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Evidemment, sur une armée rationaliste aussi peu cohérent e, dont les unités se combattent souvent les unes les autres, il ne sera pas difficile de remporter quelques succès partiels. On fera bien de s'en souvenir aux endroits où M. R., emporté par la griserie de victoires dialectiques locales, proclame, un peu bruyamment peut-ètre, le triomphe de sa Logistique empiris te sur tout le front de l'a priori métaphysique.

Volontiers nous distinguerions, enchevêtrées dans l'ouvrage de M. R., quatre études d'inégale valeur. Nous dirons un mot de chacune d'elles.

1. Une critique de systèmes philosophiques, soit ontologistes, soit rationalistes au sens ordinaire du mot.

A ce groupement se rattachent, sous des nuances diverses, les écoles platonicienne et néoplatonicienne, les ultraréalistes médiévaux, Duns Scot, Descartes et ses disciples directs ou indirects, Spinoza, Leibniz et Wolff, puis, dans l'ambiance de la philosophie critique, Hegel et quelques penseurs plus récents. Que M. R. dénonce, dans ces systèmes trop exclusivement aprioristes, des paralogismes plus ou moins subtils, qui masquent des antinomies profondes, rien de mieux. Encore, devrionsnous faire, çà et là, quelques réserves.

Par exemple: la condamnation de Spinoza (p. 180 suiv) est vraiment trop sommaire ; le rôle ́et la valeur des définitions fondamentales de l'Éthique apparaissent sous un jour moins défavorable lorsqu'on prend la peine d'appliquer à ce dernier ouvrage l'épistémologie du De intellectus emendatione. De même, l'appréciation portée sur Leibniz (p. 192 suiv.) nous paraît beaucoup trop sévère sans doute, il y a, au fond des philosophies leibuizienne et surtout wolfienne, d'insurmontables contradictions, mais du moins l'incohérence, chez Leibniz, n'est point tellement à fleur de peau, et elle s'atténue singulièrement si l'on replace celui-ci, comme il convient, dans la perspective générale du cartésianisme. Il serait excessif de traiter Leibniz en bouc émissaire du rationalisme prékantien : les responsabilités sont partagées; peut-être les plus lourdes remontent-elles à la fin du moyen âge. Un dernier exemple: sans professer aucune sympathie particulière pour Hegel, nous estimons que la critique de M. R. (p. 47 suiv.) entame à peine le « procédé dialectique » du terrible raisonneur: peut-être, en effet, est-ce alier un peu vite que d'écarter, en un tournemain, au nom de la logique, la « première synthèse hégélienne », en y tenant compte seulement de la << forme » et non de la « position » de l'être abstrait ; et puis, nous ne sommes pas tout à fait assurés que M. R. pénètre le sens exact de l'idée même de << synthèse dialectique », d'autant moins qu'il nous paraît confondre deux questions très différentes celle de l'origine psychologique et celle de la fonction logique du terme synthétique.

II. Une critique des principes premiers de la Mathématique, de la Géométrie et des Sciences physiques.

Concédons à M. R. que les philosophes antiques et médiévaux n'ont pas toujours nettement distingué les principes de la géométrie et de la science du nombre, des principes de la métaphysique. Ils présentent indistinctement les uns et les autres comme des exemples de principia per se nota, sans souligner les éléments très spéciaux d'intuition que comportent les premiers. Cette confusion apparente elle n'est qu'apparente, croyons-nous, dans les écoles aristotéliciennes- explique, et excuse, le choix assez mêlé des « instances » que M. R. oppose au réalisme ancien pris en bloc. Quant aux sciences physiques et naturelles, bien que soumises à certaines conditions métaphysiques générales, elles empruntent leurs principes propres à l'« abstraction » et à l'« induction », c'est-à-dire à l'expérience, assuraient déjà les Péripatéticiens; et nous ne voyons pas trop ce que M. B. y trouverait à redire au nom de la stricte logique. Du reste, ses objections visent surtout la physique cartésienne et la philosophie naturelle des Transcendantalistes allemands.

