Sayfadaki görseller
PDF
ePub

sur acquèts et joignent maisons à maisons, s'écriait : «N'y aura-t-il que vous sur la terre pour l'habiter? » Il me semble que je pourrais m'écrier de même : « N'y aurait il que vous dans l'Église pour la servir?» Mais que dis-je,

pour servir l'Église? Elle serait souvent bien mal servie, si elle ne l'était que par ceux qui veulent avoir plus de raisons et plus d'obligations de la servir.

NICOLE.

PRÉJUGÉS LÉGITIMES.

Le plus grand bien des hommes qui sont nés dans les | ténèbres et dans l'ombre de la mort, est que Dieu ait daigné les éclairer de ses lumières, et leur montrer la voie de sortir d'un si malheureux état, en les appelant à la véritable religion. Mais cette véritable religion, qui est le fondement de leur espérance et de leur consolation en ce monde, est en même temps ce qui leur cause de plus grands troubles et de plus vives inquiétudes; parce que Dieu, par un conseil impénétrable de sa justice, n'a pas voulu la rendre si visible à ceux qui la recherchent, qu'il ne les ait laissés encore dans un très grand danger de s'égarer dans cette recherche.

S'il n'y avait, pour la trouver, qu'à comparer le Christianisme à la religion dont les Juifs font maintenant profession, ou avec toutes ces religions fantastiques qui règnent dans le monde, et qui sont de purs ouvrages de l'imposture ou du caprice des hommes, le discernement n'en serait pas difficile, l'avantage de la religion chrétienne au-dessus de celle-là étant très clair et très manifeste. Mais ce n'est encore rien que d'en être venu là et de savoir en général que le Christianisme est la religion véritable, parce que, y ayant diverses sociétés qui en font profession et qui ne laissent pas de se condamner mutuellement d'erreur et d'hérésie, il n'y en peut avoir qu'une qui enseigne la vérité pure et à laquelle on doive s'unir pour parvenir au salut.

Dieu n'a pas seulement livré le monde corporel aux disputes des hommes, selon l'Écriture; mais, par un effet bien plus terrible de sa justice, il leur a même en quelque sorte abandonné les divins mystères et les vérités saintes qu'il leur a révélées, en permettant qu'elles fussent exposées à leur contradiction, qu'elles devinssent le sujet de leurs contestations, et que les sophistes téméraires s'en jouassent avec insolence dans leurs discours et dans leurs écrits.

Il est vrai que l'on ne peut pas tout-à-fait dire de ces sortes de disputes ce que le Sage dit de celles qui ont pour objet les chosés de la nature, que les hommes, par toutes leurs recherches, n'arrivent jamais à en connaître la vérité : Mundum tradidit disputationibus eorum, ut nunquam inveniant opus quod operatum est. Il

est certain, au contraire, qu'elle ne laisse pas de paraître et même d'éclater parmi les nuages que l'on tâche de répandre pour l'obscurcir, et que les personnes humbles, sincères et intelligentes ne laissent pas de la découvrir parmi ces embarras de questions et de fausses subtilités dont on s'efforce de l'envelopper.

Mais il faut reconnaître aussi que cet éclat n'est pas pour tout le monde, que cette lumière n'est pas telle qu'elle dissipe toujours toutes les ténèbres qui la couvrent aux yeux des hommes préoccupés, et que Dieu n'a pas voulu qu'il y eût dans plusieurs points de notre religion des clartés si vives, que des esprits prévenus et téméraires ne fussent pas capables de se les cacher à eux-mêmes. Car l'aveuglement de l'homme est tel, qu'il y a peu de choses dont il ne puisse douter; et ce qui est encore plus étrange, il n'y a presque point de raison si faible qu'il ne puisse préférer aux plus fortes et aux plus solides.

Les hommes s'engagent dans leurs erreurs comme ils s'engagent dans les autres crimes, et le déréglement de leur esprit est à peu près semblable à celui de leur volonté; quelque infinie que soit la disproportion qu'il y a entre Dieu et les créatures, entre les choses éternelles et les temporelles, on ne laisse pas de préférer tous les jours à Dieu et aux biens éternels les moindres plaisirs et les moindres intérêts du monde; parce que l'on sent vive-› ment ces intérêts et ces plaisirs, et qu'au contraire on ne conçoit Dieu et les choses éternelles que faiblement.

