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A quoi le P. Mainage a-t-il pensé en écrivant ces lignes étranges? La technique azilienne se soude très harmonieusement au néolithique. La transition n'est pas celle d'une race avachie et paresseuse à un peuple de guerriers conquérants et civilisés, mais bien celle d'un état nomade à un état plus sédentaire, d'un climat glaciaire à une température plus douce, d'un peuple chasseur à un peuple pasteur. Il n'y a pas de régression ou d'épuisement à l'azilien, pour beaucoup de raisons dont la première est que l'azilien n'est pas une époque mais un niveau; qu'il ne désigne pas un état de culture ayant régné au même moment sur tous les habitants de l'Europe occidentale, mais un stade de développement industriel, que rien ne nous permet de synchroniser à travers tous les pays où nous le rencontrons. Dès lors que signifie le « crépuscule » azilien ? Dans la vallée de l'Amblève, on trouve le tardenoisien associé à la faune du renne. Les fouilles de la grotte de Remouchamps et les découvertes de M. Rahir ont mis ce point hors de conteste. Est-ce que ces races paléolithiques ont été moins « usées par un trop long effort » que les aziliens des Pyrénées ? Et comment affirmer que les néolithiques sont des étrangers, des envahisseurs, des conquérants? Tout les montre plutôt soucieux de se défendre, et pacifiques comme le sont en général des propriétaires très vulnérables. Et en quoi la technique tardenoisienne montre-t-elle un progrès saisissant sur l'azilien ? N'est-ce pas plutôt l'inverse qu'on serait en droit de conclure, si on se fiait à l'aspect extérieur des outils ?

Qu'il y ait des régressions partielles à l'azilien, c'est incontestable. Tout progrès amène quelque part en nous une déchéance. Les allumettes chimiques sont un progrès, mais il n'y a presque plus personne aujourd'hui qui sache encore honnêtement battre le briquet; la lampe électrique est un progrès, mais je me souviens qu'ayant un soir, dans un village perdu, à me servir d'une antique lampe à huile, je ne réussis, en voulant tourner les clefs qui commandent l'ascension de la mèche, qu'à tout éteindre, irrémédiablement. Chez les nègres du Congo, le couteau européen a tué l'art lithique, tout comme en Flandre le métier mécanique a tué le tissage à la main. Les moustériens ne taillent plus les admirables coup-de-poing de Saint-Acheul; les

belles lames aurignaciennes, du type de la Gravette, disparaissent au magdalénien; les harpons arrondis, à fines cannelures, à deux rangs de pointes sont remplacés à l'azilien par de petits harpons trapus, élargis, massifs, sans grande élégance... et le bel art magdalénien ne survit plus; mais est-ce sur le vu de ces pauvres harpons que nous allons parler d'une humanité épuisée, et les néolithiques sont-ils plus soucieux d'esthétisme que nos aziliens? On a tellement usé du procédé commode des « invasions », succédant aux «< décadences »; on a si souvent rythmé de cette manière trop simple le mouvement de l'histoire, que la tyrannie de l'habitude s'en impose même à des esprits par ailleurs très circonspects et soucieux de ne rien avancer que sur des preuves tangibles.

Nous aurions voulu aussi qu'un point d'interrogation précédât et suivît à la mode espagnole le récit de la lutte des troglodytes de Grimaldi contre les deux ours envahisseurs Le chanoine de Villeneuve ne propose cette petite histoire que comme une hypothèse « plus simple », et, pour ingénieuse qu'elle soit, elle laisse place à bien des objections.

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Mais un remords nous saisit pendant que nous poursuivons ces discussions de détail Un remords et une crainte. Le lecteur comprendra-t-il toute la valeur scientifique du livre que nous analysons? estimera-t-il comme il convient, le mérite de celui qui l'a écrit ? Nous le répétons, le labeur du P. Mainage est réellement stupéfiant. On aurait pu craindre, sous la plume d'un professeur que ses études spéciales n'avaient pas orienté dans la direction de la préhistoire, une œuvre hâtive, une petite synthèse manuelle à l'usage des apologistes pressés, un de ces livres, à la fois touchants et néfastes, qui encombrent les esprits d'erreurs commodes et obstruent la voie au doute en la fermant à la lumière. Le savant professeur de l'Institut catholique de Paris a fait tout autre chose, et, posant nettement le problème de l'homme antique, il a essayé de réunir toutes les indications, de grouper tous les renseignements, que les

(1) Pp. 95-96.

patientes recherches des spécialistes avaient de-ci de-là recueillis sur son compte. Il n'était pas possible de dire plus de choses utiles en moins de pages; et tout, jusqu'aux illustrations nombreuses et fort bien choisies, montre le travailleur consciencieux et probe, le serviteurdu vrai et l'homme de foi. Un pareil livre doit être salué avec fierté par tous les catholiques; il a droit à la reconnaissance de tous les

savants.

Il marque une étape. Et c'est sa gloire. Il sera dépassé ; c'est son mérite. Dans les sciences d'observation plus personne ne croit aujourd'hui avoir apporté le dernier mot; et le travailleur n'est utile que comme agent de liaison entre ses devanciers et l'avenir.

Peut-être le livre du P. Mainage, à cause de cela même, suscitera-t-il des contradictions. Des théologiens trouveront qu'il est trop rempli d'archéologie; des préhistoriens estimeront qu'il est gâté par une thèse théologique qui le déforme. Essayons, en terminant, non pas de plaider, mais d'exposer l'objection de ces derniers.

