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hasard? Enfin, M. Borel, ouvre quelques belles perspectives sur l'étude des collectivités, signalant par exemple ce fait biologique remarquable qu'un groupe biologique de mênie race est caractérisé par ceci que ses mesures biométriques forment des séries normales.

F. W.

III

LES SYSTÈMES LOGIQUES ET LA LOGISTIQUE. Étude sur l'enseignement et les enseignements des mathématiques modernes, par C. LUCAS DE PESLOUAN (Ouvrage faisant partie de la Bibliothèque de philosophie expérimentale). Un vol. in-8° de 416 pages. Paris, Marcel Rivière, 1909.

Voilà un livre extrêmement original tant par la forme que pour le fond. Il s'adresse à ceux qui ont le goût de la philosophie de la science, mais il le fait sur un ton familier et piquant, qui est de nature, en dehors de ceux que l'on peut considérer comme les professionnels de ce genre de spéculation, à le faire agréer des simples curieux. C'est qu'aussi bien son auteur, ingénieur, ancien élève de l'École polytechnique, ne s'occupe de philosophie que par occasion, ce qui ne veut pas dire, sans compétence, y apportant des habitudes de langage qui tranchent sur le ton ordinaire les dissersations de ce genre.

La partie principale de l'ouvrage se compose de quatre lettres exposant les observations faites par l'auteur au cours de ses investigations dans le domaine de la logistique. Pourquoi cette forme de lettres ? Sans se contenter de la justifier par les illustres exemples que lui offraient les XVII et XVIII° siècles, au premier rang desquels Pascal et Montesquieu, l'auteur ne se fait pas faute, en son Avant-propos, d'en développer les raisons: ... le mode épistolaire, dit-il, en vaut d'autres; il a même de grands avantages: il donne certaines libertés que d'autres ne donnent pas; il permet des expositions un peu rapides, partant un peu outrées, caricaturales, des systèmes; il se prête à la suggestion d'opinions qui... se rattachent plus directement à nos manières de sentir qu'à nos interprétations dialectiques des sentiments; il permet d'exprimer des choses qui paraissent contradictoires. les unes aux autres, sans qu'on s'y trompe, ayant en lui-même

une certaine vie par quoi nous sommes maintenus dans le réel et gardés contre les oppositions qui naissent de compréhensions trop purement intellectuelles; enfin, il autorise à la franchise, et par une sorte de convention tacite entre lecteurs, donne droit à des violences de critique plus difficiles à admettre une fois débarrassées de l'affabulation, enfantine pourtant, qui les enveloppe ». Et l'auteur profite, en effet, de la permission de mettre, en ses jugements critiques, une certaine vivacité qui en relève la saveur.

Les quatre lettres sont précédées d'une Préface (visiblement écrite après coup, et qu'on fera bien aussi de ne lire qu'après le corps principal du volume) où l'auteur, allant au devant de l'objection des profanes qui pensent que la rigueur mathématique ne saurait être matière à polémique, explique ce qui est susceptible de la faire naître; dans cette préface, ayant défini ce qu'on peut appeler l'art en mathématique, il s'étend sur l'idée de classification et sur le rôle de la métaphysique en mathématique, sur le rôle des mathématiques dans l'enseignement, enfin sur les différentes formes d'enseignement des mathématiques, et, sur tout cela, de façon non moins intéressante qu'originale.

Venons-en à une indication rapide des vues de l'auteur: Depuis vingt ans, certaines idées touchant la mathématique pure ont subi de sensibles modifications. Pour certains géomètres et philosophes, et non des moindres, elle a cessé d'ètre la science de la nature (comme pour Lagrange et même pour Gauss, pour Hermite surtout) et n'est plus apparue que comme un pur produit de l'intelligence seule, libre de toute sujétion naturelle. Les tenants de cette manière de voir se sont efforcés de la présenter comme un système logique se développant à partir de quelques postulats sans qu'aucune intuition nouvelle ait à intervenir au cours de ce développement. Cette tendance a été celle de Weierstrass et de Kronecker et, plutôt encore, d'un certain nombre de leurs élèves moins grands géomètres qu'eux. Ainsi se trouvèrent formés ces systèmes logiques auxquels s'attache M. de Pesloüan. Mais cela ne parut pas encore suffisant afin que la déduction logique fût rendue strictement indépendante de toute intrusion du dehors, on l'isola du langage ordinaire en l'enveloppant dans une symbolique qui lui fût propre, sorte de langage nouveau qui reçut le nom de logistique. Ce fut l'œuvre de Boole, de Schröder, de M. Peano, dont, en France, M. Couturat se fit l'initiateur.

