblable pense. Or, que cela soit ainsi, c'est à vos lumières, c'est à votre conscience que j'en appelle. Avez-vous jamais remarqué dans les raisonnemens, les actions et la conduite de quelque homme que ce soit, plus d'intelligence, d'ordre, de sagacité, de conséquence que dans le mécanisme des insectes? La divinité n'est-elle pas aussi clairement empreinte dans l'œil du ciron que la faculté de penser dans les écrits de Newton? Quoi! le monde formé prouverait moins une intelligence que le monde expliqué? Quelle assertion! L'intelligence d'un premier être ne m'est-elle pas mieux démontrée par ses ouvrages, que dans la faculté de penser d'un philosophe par ses écrits? Songez donc que je ne vous objecte que l'aile d'un papillon, quand je pourrais vous écraser du poids de l'univers.

Je distingue les athées en trois classes. Il y en a qui vous disent nettement qu'il n'y a point de Dieu, et qui le pensent : ce sont les vrais athées. Un grand nombre

[blocks in formation]

J'appelle connaissances essentielles celles qui ont des objets réels et nécessaires à tous les états, dans tous les temps, et auxquelles rien ne peut suppléer, parce qu'elles comprennent tout ce que l'homme doit absolument savoir et faire, sous peine d'être dégradé et malheureux. Elles se réduisent à trois: 1° la religion, par laquelle nous devons commencer, continuer et finir, parce que nous sommes de Dieu, par lui et pour lui; 2o la morale, pour se connaître soi-même et les autres, ce que l'on peut et ce que l'on doit dans les cas divers où il plaît à la Providence de nous placer; 3° la physique, pour prendre une idée de la nature et de ses opérations, de notre propre corps et de ce qui fait la santé ou la rétablit, et des arts divers qui augmentent l'aisance en adoucissant les ennuis...

L'homme a une âme à perfectionner, des devoirs à observer et une autre vie à prétendre. Il est sous la main de Dieu, lié à une société et chargé de lui-même. Or, le premier commandement de Dieu est qu'on lui rende hommage de toutes ses facultés, en travaillant selon l'ordre de sa providence. La première loi de la société est qu'on lui soit utile, pour acheter par des services les avan

tages qu'elle procure. Le premier conseil de l'amour pro- | théologie, puisqu'il n'est point de science plus imporpre (l'amour de soi réglé par la raison) est d'aug- tante et plus aisée à apprendre. menter son bien-être par l'aisance que la raison permet et la considération que le mérite attire. Il faut donc que l'on abjure sa destination et son existence, ou que l'on connaisse les œuvres de Dieu et le culte qu'il exige, les droits de la nature et les ressources de l'économie, les lois de sa patrie et les talens qu'elle honore, les moyens de la santé et les arts d'agrémens. Il faut adorer Dieu, aimer les hommes, et travailler à son bonheur pour le temps et pour l'éternité. Religion, morale, physique, ces trois objets se représentent sans cesse et ne se séparent point.

L'histoire de la religion a deux parties: celle du peuple de Dieu, laquelle remonte à l'origine des siècles, ce que n'a fait aucune autre histoire, et celle de l'Église, qui, remplaçant ce peuple proscrit, ne finira qu'avec le monde. L'une ne contient que les faits, les lois et les oracles qui ont préparé la venue du Messie; l'autre nous montre la loi éternelle et immuable, établie par le Christ et les apôtres, avec l'oracle toujours subsistant dans l'Église, qui explique ses mystères et consacre sa doctrine. Les monumens authentiques de cette histoire sont, d'une part, les livres sacrés de l'Ancien et du Nouveau-Testament, et de l'autre, les décisions des saints conciles généraux, et les traditions unanimement reçues des anciens pères. On y ajoute la suite de la discipline, des rites et des établissemens divers, moins essentiels sans doute, puisqu'ils peuvent changer, mais qui constituent spécialement l'Histoire ecclésiastique. Voilà les faits de la religion et l'objet de ce qu'on appelle théologie positive, sans laquelle il n'y eut jamais que de vains et dangereux raisonnemens. Je ne parle donc ici que de la religion révélée : l'histoire des fausses religions et des hérésies en est, à la vérité, un accessoire, mais qui dépend de la morale, puisque c'est l'histoire, non de Dieu, mais des hommes.... Il ne peut y avoir de théorie et plus sûre et plus nette que celle de la religion, puisque les faits qui lui servent de base sont décidés et authentiques: il n'est point d'ignorance plus honteuse que celle de la vraie

