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monie. Dans sa théorie de l'électricité, le grand physicien anglais ne se gêne nullement pour appuyer ses développements mathématiques sur des postulats qui se contredisent d'un chapitre à l'autre. Comme le dit fort bien Duhem, qui s'en impatiente, il traite ses développements mathématiques comme de simples modèles, au même titre que les constructions mécaniques tant affectionnées par Lord Kelvin, O. Lodge, et d'autres savants de la même école.

Si choquante que paraisse au premier abord une pareille liberté, il faut reconnaître que la logique purè n'a rien à y objecter. Du moment que la commodité est plus grande, il est conforme à l'essence de la théorie physique de ne pas reculer devant l'emploi d'hypothèses inconciliables. «< Deux théories contradictoires, dit Poincaré, peuvent, en effet, pourvu qu'on ne les mêle pas, et qu'on n'y cherche pas le fond des choses, être toutes deux d'utiles instruments de recherche. » Mais la logique pure n'est pas seule à avoir à dire son mot ici. Il convient, d'abord, de respecter le sentiment esthétique qui porte le savant à rechercher l'harmonie dans ses constructions logiques et à fuir l'incohérence. C'est un des mobiles le plus puissants de l'esprit de recherche scientifique.

Il faut s'abstenir avec le même soin de heurter de front ce désir tenace enraciné dans notre esprit d'arriver tôt ou tard à une classification naturelle, c'est-à-dire à un enchaînement de rapports qui soit une image aussi fidèle que possible des rapports réels qui peut-être nous resteront toujours cachés. Comme il n'y a pas de contradiction dans la nature, il est évident qu'un ensemble de théories qui s'appuient sur des principes inconciliables ne peut la représenter exactement. Tout au plus tolérons-nous qu'on recoure provisoirement, dans l'élaboration d'un chapitre nouveau de la science, à des hypothèses en désaccord avec celles qui servent de base à d'autres parties; mais nous en souffrons secrètement, et

toujours nous y mettons intérieurement cette réserve plus ou moins consciente que ce n'est là qu'une phase tout à fait passagère de l'évolution, un échafaudage destiné à disparaître à l'achèvement de l'édifice.

Pour conclure, les théories scientifiques sont essentiellement des outils de recherche et des instruments de classification, et si certains esprits ne veulent pas désespérer d'arriver un jour, en cheminant de proche en proche par la voie des hypothèses, à la vérité objective, ils se rendent parfaitement compte qu'un tel résultat ne peut être escompté pour un avenir prochain.

Les théories succèdent donc aux théories, mais combien on se tromperait en se représentant le savant navré au milieu des ruines de ses systèmes qui s'écroulent les uns sur les autres comme des châteaux de cartes ! Ce savant, ne le nions pas, a existé, et même il se rencontrait fréquemment au siècle dernier. De nos jours, il est devenu plus rare. Pour être dans le vrai, il faut plutôt songer à l'artisan qui a devant lui, au-dessus de son établi, un casier dans lequel sont rangés une foule d'outils divers. Sur l'établi, ou entre les mains de l'artisan, le visiteur d'occasion verra un jour des burins, le lendemain des limes ou des forets. Dira-t-il alors que les burins ont fait faillite et que sur leurs débris s'élève le règne des limes ou celui des forets ?

Le physicien fait comme cet artisan. Ses théories sont des outils. Toutes ne sont pas aptes à toutes les besognes. Alors il les met temporairement de côté et les serre dans le casier pour les reprendre en temps opportun. En réalité, il en est bien peu qui ne soient en usage dans quelque coin de l'atelier de la science à un moment donné, même lorsque la vogue est passée à d'autres. Ainsi la théorie cinétique des gaz, dont les lacunes et les insuffisances sont reconnues depuis longtemps par ceux-là

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mêmes qui lui restent fidèles, n'est point du tout périmée. On a renoncé à l'employer à certains travaux, mais elle rend encore de très bons services pour d'autres. Entre les mains des J.J. Thomson, des Rutherford, etc., elle fournit actuellement une carrière des plus brillantes dans l'étude des décharges électriques dans les gaz et de la radioactivité.

