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BENJAMIN CONSTANT.

DE LA RELIGION.

EXISTENCE DU SENTIMENT RELIGIEUX DANS LE COEUR
DE L'HOMME.

Nous irons plus loin: si la religion n'était pas dans la nature de l'homme, la supériorité de son organisation l'en éloignerait au lieu de l'y conduire; car le résultat de cette organisation supérieure étant qu'il satisfait mieux à ses besoins par les forces qu'il connaît et qu'il est parvenu à employer, il aurait d'autant moins de motifs de supposer ou d'invoquer des forces inconnues. Il se trouve mieux sur la terre il devrait être d'autant moins porté à lever les yeux vers le Ciel.

Cette observation s'applique à tous les états de la société humaine. Il n'y en a aucun où, si vous ne reconnaissez la religion pour inhérente à l'homme, elle ne soit un hors-d'œuvre dans son existence. Voyez nos associations civilisées. La culture de la terre subvient à notre nourriture. Nos murs et nos toits nous protégent contre les saisons. Il y a des lois pour nous garantir de la violence. Il y a des gouvernemens chargés de maintenir les lois, et qui, bien ou mal s'en acquittent. Il y a des supplices pour ceux qui les enfreignent. Il y a du luxe, des raffinemens, des plaisirs pour le riche. Il y a des sciences pour nous expliquer les phénomènes qui nous entourent et pour détourner ceux qui nous menacent. Il y a des médecins pour les maladies.

Les causes de nos douleurs sont nombreuses. L'autorité peut nous poursuivre, le mensonge nous calomnier. Les liens d'une société toute factice nous blessent. La destinée nous frappe dans ce que nous chérissons. La vieillesse s'avance vers nous, époque sombre et solennelle où les objets s'obscurcissent et semblent se retirer, et où je ne sais quoi de froid et de terne se répand sur tout ce qui nous entoure. Nous cherchons partout des consolations, et presque toutes nos consolations sont religieuses. Lorsque le monde nous abandonne, nous formons une alliance au-delà du monde. Lorsque les hommes nous persécutent, nous nous créons un appel par delà les hommes. Lorsque nous voyons s'évanouir nos illusions les plus chéries, la justice, la liberté, la patrie, nous nous flattons qu'il existe quelque part un Être qui nous saura gré d'avoir éte fidèles, malgré notre siècle, à la justice, à la liberté, à la patrie. Quand nous regrettons un objet aimé, nous jetons un pont sur l'abîme et le traversons par la pensée. Enfin, lorsque la vie nous échappe, nous nous élançons vers une autre vie. Ainsi la religion est la compagne fidèle, l'ingénieuse Quant à la mort, c'est un accident inévitable, dont il et infatigable amie de l'infortuné. Celui qui regarde est superflu de s'occuper. Tout n'est-il pas merveilleusecomme des erreurs toutes ces espérances devrait, cement arrangé pour l'homme? Quel besoin cet arrangenous semble, être plus profondément ému que tout autre de ce concours universel de tous les êtres souffrans, de ces demandes de la douleur, s'élevant vers le Ciel de tous les points de la terre. Je me suis souvent frappé de terreur et détonnement en lisant le fameux Système de la Nature. Ce long acharnement d'un vieillard à fermer devant lui tout avenir, cette inexplicable soif de la destruction, cet enthousiasme contre une idée douce et consolante, me paraissaient un bizarre délire.

En supposant le sentiment religieux, les espérances religieuses, l'enthousiasme qu'elles inspirent, de vaines illusions, ce seraient encore des illusions particulières à l'homme; ces illusions le distingueraient du reste des ètres vivans, et il en résulterait pour lui une seconde exception, non moins singulière. Tous les ètres se perfectionnent d'autant plus qu'ils obéissent à leur nature; l'homme se perfectionnerait d'autant plus qu'il s'éloignerait de la sienne. La perfection de tous les êtres est dans la vérité; celle de l'homme serait dans l'erreur!

ment laisse-t-il sans le satisfaire? Quelle crainte, sans la
calmer? Où donc est la cause extérieure qui nous rend la
religion nécessaire? Elle l'est pourtant; nous le sentons,
les uns toujours, les autres par intervalles : c'est que
cette cause n'est pas hors de nous; elle est en nous,
fait partie de nous-mêmes.

elle

La société, le langage, la religion, sont inhérens à l'homme. Assigner à la religion, à la sociabilité, à la faculté du langage, d'autres causes que la nature de l'homme, c'est se tromper volontairement. L'homme n'est pas religieux parce qu'il est timide, il est religieux parce qu'il est homme.

