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beaucoup de faits, même parmi les plus graves, sont par lui passés sous silence; ainsi, pour n'en citer qu'un seul exemple, c'est en six ou sept lignes qu'il rend compte des massacres de septembre. D'ailleurs, il ne donne pas même une idée de la marche de l'opinion, ni du travail, alors si actif, des sociétés populaires et de la presse. Les agitations de la place publique sont, ou tout à fait omises, ou présentées comme il convient au parti qui triomphe. Les moments de lutte, où les forces opposées sont en présence, et où rien ne dit encore quel sera le côté qui l'emportera; ces moments, où notre juste curiosité recherche avec le plus de soin à connaître les causes des événements, les arguments des partis et leurs projets, sont précisément ceux où le Moniteur se tait et garde le plus prudent, mais aussi le plus obstiné silence. Pour tout dire, en un mot, le Moniteur, aussi bien que la collection de Lallemant, aussi bien que les débats de la Convention, offre de telles lacunes, et des lacunes si évidentes, que ce fut la lecture mème de ces documents qui fit naître en moi l'idée de l'Histoire parlementaire et du plan que j'y ai suivi. Comme j'avais éprouvé pour moi-même le désir de trouver un ouvrage qui fît connaitre les motifs déterminants des actes de nos assemblées nationales, en même temps que l'histoire des actes eux-mêmes, je conçus le projet d'un ouvrage destiné à satisfaire le même désir chez les autres. Une autre raison m'inspirait encore. Ce que j'avais lu m'avait appris que presque toutes les histoires de la révolution (un très-petit nombre excepté) avaient été écrites en haine de ce grand acte de réformation sociale; de telle sorte que les préjugés les plus étranges, et souvent les plus faux, avaient cours dans le public aussi bien sur les choses que sur les hommes. Il me paraissait juste et en même temps utile d'affirmer, d'une manière incontestable, le véritable caractère d'un mouvement qui honore la nation française, et, dans ce but, je ne vis pas de meilleur moyen que de mettre le public en position de juger les historiens euxmêmes, en plaçant sous ses yeux les pièces du procès.

Mais mon entreprise était nouvelle. Aussi me trouvai-je conduit sur un terrain complétement inconnu. La preuve m'en fut bientôt acquise. Le plus grand nombre des imprimés du temps, des journaux même, conservés dans les collections publiques, n'avaient pas été ouverts. Les pages n'étaient pas même coupées et les livres n'étaient pas encore marqués

du timbre des bibliothèques. On comprend sans peine que, placés en présence de cette multitude de pièces, nous fùmes dans l'impossibilité d'en calculer, tout de suite et avec certitude, l'importance relative, d'en déterminer très-exactement la place ainsi que l'usage, et de connaitre enfin combien de volumes seraient nécessaires pour recueillir la substance de tant de matériaux. Aussi l'étendue de la première édition dépassa-t-elle de beaucoup les prévisions les plus exagérées de l'auteur et de l'éditeur; et notre œuvre, qui se composait de quarante volumes, fut par son prix hors de la portée du plus grand nombre.

Néanmoins l'ouvrage s'épuisa rapidement, et l'on a pensé qu'il y avait lieu à en faire une seconde édition. Mais, cette fois, nous ne sommes plus placés vis-à-vis de l'inconnu. Tous les matériaux sont sous nos yeux. Nous pouvons, nous devons même en calculer avec exactitude la valeur, la position et la mesure. En faisant dans ce but, une révision attentive de l'ouvrage tout entier, nous nous sommes assurés de la possibilité de condenser notre œuvre tout en la complétant, et d'en diminuer l'étendue en donnant à chaque partie les proportions convenables.

Les travaux des assemblées, dans la révolution, peuvent être divisés en deux parties: l'une composée de tout ce qui est relatif au mouvement politique et révolutionnaire; l'autre qui concerne toutes les questions de législation qui semblent n'avoir aucun rapport immédiat avec ce mouvement, quoique celui-ci en soit le principe. Dans notre première édition, ces deux espèces de travaux étaient mêlés et confondus, de telle sorte qu'il arrivait au lecteur d'être interrompu, au milieu d'une narration ou d'une discussion, par des débats tout à fait étrangers à l'une et à l'autre. Nous ferons disparaître cet inconvénient en séparant, autant qu'ils peuvent l'être, les deux genres de narrations et de travaux.

En outre, dans la première édition, nous nous étions trop souvent bornés à laisser parler le Moniteur; nous étions ou brefs ou prolixes comme ce journal. Au lieu de procéder ainsi, nous procéderons, comme le font aujourd'hui, dans nos journaux politiques, les rédacteurs des comptes rendus des séances de la Chambre. Nous analyserons ce qui nous paraitra mériter une analyse, en ayant soin cependant de n'altérer en rien ce qui constitue la tradition la plus respectable de nos assemblées, ainsi que la physionomie des

débats. Nous conserverons, avec une égale attention, tous les discours qui ont acquis une juste célébrité. La source où nous puiserons, pour l'histoire des assemblées, sera toujours le Moniteur. Ainsi, toutes les fois que nous ne donnerons point avis du journal où nous prendrons notre compte rendu, on saura que c'est au Moniteur que nous l'empruntons.

