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jamais l'intervention d'un symbolisme abstrait pour les relier logiquement n'a mieux été mise en lumière, et le point précis où s'introduit la convention, et ses répercussions les plus lointaines sur l'ensemble et sur le détail. Comme beaucoup de réformateurs, passionnés pour la mission qu'ils se sont assignée, Duhem n'a pas toujours su se garder de toute exagération, et certaines de ses idées, nous ne le dissimulerons pas, ne sont pas communément admises. Entre les errements anciens et la réaction énergique dont il a été le chef, la pensée scientifique paraît avoir adopté une voie moyenne, également éloignée de la présomption et du scepticisme. Il n'en a pas moins donné une impulsion vigoureuse au mouve-ment d'assainissement de l'atmosphère scientifique en combattant les outrances de ceux qui se flattaient d'avoir pénétré définitivement la vraie nature des choses.

Le meilleur hommage à rendre à son œuvre est peutêtre de donner un aperçu critique de l'état actuel de la question. C'est à cette tâche que nous allons nous essayer (1).

Comment se forme une théorie physique ? Elle naît d'une double opération intellectuelle sur les phénomènes observés groupement des faits en lois, groupement des lois en systèmes. La théorie physique est un système de lois logiquement ordonné.

Les faits d'abord, les faits méthodiquement observés, sont à l'origine de toute connaissance scientifique. Mais les faits isolés ne sauraient constituer une telle connaissance. Il faut en extraire un énoncé général, abstrait, applicable à un grand nombre de faits qui ont certains traits communs, et permettant d'en prévoir, par induc

(1) Sur le même sujet, traité d'un point de vue différent, voir la magistrale étude de M. A. Witz: Le conflit sur la valeur des Théories physiques, tome LXXVII de la REVUE, janvier-avril 1920.

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tion, un grand nombre d'autres qui présentent les mêmes traits. Je plonge un thermomètre dans un vase contenant de la glace fondante, et je constate que le mercure reste stationnaire tant que la fusion n'est pas complète : c'est un fait. Le résultat est le même si j'opère à d'autres moments, en d'autres lieux, sur d'autres récipients, avec d'autres thermomètres : toujours la hauteur du mercure reste invariable. Je me crois alors en droit d'affirmer que la température de fusion de la glace est constante. C'est une loi. Elle résume dans son énoncé tous les faits particuliers observés et, de plus, elle prédit les faits du même genre qui seront observables à l'avenir.

En général, quand les expériences ou les observations sont bien faites, il n'est pas difficile d'énoncer des lois. Il est beaucoup moins aisé de grouper les lois en théories. Il faut, pour cela, les faire découler comme conséquences logiques d'un principe unique. Ce principe unique · est le plus souvent une hypothèse, quelquefois un fait d'expérience ou une loi plus générale. Ce dernier cas est rare, et c'est bien regrettable, car il est évident qu'il nous donnerait ce qui nous est refusé d'ordinaire: savoir, une explication complète et définitive. Le type en est l'acoustique ou la théorie des vibrations sonores. C'est un fait que le son consiste objectivement dans des vibrations qu'on peut voir, mesurer, etc. Dès lors les lois de la mécanique nous permettent de calculer ce qui se passera dans le cas d'un corps vibrant de forme et de propriétés déterminées, c'est-à-dire de déduire de l'hypothèse fondamentale les lois des vibrations des cordes, des verges, des tuyaux, etc.

Plusieurs théories particulières peuvent, à leur tour, se rattacher à un principe commun plus élevé, et il est clair que la théorie générale qui en résulte doit être considérée comme d'autant plus parfaite qu'elle se subordonne un plus grand nombre de théories particulières. Comme il n'y a pas de limite assignable à ce processus,

. on est amené logiquement à viser à l'universalité absolue, en d'autres termes, à chercher finalement un principe d'où puissent se déduire toutes les lois de la nature inanimée.

Les propriétés qu'on prendra pour point de départ seront, dès lors, les plus générales possibles. De là cette tendance si remarquable des théories physique à considérer non pas les éléments les plus petits que nous puissions effectivement reconnaître dans les corps, car ceuxlà participent encore aux propriétés distinctives des. diverses substances particulières, mais des éléments bien plus petits encore, qui échappent absolument aux prises de l'observation directe, et qu'il nous est loisible, par conséquent, de douer des propriétés communes dont nous avons besoin.

