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La déflation n'est pas au-dessus des forces des gouvernements fermes : elle demande des sacrifices, certes, mais ils sont plus apparents que réels. La dette de 35 milliards qui s'appesantit sur la Belgique, grève en réalité tous les citoyens en payant les impôts, ils ne s'appauvrissent pas, ils payent leurs propres dettes. Si par là ils diminuent le prix de la vie, c'est un profit pur et simple. En théorie du moins, car cette chute des prix entraîne certainement des conséquences graves pour l'État et les particuliers ; survenant avant la diminution sensible des charges de la Dette, elle risque de compromettre les finances de l'État dont les recettes vont tomber quand les dépenses demeureront quasi incompressibles. Le problème est suffisamment grave pour être étudié plus en détail; il s'identifie avec celui de notre Restauration Monétaire.

FERNAND BAUDHUIN.

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Peu d'ouvrages figurent à meilleur titre dans la collection « Les Maîtres de la Pensée scientifique », publiée par M. Maurice Solovine, que le Traité de Dynamique de d'Alembert. Écrivain réputé et philosophe célèbre, Jean d'Alembert (1717-1783) est, avant tout, mathématicien. Son nom rappelle, selon les expressions de Joseph Bertrand, « l'émule de Clairaut et d'Euler, le prédécesseur de Lagrange >> et de Laplace, le successeur d'Huygens et de Newton» (2), et c'est ce Traité de Dynamique, publié en 1743, qui lui donna rang de bonne heure, — l'auteur avait alors vingtsix ans, parmi les premiers géomètres de l'Europe.

A l'occasion de la réapparition de ce petit volume de d'Alembert, nous voudrions consacrer quelques pages à l'histoire de la jeunesse et de la formation scientifique de ce savant illustre et à l'histoire de ses débuts dans sa trop fameuse carrière d'Encyclopédiste. Un jour prochain, peutêtre, reprendrons-nous la plume pour nous occuper de ce Traité et de quelques autres de ses œuvres scientifiques.

(1) Traité de Dynamique, par Jean d'Alembert. Deux volumes in-16 de XL-102 et 187 pages. Paris, Gauthier-Villars et Cie, 1921. Collection « Les Maîtres de la Pensée scientifique ».

(2) D'Alembert, par Joseph Bertrand. Paris, Hachette, 1889. Collection « Les Grands Écrivains français ». Voir aussi, du même savant, membre de l'Académie française et de l'Académie des Sciences, l'article intitulé D'Alembert dans la REVUE DES DEUX MONDES, 15 octobre 1865.

Dans nos pages présentes, comme dans la réalité de sa vie, le savant, l'écrivain et le philosophe s'entremêleront : d'Alembert fut tout cela à la fois. Cependant le lecteur de cette REVUE comprend que, si nous parlons de l'écrivain, c'est de l'écrivain scientifique, et que, si nous envisageons le philosophe, c'est surtout quand sa pensée se préoccupe du côté philosophique des Sciences. Une portion considérable de son œuvre littéraire le place, en effet, parmi les écrivains scientifiques nous voulons dire, le Discours préliminaire de la trop célèbre Encyclopédie et de nombreuses pages de ses ouvrages de pure science, notamment certaines de leurs préfaces (1). Ajoutons que la parole toujours spirituelle de ce lettré et de ce savant fut « pendant un quart >> de siècle, pour les deux Académies, le plus grand attrait >> des séances solennelles » (2).

Mais dans la portion de ses écrits où le très réputé membre de l'Académie des Sciences et de l'Académie française s'adresse au grand public, on est en présence d'un écrivain et d'un orateur qui, à la fois, fait acte de littérateur et de philosophe, habituellement, hélas ! de philosophe qui abandonne le sain et pacifique terrain de la Philosophie des Sciences pour se poser en philosophe sceptique et irréligieux. Plus malheureux que l'infortuné dont parle Racine, qui sentait en lui deux hommes se livrant une guerre cruelle et qui, du moins, avait honte de ce combat,

(1) On peut indiquer principalement les introductions suivantes : celle du Traité de Dynamique (1743); celle du Traité de l'Équilibre et du mouvement des Fluides (1744 et 1770); celle des Réflexions sur la Cause générale des Vents, traité couronné par l'Académie des Sciences de Berlin en 1740 et qui mit l'auteur en relations avec le roi Frédéric c'est en ce Traité que d'Alembert, rencontrant en chemin les équations aux dérivées partielles, donne les premiers essais du calcul de ces équations, calcul créé par lui-même; celle des Recherches sur la Précession des Equinoxes et sur la Nutation de l'Axe de la Terre (1749); enfin celle des Recherches sur différents points importants du Système du Monde (1754-1756), où d'Alembert eut pour rivaux Clairaut et Euler. Ces introductions se trouvent réunies dans le t. XIV des Euvres littéraires de d'Alembert, Paris, an XIII, 1805, en 18 vol., et dans le t. I des Euvres complètes, Paris, 1821, en 5 vol. in-8°; les ouvrages scientifiques ne figurent pas dans ces Euvres et n'ont pas été réunis en collection.