L'ouvrage de M. de Pesloüan n'est pas un strict exposé didactique de ces systèmes logiques et de cette logistique. Les indications qu'il renferme permettront cependant à ceux qui les ignorent de s'en faire une assez juste idée. Mais c'en est surtout une critique très vive, très souple et très pénétrante, émanée d'un très libre esprit.

L'affabulation toute simple des quatre lettres suppose qu'un ancien ingénieur c'est-à-dire un homme dont la formation intellectuelle a été faite par les mathématiques et qui en a conservé le sens, mais qui ne s'est pas tenu de façon permanente au courant de leur évolution profite d'un séjour à Paris pour se renseigner sur les idées modernes touchant ces sciences et en faire part à un de ses amis, professeur de collège, à qui son éloignement provincial n'a pas permis non plus de suivre le mouvement.

Dans la première lettre, notre homme raconte qu'il s'est d'abord rendu chez un libraire d'un esprit cultivé, capable de lui indiquer les directions à suivre pour le but qu'il se proposait, et qui lui a mis entre les mains un petit livre sur le développement. logique de la science. Il a lu ce petit livre, mais, pour arriver à le comprendre, il avoue qu'il lui a fallu s'en faire un commentaire; et c'est ce commentaire qu'il envoie à son ami le professeur. En effet, pour atteindre à cette compréhension, il faut se supposer presque absolument ignorant, ce qui n'est pas facile; non seulement ignorant de ce qu'on a conscience d'avoir appris, mais aussi des connaissances acquises par l'éducation et par l'atavisme. Et, de fait, pour être obligé à priori de se supposer ignorant de tout, de la numération en particulier, il est conduit à des idées assez bizarres dont le détail, sous la plume de l'auteur ne laisse pas d'ètre piquant. Il est curieux notamment de le suivre à travers les intermédiaires par où il lui faut passer pour qu'il lui soit permis, à un certain moment, de penser qu'il sait compter. A noter aussi qu'il ne conçoit pas comment, en partant des définitions antérieures, il peut arriver à l'idée de limite et d'incommensurable. En soulignant, sous la plume de son personnage, les efforts de compréhension auxquels il se doit. soumettre, l'auteur y glisse, non sans malice, une expression naïve de confiance dans l'avenir et d'admiration pour le progrès accompli depuis Pascal dans l'étude des mathématiques.

Mais, dans la seconde lettre, ces efforts vont apparaitre comme vains à la suite d'une initiation nouvelle à d'autres concepts plus radicalement éloignés de ceux qui dérivent de la tradition. Étant

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retourné une seconde fois chez son libraire, l'auteur supposé des lettres y fait la rencontre d'un jeune étudiant tout frotté des théories les plus modernes, à qui le hasard de la conversation l'amène à faire part du travail auquel il vient de se livrer, non sans espérer en tirer quelque encouragement. C'est le contraire qui se produit. Le jeune étudiant ne reconnait aucun sens à ce travail de système logique à la base de quoi est posé ce postulat : « Je raisonne juste. » Au dire de cet étudiant, le raisonnement n'est pas une chose dont on sente la justesse : c'est une science sujette aux contingences de toute science, et qui a sa technique, démontée, en quelque sorte, pièce par pièce, dans l'Algèbre de la logique.

