Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Plus loin, ce sont les fours sombres d'où s'échappent des flammes vives et subtiles, léchant les parois, au moment de l'ouverture, quand on va tremper ou recuire. Dans le hall des laminoirs, les barres de métal grenat gémissent en s'étirant et redeviennent ternes, après avoir pris leur forme géométrique définitive. Un brouhaha extraordinaire se fait entendre dans les ateliers de chaudronnerie, c'est le tintamarre des coups de marteau emboutissant les tôles des affûts. Les bois sèchent, dans des étuves paisibles, en attendant de se muer en roues. Dans des ateliers géants, des tours sont alignés qui, indéfiniment, prennent et reprennent des ébauches, pour leur donner les dimensions parfaites prescrites; des fraiseuses creusent patiemment le métal; des raboteuses font sauter, sous les filets d'huile salie, les lourds copeaux d'acier tordu et bleui, brûlant les doigts de l'imprudent. Des bassins profonds, servis par des ponts-roulants puissants, avec, au fond, des salles de chauffe et des pyromètres, sont les fosses de frettage, où les longues pièces de marine viennent s'engloutir verticalement. Dans les ateliers de finissage, se fait un travail de précision, un travail d'horloger. Dans un local isolé, dans des salles discrètes, de bonnes vieilles femmes remplissent des douilles en cuivre de 75 mm. avec une drogue d'apparence bien inoffensive, une sorte de ruban de carton, en paquets exactement pesés; ce sont les charges des obus d'essai.

Ailleurs, dans des laboratoires, des physiciens, des chimistes font des études, récupèrent des sous-produits. Plus loin, des tas de ferraille... plus loin encore les canons mutilés, revenus du front, autour desquels on disserte doctement...

Et cette immense fourmilière, cette ruche, surveillée, assurément, par les ingénieurs et les contre-maîtres de la maison, était en outre, pendant la guerre, contrôlée

THE SÉRIE. T. XXIX.

20

par les officiers d'artillerie du Service des Forges et par les contrôleurs, généralement sous-officiers.

Le Service des forges avait pour mission de tout voir, de tout savoir, de tout vérifier.

Voici une coulée d'acier. Le contrôle note son numéro, de sorte que l'on pourra savoir, le cas échéant, que tel canon, qui a éclaté à Verdun, provenait de telle coulée, en janvier 1915, à l'usine de X. Tout doit être classé, étiqueté; rien n'est abandonné au hasard.

Le contrôle s'assure que les essais, chimiques et mécaniques, faits sur la coulée, rendent le lingot recevable; sinon, les contrôleurs rebutent le lingot. Le lingot, reçu, débarrassé des parties malsaines, passe à la forge. Là, une équipe de contrôleurs, jour et nuit, surveille le forgeage et s'assure qu'à aucun moment un bloc, précédemment rebuté, n'a pu s'introduire, par erreur... Chaque pièce est suivie, poinçonnée minutieusement. A côté de la forge, accroupi sur la masse d'acier qui sera un canon, un manoeuvre manie une sorte de pistolet automatique, mù par l'air comprimé ; cet homme nettoie le bloc, arrache les criques et découpe, dans les parties destinées à tomber, le métal nécessaire pour les éprouvettes, 20 centimètres dans le sens de la longueur, 20 centimètres dans le sens de la largeur. Les éprouvettes sont confectionnées avec soin et doivent satisfaire à des conditions bien définies, pour la charge de rupture, l'allongement, etc. Les règlements officiels sont très nets, à cet égard, et le contrôle les fait respecter.

M. Bouasse (1) a critiqué ce genre d'épreuve, parce la science des déformations élastiques et permaque nentes est fort en retard et, par suite, « il n'existe

(1) H. Bouasse, Essais des matériaux, Paris, Gauthier-Villars, 1905.

aucune relation connue entre les résultats de l'essai de traction des éprouvettes et la résistance aux déformations réelles que la pièce est ultérieurement exposée à

subir ».

M. Bouasse a parfaitement raison et cette épreuve me paraît bien n'être qu'une précaution un peu indéterminée, mais bonne. Il est bien certain que les conditions de réception du métal à canon sont destinées à évoluer, avec la science. Euvre de longue haleine, que l'on n'entreprend pas pendant la guerre, parce que la guerre est une action rude, violente, prompte, pendant laquelle on n'a ni le temps, ni la liberté d'esprit voulue pour conduire méthodiquement une recherche scientifique difficile.

Pendant la guerre, on met au point la dose de science que l'on possède, et c'est tout ce que l'on peut faire.