Il y a quelle chose d'indestructible dans la religion. Elle n'est ni une découverte de l'homme éclairé qui soit étrangère à l'homme ignorant, ni une erreur de l'homme ignorant dont l'homme éclairé puisse s'affranchir. Mais il faut distinguer le fond d'avec les formes, et le sentiment religieux d'avec les institutions religieuses.

Ni cet animal que l'homme a subjugué, ni ces organi

sations sociales qu'il a établies, ni ces lois qu'il a procla- | mées, ni ces besoins qu'il a satisfaits, ni ces plaisirs qu'il diversifie, ne suffisent à son âme. Un désir s'élève sans cesse en lui et demande autre chose. Il a examiné, parcouru, conquis, décoré la demeure qui le renferme, et son regard cherche une autre sphère. Il est devenu maître de la nature visible et bornée, et il a soif d'une nature invisible et sans bornes. Il a pourvu à des intérêts qui, plus compliqués et plus factices, semblent d'un genre plus relevé. Il a tout connu, tout calculé, et il éprouve de la lassitude à ne s'être occupé que d'intérêts et de calculs. Une voix crie au fond de luimême et lui dit que toutes ces choses ne sont que du mécanisme, plus ou moins ingénieux, plus ou moins parfait, mais qui ne peut servir de terme ni de circonscription à son existence, et que ce qu'il a pris pour un but n'était qu'une série de moyens.

vers un centre inconnu, invisible, sans nulle analogie avec la vie habituelle et les intérêts journaliers.

Cette disposition fait de l'homme un être (double et énigmatique, et le rend quelquefois comme déplacé sur cette terre.

Nous éprouvons un désir confus de quelque chose de meilleur que ce que nous connaissons : la religion nous présente ce quelque chose de meilleur. Nous sommes importunés des bornes qui nous resserrent et qui nous froissent le sentiment religieux nous annonce une époque où nous franchirons ces bornes. Nous sommes fatigués des agitations de la vie, qui, sans se calmer jamais, se ressemblent tellement, qu'elles rendent à la fois la satiété inévitable et le repos impossible. Le sentiment religieux nous donne l'idée d'un repos ineffable toujours exempt de satiété. En un mot, le sentiment religieux est la réponse à ce cri de l'âme que nul ne fait taire, à cet élan vers l'inconnu, vers l'infini, que nul ne parvient à dompter aisément, de quelques distractions qu'il s'entoure, avec quelque habileté qu'il s'étourdisse ou qu'il se dégrade.

TRIOMPHE DE LA VÉRITÉ RELIGIEUSE.

Deux religions se disputent l'univers.

L'une est appuyée par l'autorité; elle est forte de dix siècles de durée, ou, pour mieux dire, son origine se perd dans la nuit des âges. Les poètes l'ont embellie, les philosophes l'ont épurée. C'est la religion de toutes les nations éclairées : c'est le culte du peuple dominateur

Il faut bien que cette disposition soit inhérente à l'homme, puisqu'il n'est personne qui n'ait, avec plus ou moins de force, été saisi par elle dans le silence de la nuit, sur les bords de la mer, dans la solitude des campagnes. Il n'est personne qui ne se soit, pour un instant, oublié lui-même, senti comme entraîné dans les flots d'une contemplation vague, et plongé dans un océan de pensées nouvelles, désintéressées, sans rapport avec les combinaisons de cette vie. L'homme le plus dominé par des passions actives et personnelles a pourtant, malgré lui, subitement, de ces mouvemens qui l'enlèvent à toutes les idées particulières et individuelles. Tout ce qui, au physique, tient à la nature, à l'univers, à l'immensité; tout ce qui, au moral, excite l'attendrissement et l'enthousiasme : le spectacle d'une action vertueuse, d'un géné- L'autre n'a ni la protection du pouvoir, ni l'appui de reux sacrifice, d'un danger bravé courageusement, de la traditions antiques. La poésie ne lui a prodigué aucun douleur d'autrui secourue ou soulagée, le mépris du ornement. Elle n'est point accompagnée du cortége vice, le dévoûment au malheur, la résistance à la ty- brillant de la philosophie. Elle n'a point contracté d'alrannie, réveillent et nourrissent dans l'âme de l'homme liance avec les profondeurs imposantes de la métaphycette disposition mystérieuse; et si les habitudes de l'é- | sique. Elle a pris naissance dans une contrée obscure, goïsme le portent à sourire de cette exaltation momen- chez un peuple odieux au reste des hommes, et même tanée, il n'en sourit néanmoins qu'avec une honte secrète dans la fraction la plus dédaignée de ce peuple, objet qu'il cache sous l'apparence de l'ironie, parce qu'un in- du mépris universel. stinct sourd l'avertit qu'il outrage la partie la plus noble de son être.