C'est en cette manière que l'esprit se laisse emporter par les plus vaines lueurs et les plus mauvaises raisons. Il n'y a pour cela qu'à s'y appliquer fortement; car cette application fait qu'il ne voit que celles-là, et qu'il s'en remplit tellement, que toutes les autres raisons n'y peuvent trouver d'entrée.

La plupart des questions ne se doivent décider que par la comparaison des raisons de part et d'autre. Et c'est presque toujours ètre téméraire que de se déterminer sur celles d'un seul parti. Mais qu'il est aisé de s'égarer dans cette comparaison, ou de n'y procéder pas de bonne foi! Combien y en a-t-il qui n'ont pas assez d'étendue d'esprit pour comprendre tant de choses tout à la fois! S'ils s'at

.

Ils soutiennent donc leur faiblesse par sa force, leur | qu'ils condamnent quelque subtile différence qui leur instabilité par sa fermeté. Ils voient par ses yeux; ils fait croire qu'ils n'ont pas sujet d'appréhender le même marchent sur ses pas, et ils se dépouillent heureusement danger. du soin de leur conduite dans un chemin si difficile, pour se reposer uniquement sur la sienne.

S'ils sont du nombre des simples, ils se contentent de savoir les vérités qu'elle leur propose, et de s'en nourrir. Si Dieu leur donne plus de lumières et plus de moyens de s'appliquer à la méditation des mystères, ils s'y appliquent sans se départir de cette soumission: et bien loin qu'en marchant par cette voie ils viennent à se repentir du choix qu'ils ont fait, ils en connaissent de plus en plus la nécessité et la justice par un accroissement de lumière, qui fait passer leur foi en intelligence, et leur soumission en clarté,

Ainsi, quelle que soit l'inégalité de leurs lumières particulières, ils demeurent justement unis dans une même communion, parce que la lumière de l'Église sur laquelle ils s'appuient les égale tous, et leur donne la même confiance, la même certitude et la même paix.

Mais quelque raisonnable que soit cette voie, quel que conforme qu'elle soit à l'état des hommes dans cette vie, quelque évidente que soit la nécessité qu'ils ont d'y entrer, il s'est trouvé néanmoins depuis le commencement de l'Église grand nombre d'esprits présomptueux qui l'ont rejetée, qui ont voulu examiner par eux-mêmes Jes vérités de la foi, qui se sont crus capables de les discerner par leur propre recherche, et qui, s'étant élevés contre l'Église, ont eu la hardiesse de l'accuser d'erreur, et de porter les peuples à s'en séparer pour se joindre à

+ eux.

Ce sont des auteurs de sectes et de factions, que saint Augustin appelle des enfans méchans, qui s'efforcent d'attirer à eux par la réputation de leur nom les peuples faibles et crédules, et de former des sectes et des partis; et à qui il reproche d'ètre enfiés d'orgueil, fu- | rieux et emportés par leur opiniâtreté, trompeurs par leurs calomnies, turbulens par les séditions qu'ils excitent: Estis filii mali qui infimas plebes jactantia sui nominis irretitas, vel totas trahere, vel certè dividere affectunt, superbiá tumidi, pervicacia vesani, calumniis insidiosi, seditionibus turbulenti.

Ce qui est le plus déplorable, c'est que leurs efforts ne sont pas tout-à-fait vains, et qu'ils ne manquent guère de trouver des personnes imprudentes qui les écoutent, qui se joignent à eux, et qui, par une illusion funeste, s'imaginent trouver plus de sûreté en suivant leurs vains raisonnemens, qu'en s'attachant à l'autorité de l'Église. Cette soumission qu'on leur prescrit dans l'Église catholique, quelque juste et quelque heureuse qu'elle soit, les importune; et cette liberté, que tous les auteurs des sectes leur donnent d'examiner la religion par eux-mêmes, les flatte et les attire. Et, quoique l'expérience leur apprenne que tous ceux qui ont pris ce chemin s'y sont égarés, et que toutes les sectes fondées sur des lumières particulières se sont pour la plupart dissipées, ces exemples si sensibles ne leur donnent point de défiance d'eux-mêmes, et ils ne manquent jamais de trouver entre eux et ces autres sectes