Retenons simplement que la résistance des matériaux est une science dans l'enfance et je crois bien qu'actuellement elle demanderait des expérimentateurs, plutôt que des calculateurs.

Nous ne suivrons pas toutes les phases de la fabrication du canon travail métallurgique, traitement thermique (1), opérations mécaniques d'usinage. C'est, naturellement, sur le tour qu'on réalise patiemment l'alésage du bloc d'acier, pour lui donner son diamètre intérieur.

On pose les frettes; puis on creuse les rayures; on arrive enfin à la forme définitive, après des manipulations très variées. Le frettage mérite quelques réflexions.

Fretter, en général, c'est entourer la partie arrière

(1) Au sujet de la trempe, voir les articles de Léon Guillet dans la REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES, du 15 juillet au 30 octobre 1920.

du tube du canon, le « tonnerre », d'un manchon d'acier serré. Le serrage est calculé et, par exemple, le diamètre extérieur du tube étant de 175 mm., le diamètre intérieur du manchon sera de 174,5 mm., de sorte que le manchonnage ne pourrait se faire à froid. Mais on chauffe le manchon, son diamètre intérieur croît et on peut alors visser le manchon sur le tube. Quand le manchon s'est refroidi, il comprime, il serre le tube qui pourra, désormais, résister aux hautes pressions de la poudre en combustion. Lorsque le serrage est très faible, on peut manchonner à froid, avec une presse hydraulique.

Dans certains pays, on frette le tube du canon en l'entourant de plusieurs rangées superposées de fil d'acier. On a obtenu d'excellents résultats.

Enfin, certains artilleurs ont émis l'idée de l'autofrettage on remplirait le tube du canon d'un liquide, sur lequel on exercerait une pression formidable.

Peut-on, par ce moyen, obtenir, dans les atomes d'acier, le travail interne grâce auquel le tube aura l'élasticité et la résistance nécessaires? Je ne suis pas initié, et on ne saurait répondre à priori; l'expérience nous renseignera, un jour.

On conçoit aisément que les nombreuses opérations d'usinage de la bouche à feu comportent une précision serrée et un contrôle sévère, inflexible: gant de velours, peut-être; main de fer, sûrement. Les rayures du tube et les cloisons (partie métallique séparant deux rayures) seront vérifiées au centième de millimètre près, avec l'étoile mobile. Cet instrument, introduit à l'époque de Gribeauval (inspecteur de l'artillerie sous Louis XV), sert à mesurer les diamètres intérieurs; il est employé pour vérifier les pièces neuves, et aussi pour reconnaître les érosions et dégradations des pièces en service.

Le rayon géométrique à étudier est matérialisé par

une pointe, mobile sur un plan incliné d'une part et s'appuyant, d'autre part, normalement sur la paroi du tube. La pente de la rampe axiale transforme un déplacement radial de 1/100 de millimètre en un déplacement, sur l'axe du tube, de 1/10 de millimètre, qui est lu, très facilement, sur un vernier.

Ces mesures demandent, évidemment, de l'habitude et du tact. J'ai constaté, un jour, un écart systématique de 1 centième de millimètre entre tous les chiffres obtenus par deux contrôleurs, relativement à un même tube: l'un des deux avait la main très chaude, et dut mettre des gants! Je ne jurerais donc pas, sur ma tête, qu'on atteigne toujours la précision du centième de millimètre; mais on atteint bien le cinquantième, et c'est quelque chose.

Le principe du palmer est tout différent. Si le pas d'une vis de haute précision est de 1 millimètre, et si le tambour circulaire de la vis est divisé en 100 arcs égaux, à une rotation d'un arc correspondra un déplacement linéaire de 1/100 de millimètre. Ici encore, il faut une main exercée, pour accrocher le diamètre extérieur d'un cylindre, ne pas prendre une corde ou une oblique.

En particulier, pour le manchonnage, comportant un serrage rigoureusement fixé, excluant l'ovalisation des contours circulaires, on devine avec quel soin seront faites les mesures au palmer et à l'étoile mobile!

Très précis, également, doit être le contrôle du frein hydropneumatique du canon.

Le frein de nos matériels nécessite autant d'usinage que le tube-canon, car il s'agit de découper, dans un bloc d'acier, une série de récipients dont les dimensions auront une précision (j'emploie ce mot une seule fois) colossale. Nous voulons, d'abord, ralentir et limiter le recul, après le coup, c'est le frein; puis remettre rapidement la pièce en batterie, c'est le rôle du récu

« ÖncekiDevam »