L'homme quaternaire, primitivement monothéiste, aurait insensiblement glissé vers l'idolâtrie, parce que les peuples chasseurs, sentant que l'existence même de la tribu dépend du gibier, en viennent à concentrer sur les causes secondes, le respect, la crainte, l'adoration qui devraient remonter vers la Cause première (1). Cette théorie, le P. Mainage ne le niera point, est centrale dans son livre. Beaucoup de préhistoriens et d'ethnographes estimeront que, des deux parties qui la composent, la seconde ruine la première. Car l'archéologie ne nous montre nulle part une humanité antéricure à nos quaternaires et dont la fonction principale n'aurait pas été la chasse. Le primitif est un chasseur, vivant de son gibier. Dès lors, si les peuples chasseurs sont « idolâtres », il faudrait conclure que l'archéologie préhistorique ne nous en montre point d'autres, et le monothéisme quaternaire n'a plus de base scientifique. Dire que l'homme a progressivement abaissé sa religion au niveau de ses besoins immédiats, et parler d'une lente dégradation du culte originel, c'est s'aventurer en dehors de toute constatation,

(1) P. 319 et passim.

et introduire arbitrairement, parmi les peuples chasseurs, une distinction que rien d'expérimental ne justifie.

Dès lors ne vaut-il pas mieux décrire l'humanité préhistorique telle que nous la révèlent les fouilles des cinquante dernières années, et laisser dans la brume, cù la science ne pourra jamais l'atteindre, le problème des origines? Car c'est bien un problème d'origine que, sans le dire très explicitement, le P. Mainage entend résoudre. Le monothéisme quaternaire est une « induction fondée sur la foi en une révélation primitive» (1). Cette petite phrase est peut-être l'explication de tout le volume. Nous craignons que d'aucuns n'y voient une méprise. Autre chose est d'admettre, sur le témoignage de la Bible interprétée par l'Église, une révélation originelle; autre chose de conclure que les traces de cette révélation ont dû se maintenir à l'époque moustérienne, dans la vallée de la Vézère ou dans les grottes de la Meuse. A lire sans préjugé le texte sacré, on remarque plutôt qu'à part un très petit noyau de vrais fidèles, l'ensemble de l'humanité est fort prompte à oublier le culte du Dieu unique; on constate que « toute chair s'empresse de corrompre sa voie >> et que l'idolâtrie tenace et envahissante couvre le monde. Nous ne croyons pas qu'au nom du récit biblique on puisse interdire à un archéologue de constater le caractère très inférieur, très primitif, c'està-dire très naturel, très peu évolué, de la religion des chasseurs de rennes.

Le Concile du Vatican a défini que la raison humaine est capable par ses seuls moyens de connaître Dieu; mais il n'a dit nulle part que réellement cette raison humaine, dans l'ensemble des hommes, avait atteint ce résultat. Il a déclaré que nous devions à la révélation le fait que la connaissance de. Dieu pût être acquise par la masse des hommes, sans erreur et avec certitude; mais il n'a pas dit que ce bienheureux état fût réalisé ou qu'il l'eût jamais été autrefois.

Et St Paul affirmant que la connaissance de Dieu est naturelle à l'homme, s'empresse d'ajouter que presque tous ont abominablement corrompu cette théodicée élémentaire et que l'idolâtrie la plus abjecte a souillé la foule des gentils.

(1) P. 372.

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Est-il possible d'admettre que le paléolithique soit tout simplement un « dégradé », c'est-à-dire qu'avant lui les hommes, ses ancêtres, aient connu l'usage des métaux, la poterie, la culture, la domestication des animaux, etc., bref, que le paléolithique apparaisse entre deux stades néolithiques? Aucun document archéologique n'existe pour prouver cette série descendante. Tous ceux que nous possédons et il y en a des milliards nous montrent les niveaux industriels régulièrement disposés, et les plus bas se trouvent être les plus primitifs. Dès lors il faut bien dire que dès le principe, et presque immédiatement après la chute originelle, l'ensemble de l'humanité s'est trouvée dans les conditions misérables que nous révèle l'étude de ses débris; il faut bien dire que c'est par une lente ascension, sous l'influence des causes naturelles et de la grâce surnaturelle, qu'elle a poursuivi, complété ses douloureuses expériences; remontant de la bestialité, où le péché l'avait laissé tomber, vers la lumière et la liberté, jusqu'à ce que vînt la « plénitude des temps » et que le Verbe se fît chair, revêtant la livrée des coupables: ut unde mors oriebatur inde vita resurgeret.

Que le péché originel ait marqué une chute dans la matière, et comme un épaississement du corps humain, il est difficile de ne pas le conclure des termes mêmes du Concile de Trente: secundum corpus in deterius commutatus.

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Le problème des origines devrait donc, semble-t-il, être banni comme tel des investigations scientifiques. Très rapidement l'humanité primitive, ayant déserté Dieu, a trouvé ce maître dur qu'était le monde, le monde hostile et sourd, qu'il fallait apprivoiser et conquérir, à ses dépens. C'est cette humanité ou plutôt ce sont les descendants déjà très lointains de cette humanité qu'exhume la pioche de nos fouilleurs. Essayer de découvrir expérimentalement chez elle des traces de la révélation primitive, sous forme de souvenirs conservés, de traditions tribales ou de rites religieux, c'est sans doute entreprendre une étude impossible, comme d'établir géographiquement les frontières du Paradis perdu ou de rechercher le tombeau d'Eve.

Nous n'avons pas à interpréter ici les récits de la Genèse.

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