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Ainsi parlait d'un Bourbon français cette sœur de Marie-Antoinette. Un jour, avant les derniers éclats, au printemps de 1805, l'idée était venue de marier une de ses filles, la princesse Amélie (celle même qui a été reine des Français et l'épouse de LouisPhilippe) avec le fils de l'impératrice Joséphine, Eugène de Beauharnais. L'initiative était partie, en apparence, du marquis de Gallo, ambassadeur de Naples à Paris; mais évidemment il ne s'était point avancé de la sorte sans avoir reçu quelque insinuation de la Cour impériale. La reine, à cette proposition inopinée et qui, à la rigueur, pouvait ne passer que pour une idée en l'air de son ambassadeur, n'avait à faire aucune réponse officielle :

« Cependant elle crut devoir s'en ouvrir elle-même, non à M. Alquier, qui avait été appelé à Milan, mais au premier secrétaire, M. Édouard Lefebvre, chargé momentanément de la direction de l'ambassade. Celui-ci, interpellé soudainement sur un sujet aussi délicat, répondit avec un peu d'embarras qu'aucune instruction de sa Cour ne l'autorisait à traiter d'un mariage entre une princesse de Naples et le fils de l'impératrice : « Il ne pouvait donc soumettre à la reine « que ses opinions personnelles ; il lui semblait que, dans <«<l'intérêt de sa maison et de ses peuples, elle devrait favo« riser une semblable union; Eugène de Beauharnais avait « toute l'affection de l'Empereur, et de grandes destinées « semblaient promises à ce jeune homme. » La reine demeura quelque temps sans répondre un sourire amer parut un moment sur ses lèvres; elle semblait agitée intérieurement par des réflexions pénibles; enfin elle rompit le silence et dit, comme avec effort, qu'elle n'avait aucune

objection à élever contre la personne du jeune Beauharnais : << Mais il n'avait pas encore de rang dans le monde ; si, plus a tard, la Providence l'élevait à la dignité de prince, les << obstacles qui s'opposaient aujourd'hui à une pareille << alliance pourraient être écartés. >>

Le moment une fois manqué ne revint pas. Napoléon, dans une audience publique à Milan (juin 1805), fit une scène à l'envoyé extraordinaire de la reine, chargé de le complimenter, et la dénonça avec une colère calculée comme une furieuse ennemie de la France : « Si après tant d'années de règne elle ne sait pas mettre du calme et de la modération dans sa conduite et dans ses discours, le vaisseau anglais qu'elle tient dans la rade de Naples ne la sauvera pas. » Après de telles injures l'ulcération, des deux parts, devint incurable.

Peut-être, cependant, y avait-il encore quelque voie à tenter avant les moyens extrêmes. La Cour des Deux-Siciles venait de se lier sous main à la Coalition qui se reformait à cette heure menaçante. Le golfe de Naples devait s'ouvrir à l'invasion combinée des Russes et des Anglais; un général russe était arrivé à Naples dès les premiers jours de juin pour prendre clandestinement les mesures et fixer le point du débarquement. Eût-il été possible de déjouer ce concert, de rompre ces engagements occultes et cette promesse de coopération? restait-il quelques chances, sinon d'avoir la reine

pour alliée, du moins de ne pas l'avoir pour ennemie?

<«< La chose est douleuse; en tous cas, ce n'était pas à M. Alquier qu'il eût fallu laisser la tâche si délicate d'opérer un rapprochement ; cet ambassadeur avait porté dans sa mission trop de violence et de fiel. Sa sagacité même était un danger de plus il ne pouvait plus être un instrument de conciliation, et l'on eût dit qu'il n'avait été maintenu dans son poste que pour envenimer les passions indomptées de la reine, et la pousser à quelque extrémité qui la perdît sans retour...