Ajoutons qu'en nous étudiant bien dans ces heures si courtes et si peu semblables à tout le reste de notre existence, nous trouverons qu'à l'instant où nous sortons de cette rêverie et nous laissons reprendre par les intérêts qui nous agitent, nous nous sentons comme des cendre d'un lieu élevé dans une atmosphère plus dense et moins pure, et nous avons besoin de nous faire violence pour rapprendre ce que nous nommons la réalité. Il existe donc en nous une tendance qui est en contradiction avec notre but apparent et avec toutes les facultés qui nous aident à marcher vers ce but. Ces facultés, toutes adaptées à notre usage, correspondent entre elles pour nous servir, se dirigent vers notre plus grande utilité, et nous prennent pour unique centre. La tendance que nous venons de décrire nous pousse au contraire hors de nous, nous imprime un mouvement qui n'a point notre utilité pour but, et semble nous porter

Qui ne croirait que la première doit triompher sans peine? Tous les hommes éclairés le pensent; tous sourient quand un bruit sourd et confus leur apprend l'existence de quelques fanatiques épars, inconnus, persécutés.

D'où vient que l'événement trompe ces superbes prévoyances? C'est que le nom des dieux se rattache à des souvenirs de grossièreté et d'ignorance; c'est que les apôtres de la foi nouvelle marchent entourés de miracles incontestables, par cela seul que ceux qui les affirment sont pleins d'une inébranlable conviction. Les défenseurs de la forme ancienne s'appuient avec embarras sur des prodiges dont eux-mêmes doutent. Les premiers se servent sans crainte et de la raison et de la foi : de la raison contre leurs ennemis, de la foi pour leur propre doctrine. Ils ne craignent point de compromettre par la dialectique une cause qui ne saurait être compromise: leur arme offensive est l'examen, leur égide une persuasion intime et profonde. Les seconds balancent

entre la raison qui les menace et un enthousiasme qui pålit devant l'enthousiasme opposé. Le scepticisme qu'ils veulent diriger contre leurs adversaires réagit contre eux; et précisément parce qu'ils ne sont pas fermes dans leur croyance, ils sont timides dans leurs négations. Leurs plaidoyers, plus ou moins habiles, sont empreints de condescendances, d'aveux arrachés et rétractés, d'insinuations qui laissent apercevoir que la religion qu'ils recommandent n'est un appui que pour les faibles, et que les forts peuvent s'en passer. Or, ils se mettent au nombre des forts, et l'on est mauvais missionnaire quand on se place au-dessus de sa propre profession de foi.

On pourrait croire qu'ils ont plus de zèle, parce qu'ils ont un motif de plus. Ils sont excités par leur intérêt, tandis que les martyrs de l'opinion qui s'élève sont loin du moment où sa victoire procurera des avantages personnels à ses partisans. Mais le désintéressement est la première des puissances, et lorsqu'il faut entraîner, persuader, convaincre, l'intérêt affaiblit au lieu de fortifier.

CHUTE DE L'HOMME.

L'état sauvage a-t-il été l'état primitif de notre espèce? Les philosophes du dix-huitième siècle se sont décidés pour l'affirmative avec une grande légèreté.

Tous leurs systèmes religieux et politiques partent de l'hypothèse d'une race réduite primitivement à la condition des brutes errant dans les forêts, et s'y disputant le fruit des chènes et la chair des animaux; mais si tel était l'état naturel de l'homme, par quels moyen l'homme en serait-il sorti?