Raconter ce qu'est cette algèbre et quelle est son application fait l'objet de la seconde lettre par quoi, sans doute, nombre de lecteurs seront initiés sans difficulté à des idées toutes récentes qu'ils auraient peut-être quelque peine à extraire des publications où elles ont vu le jour. Cet exposé, fait par le jeune étu diant, a un côté plaisant qui ne laisse pas de rappeler avec plus de développement, s'entend le cours du maitre de philosophie de M. Jourdain; il renvoie d'ailleurs pour les détails à l'Algèbre de la logique de M. Couturat, en donnant à son interlocuteur l'assurance que, gràce à la symbolique logique ou logistique, plus n'est besoin de rien savoir du tout; il suffit d'écrire des symboles et de les traiter, en quelque sorte, mécaniquement; on a des méthodes sûres pour effectuer ce travail qui pourrait même, au besoin, être confié à des machines.

Ces révélations ne vont pas sans exciter une sorte d'admiration un peu craintive de la part de l'auteur des lettres, qui ne serait pas loin de penser qu'on a ainsi le moyen d'atteindre à une science vraiment pure, celle peut-être que, dans l'Esprit géométrique, Pascal n'avait pas osé concevoir; et il y voit un motif de se féliciter infiniment.

La troisième lettre apporte un frein à cet enthousiasme. Cette troisième lettre est celle que, pour notre part, nous avons lue avec le plus de plaisir, et nous ne serions nullement étonné que cette impression fût partagée par d'autres lecteurs. Alors que les deux précédentes sont, avant tout, d'exposé, celle-ci est toute de critique. Derrière le personnage qui est censé formuler cette critique, c'est la pensée personnelle de l'auteur que l'on sent vivre. Cette pensée, très digne d'attention en elle-même, a d'ailleurs trouvé, comme on va voir, une forme d'expression fort intéressante.

Cette lettre est écrite à la suite d'un entretien avec un vieil ingénieur qui occupe les loisirs de sa retraite à méditer sur la philosophie des sciences. Ce vieil ingénieur n'est pas du tout partisan de la logistique. Sans reprendre les critiques formulées à son endroit par un juge pourtant de quelque autorité, M. Henri Poincaré, critiques qu'on a pu lire dans le dernier ouvrage de l'illustre mathématicien, le vieil ingénieur articule contre elle d'autres griefs. Il le fait et c'est là la curieuse particularité à laquelle nous venons de faire allusion- en donnant comme fondement à son argumentation des pensées toutes empruntées à Pascal. Nous n'insisterons pas sur ce qu'un tel procédé suppose d'érudition littéraire et, par delà le vieil ingénieur de la fiction, nous en féliciterons, dans la réalité, le jeune ingénieur qu'est M. de Pesloüan. Une fois de plus, cela vient prouver que le savoir polytechnique se concilie parfaitement avec la plus solide culture littéraire.

Donc le vieil ingénieur, s'appropriant d'abord les termes dont Pascal s'est servi à propos de la cosmogonie cartésienne, croit pouvoir dire de la logistique qu'elle est inutile, incertaine, pénible; il ajoute même inféconde et présomptueuse. Et, pour bien marquer que ces épithètes ne sont pas choisies au hasard, il fait de chacune d'elles le centre d'un développement dont Pascal lui fournit encore l'ossature. On ne saurait manquer d'être frappé de l'heureux discernement avec lequel M. de Pesloüan a emprunté au grand philosophe les passages dont il se sert, d'une si exacte application à l'objet ici débattu qu'ils semblent presque avoir été écrits tout exprès. Notons, en particulier, ce qui a trait à la logistique inféconde parce que destructive de l'imagination, alors que la raison seule n'est guère susceptible de découvertes, celles-ci naissant le plus souvent d'un choc de la raison et de l'intuition. Invoquant l'exemple des incommensurables et des imaginaires que l'imagination a, en quelque sorte, imposés à la raison, l'auteur par la bouche du vieil ingénieur s'écrie ... imagination irraisonnable qui se retrouve à la base des théories des équations algébriques ou différentielles, et aussi de celle des intégrales entre limites. imaginaires; imagination dénuée de raison, et qui vivifie la raison; croyez-vous qu'elle puisse agir encore sous le règne de la logistique?»

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Poussant son examen plus à fond, l'auteur n'envisage pas seulement la logistique, en quelque sorte, du dehors mais aussi du dedans, c'est-à-dire, non plus seulement dans ses consé

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