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et M. Foulon, intendant de la marine. C'était une réaction complète. Il semblait qu'on eût choisi à plaisir les noms les plus odieux au peuple.

On avait voulu que le renvoi de M. Necker et de ses collègues fût une chose secrète aussi longtemps que possible. Le soir du 11, Versailles n'en savait encore rien à plus forte raison, cette nouvelle était inconnue à Paris. Aussi les troubles dont nous allons parler en étaient aussi complétement indépendants que ceux qui avaient eu lieu le mercredi précédent. Il faut se rappeler que c'était un samedi soir; une foule considérable s'était répandue dans les guinguettes établies aux barrières de Paris. Sur les neuf heu res du soir, cette même foule s'empara des barrières de la chaussée d'Antin et les livra aux flammes. Pendant qu'on renversait et brisait les poteaux et les loges des commis, qu'on déchirait les registres, les gardes françaises, envoyés pour repousser les assaillants, restèrent tranquilles spectateurs du tumulte (Ami du Roi, cahier 3, pages 52 et 54). Le même soir, les soldats à l'ordinaire dansaient et buvaient au Palais-Royal, et criaient vive le tiers!

SEANCE DU SAMEDI 11 JUILLET. M. le président. La députation ́ que vous avez envoyée vers le roi pour lui présenter votre adresse a été introduite hier à huit heures et demie du soir. M. de Cler

une première conférence que nous eûmes ensemble, chez M. de Puységur... le maréchal, prenant le ton d'un général d'armée, disposait de tout comme s'il eût été en face de l'ennemi. Je lui représentai que la position était bien différente, qu'il n'était point question d'atteindre le but qu'on se proposait à coups de fusil, qu'il fallait prendre garde de pousser les choses aux dernières extrémités avec des esprits tellement échauffés, qu'ils ne connaissaient plus de frein... le maréchal reçut mal mes représentations... j'insistai, il se fâcha...

« Le maréchal de Broglie avait fait du château de Versailles un camp. Il avait mis un régiment dans l'orangerie; il affichait des appréhensions pour la personne du roi, pour la famille royale, aussi déplacées que dangereuses. Il en fallait certainement avoir, mais n'y pas mettre tant de jactance. Son antichambre était remplie d'ordonnances de tous les régiments, et d'aides de camp tout prêts à monter à cheval. On y voyait des bureaux et des commis occupés à écrire; on donnait une liste d'officiers généraux employés; on faisait un ordre de bataille. De pareilles démonstrations ne pouvaient qu'accroître l'inquiétude de l'assemblée nationale.

«M. le comte d'Artois... continuait à se croire chef de parti, parce que tous les nobles tenant à la monarchie et au roi venaient tour à tour l'entretenir de la position fâcheuse où se trouvaient l'une et l'autre. Il en faisait toujours mettre un à table à chacun de ses côtés chez la duchesse de Polignac, où il dînait tous les jours. Il ne traitait bien qu'eux ; il les voyait le matin en particulier, comme s'il eût eu en eux des partisans, et qu'il en eût attendu des secours réels d'hommes et d'argent. »

mont-Tonnerre a fait lecture de l'adresse ; il l'a lue avec cette noblesse et cette fermeté que vous lui connaissez.

Le roi a fait donner par son garde des sceaux la réponse sui

vante :

<< Personne n'ignore les désordres et les scènes scandaleuses qui se sont passées et se sont renouvelées à Paris et à Versailles,. sous mes yeux et sous ceux des états généraux; il est nécessaire que je fasse usage des moyens qui sont en ma puissance, pour remettre et maintenir l'ordre dans la capitale et dans les environs. C'est un de mes principaux devoirs de veiller à la sûreté publique : ce sont ces motifs qui m'ont engagé à faire un rassemblement de troupes autour de Paris. Vous pouvez assurer l'assemblée des états généraux qu'elles ne sont destinées qu'à réprimer, ou plutôt à prévenir de nouveaux désordres, à maintenir le bon ordre et l'exercice des lois, à assurer et protéger même la liberté qui doit régner dans vos délibérations; toute espèce de contrainte doit en être bannie, de même que toute appréhension de tumulte et de violence doit en être écartée. Il n'y aurait que des gens malintentionnés qui pussent égarer mes peuples sur les vrais motifs des mesures de précaution que je prends: j'ai constamment cherché à faire tout ce qui pouvait tendre à leur bonheur, et j'ai toujours lieu d'être assuré de leur amour et de leur fidélité.

« Si pourtant la présence nécessaire des troupes dans les environs de Paris causait encore de l'ombrage, je me porterais, sur la demande des états généraux, à les transférer à Noyon ou à Soissons; et alors je me rendrais moi-même à Compiègne, pour maintenir la communication qui doit avoir lieu entre l'assemblée et moi. »

Cette réponse, loin d'être applaudie, excite des murmures.