Lorsque ceux à qui Dieu a fait la grâce de les affermir dans l'amour de l'unité de l'Église et dans la soumission qu'ils lui doivent voient des gens prendre ce chemin, ils ne peuvent s'empêcher d'ètre sensiblement touchés du péril où ils s'exposent, et d'adresser à chacun d'eux, au moins dans le cœur, ces paroles de saint Augustin: « A quoi vous engagez-vous, âme misérable, faible et enveloppée des ténèbres de la chair, à quoi vous engagez-vous? Quò te committis, anima misera, infirma, carnalibus nebulis involuta, quò te committis ? » Pensez-vous à ce que vous entreprenez? Croyez-vous avoir l'esprit assez fort et assez pénétrant pour discerner un si grand nombre de vérités? Avezvous bien considéré de quel avantage vous vous privez en renonçant à l'autorité de l'Église, et à quel péril vous vous exposez en vous mettant sous la conduite de votre propre raison? Combien de personnes plus éclairées que vous se sont-elles perdues en suivant indiscrètement un si mauvais guide? et comment ne craignez-vous point de vous engager dans une route si pleine d'écueils, ou yous ne voyez que des débris funestes et des marques de naufrage?

C'est ce que nous disons particulièrement aux religionnaires dont nous sommes environnés, et qui, se perdant à nos yeux par l'hérésie et par le schisme malheureux. qui les sépare de l'Église, sont le principal objet de notre comparaison. Mais on le dit inutilement à la plupart d'entre eux. Comme l'aversion qu'on a tâché d'exciter et d'entretenir dans leurs cœurs contre l'Église romaine fait une des principales parties de leur hérésie, il n'y a rien à quoi ils soient moins disposés qu'à lui rendre la soumission qu'ils lui doivent. Ils veulent examiner la religion à quelque prix que ce soit. Ils s'en croient capables. Et cette préoccupation est si fortement gravée dans leur esprit, que ceux qui désirent leur salut sont obligés de s'y rendre et de leur faire voir qu'ils ne suivent pas la raison dans la voie même qu'ils ont choisie.

C'est ce qui a obligé d'entreprendre de traiter en particulier divers points de controverse, et entre autres les principes de la morale des calvinistes touchant la justification qui font une partie essentielle de leur religion, et les dogmes de la présence réelle et de la transsubstantiation. On a cru qu'il était utile de montrer à ceux de la religion que les préjugés généraux, que la seule vue de ce qui paraît dans le dehors de leur société leur fournit, donnent un sujet suffisant de la rejeter, sans entrer mème dans une discussion particulière des dogmes qu'elle leur propose. Car il est certain que ces préjugés doivent faire partie de cet examen auquel ils s'engagent, et que, s'ils sont suffisans pour leur faire conclure qu'ils ne doivent point chercher la vérité, ni espérer le salut dans cette société à laquelle ils se trouvent unis, ils devraient se tenir heureux qu'on les eût exemptés par là de la nécessité de s'engager plus avant dans la discussion des dogmes particuliers, qui est tou

jours très pénible et très longue, pour ne pas dire très dangereuse.

C'est là proprement le dessein de ce traité des préjugés, que l'on a cru devoir produire avant ceux qui regardent les controverses particulières, parce que la matière en est plus étendue et plus générale. On ne prétend pas y trouver directement l'autorité et l'infaillibilité de l'Église catholique; car, quoiqu'il soit très utile de le faire, et que ceux d'entre les catholiques qui l'ont fait aient suivi en cela une voie très juste et très légitime, néanmoins, comme les préoccupations dont les calvinistes sont remplis en éloignent plusieurs d'entrer dans ces principes, quelque solides et quelque véritables qu'ils soient, la charité oblige de tenter aussi d'autres voies et celle que l'on suit ici paraît une des plus naturelles. Elle ne suppose pour principe qu'une maxime du sens commun, savoir: qu'un homme qui se trouve joint ou par lui-même, ou par ses ancêtres, à l'Église catholique, ne doit point rompre avec elle et se diviser de son unité, pour se joindre avec une autre société, s'il découvre dans cette société nouvelle des caractères d'erreur qui lui donnent lieu de juger avec justice qu'il ne la doit point écouter, et qu'il ne peut raisonnablement espérer que Dieu l'ait établie pour l'instruire de la vérité : d'où il s'ensuit que si les calvinistes doivent porter ce jugement de leur société, ils ont obligation de l'abandonner avant toutes choses pour se réunir à l'Église catholique, sans entrer plus avant dans la discussion des points particuliers, que leurs ministres tâchent toujours de rendre si longue par leurs disputes, qu'ils n'en voient jamais la fin.