Les raisonnemens qu'on lui prète pour lui faire adopter l'état social ne contiennent-ils pas une manifeste pétition de principes? Ces raisonnemens supposent l'état social déjà existant. On ne peut connaître ses bienfaits qu'après en avoir joui. La société, dans ce système, serait le résultat du développement de l'intelligence, tandis que le développement de l'intelligence n'est luimême que le résultat de la société.

Invoquer le hasard, c'est prendre pour une cause un mot vide de sens. Le hasard ne triomphe point de la nature. Le hasard n'a point civilisé des espèces inférieures, qui, dans l'hypothèse de nos philosophes, auraient dû rencontrer aussi des chances heureuses.

La civilisation par les étrangers laisse subsister le problème intact. Vous me montrez des maîtres instrui- | sant des élèves, mais vous ne me dites pas qui a instruit les maîtres. C'est une chaîne suspendue en l'air. Il y a plus les sauvages repoussent la civilisation, quand on la leur présente.

Plus l'homme est voisin de l'état sauvage, plus il est stationnaire. Les hordes errantes que nous avons découvertes, clair-semées aux extrémités du monde connu, n'ont pas fait un seul pas vers la civilisation. Les habitans des côtes que Néarque a visitées sont encore aujourd'hui ce qu'elles étaient il y a deux mille ans. A présent, comme alors, ces hordes arrachent à la mer une subsistance incertaine. Le besoin ne les a pas instruites; la misère ne les a pas éclairées; et les voyageurs modernes

III.

les ont retrouvées telles que les observait, il y a vingt siècles, l'amiral d'Alexandre.

Aussi nous ne prenons pas l'état sauvage comme celui dans lequel s'est trouvée l'espèce humaine à son origine. Nous ne disons nullement que cet état grossier ait été le premier; nous ne nous opposons point à ce qu'on le regarde comme une détérioration, une dégradation, une chute.

DE LA RÉVÉLATION.

Nous ne voulons pas nier la révélation qui sert de base à la croyance de tous les peuples civilisés de l'Europe. En disant que le sentiment religieux prend une forme et la brise ensuite, nous ne contestons point que cette forme ne puisse lui ètre présentée d'une manière surnaturelle quand il la reçoit, et qu'il ne puisse de même en être affranchi d'une manière surnaturelle quand il la brise. C'est même ce qui est arrivé d'après le récit littéral et formel de nos livres sacrés. La loi juive était une loi sévère, offerte aux Hébreux par la puissance suprême qui les éclairait, et acceptée par le sentiment religieux de cette nation. Cette loi néanmoins n'étant bonne que pour un temps, elle fut remplacée par la loi nouvelle, c'est-à-dire que l'ancienne forme fut brisée par son auteur, que le sentiment religieux fut invité et autorisé à s'en détacher, et qu'une forme nouvelle lui fut substituée. Affirmer que le germe de la religion se trouve dans le cœur de l'homme, ce n'est certainement pas assigner à ce don du Ciel une origine purement humaine. L'Etre infini a déposé ce germe dans notre sein, pour nous préparer aux vérités que nous devions connaître. Nous pourrions nous appuyer ici de l'autorité de saint Paul, qui dit que Dieu avait laissé, jusqu'à une certaine époque, les nations le chercher par leurs propres forces. Plus on est convaincu que la religion nous a été révélée par des voies surnaturelles, plus on doit admettre que nous avions en nous la faculté de recevoir les communications merveilleuses. C'est cette faculté que nous nommons le sentiment religieux. En partant, dans nos recherches, de l'état le plus grossier de l'espèce humaine, et en montrant comment elle en est sortie, nous n'infirmons point les récits du seul peuple qu'il nous soit prescrit de placer dans une classe particulière. Ces récits, en nous racontant les manifestations célestes qui ont entouré le berceau du monde, nous apprennent aussi que la race des hommes a mal profité de ce bienfait. Les mérites que la puissance suprême lui avait fait connaître se sont rapidement effacés de sa mémoire, et à l'exception d'une tribu spécialement favorisée, elle a été bientôt replongée dans l'ignorance et dans l'erreur. Loin de dire que la religion n'est que la création de la crainte ou l'œuvre de l'imposture, nous avons prouvé que ni l'imposture ni la cainte n'ont suggéré à l'homme ses premières notions religieuses. Nous pensons que l'idée dominante de notre ouvrage n'ébranle aucune des bases de la religion chrétienne.