Les chapitres consacrés par l'auteur à la critique, tant des prétendues démonstrations du postulat d'Euclide, que des preuves intuitives en Géométrie, en Analyse et en Mécanique, sont fort intéressants; de même toute son étude, si brève soitelle, sur le Réalisme mathématique en général et le Cantorisme en particulier.

Il nous plait moins de rencontrer, là même, par endroits, un persiflage que d'aucuns estimeront présomptueux (par exemple, pp. 283-284). M. R. se gausse des philosophes anciens, qui citèrent souvent, comme exemple de « vérité nécessaire et éternelle », le théorème géométrique : « la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits » ; il leur oppose triomphalement la possibilité des métagéométries du type lobatchefskien ou du type riemannien, dans lesquelles, en vertu de conventions initiales logiquement cohérentes, la somme des angles d'un triangle devient soit supérieure, soit inférieure à deux droits : « On voit par là, poursuit-il, la portée philosophique du mythe de Poincaré (hypothèse d'un univers lobatchefskien). Si celui de Voltaire, Micromegas, nous enseigne la relativité de nos sensations, celui de Poincaré nous montre la relativité et les basses origines empiriques de vérités réputées transcendantes. Les propositions géométriques, que les Rationalistes de tous les temps ont considérées par excellence comme des exemples typiques de vérités a priori, indépendantes de notre esprit et de la nature, ́dépendent au contraire étroitement des contingences physiques du milieu qui nous sert d'habitat... Même lorsqu'il s'évade de ce monde, emporté par le mirage de quelque fallacieuse scolastique, l'homme emporte la marque de

son attache originelle... La structure des solides, auxquels il s'est frotté dès l'origine, a déterminé pour une part sa structure mentale spécifique. L'argument des vérités nécessaires, bien loin de prouver l'existence d'un monde transcendant, ou d'un être nécessaire éternellement subsistant, prouve la dépendance étroite de l'homme et de son milieu » (pp. 285-284). N'en déplaise à l'auteur, voilà une conclusion qui ressemble bien fort à ce que les Scolastiques, dans leurs Traités des sophismes, appelaient un latius hos. Il est d'autres « vérités éternelles » que les axiomes ou théorèmes géométriques : la plus fondamentale, chez les philosophes antiques et médiévaux, est le << premier principe » revendiqué par Aristote contre les Sophistes, le « principe de l'être » ou le « principe d'identité », norme universelle des jugements. M. R. eût-il exorcisé de tout a priori la Géométrie euclidienne, qu'il n'aurait donc pas encore ruiné par la base l'argument des « vérités éternelles ». Mais il y a plus: M. R. peut avoir raison contre le pythagorisme platonicien a-t-il également raison contre la Scolastique péripatéticienne ? Sous certaines conditions, les théorèmes arithmétiques et géométriques eux-mêmes deviennent analytiques, régis, de l'aveu de M. R., par les règles inflexibles de la logique formelle (p. 285); par exemple, dans un espace euclidien, la somme des angles d'un triangle est égale à deux droits; ou bien étant donnée la divisibilité indifférente de la quantité, il est impossible que 2+2 ne fassent pas 4. (Du reste, en un certain sens, toute proposition analytique est pareillement conditionnée, puisque jamais la considération précisive, statique, de la « forme » ne suffit à donner l'existence : la remarque est de S. Thomas non moins que d'Aristote). Même dans le cas où le jugement analytique n'exprime que conditionnellement une existence, la dépendance du conditionné à sa condition est affirmée inconditionnellement : elle représente tout autre chose que la ratification arbitraire de postulats conventionnels, elle ne se pose pas comme un simple fait, elle s'impose comme une nécessité a priori. N'est-ce point là ce que beaucoup de Scolas tiques veulent dire en parlant de la nécessité absolue des théorèmes mathématiques? Ils traitent ceux-ci comme des propositions analytiques, dont le sujet ne jouit point toujours, tant s'en faut, d'une réalité inconditionnelle ; la « vérité éternelle et nécessaire » n'y est pas, d'après eux, la nécessité objective de la condition ou du conditionné, mais la nécessité du lien entre la condition et le conditionné. Ils pourraient donc concéder à M. R. le caractère moitié conventionnel, moitié empirique, de l'espace euclidien et du nombre, sans laisser pour cela de reconnaitre, dans la démonstration mathématique, quelque chose d'absolu, d'a priori, de nécessaire. A vrai dire, ce serait concéder trop encore au nominalisme de l'auteur; avant de nous laisser convaincre de l'origine purement empirique ou arbitraire des sciences de la quantité, nous exigerions un examen beaucoup plus approfondi aussi bien de l'idée kantienne d'une intuition a priori de la sensibilité, que de l'idée aristotélicienne et scolastique de la quantité comme << sensible