Il est peu important d'examiner ici si cette voie de traiter, de controverser, est directe ou indirecte, médiate ou immédiate, prochaine ou éloignée; si elle consiste en faits ou raisonnemens. Notre unique intérêt est de savoir si elle conduit avec évidence à la vérité, qui doit ètre l'unique objet de nos recherches. Il nous importe peu d'y arriver par un chemin plutôt que par un autre, pourvu que nous y arrivions par quelque chemin que ce soit. Et ainsi ce serait la plus mauvaise de toutes les défaites, que celle de ceux qui demeurent d'accord que les preuves qu'on allègue ici font voir clairement qu'on se doit séparer de la société des calvinistes; et ils n'auraient rien à y opposer, sinon que ces preuves ne sont pas celles dont ils voudraient qu'on se fût servi.

dessein de tirer des gens équitables par ces divers ouvrages; et personne, ce me semble, n'a droit de se plaindre que l'on traite ces préjugés généraux dans celui-ci, puisque ceux qui auront plus d'inclination pour les discussions particulières la pourront satisfaire par les autres livres que l'on publiera ensuite.

Je prévois néanmoins que ce procédé donnera lieu aux ministres de faire des plaintes et des déclamations, à leur ordinaire, et qu'ils le voudront faire passer pour une marque de défiance et de faiblesse. Ils ne manqueront pas, sans doute, de dire que l'on a osé entrer tout d'un coup dans la discussion des sentimens de l'Écriture et des pères sur l'eucharistie, et que l'on a tâché de prévenir les esprits par des préjugés étrangers, afin de les empêcher de porter un jugement sincère et équitable; que c'est un signe auquel l'on reconnaît l'insuffisance de ces preuves, de ne les avoir osé proposer toutes seules, et sans les accompagner de ces considérations générales qui ont pour fin de donner aux gens de l'éloignement d'une cause, qu'ils auraient approuvée s'ils l'avaient considérée en elle-même, et sans ce mélange de couleurs étrangères par lesquelles on s'est efforcé de la défigurer et de l'obscurcir.

Mais les ministres ne doivent pas espérer qu'on se détourne jamais de la voie de la raison pour de semblables discours; et il suffit d'y répondre, en un mot, que les caprices des hommes étant infinis, les uns se plaignent d'une chose, les autres d'une autre; les uns voulant qu'on aille par ce chemin-là, les autres par celui-ci : le plus court est de n'avoir point d'égard à tous ces discours en l'air et sans fondement, et de suivre la voie que l'on juge la plus conforme à la vérité et à la raison.

Or, c'est ce que l'on croit avoir fait, en prenant le dessein d'accompagner les preuves intérieures et particulières des dogmes de l'Église des preuves communes et générales qui naissent de ces préjugés extérieurs. Car qu'y a-t-il de plus naturel et de plus juste que de passer du dehors au dedans ; de ce qui paraît en quelque sorte aux sens, à ce qui ne paraît qu'à l'esprit; de ce qui est pour tout le monde, à ce qui n'est que pour les personnes intelligentes et habiles?

On peut dire même, avec vérité, qu'il n'y a rien de plus conforme que cette conduite à celle dont il paraît que Dieu a usé dans l'établissement de la vraie religion. Car, pour peu qu'on fasse de réflexions sur les moyens qu'il a employés pour conduire les hommes au salut par la véritable foi, on remarquera qu'ayant eu dessein de composer son Église plutôt de cœurs purs, humbles et dociles, que d'esprits subtils et élevés, et voulant que les vérités de la foi fussent connues des uns et des autres, il a eu soin de faire qu'on les pût discerner des erreurs, non-seulement par les preuves intérieures et plus cachées sur lesquelles elles sont fondées, mais aussi par quantité de preuves sensibles dont il les a environnées, et qui frappent l'esprit des plus grossiers et des moins intelligens.