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TRACES D'UNE RÉVÉLATION PRIMITIVE.

Lorsqu'on remonte jusqu'aux plus obscures des époques historiques, l'on n'aperçoit plus, dans la nuit des siècles, que quelques masses énormes que les ténèbres rendent à la fois plus confuses et plus imposantes, et qui, séparées entre elles par des abimes, conservent des traits d'une étonnante similitude.

s'ensuit que cette religion vulgaire était pour le peuple la seule religion. Les monumens religieux étant de même construits sous la direction de cette caste, les allégories de la science devaient y occuper une place plus grande que dans le culte public. Quant à l'autorité des philosophes, il est assez simple que, retrouvant dans les symboles des prètres des doctrines cosmogoniques et analogues aux leurs, ils les aient fait valoir aux dépens des dogmes et des opinions populaires. Il s'ensuit que la méthaphysique et la physique sacerdotales sont devenues la méthaphysique et la physique philosophiques; mais nullement que la multitude n'ait reconnu dans les idées religieuses que des abstractions personnifiées. Or, si elle ne les a pas reconnues pour telles, elles n'ont pas été une opinion primitive et générale. « L'histoire des dieux, poursuit Dupuis, n'est autre chose que la nature; et, comme elle n'a point d'autres aventures que ces phé

En parcourant l'Europe, l'Asie, et ce que nous connaissons de l'Afrique; en partant de la Gaule, ou mème de l'Espagne, et en passant par la Germanie, la Scandinavie, la Tartarie, l'Inde, la Perse, l'Arabie, l'Éthiopie et l'Égypte, nous trouvons partout des usages pareils, des cosmogonies semblables, des corporations, des rites, des sacritices, des cérémonies, des coutumes et des opinions, ayant entre elles des conformités incontestables; et ces usages, ces cosmogonies, ces corporations, ces rites, ces sacrifices, ces cérémonies, ces opinions,nomènes, les aventures des dieux seront donc les phénous les retrouvons en Amérique, dans le Mexique et dans le Pérou.

nomènes de la nature mis en allégories. » L'histoire des dieux n'est celle de la nature que pour les hommes qui C'est vainement que l'on voudrait assigner pour cause ont étudié la nature; la foule ne l'étudie pas. L'histoire à ces conformités des dispositions générales, inhérentes des dieux est pour cette foule celle des impressions de à l'esprit humain. Il éclate dans plusieurs détails des détail qu'elle reçoit des objets extérieurs, combinées ressemblances si exactes sur des points si minutieux, avec son besoin d'adorer quelque chose qui soit au-desqu'il est impossible d'en trouver la raison dans la nature sus d'elle; les motifs qu'elle suppose à l'action de ces obou dans le basard; et ce que nous apprenons journelle- jets extérieurs, les passions qu'elle leur prète, ont dù ment des antiquités de l'inde, la manière dont les sa- donner lieu à des fables sans aucun rapport avec les vans anglais reconnaissent dans les traditions de cette phénomènes de la nature, mais qu'on a ensuite interprécontrée les dates principales de l'histoire juive et les fa-tées de manière à les rattacher à ces phénomènes. « L'anbles de la religion grecque, romaine et scandinave, l'es-cienne religion du monde, ajoute cet auteur, est encore pèce de concordance qui en résulte pour les croyances de ces peuples, toutes ces choses ont redonné, dans ces derniers temps, une vraisemblance presque irrésistible à l'hypothèse d'un peuple primitif, source commune, tige universelle de l'espèce humaine.

RÉFUTATION DU SYSTÈME DE DUPUIS ET DE
CELUI DE VOLNEY.

Il suffit de considérer la suite des assertions qui composent le système de Dupuis, tel que lui-mème l'expose, pour se convaincre de sa fausseté. « J'examine, dit-il, ce qu'ont pensé de la Divinité les hommes de tous les siècles et de tous les pays. » Ce n'est donc pas seulement des philosophes et de leurs hypothèses qu'il parle, mais aussi du peuple et de sa croyance. « J'ai prouvé, continue-t-il, par les témoignages historiques de tous les peuples du monde, par l'inspection de leurs monumens religieux et politiques, par les divisions et les distributions de l'ordre sacré et de l'ordre social, enfin par l'autorité des anciens philosophes, que c'est à l'univers et à ses parties que, primitivement et plus généralement, les hommes ont attribué l'idée de la Divinité. » Comme chez presque toutes les nations, les prètres étaient, dans T'origine, les seuls historiens; il n'est pas étonnant que les témoignages historiques aient placé au-dessus ou à côté de la religion vulgaire les doctrines raffinées des prètres; et, de cela seul qu'ils ont été forcés de faire mention de cette religion vulgaire pour l'interpréter, il