commun ».

III. Une critique du réalisme métaphysique d'Aristote et de S. Thomas.

M. R. prétend dévoiler, dans le réalisme péripatéticien, la tare la plus caractéristique du rationalisme véritable : la confusion de la forme » logique de la connaissance avec la matière >>

de celle-ci (p. 77 suiv.); disons, en d'autres termes : la prétention de tirer la « position » ou la « réalité » d'un objet, de la cohérence logique de sa définition, ce qui est le principe dernier et subtil de l'argument ontologique » sous toutes ses formes.

A cette imputation, nous n'opposerons qu'une remarque: M. R. se méprend totalement sur l'épistémologie thomiste. Nous admettons volontiers, d'ailleurs, qu'il ait été induit en erreur par maints auteurs scolastiques eux-mêmes, inconscients de leur propre méthode, ou imbus d'esprit wolfien. Et nous savons gré à M. R. de la considération relative qu'il accorde à l'aristotélisme thomiste: visiblement, il le tient pour la pièce résistante du « rationalisme » et il rend de bonne gràce, à Aristote comme à S. Thomas, le meilleur hommage que puissent réclamer de grands philosophes un effort consciencieux pour les bien comprendre. Malgré cela, en dépit d'une érudition scolastique plutôt riche, l'auteur méconnait la signification exacte du réalisme péripatéticien.

Si nous en avions l'espace, nous discuterions en détail les principaux passages où se trahit cette méconnaissance. En voici quelques-uns énumérés à titre d'exemples:

Le chap. II: on y impute bien légèrement au Stagirite, et à une innombrable lignée de penseurs, une faute de logique formelle vraiment trop lourde: il est clair, de prime abord, qu'un élément important d'appréciation fait ici défaut.

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Les pp. 96 et suiv., où l'on suppose, à tort, la synonym e entre les expressions anciennes Arioma ou Dignitas et l'expression plus récente Jugement analytique (entendu au sens étroit et purement formel défini par Kant). Certes, la proposition Ens et verum convertuntur et autres semblables, qui expriment une relation — une « relation transcendantale » diront même les Scolastiques n'appartiennent pas à la classe des jugements analytiques d'inclusion ou d'inhérence; mais ce ne sont pas non plus des jugements synthétiques d'expérience, encore moins des synthèses purement conventionnelles. Quant au principe Le tout est plus grand que la partie, si souvent proposé comme exemple par les Scolastiques de toute école, nous ne comprenons pas ce qu'on prétend ici en y objectant la notion mathématique d'« ensembles infinis » (séries indéfinies), puisque l'acception du mot « tout »>, chez ces Scolastiques, est évidemment celle de « grandeurs définies ».

La p. 121: l'auteur se trompe en supposant que les Scolastiques qui appuient la nécessité des « vérités éternelles » sur l'identité logique sont acculés à cette conclusion fàchense: si Deus non esset, nihilominus istae veritates essent verae; en effet, chez les Scolastiques non contaminés de nominalisme, il est entendu que l'identité logique elle-même se fonde sur l'Etre; or, sublato Deo, tollitur Esse.