J'espère néanmoins que ceux qui prendront la peine de lire les autres ouvrages qu'on publiera sur les controverses particulières ne se porteront pas aisément à cette plainte, et qu'ils avanceront que si les raisons prises du dehors de cette secte que nous ramasserons dans ce livre donnent lieu de conclure qu'il n'est pas besoin d'un autre examen pour la condamner, l'examen particulier que l'on a fait dans les autres ouvrages de quelques-uns de ses principaux dogmes ne donne pas moins droit de dire que, sans avoir recours à toutes ces preuves extérieures, celles qui sont prises du fond de la discussion des dogmes calvinistes suffisent pour C'est dans ce dessein que, pour attirer les peuples à les ruiner, et ne sont pas moins fortes et moins évi-l'Évangile, il a donné à ses apôtres, et aux prédicateurs dentes que les autres. C'est ce double aveu que l'on a eu de la loi nouvelle, un éclat extraordinaire de miracles et de

III.

56

Au reste, je crois que messieurs de la religion prétendue réformée seront assez équitables pour ne pas croire qu'on leur ait voulu faire injure en représentant, comme l'on a fait, les excès de ceux qui sont auteurs de cette funeste séparation dans laquelle ils se trouvent enveloppés; et que ceux d'entre eux qui n'ignorent pas ce que l'on a dit de leurs vices personnels trouveront qu'on ne pouvait pas en parler avec plus de modération, puisqu'on ne s'est attaché qu'à des défauts notoires et publics, et qui se prouvent par leurs écrits.

sainteté; et quoique ces gràces n'aient pas été si visibles J une force invincible dans celles des catholiques, quoiqu'ils dans la suite, néanmoins on ne trouvera point que la eussent droit de supposer leur doctrine pour véritable, vérité ait été entièrement dépourvue de marques exté- sans se mettre en peine de la prouver! rieures qui portassent les hommes à la recevoir, bien loin qu'elle ait jamais été réduite à un tel état qu'il fût juste et raisonnable de ne la pas écouter, et de la rejeter même sans l'entendre; ainsi, comme les preuves extérieures et intérieures sont unies dans le dessein de Dieu et dans l'ordre de sa 'providence, il est de la piété des théologiens catholiques de les joindre aussi ensemble, et il n'est au moins jamais permis de décrier cette conduite, ni de blâmer personne de l'avoir suivie. Mais surtout on ne saurait alléguer une plus mauvaise raison pour la condamner, que de dire que c'est une marque que l'on se défie de la bonté de sa cause, que d'avoir tant de soin de ne lui ôter rien de ce qui peut servir à la fortifier et ce reproche ne peut venir que de gens qui n'ont jamais bien compris la faiblesse de leur propre esprit.

Il est vrai que la vérité est en elle-même toute pleine de lumière et de force; mais il est vrai aussi, comme on l'a dit au commencement de cette préface, que notre esprit n'est de lui-même que ténèbres et qu'infirmité; que tout est presque capable de l'éblouir et de le surprendre; que les plus petites raisons auxquelles il s'attache lui font souvent perdre de vue les plus grandes et les plus faibles, et que les plus légères conjectures dont il est frappé sont quelquefois suffisantes pour lui faire prendre parti dans les questions les plus obscures.

Il est donc juste de se défier, non de la force de la vérité, mais de la faiblesse de l'esprit des hommes, et de ne négliger ainsi aucun des moyens légitimes qui peuvent servir à l'éclairer, à le soutenir et à l'affermir dans la vérité. Les uns sont touchés d'une raison, les autres d'une autre. Les uns ont l'esprit ouvert à de certaines preuves, et l'ont fermé à d'autres qui sont plus fortes en elles-mêmes. Il faut donc en proposer de tout genre, pourvu qu'elles soient toutes véritables.