Et cela n'est pas pour nous surprendre, puisque l'électricité, de son côté, est considérée maintenant comme formée de particules discrètes, d'électrons. - Autre renouveau d'une théorie bien démodée, celle des fluides électriques, qui n'a jamais cessé d'ailleurs d'être employée dans l'enseignement. - Ce retour de faveur ne pouvait que déplaire à Duhem, qui s'en exprime ainsi (Notice, 1913) : « L'école néo-atomiste, don: les doctrines ont pour centre la notion d'électron, a repris avec une superbe confiance la méthode que nous nous refusons à suivre... Cette confiance, nous ne pouvons là partager; nous ne pouvons, en ces hypothèses, reconnaître une vue divinatrice de ce qu'il y a au delà des choses sensibles; nous les regardons seulement comme des modèles ». N'exagérons rien : Duhem récuse les hypothèses atomiques comme révélatrices de ce que l'expérience ne peut atteindre, non comme représentations symboliques ou modèles de ce qu'elle a conquis. Mais il nous a dit assez clairement ce qu'il pense des modèles pour que personne ne puisse se méprendre sur la tendance de passages tels que le précédent : ce n'est certes pas un encouragement à pratiquer les méthodes électroniques.

Ainsi, perpétuellement, les théories se suivent et se remplacent, sans qu'on puisse dire jamais ni celles qui sont définitivement condamnées ni celles qui pourront se flatter d'un règne durable.Elles sont choisies pour leur utilité présente, qui se mesure en somme à l'étendue croissante de leurs surfaces de contact avec la réalité. N'en rencontrera-t-on pas une un jour, qui s'adaptera si

étroitement à tout le contour de cette réalité connue
qu'elle ne puisse plus s'en distinguer ? C'est malgré tout
l'obscur espoir du théoricien, mais c'est le secret de
l'avenir.
V. SCHAFFERS, S. J.

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Principales publications de P. Duhem
sur la théorie physique

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A. ARTICLES RÉUNIS EN VOLUME

1. Le mixte et la combinaison chimique (Paris, C. Naud, 1902, et REVUE DE PHILOSOPHIE, tome I, 1900-1901).

2. Les théories électriques de J. Clerk Maxwell (Paris, Hermann, 1902, et ANNALES DE LA SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE DE BRUXELLES, t. XXIV, 1900, t. XXV, 1901).

3. L'évolution de la mécanique (Paris, A. Joanin, 1903, et REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES, t. XIV, 1903).

4. Les origines de la statique (2 vol. Paris, Hermann, 1905-1906, et REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES, 3o sér., t. IV, 1903; t. V, 1904; t. VI, 1904; t. VII, 1905; t. VIII, 1905; t. IX, 1906; t. X, 1906).

5. La théorie physique, son objet, sa structure (Paris, Chevalier et Rivière. 1906, et REVUE DE Philosophie, 1904, vol. I et II; 1905, vol. I).

6. ΣNZEIN TA PAINOMENA. (Paris, Hermann, 1908, et ANNALES DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE, 79° année, 1908).

7. Le mouvement absolu et le mouvement relatif (Montligeon, impr.librairie de Montligeon, 1909, et REVUE DE PHILOSOPHIE, 1907, vol. II; 1908, vol. I et II; 1909, vol. I).

B. NOTES ET MÉMOIRES

a) REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES

8. Quelques réflexions au sujet des théories physiques (2a série, t. I). 9. Notion atomique et hypothèses atomistiques (ibid.).

10. Une nouvelle théorie du monde inorganique (2o série, t. II, 1893).

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11. Physique et métaphysique (2o série, t. II, 1893). 12. L'école anglaise et les théories physiques (ibid.).

13. Quelques réflexions au sujet de la physique expérimentale (2e série, t. III, 1894).

14. L'évolution des théories physiques (2o série, t. V, 1896).

15. La loi des phases (2e série, t. VII, 1898).

16. Josiah-Willard Gibbs (3o série, t. XIII, 1907).

b) REVUE DES DEUX MONDES

17. Les théories de l'optique. (t. CXXIII, 1894).

18. Les théories de la chaleur. (t. CXXIX, CXXX, CXXXI, 1895).

c) REVUE GÉNÉRALE DES SCIENCES PURES ET APPLIQUÉES

19. La valeur de la théorie physique (15 janvier 1908).

20. La mécanique expérimentale (15 juin 1910).

d) REVUE SCIENTIFIQUE

21. Examen logique de la théorie physique (51e année, 1913).

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