Les pp. 126 et suiv., où M. R. argumente contre la preuve a constantia subjecti, adoptée, par la plupart des Scolastiques, parmi les démonstrations

de l'existence de Dieu. L'auteur est distrait; en ce qui concerne la moitié au moins des médiévaux, il y a maldonne. En effet, bien qu'une proposition analytique du type Homo est animal rationale constitue évidemment, pour employer l'expression de S. Thomas, une propositio per se nota secundum se en tant qu'elle exprime les notes mêmes de la définition ou de l'essence, cependant elle ne devient per se nota quoad nos qu'à travers l'expérience, qui nous garantit du même coup la possibilité logique et la vérité objective de l'essence définie. Et ne sont-ce point. chez Aristote, l'àpaipeσis et l'énaywyn qui fournissent les définitions essentielles dont s'étoffent les majeures du syllogisme scientifique, le syllogisme faciens scire des Scolastiques, celui qui donne l'émotηuý? On peut contester, si l'on veut, la valeur ontologique de l'abstraction et de l'induction, mais on ne peut. vraiment, accuser le réalisme modéré antique et médiéval d'une erreur formelle de logique.

- Les pp. 164 et suiv., où l'auteur prétend montrer, dans « la preuve thomiste de l'existence de Dieu par l'abaléité (contingence métaphysique) des créatures », le même « paralogisme ontologique » que dans l'argument fameux de S. Anselme. « Ces deux saints Docteurs, nous dit-on, commettent l'un et l'autre le paralogisme ontologique : S. Thomas, en transformant la distinction logique de l'essence et de l'existence chez la créature en une distinction ontologique; Saint Anselme, en transformant l'identité conceptuelle de l'essence et de l'existence en Dieu en une identité ontologique » (p. 167). L'objection, intéressante en soi, repose sur une conception très insuffisante du réalisme thomiste. M. R. emprunte une partie de ses remarques critiques à Suarez pour le dire en passant, la philosophie du Doctor eximius ne peut être considérée comme une élaboration interne, plus ou moins fidèle, du thomisme : les principes directeurs les plus décisifs de la métaphysique suarézienne sont, au contraire, fort éloignés de ceux qui inspiraient S. Thomas. - Les paragraphes intitulés : « Les formes substantielles d'Aristote » (p. 317), « Critique du réalisme aristotélicien » (p. 322), « Les conditions de possibilité de la science les invariants fonctionnels » (p. 325), où certaines objections, touchant la réalité et l'immutabilité des espèces naturelles, atteignent peutêtre des parties caduques de la Physique ancienne, mais, entouscas, ne rencontrent aucun principe proprement métaphysique. Non moins qu'aux jours antiques, il reste vrai que le « mouvant » comme tel, l'instabilité essentielle du devenir, nous est « inintelligible », c'est-à-dire ne se laisse pas emprisonner dans nos définitions: le flux du devenir concret transparait-il done, en nos formules scientifiques les plus modernes, autrement que par sa loi interne, par sa forme régulière, par la stabilité même que présente son instabilité? Alors, pourquoi chercher querelle à Aristote sur le principe méthodologique de sa Philosophie naturelle ? Qu'on se contente d'en bousculer des applications simplistes ou surannées. Et comment peut-on sérieusement opposer à l'aristotélisme, qui professait la transmutation substantielle et admettait la génération équivoque, le fait de la variabilité des espèces chimiques et organiques? Même l'évolutionnisme intégral des « corps naturels » se concilierait aisément avec les principes fondamentaux du réalisme péripatéticien et thomiste. Nous n'en finirions pas de poursuivre cette énumération de passages qui nous paraissent, soit au point de vue de l'exégèse, soit au point de vue de la critique dialectique, appeler de fortes réserves. Pour faire court, nous n'en signalerons plus que deux ou trois, assez importants :

Les pages intitulées : « L'origine psychologique et les difficultés du principe de l'éminence de la cause » (pp. 348 et suiv.): quelques précisions

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