et

la moderne. » Rien n'est plus faux, si cette assertion s'applique à la partie morale, à l'influence réelle de la religion. On aurait beau prouver mille fois que tous les objets de l'adoration, depuis Osiris jusqu'à JésusChrist, n'ont, dans le langage des prètres, été que le soleil; certes l'influence qu'avait la religion sur les Egyptiens et celle qu'a exercée le Christianisme dans sa pureté n'en demeureraient pas moins différentes; l'espèce humaine n'en aurait pas moins changé de destinée, et fait un pas immense, en passant du polythéisme égyptien, ou mème du polythéisme grec qui, comme on le verra, valait beaucoup mieux, à la conception du théisme, d'un théisme fondé sur la justice et non sur la force, sur la bonté et non sur l'exigence, sur l'amour et non sur la terreur. Dupuis reprend : « La lumière et les ténèbres qui sont dans un éternel contraste avec elles, la succession des jours et des nuits, l'ordre périodique des saisons, et la marche de l'astre brillant qui en règle le cours, celle de la lune, sa sœur et sa rivale, la nuit et les feux innombrables qu'elle allume sur l'azur des cieux, la révolution des astres, plus ou moins longue sur notre horizon, et la constance de cette durée dans les étoiles fixes, la variété dans les étoiles errantes ou les planètes, leur marche directe ou rétrograde, leurs stations momentanées; les phases de la lune croissante, pleine, décroissante, et dépouillée de toute lumière; le mouvement progressif du soleil de bas en haut et de haut en bas, l'ordre successif du lever et du coucher des étoiles fixes qui marquent les différens points de la course du

soleil, tandis que les faces variées que prend la terre marquent ici-bas les mèmes époques du mouvement annuel du soleil; la correspondance de celle-ci dans ses formes avec les formes célestes auxquelles s'unit le soleil; les variations que subit cette même correspondance durant une longue suite de siècles, la dépendance passive dans laquelle la partie sublunaire du monde se trouve vis-à-vis de la partie supérieure à la lune; enfin, la force éternelle qui agite toute la nature d'un mouvement intérieur semblable à celui qui caractérise la vie; tous ces différens tableaux, exposés aux regards de l'homme, ont formé le grand et magnifique spectacle dont je l'environne au moment où il va se créer des dieux. Il ne s'est point mépris sur la toute-puissance, sur la variété de ces causes partielles qui composent la cause universelle. Pour le prouver, j'ai ouvert les livres où l'homme a, dès la plus haute antiquité, consigné ses réflexions sur la nature, et j'ai fait voir qu'aucun de ces tableaux n'a été oublié. Donc, c'est là ce qu'il a chanté; c'est là ce qu'il a adoré. » Nous avons cité ce long passage, parce qu'il met dans toute son évidence l'erreur profonde de Dupuis. L'homme, dans l'enfance de l'état social, et dans l'ignorance où il est plongé, remarque sans doute la transition de la lumière aux ténèbres, la succession des jours et des nuits, l'ordre des saisons; mais assurément il n'a pas démêlé alors la révolution des astres, leur marche directe ou rétrograde, leurs stations momentanées, la correspondance de la terre dans ses formes avec les formes célestes, et les variations que subit cette correspondance durant une longue suite de siècles.

d'étude et de réflexion. « Les hommes ont jugé de ce qui est par ce qu'ils voient et par ce qu'ils sentent. » Précisément; et c'est pour cela que leur religion s'est formée de conjectures sur les apparences extérieures, et non de découvertes qu'ils n'avaient point encore faites: elle s'est composée de sentimens naissant au fond de leur àme, et non de raisonnemens, produit de longues méditations. >> Les notions qu'il nous plaît d'appeler sauvages en sont restées là. Que de siècles il a fallu aux hommes pour y revenir; et combien peu sont capables de recevoir cette sublime leçon ! » Si cette leçon est tellement sublime que si peu d'hommes soient capables de la recevoir, comment se fait-il que les nations sauvages y soient arrivées ? Car il a bien fallu y arriver, pour y rester. Mais une phrase de Dupuis nous dévoile la source de son erreur. « L'empire des sens, dit-il, précède celui de la réflexion. Les notions puisées dans l'ordre physique ont existé pendant bien plus de siècles et chez un bien plus grand nombre d'hommes que les abstractions métaphysiques postérieurement imaginées. » Le vice est dans l'emploi du mot notions, quand il devrait y avoir sensations. L'empire des sens est aussi étranger aux notions physiques qu'aux abstractions métaphysiques. Les unes sont de la science aussi bien que les autres; et la religion précède la science physique, aussi bien que les hyphothèses métaphysiques.