Egalement éloigné de la superstition qui rend imbécile et du fanatisme qui rend féroce, la pratique est, pour les pasteurs, le gouvernement de leur Église et l'administration des sacremens; pour les docteurs, la prédication et la controverse; pour les bénéficiers, la prière et la frugalité; pour tous, la foi éclairée, la piété solide et la charité universelle. Mais celles-ci sont les principes et la fin, le fondement et le faîte de l'édifice éternel: car, sans elles, Dieu est oublié et insulté; la controverse aigrit au lieu de toucher, le confesseur égare au lieu d'aigrir; le bénéficier scandalise au lieu d'édifier; le pasteur s'endort et les brebis étonnées se divisent.... La religion ne prêche que l'ordre et l'amour, et n'öte point la raison, mais elle l'épure et l'ennoblit; elle ne détruit pas les hommes, mais elle en fait des saints. La morale humaine n'est pas le Christianisme, mais elle ne peut le contredire; elle vient du Ciel comme lui. La pratique de la morale, c'est la justice, qui comprend également la piété et l'humanité, et en elles toutes les vertus. La piété adore Dieu avec le respect profond d'une faible créature pour le Dieu de l'univers, et la tendre confiance d'un fils honnête pour son père.

N'est-il pas scandaleux que les jeunes gens parlent si hardiment de la religion dans le monde, et qu'ils en soient si peu instruits!... L'on doit commencer par faire apprendre aux enfans le petit Catéchisme de Fleury; il est vraiment substantiel, au-dessus de tout éloge, et fait exprès pour mon plan. C'est à de tels hommes qu'il convient de faire de petits abrégés; mais s'il était permis de toucher à un ouvrage si précieux, on ajouterait à la partie historique trois ou quatre leçons sur les conciles et les pères, et autant à la partie dogmatique sur la grâce, les abstinences et les fêtes...

Il ne faut pas glisser trop légèrement sur les lois de Moïse: c'est un chef-d'œuvre d'économie politique dont les plus fameux législateurs n'ont pas approché.

HELVÉTIUS.

RÉTRACTATION.

J'ai donné avec confiance le livre de l'Esprit, parce | effrayantes qui en résultent; j'en ai été extrêmement que je l'ai donné avec simplicité. Je n'en ai point prévu l'effet, parce que je n'ai point vu les conséquences

surpris, et encore beaucoup plus affligé. En effet, il est bien cruel et bien douloureux pour moi d'avoir alarmé,

scandalisé, révolté même des personnes pieuses, éclai- | tice, que je n'ai voulu donner atteinte ni à la nature de rées, respectables, dont j'ambitionnais les suffrages, et l'âme, ni à son origine, ni à sa spiritualité, ni à son de leur avoir donné lieu de soupçonner ma religion et immortalité, comme je croyais l'avoir fait sentir dans mon cœur ; mais c'est ma faute, je la reconnais dans plusieurs endroits de cet ouvrage. toute son étendue, et je l'expie par le plus amer repentir. Je souhaite très vivement et très sincèrement que tous ceux qui ont le malheur de lire cet ouvrage me fassent la grâce de me point juger d'après la fatale impression qui leur en reste.

> Je souhaite qu'ils sachent que, dès qu'on m'en a fait sentir la licence et le danger, je l'ai aussitôt désavoué, proscrit, condamné, et que j'ai été le premier à en demander la suppression.