Il est d'autant plus utile de joindre en cette rencontre ces preuves extérieures aux intérieures, et de commencer par les premières, qu'elles découvrent une circonstance générale qui affaiblit infiniment toutes les raisons des calvinistes, et qui fortifie toutes celles des catholiques. Car le moins que l'on en puisse conclure est que la cause des calvinistes étant blessée par de si violens préjugés, qu'ils semblent donner droit de les condamner même sans les entendre, il faut, au moins, si on leur fait la gràce de les écouter, que leurs preuves soient dans le souverain degré de clarté, pour balancer un peu l'impression désavantageuse que ces préjugés forment nécessairement et qu'au contraire les moindres raisons doivent suffire pour retenir les hommes dans l'Église catholique, puisque sa doctrine est soutenue par tant d'appuis extérieurs et par une autorité si éminente. Quel jugement donc devra-t-on faire de la cause des uns et des autres, si l'on ne trouve dans l'examen des dogmes particuliers que des illusions grossières dans les preuves des calvinistes, qui étaient obligés de ne produire que des démonstrations; et que l'on découvre, au contraire,

Ils nous doivent aussi cette justice de croire que nous mettons une différence infinie entre les auteurs du schisme et les calvinistes d'à-présent, qui l'ont trouvé déjà tout formé, qui y sont nés et élevés, et à qui l'éloignement de l'Église romaine est devenu comme naturel, parce qu'ils ont reçu les impressions dans un àge où ils n'étaient pas capables de distinguer la vérité de l'erreur. Il est vrai qu'on ne saurait avoir de l'amour pour l'Église et pour les âmes que Jésus-Christ a rachetées de son sang, que l'on ne soit ému de quelque sorte d'indignation contre ces hommes téméraires et présomptueux qui ont attaché les simples à eux, en les séparant de Jésus-Christ et de son Église, et qui se sont ainsi rendus le principe de la damnation d'une infinité d'àmes, dont Dieu leur redemandera le sang.

Mais on a bien d'autres sentimens pour ceux qui se sont trouvés engagés dans le schisme par leur naissance même, et qui y ont été entraînés par l'autorité de leurs pères.

On les peut assurer que l'on n'a pour eux que des mouvemens de charité et de tendresse, que des désirs très ardens de leur procurer toutes sortes d'avantages et spirituels et temporels, et que c'est avec toute sorte de sincérité qu'on leur adresse ces belles paroles de saint Augustin: « Que ceux-là vous traitent avec rigueur, qui ne savent pas combien il est difficile de trouver la vérité et d'éviter les erreurs. Que ceux-là vous traitent avec rigueur, qui ignorent combien il y a de peine à s'élever au-dessus des fantômes dont on s'est une fois rempli. Que ceux-là vous traitent avec rigueur, qui ne connaissent point les difficultés extrêmes qu'il y a à purifier l'œil de l'homme intérieur pour le rendre capable de voir la vérité, qui est le soleil de l'àme. »>

Mais, pour nous, nous sommes très éloignés de vouloir suivre cette conduite envers des personnes qui sont divisées d'avec nous, non par des erreurs qu'ils aient inventées eux-mêmes, mais pour s'être trouvé engagées dans l'égarement des autres. Nous offrons, au contraire. à Dieu nos prières, afin qu'en réfutant les fausses opinions de ceux que vous suivez avec une préoccupation que nous condamnous plutôt d'imprudence que de malice, il nous fasse la grâce de n'y apporter qu'un esprit de paix, qui ne soit touché, ni d'autres impressions que de celles de la charité, ni d'autres intérêts que de ceux de Jésus-Christ, ni d'autres désirs que de celui de votre salut.

DE MAISTRE.

DE L'ÉGLISE GRECQUE.

Lettre de M. le comte de Maistre à une dame russe qui lui avait
écrit pour lui demander si deux religions (la grecque et
. la latine), ne différant que sur deux points très peu
importans, on ne pouvait pas dire qu'il n'y

avait pas réellement de schisme.

