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Telles sont les généralités de l'histoire de France que nous nous proposons, non de développer, car l'espace nous manque, mais de prouver par l'esquisse historique qui va suivre. Il en résultera, comme conclusion évidente, que la révolution française est la fin d'une période de notre œuvre temporelle et chrétienne, et en même temps, comme toute chose humaine, le commencement d'une autre.

Nous avons été obligés, pour achever cette esquisse, de consulter particulièrement les écrits originaux et les commentaires historiques auxquels ils ont donné lieu. Le lecteur ne s'étonnera donc pas d'y rencontrer des choses qui lui seront peut-être encore inconnues. Presque toutes les histoires de France ont été écrites d'un point de vue autre que celui où nous nous sommes placés. Nous étions obligés de nous appliquer particulièrement aux faits qu'elles ont négligés. Nous avons donc été forcés de recourir, presque constamment, aux sources. Il est résulté de là un travail historique qui diffère grandement des livres que l'on lit habituellement. Le lecteur trouvera, au reste, dans le volume des préfaces et des études historiques, l'exposition et la justification de ce qu'il rencontrera de nouveau dans cette esquisse.

CHAPITRE II.

Histoire des Gaules dans le cinquième siècle.

Pour connaître le véritable esprit des révolutions qui occupèrent le cinquième siècle, il faut les étudier à leur point de départ dans le siècle précédent. C'est surtout par leur but moral, que les révolutions des Gaules se rattachent à l'histoire de l'humanité.

Dès le commencement du quatrième siècle, le christianisme était devenu le centre de toute l'activité politique de la société romaine. Constantin l'avait fait asseoir avec lui sur le trône, ou plutôt, le parti chrétien avait conquis l'empire.

Ce grand empereur n'adopta pas seulement la doctrine nouvelle, parce qu'elle lui donnait une nombreuse population pour appui. Il voulut plus, et tout le prouve : il voulut rendre l'unité de croyance et de volonté à cette grande société qui tombait en ruine, depuis trois siècles, et qui en était arrivée à ce point de dissolution, qu'elle ne pouvait plus fournir un soldat pour la défendre, ni un empereur pour la gouverner. Aussi, en même temps qu'il fondait une capitale nouvelle et qu'il organisait un nouveau système d'admi

nistration, il s'occupa d'assurer l'unité de doctrines, en donnant au catholicisme l'autorité d'une religion de l'État. C'est dans ce but que fut assemblé, en 325, le concile de Nicée. Ce fut la première fois que l'on vit des députés de toutes les nations réunis sans distinction de naissance ni de race, pour, représenter seulement une communauté morale et spirituelle. C'est aussi le premier exemple d'une assemblée représentative telle à peu près que nous la concevons aujourd'hui. Après quatre mois de délibération, ils mirent au jour cet acte fameux, fondement de la foi catholique, qui fut la première constitution du christianisme et qui était, pour ce temps, ce que serait pour le nôtre une nouvelle sanction des devoirs et des droits de l'homme. Aussi, dès ce moment, il n'y eut plus de troubles sérieux dans l'empire, qui n'émanât d'une hérésie; car il ne fut plus possible à personne de s'isoler des destinées communes, sans blesser la loi religieuse.

Parmi les questions qui furent décidées au concile de Nicée, il en est une que l'historien doit mettre en évidence, parce qu'elle eut plus tard les suites politiques les plus graves, et qu'elle fut comme l'occasion qui donna lieu à l'institution de la nationalité française. Elle était relative à la divinité de N. S. J. C. Arius vint soutenir, devant le concile, qu'il n'y avait qu'une seule nature en JésusChrist, ou, en d'autres termes, qu'il était seulement homme, et non pas Dieu. Cette objection fondamentale était celle par laquelle, depuis trois siècles, les païens avaient repoussé l'autorité et la sévérité des doctrines nouvelles. Elle devait donc se présenter, avec tout l'appareil de la science, le jour où l'Évangile était déclaré loi organique de l'empire. L'arianisme fut examiné, discuté, condamné, frappé d'anathème. Il est facile d'apprécier les motifs de l'excommunication qui fut lancée sur lui. Les Pères de cette sainte assemblée ne virent d'abord qu'avec horreur une opinion qui était contraire à la tradition constante et unanime de l'Église, ainsi qu'aux textes sacrés. De plus, cette hérésie, en niant la divinité de Jésus, remettait en délibération et en doute tous les dogmes qui étaient consacrés aux yeux des peuples, par le caractère divin de l'autorité dont ils émanaient; par suite, elle ajournait les conséquences politiques et civiles du christianisme. Or, à ce moment, dans l'intérêt de la conservation sociale, aussi bien que dans l'intérêt de l'amélioration des mœurs et des conditions civiles, il fallait agir, et pour agir, il fallait croire à l'infaillibilité des Évangiles. C'était l'égoïsme qui avait tué la société romaine; c'était le dévouement qui devait la reconstruire: or, pour se dévouer, il ne faut pas douter du but même de ses efforts. Les Pères du concile de Nicée