(2) J. Bertrand, ouvr. cité.

d'Alembert joue là et en même temps le rôle d'un triple personnage: l'homme de la science, ami de la vérité, l'écrivain de talent, passionné des applaudissements de la foule, et le philosophe incroyant et dangereux. Sans faire à son sujet une complète étude morale et religieuse, nous chercherons à analyser le triple aspect de cet homme, à en séparer les traits et à les coordonner. La REVUE a pour épigraphe la formule vaticane proclamant l'absolue impossibilité de tout vrai désaccord entre la Foi et la Raison: nous ne sortirons point de son cadre, s'il nous arrive d'examiner comment un géomètre de très haute valeur a pu s'égarer de la vérité jusqu'à devenir le néfaste Encyclopédiste que l'on sait, l'associé de Diderot dans une œuvre perfide, l'homme lige de Voltaire. Du reste, nous n'aimons pas de louer le mathématicien hors ligne sans faire observer que, chez cet homme célèbre, le littérateur et le philosophe sont loin de mériter une admiration égale à celle que l'on peut donner, presque sans ménagement, au géomètre.

Les contemporains de d'Alembert l'ont installé, dès son vivant, dans la galerie des grands écrivains de la France. Ils n'ont pas eu tort. Un grand nombre de pages écrites par lui il y a deux siècles, restent dignes d'être proposées comme des modèles d'élégance et de clarté. Cependant, de son temps déjà, ses admirateurs avouaient que son style, souvent noble et énergique, est froid, sec et sévère, si élégant soit-il (1). Observons que cette incontestable élégance habituelle provient tout entière de la clarté et de la précision parfaites de ses idées et de ses expressions, et que ses dons de clarté et de précision étaient chez lui un apanage de

(1) D'Alembert le reconnaissait lui-même. S'amusant un jour à tracer son propre portrait, il dit : « Le caractère principal de son >> esprit est la netteté et la justesse. Son style, serré, clair et précis, » ordinairement facile, sans prétention, quoique châtié, quelquefois » un peu sec, mais jamais de mauvais goût, a plus d'énergie que de >> chaleur, plus de justesse que d'imagination, plus de noblesse que » de grâce ». Ces lignes sont tirées du Portrait de l'Auteur fait par lui-même et adressé en 1760 à Madame *** (c'est-à-dire à Mademoiselle de l'Espinasse), publié dans le tome I des Œuvres posthumes de d'Alembert, par de Pougens, deux vol., Paris, 1799; il est reproduit dans les Œuvres complètes, édition de 1821, t. I, pp. 9-12.

son esprit de géomètre. Pascal aurait vu chez d'Alembert, une confirmation de sa thèse : « Entre esprits égaux d'ail>> leurs et toutes choses pareilles, celui qui a de la Géométrie, » l'emporte et acquiert une vigueur toute nouvelle ». Mais la sécheresse et la sévérité de cet écrivain, la rareté sous sa plume, d'ailleurs habituellement spirituelle, mais souvent mordante, de ce je ne sais quoi d'aimable, de délicat et de gracieux, en un mot l'absence d'élévation, de vraie chaleur et d'âme, ont-elles leur explication dans le séjour trop habituel de sa pensée dans le monde austère des formules analytiques et des lignes géométriques? Plusieurs l'ont cru. Nos pages diront pourquoi nous pensons autrement.

En dépit de la gloire qui couronna ses savants travaux et des applaudissements que, d'habitude, il recueillit abondamment en sa carrière académique, la vie entière de d'Alembert fut poursuivie par le malheur, suite parfois de fautes d'autrui, salaire le plus souvent de ses propres décisions. Un malheur initial fut celui de son étrange naissance il ne cessa de peser, dans la suite, sur ce fils naturel du chevalier Louis Destouches Né à Paris, sa mère l'avait aussitôt fait « exposer et abandonner dans une boëtte de sapin » sur les marches de l'église Saint-Jean-le-Rond (détruite en 1748), située contre le parvis de l'église Notre-Dame dont elle était le baptistère : c'était le 16 novembre 1717 (1). Enfant trouvé, il avait été baptisé sous le nom quelconque de Jean-Baptiste Lerond, qui plus tard s'échangea, on ne sait pourquoi, contre le nom de Jean d'Alembert. La tendresse d'une humble et excellente mère adoptive permit quelque épanouissement à cette âme d'enfant, où se manifesta un caractère bon et joyeux. D'Alembert lui resta toujours attaché. Jusqu'en pleine maturité de l'âge, il sut trouver auprès de cette pauvre et honnête vitrière, madame Rousseau, qui continuait à lui servir de mère, la tranquillité nécessaire à ses

(1) Voir l'article de L. Lallemant, C. R. DE L'ACAD. DES Sc., 1885, I, p. 1443, qui est à lire en entier, si l'on veut connaître de quelle sollicitude, contrairement au récit de Condorcet, on entourait en ces temps d'ancien régime ces pauvres délaissés. Voir aussi l'introduction de Ch. Henry à la Correspondance inédite de d'Alembert avec divers savants, dans le BOLLETINO DI BIBLIOGR. E DI ST. de BONCOMPAGNI, t. 18, 1885, pp. 507-510.

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