Sayfadaki görseller
PDF
ePub

rent avec la violence de l'intérêt injustement lésé. Le parlement se rendit l'organe de ces plaintes; et le gouvernement retira son ordonnance, mais pour en rendre une, plus tard, qui prescrivait une mesure équivalente. Le 1er novembre 1720, il ordonna que les billets ne seraient plus reçus que de gré à gré. Par là, il leur ôtait en réalité le peu de valeur qu'ils avaient encore comme moyen d'échange nécessaire. Il est facile d'imaginer que cette dernière opération fut accueillie par des réclamations non moins unanimes, non moins violentes que celles qui avaient repoussé la précédente mesure. Mais le ministère était dans une impasse. Il fallait en finir; il promit de liquider, et il liquida en effet. Vérification faite du montant des effets qui se trouvaient entre les mains des particuliers, il s'en trouva pour 1,700 millions. On les échangea (janvier 1721), contre des billets de liquidation qui furent déclarés recevables pour acquisitions de rentes perpétuelles ou viagères sur l'hôtel de ville, et pour achats de maîtrises et d'offices créés à cet effet. Quant à Law, qui avait présidé à cette suite d'opérations, soit comme gérant de la banque, soit comme contrôleur général des finances, il fut décrété de prise de corps par le parlement. Il eût, sans doute, terminé sa vie en prison, si le régent ne l'eût pris sous sa sauvegarde; il profita de cet appui pour quitter la France, où il laissa la réputation d'un aventurier.

Ce fut dans les derniers embarras que causa au régent cette triste spéculation financière, et lorsqu'il se trouva en face de la banqueroute, qu'il pensa, à son tour, à recourir aux états généraux. Il consulta sur ce projet son conseiller intime et son ministre Dubois. Voici quelques passages de la réponse de ce person

nage:

« Ce n'est pas sans raison, disait l'abbé Dubois dans son mémoire, que les rois de France sont parvenus à éviter les assemblées connues sous le nom d'états généraux. Un roi n'est rien sans sujets; et quoiqu'un monarque en soit le chef, l'idée qu'il tient d'eux tout ce qu'il est et tout ce qu'il possède, l'appareil des députés du peuple, la permission de parler devant le roi, et de lui présenter des cahiers de doléances, ont je ne sais quoi de triste, qu'un grand roi doit toujours éloigner de sa présence.

« Quelle source de désespoir futur pour votre altesse royale qui peut un jour régner en France (la mort du jeune roi étant dans l'ordre des choses possibles), si elle changeait, par une détermination pareille, la forme du plus puissant royaume du monde, si elle associait des sujets à la royauté, si elle établissait en France le régime de l'Angleterre!...

TOME I.

12

« Votre altesse royale connaît-elle des moyens pour s'opposer aux entreprises d'une assemblée véritablement nationale qui résisterait à ses volontés? Le monarque pourrait-il dire à la nation, comme au parlement, Vous n'êtes pas la nation? Pourrait-il dire aux représentants de ses sujets: Vous ne les représentez pas? Un roi de France pourrait-il exiler la nation pour se faire obéir, comme il exile ses parlements? Pourrait-il même faire la guerre à la France en cas de refus de nouveaux impôts? Le roi est assuré de ses troupes contre le parlement : le serait-il contre la France assemblée? Où frapperaient donc le soldat, l'officier, le général, sans frapper contre leurs compatriotes, leurs amis, leurs parents ou leurs frères? N'oublions jamais que le dernier malheur des rois, c'est de ne pas jouir de l'obéissance aveugle du soldat; que compromettre ce genre d'autorité, qui est la seule ressource des rois, c'est s'exposer aux plus grands dangers. C'est là véritablement la partie honteuse des monarques qu'il ne faut pas montrer, même dans les plus grands maux de l'Etat...

« Voyez la rage de la nation anglaise presque toujours assemblée en forme d'états généraux contre ses rois; elle les a dévoués à la mort, bannis et détrônés. L'Angleterre était pourtant jadis la nation la plus catholique, la plus superstitieuse et la plus soumise des nations à ses monarques. Ah! monseigneur! que votre bon esprit éloigne de la France le projet dangereux de faire des Français un peuple anglais. »

Le régent suivit les conseils de son ministre, et il opéra la banqueroute comme nous l'avons vu; mais ni l'un, ni l'autre ne survécurent longtemps à ces honteux abus des forces et de la fortune de la France. La mort leur laissa à peine le temps d'accomplir la régence. Louis XV, sacré à Reims le 26 octobre 1722, fut déclaré majeur, dans un lit de justice au parlement, le 22 février 1723. Quelques mois après, le 10 août de la même année, Dubois mourait des suites de ses débauches. Son maître ne tarda pas à le suivre. Une attaque d'apoplexie mit un terme à la vie du duc d'Orléans le 23 décembre.