Cette deuxième édition, en conservant la valeur de vérité et d'authenticité qui fit le succès de la première, sera donc, je l'espère, supérieure, quant à l'intérêt dramatique, quant à la méthode, quant à la correction et même sous le rapport du nécessaire et du complet. Je ne crains point d'exprimer cette espérance, parce qu'elle ne repose pas seulement sur moi-même. Trois hommes qui, depuis longtemps, me sont unis dans la même amitié et dans les mêmes convictions, ont bien voulu accepter de coopérer avec moi à cette œuvre laborieuse.

M. Jules Bastide s'est chargé de revoir et de parfaire tout ce qui est relatif à l'histoire des cabinets étrangers et des chambres anglaises, pendant la révolution. En outre, il s'occupera de revoir, avec moi, l'histoire du Directoire et m'aidera de ses conseils pour tout le reste.

M. E. S. de Bois-le-Comte, officier supérieur d'état major, s'est chargé, également, de me donner des notes sur ce qui concerne la question militaire, et de plus, de relire toute l'histoire afin de me transmettre ses avis.

Enfin M. Ott et moi nous travaillerons à la révision, à la correction et au remaniement de l'ensemble. Une si honorable collaboration donnera, sans doute, au public comme à moi, l'assurance que le monument que nous allons essayer, pour la seconde fois, d'élever à l'histoire de la révolution, ne sera pas tout à fait indigne de ce grand sujet.

BUCHEZ.

PRÉFACE

DE LA PREMIÈRE ÉDITION.

La révolution française est la conséquence dernière et la plus avancée de la civilisation moderne, et la civilisation moderne est sortie tout entière de l'Évangile. C'est un fait irrécusable, si l'on consulte l'histoire, et particulièrement celle de notre pays, en y étudiant non pas seulement les événements, mais aussi les idées motrices de ces événements. C'est encore un fait incontestable, si l'on compare à la doctrine de Jésus tous les principes que la révolution inscrivit sur ses drapeaux et dans ses codes, ces mots d'unité, d'égalité et de fraternité qu'elle mit en tête de tous ses actes et avec lesquels elle justifia toutes ses œuvres.

Lorsque, il y a quelques années,-cette pensée fut émise pour la première fois, elle fit scandale; mais, depuis, elle s'est fait adopter par beaucoup d'esprits, et le jour n'est pas éloigné peut-être où elle deviendra populaire. Nous devons cependant compte au public des motifs qui nous ont déterminés à poser, dès le début de cette introduction et sans préparation aucune, une opinion qui est de nature à choquer des habitudes intellectuelles profondément établies, qui sont encore celles du plus grand nombre.

Selon nous, la valeur des faits politiques réside tout entière dans leur raison morale; c'est sur ce terrain seulement que l'on doit et que, véritablement, l'on peut les juger. Partout ailleurs une appréciation consciencieuse est impossible; car l'avénement de ces faits a presque toujours lieu dans des circonstances qui ne leur per mettent point de s'établir sans violence, et, par suite, de se soustraire aux reproches ou à la calomnie. Il est de toute équité de se servir, dans la politique et dans l'histoire, du principe depuis longtemps admis dans les usages les plus ordinaires de la justice humaine, du principe d'apprécier les actes principalement par leurs motifs

moraux.

TOME I.

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Or, jusqu'à ce jour, comment les historiens ont-ils considéré notre révolution? En général, ils y ont vu un accident qui produisit un peu de bien et beaucoup de mal, accident dont ils cherchent l'origine dans quelques petits événements occasionnels, dans des embarras de finance, des maladresses du pouvoir, des insolences de gentilshommes, des scandales de famille, et moins que cela encore, dans le mécontentement ou l'ambition de quelques personnages. Et ce n'est pas seulement dans le siècle précédent que de telles erreurs ont été avancées, soutenues et propagées; c'est maintenant, c'est aujourd'hui que l'on considère un mouvement qui a bouleversé le monde, comme un accident dont il faut se consoler, en pensant que le crime fut pour les pères, et le bien pour les enfants; les écrivains modernes ont répété l'opinion qui eut cours au commencement de la révolution. Certes, ce n'est pas en se fondant sur de sernblables motifs que l'on peut établir le droit révolutionnaire. Cette misérable explication qui, dans les événements sociaux, ne suppose rien autre chose que des hasards et des passions, cette ignorance profonde du but de l'humanité, fut, suivant nous, la cause de tous les malheurs qui accompagnèrent la révolution, comme elle est encore aujourd'hui celle de toutes les résistances qu'éprouve partout le juste progrès dont son nom est le signe : ce fut parce qu'un grand nombre des acteurs de ce drame terrible partageaient l'erreur vulgaire, que plusieurs n'y cherchèrent qu'une occasion de fortune personnelle et déshonorèrent de nobles efforts par d'affreux scandales. Et maintenant, en 1853, c'est parce que les rois voient dans les tendances révolutionnaires non pas un droit, mais un accident, mais un désordre, qu'au lieu de fonder leur pouvoir et leur fortune sur la force que ces tendances donneront à qui les servira, ils espèrent en comprimer l'essor et poussent à la colère de justes demandes.

Quelques historiens ont présenté la révolution comme le résultat des enseignements philosophiques et économiques des dix-septième et dix-huitième siècles. Mais alors il fallait justifier du droit de la philosophie et de l'économie politique, et c'est ce qu'ils n'ont pas fait. Quelles conséquences a-t-on tirées de leurs écrits? C'est qu'il fallait comprimer la pensée et fermer aux hommes la source d'une certaine instruction.

D'autres écrivains ont invoqué le droit naturel. Mais, avant d'y

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