avaient donc raison, aussi bien sous le point de vue politique, que sous le point de vue dogmatique, lorsqu'ils condamnèrent l'arianisme; le pouvoir impérial, imbu de la même conviction, s'opposa par la force à son extension. Cependant il ne périt pas; il se cacha sous une métaphysique obscure et difficile, et, par ce moyen, il se soutint comme école. Il eut d'ailleurs, dès son premier jour, pour partisans avoués ou secrets, tous ceux qui conservaient quelque chose de l'incrédulité païenne, ou de la fausse science des gnostiques, et ceux-là étaient très-nombreux. Aussi, on peut dire que, dès ce moment, le monde romain fut partagé par deux doctrines : le catholicisme et l'arianisme. Dans la première se trouvaient tous les hommes qui faisaient l'œuvre nouvelle; dans la seconde étaient ceux qui tenaient aux choses anciennes et qui préféraient leurs intérêts propres à ceux de l'humanité. La plupart des ariens étaient des hommes des hautes classes, soit parce qu'ils se sentaient menacés dans leurs habitudes et dans leurs intérêts, soit parce qu'ils purent s'instruire des subtilités de l'arianisme par la lecture car la puissance impériale ne pouvait faire plus contre cette hérésie, que d'en défendre la prédication publique. Au contraire, le peuple resta catholique; c'est un fait dont l'histoire de ce temps offre de fréquentes preuves. Toujours on trouve les ariens parmi les puissants ou les riches, et les catholiques parmi les pauvres.

D'ailleurs, diverses circonstances favorisèrent les progrès de la grande hérésie. Après Constantin, il y eut un empereur arien; comme, après Constance, il y eut Julien l'Apostat. L'arianisme était un quasi-christianisme, une sorte de prétendue doctrine gouvernementale, qui se prêtait à tous les rôles : c'était le refuge de tous les incrédules. Il était donc tolérant pour toutes les hérésies et tous les paganismes, intolérant pour la seule croyance catholique. En effet, au quatrième siècle et au commencement du cinquième, l'histoire nous le montre mêlé, uni, tantôt au paganisme, tantôt au manichéisme, dans les mêmes intrigues et dans le même but; les catholiques de cette époque durent appeler ariens tous ceux qui firent œuvre d'égoïsme.

Ce n'est pas ici le lieu de raconter comment il contribua à détruire l'empire romain. Il est facile de comprendre cependant que, lorsque, dans un même pays, deux croyances hostiles partagent la population, l'ambition des hommes incrédules spéculera sur les doctrines, afin de s'en faire un instrument de fortune. C'est, en effet, ce qui arriva dans les luttes auxquelles donnaient lieu les successions, toujours si douteuses et si embarrassées, du trône impérial. Le catholicisme n'était pas d'ailleurs, pour les hommes de

peu de foi, une doctrine facile et commode. Dans ces temps de ferveur, elle était exigeante pour les grands, aussi bien que pour les simples particuliers. Qui ne connaît la pénitence qu'elle imposa au plus puissant des empereurs après Constantin, à Théodose le Grand, pour une colère de prince qui avait eu les suites ordinaires à cette époque? L'arianisme était moins rigoureux aussi convenait-il à tous ceux qui ne cherchaient dans la possession du pouvoir qu'une jouissance personnelle. Par la même raison, ce furent les ariens qui pactisèrent les premiers avec les barbares. La meilleure preuve que nous puissions en offrir, c'est que parmi ces derniers, lors des invasions, il y avait au moins autant d'ariens que de païens, et qu'au milieu d'eux on rencontre toujours quelques noms d'évêques ariens. Il est vrai aussi que les lois de bannissement qui, à divers temps, furent prononcées contre les docteurs et les ministres de cette doctrine, jetèrent parmi les peuplades barbares un grand nombre de ces ennemis de la foi catholique; ajoutons que les premiers apôtres chrétiens qui leur furent envoyés, sous le règne de l'empereur Valens, étaient des prêtres ariens.