La régence n'avait duré que huit ans; mais elle avait ajouté aux maux matériels qui pesaient sur la France un mal moral qui devait durer plus longtemps. Elle donna l'abominable exemple du plus odieux mépris pour tout ce que les hommes se font honneur de respecter. Elle afficha la vanité du vice, comme en d'autres temps et dans d'autres cours on eût affiché la fierté de la vertu. La morale et la religion furent traitées en préjugés indignes de l'attention des hommes. La sainte pudeur, la modestie, la chasteté,

la modération, tout ce qui, en un mot, fait la perfection de l'homme et de la femme, durent se cacher sous des semblants contraires, comme des faiblesses ou des ridicules. La noblesse se déshonora dans les plus basses et les plus étranges débauches. On déshonora également le clergé. En tout temps il a suffi de peu pour affaiblir l'autorité d'un corps qui ne doit pas même être soupçonné. Cette fois, le scandale fut poussé jusqu'au dernier excès. L'abbé Dubois, qui n'était connu que par ses complaisances pour le duc d'Orléans, dont il avait été le précepteur; par ses liaisons honteuses, par l'impudence de toutes les espèces d'incrédulité; l'abbé Dubois voulut être archevêque de Cambrai il se trouva deux évêques pour le sacrer. Il voulut être cardinal : mais Clément XI refusa. Dubois, habitué à tout acheter, traita Rome selon ses habitudes. L'Église de France était encore troublée par les discussions qui s'étaient élevées à l'occasion de la bulle Unigenitus. Celle-ci, comme on le sait, n'était autre chose qu'une condamnation prononcée, à la sollicitation des jésuites, contre quelques propositions adoptées par les jansénistes. Une partie de l'épiscopat français et l'université en avaient appelé au futur concile. Les parlements avaient refusé d'enregistrer la bulle. Dubois menaça le parlement de l'exiler à Blois et il la fit accepter comme loi de l'État. Fort de ce service, le nouvel archevêque revint à la charge auprès de la cour de Rome. Clément XI refusa encore: il semblait deviner qu'un tel don, venu d'une main infâme, porterait malheur à l'Église, à la bulle et à l'ordre des jésuites qui l'avait sollicitée. La mort leva son opposition. Son successeur fut moins sévère : il revêtit Dubois de la pourpre; mais il en mourut, dit-on, de chagrin. Dubois, quoique archevêque, quoique cardinal, persista dans ses mœurs et son incrédulité, et pour donner jusqu'au bout un détestable exemple, il mourut en refusant de recevoir les sacrements de l'Église.

Si la régence n'avait fait que donner à la France le spectacle de l'immoralité, le mal aurait pu s'éteindre avec la génération qui en avait été témoin. Mais ses relations diplomatiques avec l'Angleterre ouvrirent la porte à l'invasion de ce que l'on appelait alors les libres penseurs. De là, il arriva que l'incrédulité, qui n'avait eu, jusqu'à cette époque, presque d'autres sources et d'autres appuis que les passions, reçut le secours d'une théorie jusqu'à un certain point rationnelle et de certaines apparences scientifiques. Dès ce moment elle posséda les moyens d'un enseignement régulier. Il y avait, en effet, en Angleterre une secte depuis longtemps fondée et qui s'était grandement développée, grâce à la haine de la noblesse anglaise