Je souhaite qu'ils croient, en conséquence et avec jus

Je n'ai voulu attaquer aucune des vérités du Christianisme, que je professe sincèrement dans toute la rigueur de ses dogmes et de sa morale, et auquel je fais gloire de soumettre toutes mes pensées, toutes mes opinions et toutes les facultés de mon être certain que tout ce qui n'est pas conforme à son esprit ne peut l'être à sa vérité.

:

Voilà mes véritables sentimens ; j'ai vécu, je vivrai et je mourrai avec eux.

DALEMBERT ET BUFFON.

JUGEMENT DE LA HARPE.

On me demandra peut-être comment Dalembert, qui | athées. Il haïssait bien moins, à sa manière, l'abbé Butfut un des premiers fondateurs de ce monument encyclopédique que je viens de décrire comme un arsenal d'irréligion, se trouve placé par moi dans cette classe de philosophes que je sépare des sophistes. Je dois en dire les raisons. C'est qu'il ne m'est permis, en rigueur, de juger un écrivain que par ses écrits, puisque ce n'est que par ses écrits qu'il est homme public et ressort du tribunal de la postérité.....

Dalembert haïssait les prêtres beaucoup plus que la religion, et c'est pour cela que dans ses lettres il poussa contre eux la main de Voltaire, tandis qu'il retenait la sienne avec soin, mais sans peine. On s'aperçoit dans ses écrits qu'il n'avait pas même été insensible au charme des livres saints, encore moins au mérite de nos poètes et de nos orateurs chrétiens; et je ne crois pas qu'il ait jamais imprimé une phrase qui marque du mépris ou de la haine pour la religion; au lieu qu'on pourrait citer beaucoup de morceaux de ses Éloges, où, entraîné apparemment par ces héros du Christianisme, il en parle lui-même avec dignité, et, ce qui est encore plus pour lui, avec sentiment.

J'ai assez connu Dalembert pour affirmer qu'il était sceptique en tout, les mathématiques exceptées. Il n'aurait pas plus prononcé qu'il n'y avait point de religion, qu'il n'aurait prononcé qu'il y a un Dieu; seulement il trouvait plus de probabilité au théisme, et moins à la révélation de là son indifférence pour les divers partis qui divisèrent sur ces objets la littérature et la société. Il y tolérait en ce genre toutes les opinions, et c'est ce qui lui rendait insupportable l'arrogance intolérante des

teux, et aimait assez Foncemagne, tous deux très bons Chrétiens; ce qui prouve que ce n'était pas la croyance qui l'attirait ou le repoussait : il a loué avec épanchement Massillon, Fénelon, Bossuet, Fléchier, Fleury, non pas seulement comme écrivains, mais comme hommes religieux. Il était assez équitable pour être frappé du rapport constant et admirable entre leur foi et leur conduite, entre leur sacerdoce et leurs vertus. Il a laissé aux philosophes de la révolution la plate et ignoble insolence d'appeler fanatiques et déclamateurs ces grands génies dont le nom n'eût jamais été outragé parmi les hommes, s'il n'y avait pas eu une révolution française.

Nous croyons devoir joindre ici le jugement de La Harpe sur Buffon. Ce passage complètera notre notice sur ce grand écrivain :

Les erreurs de Buffon l'ont exposé à un reprochie plus grave dont j'ai déjà parlé, et que je ne rappelle ici que pour observer à sa louange qu'il a, du moins autant qu'il était en lui, prévenu, par un acte solennel de soumission à l'Église, l'abus qu'on pourrait faire de ses théories conjecturales sur la formation du globe. Il sut que la religion y avait paru compromise, et il se hâta de déclarer, dans un des volumes de l'Histoire naturelle, qu'il professait le plus profond respect pour nos saintes Écritures et pour l'autorité de l'Église, qui en est le seul interprète. Il expliqua ses hypothèses de manière à faire voir qu'elles pouvaient s'accorder avec le récit de la création dans la Genèse, et désavoua formellement toutes

les conséquences que l'irréligion voudrait en, tirer. La Sorbonne, qui était prête à le censurer, crut devoir se contenter de cet acte de Christianisme; et plus prudente que l'inquisition d'Italie, qui avait autrefois condamné Galilée fort mal à propos de toute manière, la Sorbonne se souvint du Mundum tradidit disputationi eorum, et pensa qu'on pouvait laisser conjecturer les physiciens sur ce que l'auteur de la nature n'avait pas jugé nécessaire d'expliquer.