Je tiens pour accordée la thèse générale qu'un honnête homme doit changer de religion dès qu'il aperçoit la fausseté de la sienne et la vérité d'une autre; toute la question se réduit donc à savoir si cette obligation tombe sur le Grec comme sur tout autre dissident, et si la conscience ordonne dans tous les cas un changement public. La distinction des dogmes plus ou moins importans n'est pas nouvelle: elle se présente naturellement à tout esprit conciliant tel que le vôtre, qui voudrait réunir ce qui est divisé, ou à tout esprit alarmé, peut-être encore comme le vôtre, qui voudrait se tranquilliser; ou enfin à tout esprit arrogant et obstiné (très différent du vôtre), qui a l'étrange prétention de choisir les dogmes et de se conduire d'après ses propres lumières.

| doit être fort et unique ; de manière que tout grand pays est nécessairement monarchique. Pourquoi donc l'Église catholique (c'est-à-dire universelle) serait-elle exempte de cette loi générale ou naturelle? Son titre seul nécessite la monarchie, à moins qu'on ne veuille que, pour la moindre question de discipline, il ne faille consulter et même assembler les évèques de Rome, de Québec, de Moscou.

Aussi les paroles par lesquelles Dieu a établi la mouarchie dans l'Église sont si claires, que lui-même n'a pu parler plus clairement.

S'il était permis de donner des degrés d'importance parmi des choses d'institution divine, je placerais la hiérarchie avant le dogme, tant elle est indispensable au maintien de la foi. On peut ici invoquer en faveur de la théorie une expérience lumineuse, qui brille depuis trois siècles aux yeux de l'Europe entière. Je veux parler de l'Église anglicane, qui a conservé une dignité et une force absolument étrangères à toutes les autres Églises réformées, uniquement parce que le bon sens anglais a conservé la hérarchie. Sur quoi, pour le dire en passant, on a adressé à cette Église un argument que je crois sans réplique. « Si vous croyez, lui a-t-on dit, la hiérar

Mais l'Église mère, qui n'aime que les idées claires, a toujours répondu qu'elle savait fort bien ce que c'était qu'un dogme faux; mais que jamais elle ne comprendrait ce que c'était qu'un dogme important ou non im-chie nécessaire pour maintenir l'unité dans l'Église angliportant parmi les dogmes vrais, c'est-à-dire révélés.

cane, qui n'est qu'un point, comment ne le serait-elle pas pour maintenir l'unité dans l'Église universelle ? »> Je ne crois pas qu'un Anglais puisse répondre rien qui satisfasse sa conscience.

Pour juger sainement du schisme, il faut l'examiner avant sa naissance; car, dès qu'il est né, son père, qui est l'orgueil, ne veut plus convenir de l'illégimité de son fils:

Je conviens, si vous voulez, qu'il importe peu, avant la décision, qu'on croie que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils; mais il importe infiniment qu'aucun particulier n'ait droit de dogmatiser de son chef, et qu'il soit obligé de se soumettre dès que l'autorité a parlé : autrement il n'y aurait plus d'unité ni d'Église. Sous ce point de vue, l'Église grecque est aussi séparée de nous que l'Église protestante; car si le gouverne- Supposons le Christianisme établi dans tout l'univers ment d'Astracan se sépare de l'unité, et qu'il ait la force sans aucune forme d'administration, et qu'il s'agisse de de se soutenir dans son indépendance, il importe peu lui en donner une, que diraient les hommes sages charqu'il retienne la langue de l'empire, les usages de l'em-gés de ce grand œuvre? Ils diraient tous de même, soit pire, plusieurs et même toutes les lois de l'empire; il ne sera pas moins étranger à l'empire russe, qui est l'unité politique, comme l'empire catholique est l'unité religieuse.

L'Église catholique ne met en avant aucune prétention extraordinaire. Elle ne demande que ce qui est accordé à toute association quelconque, depuis la plus petite corporation de village jusqu'au gouvernement du plus grand peuple. C'est une vérité à la portée de l'homme le plus borné, que plus la société est nombreuse, plus le gouvernement est nécessaire, et plus il

qu'ils fussent deux ou cent mille C'est un gouvernement comme un autre; il faut le remettre à tous, à quelques-uns ou à un seul. La première forme est impossible, il faut donc nous décider entre les deux dernières. Et si l'on s'accordait tous pour une monarchie tempérée par les lois fondamentales et par les coutumes, avec des états-généraux pour les grandes occasions, composés d'un souverain qui serait le pape, d'une noblesse formée par le corps épiscopal, et d'un tiers-état représenté par les docteurs et par les ministres du second ordre, il n'y a personne qui ne dût applaudir à ce

« ÖncekiDevam »