et de tous ses adhérents contre le parti des puritains. On sait que ce parti, qui avait fait la révolution de 1640, et qui menaça les trois royaumes d'une réforme radicale, basait sa doctrine politique sur l'Évangile. De là, pour tous les hommes qui voulaient la conservation de tout ou partie de l'ancien système social, un intérêt puissant pour attaquer la vérité et l'autorité du livre évangélique. Ce fut cet intérêt, ce fut la haine du puritanisme, qui dictèrent les livres de Hobbes et donnèrent plus tard appui à ses successeurs. Les Anglais furent nombreux à la cour du régent; ils ne s'épargnèrent pas dans ses orgies. Ils furent présentés et accueillis comme des types de bon sens, de raison, de force et même de sagesse; car alors la sagesse ne consistait pas à se bien conduire, mais à ne rien respecter. Leur littérature devint à la mode. Le nom de lord Bolingbroke, le grand ennemi du christianisme, fut peut-être plus connu en France que dans son propre pays. La philosophie anglaise offrait d'ailleurs une mine immense à exploiter pour le scepticisme français, qui, réduit à ses propres forces, n'eût peut-être jamais été bien sûr de lui-même. Il alla donc chercher chez nos voisins une sécurité qu'il ne pouvait pas encore se donner. Ce fut, sans doute, le motif qui conduisit Voltaire en Angleterre. Déjà connu par des succès littéraires, il fut merveilleusement bien reçu. Après trois ans de séjour dans la société des libres penseurs anglais (1727 à 1730), il revint dans sa patrie rapportant l'idée d'employer la science et l'histoire pour combattre la religion. Pendant que Voltaire allait chercher à l'étranger des doctrines qui plus tard devaient faire dévier la révolution, l'esprit français, qui, dans le dernier siècle, avait produit Descartes et Pascal, se manifestait par une œuvre qui continuait dignement Fénelon, Vauban et Boisguilbert. L'abbé de Saint-Pierre, déjà connu par son projet de paix perpétuelle, publié en 1715, donna, en 1717, le projet d'une taille proportionnelle; en 1724, un mémoire sur les pauvres mendiants et les moyens de les faire subsister, et enfin, en 1724, un mémoire pour diminuer le nombre des procès. Le titre de ces ouvrages en font connaître le contenu. On ne voyait alors en lui qu'un rêveur. Mais ce rêveur était l'apôtre d'une école pleine de vie et d'avenir, qui, dès cette époque, avait déjà des disciples. Il commençait un enseignement que tout, dans le siècle qui commençait, devait tendre à accroître, et que J. J. Rousseau devait plus tard rendre populaire.

CHAPITRE III.

Histoire du gouvernement de Louis XV.

Cependant les hommes du présent n'étaient occupés que de recueillir la succession du duc d'Orléans. Ce fut le duc de Bourbon qui l'obtint avec le titre de premier ministre. Ce prince continua l'exemple des mauvaises mœurs de la régence, en donnant le scandale d'une maîtresse avouée et influente sur les affaires de l'État. Il renouvela les édits de Louis XIV contre les protestants. Il accorda à la compagnie des Indes un décret qui achevait la banqueroute de Law. Il établit sur toutes les terres, même celles de la noblesse et du clergé, un impôt d'un cinquantième ; et, afin d'obtenir l'enregistrement de cette nouvelle taxe, il désorganisa le parlement. Enfin, il établit une société pour l'achat et la vente des blés, qui produisit une disette. Le mécontentement fut extrême et général. Il y eut plusieurs émeutes où le sang coula. Mais tous ces faits n'eussent pas suffi pour renverser un premier ministre qui était prince du sang. Ce fut une petite affaire toute personnelle qui détermina le roi à le renvoyer. Louis XV avait pour précepteur M. de Fleury, évêque de Fréjus. Il était habitué à l'avoir toujours près de lui, et en tiers dans les rapports qu'il avait avec son premier ministre. Le duc voulut travailler seul avec le roi. Cette prétention n'eut qu'un succès passager. M. de Fleury, rappelé par le roi et averti, usa de son pouvoir sur l'esprit du monarque, pour écarter un homme dans lequel il ne pouvait plus voir qu'un rival, et qui était d'ailleurs perdu dans l'opinion. Le duc de Bourbon fut exilé à Chantilly, le 11 juin 1726. Dès ce moment la direction des affaires appartint à M. de Fleury.

L'administration de ce prélat fut un accident heureux. Une économie sévère remit l'ordre dans les finances. Une juste indulgence répara les violences des dix dernières années. Malheureusement des discussions religieuses vinrent donner un nouvel aliment à l'esprit d'incrédulité. C'était toujours la vieille querelle du jansénisme à propos de la bulle Unigenitus. Elle pouvait, elle devait avoir de l'importance pour les théologiens, pour le clergé; mais le public n'y comprenait rien, ou, s'il y comprenait quelque chose, il n'y voyait que les prétentions de la cour de Rome à étendre son autorité. Par conséquent il était avec les évêques qui refusaient la bulle et avec les parlements qui la condamnaient. D'ailleurs, le peuple proprement dit était trop accablé de la masse des misères

« ÖncekiDevam »