Mais si nous ne pouvons nous empêcher de recourir à une division de la matière qui dépasse les limites de l'expérimentation, nous nous garderons soigneusement de chercher en dehors du cadre des propriétés connues les activités que nous attribuerons à nos éléments. Nous nous contenterons, si possible, des attributs essentiels qui se retrouvent de la même manière à des degrés divers dans tous les corps de l'univers, savoir la masse, l'étendue, la force et le mouvement local. Grâce à ce choix, le nombre des hypothèses sera limité au strict minimum. Autre avantage inappréciable: les diverses branches de la physique seront ramenées à celle d'entre toutes qui présente la forme la plus précise et la plus concrète, je veux dire la mécanique. Elles en deviendront plus directement saisissables pour l'intelligence, se prêteront mieux aux mesures et au calcul, et répondront plus pleinement à l'idéal de simplicité auquel tend instinctivement notre effort.

Nous éviterons avec le même soin de pousser notre analyse de la composition des corps jusqu'aux éléments métaphysiques, comme on a eu le tort de le faire quelque

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attire

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fois, par exemple jusqu'aux atomes de Descartes qui ne sont qu'étendue, ou jusqu'à ceux de Boscovich qui ne sont que centres de forces. Sans quitter le terrain purement physique, il est toujours possible d'attribuer à la matière une structure et à ses dernières particules des propriétés telles que les lois observées en résultent.

Newton suppose que les particules ultimes de la matière s'attirent en raison directe des masses et en raison inverse du carré des distances; hypothèse admirable, mais invérifiable, dont on tire immédiatement par le calcul toutes les lois de la pesanteur, et en outre celles de la mécanique céleste. C'est la théorie de l'attraction universelle.

On a bien des raisons de croire que ces particules ne sont pas au repos ni au contact les unes avec les autres. En considérant leurs mouvements rapides et désordonnés. comme l'essence même de la chaleur, on peut en conclure une foule de lois particulières de ce chapitre de la physique. C'est la théorie mécanique de la chaleur.

L'agitation des particules se transmet à distance, même dans le vide. On est conduit ainsi à imaginer un milieu différent de la matière proprement dite, et qui servirait de véhicule aux rayons calorifiques et lumineux en vibrant sous le choc des particules c'est l'éther. On arrive de la sorte à la théorie ondulatoire du rayonnement.

Or, il est impossible d'isoler deux atomes de matière et de constater qu'ils s'attirent comme le veut l'axiome de Newton; il est impossible de suivre une molécule gazeuse dans sa course capricieuse et de démontrer que la chaleur n'est pas autre chose que la force vive de milliards. de mouvements du même genre ; il est impossible d'établir l'existence de l'éther autrement que comme un postulat et parce que nous ne saurions nous en passer. Et pourant, une fois adoptées, ces hypothèses nous renseignent admirablement sur une foule de lois et nous y conduisent avec une sûreté infaillible par la déduction mathématique.

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Est-ce à dire qu'elles soient, comme on dit souvent,
vérifiées par leurs conséquences ? C'est une bien sédui-
sante illusion, c'est justement celle à laquelle on s'est
laissé entraîner au xvire et au XIXe siècle, mais ce n'est
pas autre chose qu'une illusion.

D'abord, en saine logique, il n'est pas permis de conclure de la vérité d'une conséquence à la vérité d'un principe. Ensuite, si nous montrons qu'avec nos hypothèses tout s'explique — et nous avons déjà dit qu'à la longue les théories deviennent impuissantes à s'assimiler les conquêtes nouvelles de la science nous ne montrons nullement qu'il ne peut exister d'autres hypothèses qui l'expliqueraient aussi bien. Elles seront peut-être découvertes quelque jour, mais quand elles ne devraient l'être jamais, leur possibilité seule nous empêcherait toujours de conclure légitimement que notre hypothèse est la

vraie.

H. Poincaré entreprend même de démontrer que s'il est une explication mécanique possible qui sauvegarde le principe de la conservation de l'énergie et celui de la moindre action, il en est une infinité. Bien entendu, il y en a dans le nombre que nous repousserons toujours comme beaucoup trop compliquées; car nous sommes instinctivement persuadés que la nature est simple, et ce qui paraît trop compliqué nous déclarons que ce n'est pas naturel.

Il importe de ne pas confondre les explications mécanistes dont nous parlons ici avec les modèles mécaniques dont se servent volontiers les physiciens anglais. Ces modèles sont des appareils de dimensions finies, matériellement exécutables, qui par leurs mouvements seraient capables de donner une image, une représentation symbolique d'un groupe limité de propriétés. Leur ressemblance avec les phénomènes dont il s'agit de rendre compte est très grossière, et on admet explicitement qu'il ne saurait être question d'une assimilation complète.

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