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suite fatale de mes tendances personnelles? Non, c'est un fait que les femmes qui — jusqu'ici — ont le plus marqué dans la science s'étaient adonnées principalement à l'étude des mathématiques. Il n'est, au reste, nullement difficile d'en démêler les raisons. Tout d'abord, les mathématiques, à l'encontre des autres sciences, n'exigent aucune besogne matérielle accessoire, besogne qui, pour certaines sciences, ne laisse pas d'être assez pénible et de nature à éloigner la plupart des femmes. Tout l'effort que requiert une recherche mathématique est, au contraire, purement et exclusivement d'ordre intellectuel. Mais il y a mieux. Les mathématiques sont, parmi toutes les sciences, celles qui font le plus directement appel à l'intuition et - ceci va sans doute vous surprendre davantage, mais j'y reviendrai tout à l'heure — à la sensibilité, c'est-à-dire à des qualités d'esprit qui ne sont pas rares chez les femmes.

L'invention en mathématiques comporte tout d'abord, pour une large part, une sorte de divination par où commence à se révéler la vérité qu'il s'agit d'atteindre. Mais alors, allez-vous me dire, que faites-vous de cette logique, de cette faculté de raisonner en toute rigueur à laquelle vous faisiez allusion tout à l'heure? Son rôle est indispensable, mais il ne s'exerce avec une réelle efficacité que lorsque l'intuition lui a tracé sa voie. La logique permet seule d'établir l'exactitude ou la fausseté de la proposition que l'intuition n'a fait qu'entrevoir, mais en général, sans une intervention préalable de celle-ci, point de découverte possible.

Je vais plus loin, et je n'hésite pas à soutenir que le don d'invention en mathématiques n'est pas sans quelque parenté avec celui du poète. Cela, pour le coup, ne va pas laisser de choquer certaines d'entre vous qui verraient plus volontiers en ces deux dons des tendances de l'esprit radicalement opposées.

III SÉRIE. T. XV.

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Au cours de vos études, il vous aura sans doute semblé que la vivacité d'imagination requise pour les exercices de style n'intervient pas dans la recherche de la solution des problèmes, et vous en aurez conclu à une opposition foncière entre le don de l'invention poétique et ce qu'on appelle vulgairement la « bosse » des mathématiques.

Mais il faut que vous vous rendiez bien compte de ceci du petit problème d'arithmétique élémentaire aux parties élevées de la science que cultivent les vrais mathématiciens, il y a la même différence que des gammes, exécutées sur son piano par une enfant de sept ou huit ans, à une fugue de Bach, à une symphonie de Beethoven, à un drame lyrique de Wagner. Si, de toute la musique, vous ne connaissiez que les unes, auriez-vous seulement soupçon de la beauté qui éclate

dans les autres ?

Un aimable poète, qui avait préludé à sa carrière en passant par l'Ecole Polytechique, Armand Silvestre, dit en comparant le travail mental du poète à celui du mathématicien : « Remarquez qu'il n'est pas deux occupations qui se ressemblent davantage qué celleslà. C'est la même recherche du rythme et de la symétrie. Car le Vrai comme le Beau s'expriment toujours par le rythme et par la symétrie, par une harmonie des caractères et des lignes. Cauchy et Hermite, qu'ils le veuillent ou non, sont des poètes comme Homère..... »

Je viens, à propos de l'esprit mathématique, de vous parler de la sensibilité et je vous ai dit que j'y reviendrais j'y reviens pour vous faire entendre à ce propos la parole de M. Poincaré :

« On peut s'étonner, dit-il, de voir invoquer la sensibilité à propos de démonstrations mathématiques, qui, semble-t-il, ne peuvent intéresser que que l'intelligence. Ce serait oublier le sentiment de la beauté mathématique, de l'harmonie des nombres et des formes, de

l'élégance géométrique. C'est un véritable sentiment. esthétique que tous les mathématiciens connaissent. Et c'est bien là de la sensibilité. »

Et, un peu plus loin, il parle encore de « cette sensibilité spéciale que tous les mathématiciens connaissent, mais que les profanes ignorent au point qu'ils sont tentés d'en sourire. »