Il y avait alors plusieurs siècles que les extrémités de l'empire romain étaient pressées par des flots de peuples barbares, avides d'y pénétrer. L'illustration militaire de tous les empereurs, depuis Tibère, avait été fondée par des succès remportés sur ces limites toujours menacées. Sauf quelques guerres civiles, depuis trois cents ans il n'y avait eu que des guerres défensives sur les frontières. Le premier effet des disputes de religion, ou des intrigues qui en prenaient le prétexte, fut d'affaiblir ces lignes défensives, en détournant les armées de la garde de ces points, pour les employer à des guerres intérieures. Ensuite, on pactisa avec les barbares. Enfin, il arriva, dans le cinquième siècle, que les ambitions rivales et les empereurs eux-mêmes ne combattirent plus, ainsi qu'autrefois, avec ces armées qui, bien que composées en grande partie de soldats étrangers, étaient romaines cependant par la discipline, les armes et le commandement; ils soudoyèrent des nations barbares et livrèrent à ces bandes nomades le territoire à parcourir. Il serait trop long d'entrer dans le détail des intrigues et des circonstances de toute nature qui amenèrent successivement sur le sol de l'empire romain tant de peuplades sauvages; il suffit de rappeler que presque tous les chefs des envahisseurs avaient servi l'empire à un titre quelconque et qu'ils étaient en général ariens. Les historiens se sont trop attachés à chercher, dans des événements propres aux sociétés barbares, la cause de la grande

invasion du cinquième siècle. Il est évident que le secret de ces puissants mouvements réside en grande partie dans les troubles intérieurs de l'empire.

La nationalité française sortit du sein de ces troubles. Elle fut instituée autant dans le but de protéger les populations gauloises, que dans celui de défendre et de fortifier le catholicisme. La narration suivante va nous en offrir la preuve.

Dans les premières années du cinquième siècle, les habitants des Gaules commencèrent à sentir la nécessité de former un centre militaire indépendant et national. Cette pensée leur fut évidemment inspirée par les événements qui se pressèrent à cette époque et par le peu de confiance que devait leur inspirer un pouvoir impérial constamment ballotté entre des partis contraires. On avait appris, en 400, qu'Alaric, roi des Goths, était entré en Italie, et qu'on ne l'avait arrêté qu'en lui promettant le gouvernement des Gaules et de l'Espagne. Pour lui résister, le gouvernement avait appelé au delà des Alpes toutes les troupes qui gardaient les lignes du Rhin et de la Meuse. Cette frontière n'étant plus défendue, en 406, des bandes innombrables de barbares, Alains, Vandales, Suèves, Bourguignons, après avoir vaincu les Francs, passèrent le Rhin et vinrent inonder le pays. Mayence, Worms, Reims, Amiens, Arras, Tournai, Spire, Strasbourg, Langres, Trèves, Toulouse, les provinces d'Aquitaine, la première Lyonnaise, les Narbonnaises, furent saccagées. Tout le monde accusa de cette grande calamité le maître de la milice, Stilicon, qui était en même temps le premier ministre, le tuteur et le tyran du jeune empereur d'Occident. Cet ambitieux, disait-on, d'origine vandale et de religion douteuse, voulait donner l'empire à son propre fils. C'était lui qui avait appelé les barbares (1) et les avait poussés sur les provinces dont il craignait l'opposition. Il avait promis à ses alliés de détruire le catholicisme, et il avait, en garantie de ses promesses, fait élever son fils dans le culte des faux dieux. Stilicon ne survécut pas à cette double accusation; il fut assassiné par ordre de l'empereur. Eufin, en 410, on apprit que Rome venait d'être prise et détruite par les Goths ariens,

Le scandale des ambitions qui agitaient les parties méridionales de l'empire, le bruit des discussions religieuses qui en étaient l'occasion ou la suite, avaient, sans doute déjà depuis longtemps, détaché les contrées catholiques du Nord. L'histoire fait foi de la

(1) «Qui nostris, contra nos, opibus armavit inimicos. » S. Hierom. Ep. ad

Gerunt.

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