En réfutant l'idée fondamentale du système de Dupuis, nous croyons avoir réfuté celui de Volney. La base de ces deux systèmes est identique, et les vices des raisonnemens sur lesquels ils reposent sont du même genre. DuCe dernier mot décèle toute la fausseté du système. puis et Volney croient l'un et l'autre qu'il est essentiel Dupuis suppose l'homme environné de ce spectacle, de prouver que telle fable a pris naissance dans une allééclairé par ces observations qu'une longue suite de siè- gorie cosmogonique ou astronomique. La chose peut être cles a dû précéder, au moment où il va se créer des dieux! bonne à savoir, mais ne nous apprend rien sur l'effet Ainsi, il serait resté sans idées religicuses durant tous les moral de la religion dans laquelle cette fable était ou est siècles antérieurs. Cette supposition se réfute d'elle- encore consacrée. Nous le demandons à nos lecteurs, même par les faits que nous avons sous les yeux. L'Os- quand même Volney aurait bien clairement démontré tiaque et l'Iroquois n'ont pas eu besoin d'ètre des savans qu'Abraham n'est que le génie personifié de l'astre Sirius, et des astronomes pour se prosterner devant un fétiche et que, dans les sacrifices d'Isaac, il devient la planète ou un manitou. Dupuis se fonde sur les livres où l'homme de Saturne, cela change-t-il rien aux rapports que la traa, dès la plus haute antiquité, consigné ces réflexions. dition de ce sacrifice établissait entre Jéhovah et ses adoMais la religion, dans sa forme grossière, a précédé tous rateurs? et, pour juger de l'influence de la religion juive, les livres. Ces découvertes en astronomie, ces observa- n'est-ce pas de ces rapports qu'il faut nous occuper? tions du cours des astres, ces triomphes de l'intelligence Quand le même écrivain nous parle du soin de l'auteur humaine, c'est bien là ce que l'homme a chanté ; mais ce de la Genèse pour donner à son récit le caractère histon'est point là ce que l'homme a adoré primitivement, c'est | rique et moral convenable à son but, il nous met sur la même ce que l'homme n'a jamais adoré : car ces phéno-route, mais comment se fait-il qu'il s'en détourne aussimènes physiques, bien qu'ils aient pu être revêtus d'em- tôt? N'en est-il pas de même des sept riches ou patriarblèmes religieux, n'ont jamais été l'objet de l'adoration.ches indiens? Qu'ils soient les génies des sept étoiles de L'homme a pu adorer des ètres auteurs de ces phéno- la constellation de l'Ourse, réglant la marche des navimènes, mais auxquels il a toujours prêté un caractère gateurs et des laboureurs qui la contemplent, à la bonne individuel, indépendant de leurs rapports avec les phé-heure; mais ne vaudrait-il pas la peine, pour apprécier nomènes de la nature. « Cette nature, poursuit Dupuis, s'est toujours montrée aux hommes comme l'ètre principe de tout, et qui n'a pas d'autre cause que lui-même.» La nature ne s'est point montrée à la masse des hommes sous une forme tellement abstraite, tellement inintelligible, même pour des esprits fort exercés; cette notion n'a pénétré dans les têtes humaines qu'après des âges

la religion des justes, de rechercher jusqu'à quel point l'exemple des richis, si étonnans par leur pénitence, a pu encourager l'esprit contemplatif des peuples de ces contrées, ou plutôt jusqu'à quel point cet esprit contemplatif, effet du climat, a favorisé l'invention ou l'adoption de fables pareilles? Enfin, lorsqu'il explique ce qu'il nomme la mythologie d'Adam et d'Ève, par les si

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