Mais si, comme la poésie, comme la musique, les mathématiques éveillent en nous un certain sentiment esthétique, elles possèdent un autre attrait plus puissant encore pour qui est à même de le sentir. Elles nous fournissent une sorte de représentation idéale des phénomènes physiques. On dit parfois qu'elles nous en donnent l'explication. C'est un mot sur le sens duquel il faudrait s'entendre. Elles ne nous font pas pénétrer leur essence qui nous resterà, sans doute, à tout jamais inaccessible; mais sous forme symbolique, elles en réalisent une admirable synthèse. Les harmonies de nombres et de formes qu'elles révèlent offrent de si étroites affinités avec celles qui se manifestent dans l'ordre physique que, par le seul jeu des déductions. tirées de son cerveau, l'homme arrive parfois, dans la connaissance des phénomènes, à devancer les constatations de l'expérience. C'est ce que le génie mathématique de Fresnel a su faire pour la théorie de la lumière, celui d'Ampère pour l'électrodynamique, et, par dessus tout, celui de Newton, prolongé par ceux de Clairaut, de d'Alembert, de Laplace, de Lagrange, pour les lois des mouvements de notre univers. Vous savez comment, par la seule force de cette théorie mathématique, Leverrier a pu déceler la présence, dans notre système solaire, d'une planète, Neptune, avant qu'aucun oeil humain ne l'ait encore observée. Lorsque les yeux de notre esprit s'ouvrent sur un tel spectacle, nous goûtons la jouissance la plus haute,

la plus pure, la plus complète qui puisse nous être accordée ici-bas.

Mais je m'aperçois que je suis en train de devenir lyrique, et que, suivant l'observation de M. Poincaré, je vais vous donner à sourire.

Me voici maintenant en face de la conclusion philosophique qu'il s'agit de donner à cette causerie. C'est que la difficulté se fait surtout sentir.

La question qu'il me faut examiner est double: tout d'abord, y a-t-il lieu de penser que les femmes, prises en général, soient aussi bien armées que les hommes pour la conquête des vérités scientifiques?

Oh lorsqu'on envisage ce côté de la question qui en est bien, n'est-ce pas, le plus délicat on peut tout de suite faire observer que la différence des modes d'éducation suivis jusqu'ici pour la généralité soit des filles, soit des garçons, confère à ceux-ci, sous le rapport qui nous occupe, un avantage marqué. La Bruyère ne serait pas loin de voir là un effet du désir des hommes de ne pas trop laisser se multiplier les avantages que les femmes possèdent sur eux par ailleurs: «... A quelque cause, dit-il, que les hommes puissent devoir cette ignorance des femmes, ils sont heureux que les femmes, qui les dominent par tant d'endroits, aient sur eux cet avantage de moins. »

Constate-t-on que les femmes admises à suivre les mêmes études que les hommes y réussissent au même degré ? C'est l'avis d'un des plus grands géomètres allemands contemporains, M. Félix Klein, qui, ayant vu six étudiantes suivre les cours et les exercices de mathématiques supérieures de l'Université de Goettingue, déclare qu'« elles s'y sont constamment montrées, à tous points de vue, de même valeur que leurs concurrents masculins ».

Il est vrai que six, par rapport au nombre des étu

diants, c'est une très petite minorité qui a bien pu n'être fournie que par des sujets exceptionnels.

A l'Université de Genève, où fréquentent un assez grand nombre de femmes, un professeur de sciences naturelles, M. Carl Vogt, s'est montré moins favorablement impressionné que M. Klein, et même assez sévère. Il reconnaît que les étudiantes fournissent une très forte somme de travail, que leur mémoire est bonne et qu'elles possèdent à fond toutes les matières traitées explicitement aux cours; mais il leur refuse l'aptitude à raisonner par elles-mêmes. « Dès Dès que, dit-il, l'examinateur fait appel au raisonnement individuel, l'examen est fini; on ne lui répond plus. »

Si nous adoptions la manière de voir, au reste un peu bien absolue, du professeur Vogt, il nous faudrait done admettre que, sur le terrain de la science, les femmes, parfaitement capables de comprendre et de retenir, seraient peut-être moins aptes à trouver par elles-mêmes.

Évidemment, on peut répliquer à cela en citant Sophie Kowalewski et un petit nombre d'autres femmes, dont plusieurs vivantes; mais il faut convenir que ce ne sont là, jusqu'ici, que des figures d'exception. S'autoriserait-on de l'exemple de Jeanne d'Are pour conclure, d'une façon générale, à l'existence chez les femmes de talents particuliers pour la guerre?

Ici encore, nous pouvons demander à la musique le secours d'une de ses analogies. Il est fort ordinaire de voir des femmes sentir et comprendre vivement la musique, l'interpréter même supérieurement. Mais, s'il en est quelques-unes qui se soient livrées à la composition musicale, elles ne peuvent être considérées que comme des exceptions et nulle d'entre elles, que je sache, ne s'est placée au rang des grands compositeurs.

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