Les athées n'en revendiquent pas moins Buffon à cause des résultats apparens de sa mauvaise physique, et je ne vois pas trop ce qu'ils peuvent y gagner. S'il fut athée, ce serait une raison de plus de concevoir comment un grand esprit a raisonné si mal sur la nature, en méconnaissant son auteur; et comment un génie d'une trempe bien supérieure, un Newton, a le premier connu et démontré ses lois. On sent combien ce contraste est loin d'être défavorable à la religion, qui, sans avoir

aucun besoin de ce fragile appui des lumières humaines, se trouve pourtant, par un ordre secret qu'il faut admirer, et à la honte de ses ennemis, avoir attiré à elle, depuis son origine, tout ce que le monde a eu de plus grand dans tous les genres, et avoir soumis tant de beaux génies à la foi de l'Evangile, prêché par de pauvres pêcheurs...

Il n'y a pas un homme que la secte philosophique puisse moins réclamer que Buffon, que je puis assurer l'avoir toujours eue en horreur.

Son caractère et son existence dans le monde s'accordent parfaitement avec cette aversion marquée qu'il eut toujours pour eux. Il ne les craignait pas plus qu'il ne les aimait; sa considération personnelle en France et en Europe était égale à sa renommée. On sait de quels honneurs il fut comblé par le gouvernement, et il lui était attaché par reconnaissance et par principes. Il est certain qu'il demanda les sacremens avant de mourir.

BOULLANGER.

JUGEMENT DE LA HARPE.

Boullanger fut l'un des plus grands ennemis du Christianisme, et s'en repentit amèrement à sa mort qui fut prématurée. Il mourut à trente-cinq ans. On convient que son érudition était fort embrouillée. L'envie de trouver partout des preuves du système qu'il s'était fait de l'antiquité indéfinie du globe terrestre le portait à étudier précipitamment beaucoup de livres et de langues; et toute cette nourriture, dévorée à la hâte, devait être très mal digérée. Les athées encyclopédistes qui, en prenant de sa main quelques articles d'économie politique | pour leur Dictionnaire, lui avaient tourné la tète d'amourpropre et d'impiété, et dont en mourant il détestait les leçons, cherchèrent à lui faire une réputation que ses ouvrages ne soutinrent pas, et se servirent de son nom après sa mort pour le mettre à la tète des plus scandaleuses productions. Mais Voltaire, qui ne ménageait pas toujours les athées, surtout quand ils l'ennuyaient trop, se moqua beaucoup de l'Antiquité dévoilée de Boullanger, qu'il appelait l'Antiquité voilée; et il avait raison.

[ocr errors]

Boullanger, très mauvais physicien, prétendait trouver dans le déluge, non-seulement la clé de toutes les fables païennes (ce qui est une exagération folle), mais la preuve physique de l'immense vétusté du globe. Des physiciens d'un ordre supérieur tels entre autres, que M. Deluc, y ont trouvé, au contraire, la preuve irrésistible du récit de Moïse et de sa chronologie, et ont conclu que la Genèse ne pouvait être que divinement inspirée. Ce M. Deluc est si fort en géologie et si convaincant en raisonnement, qu'aucun de nos savans athées n'a essayé de lui répondre, quoiqu'il les traite fort rudement. Mais les auteurs du Dictionnaire historique ne s'en sont pas moins trompés en attribuant à Boullanger, sur le bruit publie répandu par les philosophes, une très mauvaise brochure intitulée : le Christianisme dévoilé. Elle n'est pas plus de lui que le Système de la nature n'était de Mirabeau, le traducteur du Tasse et le secrétaire de l'Académie française.

« ÖncekiDevam »