>> Le premier secrétaire d'ambassade, M. Édouard Lefebvre, ne se faisait point illusion sur le caractère de la reine : il savait combien était profonde son aversion pour la France, quelle témérité elle portait dans la direction de sa politique; mais elle était mère; il pensait qu'à ce titre elle pourrait se laisser toucher. Chargé de la direction de l'ambassade pendant le voyage de M. Alquier à Milan, il avait tenté de louables efforts pour dissiper les préventions de cette princesse et lui inspirer une conduite plus mesurée. Il s'était attaché à la convaincre que l'Empereur Napoléon n'avait point le dessein de détrôner sa famille; que, si elle lui revenait sincèrement, loyalement, il oublierait tous ses torts et lui assurerait son amitié. Il ne lui dissimula pas que, si elle persévérait dans la funeste voie où elle était engagée, elle se perdrait infailliblement qu'en vain tenterait-elle de nous échapper ou de nous braver; qu'elle ne pourrait être sauvée, ni par la Russie qui était trop loin, ni par l'Autriche qui était trop timide, ni par l'Angleterre qui ne pouvait mettre à son service que ses vaisseaux. Pendant cet entretien, la reine était occupée à parfiler de l'or. Quand M. Lefebvre eut cessé de parler, elle leva la tête et tourna vers lui ce visage sillonné moins encore par le temps que par les soucis du trône : son regard avait en ce moment quelque chose de dur et de sinistre qui semblait dire que toutes ces explications arrivaient

trop tard. M. Lefebvre voulut se retirer; mais la reine le retint et lui fit comprendre que ses sages conseils l'avaient émue et troublée. Elle parla avec amertume des Anglais; elle dit qu'elle avait peu d'estime pour cette nation de marchands, et finit par laisser pressentir qu'elle n'était pas éloignée de changer de système. Les voies semblaient ouvertes à un rapprochement, quand M. Alquier revint de Milan; c'était le 5 juillet (1805). »

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M. Alquier jugea que son premier secrétaire s'était trop avancé, que la reine n'avait pas changé de sentiments, et qu'il n'y avait rien à espérer de cette Cour dans le sens d'une neutralité sincère. Napoléon, à cette date, on le voit par une lettre de lui à M. de Talleyrand, écrite du camp de Boulogne le 23 août, eût pourtant préféré une garantie du côté de Naples, et on conclut même à Paris, par l'intermédiaire du marquis de Gallo, un traité de neutralité qui ne fut pas observé. M. Édouard Lefebvre, en croyant devoir tenter une démarche de conciliation, avait donc agi dans le sens des désirs de l'Empereur et avait deviné juste. Il est vrai qu'une fois maître et arbitre de la situation en Allemagne, le vainqueur d'Austerlitz ne dut pas être fâché d'une infraction qui lui permettait de faire vaquer un trône en Italie. Masséna eut ordre de se porter sur Naples et courut à un triomphe facile. La reine, déclarée déchue, et à regret fugitive, rentra, pour n'en plus sortir, dans le vrai de sa passion,

de ses haines, de ses exécrations et de ses vengeances. De son volcan de Sicile, elle continua de menacer, d'agiter la torche comme une Euménide, et elle ressemble de loin à une statue de Médée.

Secrétaire d'ambassade à Rome en 1806, lorsque M. Alquier y fut envoyé pour remplacer comme ambassadeur le cardinal Fesch, M. Édouard Lefebvre y eut aussi la direction de l'ambassade, après que son chef eut été rappelé à Paris (février 1808). La crise à laquelle il assistait n'était pas moindre qu'à Naples, mais le contraste était frappant; il y put lire dans une autre âme, dans celle du pontife, une âme inflexible et douce, moins résignée encore qu'encline au martyre et comme altérée de persécution; il fut agent passif, non insensible, dans cette pression pénible et violente que la politique de Napoléon prétendit exercer sur Pie VII. A cette date, on ne comptait plus réussir par la voie diplomatique et de conciliation; M. de Champagny écrivait à M. E. Lefebvre, pour l'arrêter dès le premier effort qu'il tenta en ce sens (17 mars 1808):

« Les circonstances doivent vous rendre extrêmement circonspect dans vos démarches, et sa Majesté ne peut approuver toute la peine que vous vous donnez pour nouer une négociation n'en prenez aucune. Répondez à toutes les propositions qu'on vous fera, et ne faites aucun pas. Les démarches que

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