Plusieurs membres se lèvent pour l'attaquer et la critiquer, lorsque M. le comte de Crillon demande la parole.

M. le comte de Crillon. Nous avons demandé l'éloignement des troupes; nous devons sans doute pour l'avenir prévoir une pareille circonstance, et en faire l'objet d'une loi; mais devons-nous persister dans la demande que nous avons faite?

Le roi nous a donné sa parole qu'il n'a fait avancer des troupes que pour la sûreté de sa personne et de la capitale, que son intention n'est pas de gêner les suffrages de l'assemblée nationale.

Nous devons en croire la promesse de Sa Majesté. La parole d'un roi honnête homme est une barrière insurmontable. Elle doit dissiper nos craintes et nos alarmes; le danger que nous croyions entrevoir s'éloigne de nous.

Je le répète donc, messieurs, restons auprès du roi : disonslui qu'en lui demandant l'éloignement des troupes nous avons cédé à notre devoir; et qu'en restant auprès de sa personne, nous n'avons fait que céder à notre amour et à ses vertus.

M. le comte de Mirabeau. Messieurs, sans doute la parole du roi est digne de la plus grande confiance; nous en devons tous à la bonté connue du monarque, nous pouvons nous abandonner à ses vertus; mais, messieurs, la parole du roi, toute rassurante qu'elle doit être, n'est pas moins un mauvais garant de la conduite d'un ministère qui n'a cessé de surprendre sa religion.

Nous savons tous, qu'avec plus de réserve nous aurions évité de grands désordres. Nous savons tous que la confiance habituelle des Français pour leur roi est moins une vertu qu'un vice, si, surtout, elle s'étend dans les parties de l'administration.

Qui de nous ignore en effet que c'est notre aveugle et mobile inconsidération qui nous a conduits de siècle en siècle, et de fautes en fautes, à la crise qui nous afflige aujourd'hui et qui doit enfin dessiller nos yeux, si nous n'avons pas résolu d'être jusqu'à la consommation des temps, des enfants toujours mutins et toujours esclaves.

La réponse du roi est un véritable refus; le ministère ne l'a regardée que comme une simple formule de rassurance et de bonté ; il a l'air de penser que nous avons fait notre demande sans attacher à son succès un grand intérêt, et seulement pour paraître l'avoir faite.

Il faut détromper le ministère.

Sans doute, mon avis n'est pas de manquer à la confiance et au respect qu'on doit aux vertus du roi, mais mon avis n'est pas non plus que nous soyons inconséquents, timides, incertains dans notre marche.

Certes, il n'y a pas lieu de délibérer sur la translation qu'on nous propose; car enfin, même d'après la réponse du roi, nous n'irons, soit à Noyon, soit à Soissons, que si nous le demandons; et nous ne l'avons pas demandé, et nous ne le demanderons pas, parce que probablement nous ne désirerons jamais de nous placer entre deux ou trois corps de troupes: celles qui investissent Paris, et celles que pourraient, d'un moment à l'autre, lancer la Flandre et l'Alsace.

Nous avons demandé la retraite des troupes, voilà l'objet de notre adresse. Nous n'avons pas demandé à fuir les troupes, mais seulement que les troupes s'éloignassent de la capitale. Et ce n'est pas pour nous que nous avons fait cette demande; ce n'est certainc

TOME I.

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ment pas le sentiment de la peur qui nous conduit; on le sait bien, c'est celui de l'intérêt général.

Or, la présence des troupes contrarie l'ordre et la paix publique, et peut occasionner les plus grands malheurs. Ces malheurs, notre translation ne les éloignerait pas, elle les aggraverait au contraire.

Il faut donc amener la paix, en dépit des amis des troubles; il faut être conséquent avec nous-mêmes, et pour cela nous n'avons qu'une conduite à tenir, c'est d'insister sans relâche sur le renvoi des troupes, seul moyen infaillible de l'obtenir.

Personne ne se lève pour appuyer l'opinion de M. de Mirabeau.

M. le président observe qu'il faut prendre une délibération.

M. l'évêque de Chartres. La lettre du roi mérite d'être méditée; il convient donc d'en faire faire la distribution dans les bureaux; demain on en délibérera.

Cette opinion n'a pas de suite; et la discussion tombe d'ellemême.

CHAP. III.

Paris et Versailles le 12 et le 13 juillet. On promène les bustes de Necker et du duc d'Orléans. - Collision aux Tuileries. - Arrêté pris par l'assemblée nationale. Cómité permanent des électeurs établi à l'hôtel de ville. Formation de la garde nationale. Agitation le 13. -Le peuple se procure des armes et des vivres. Soupçons contre M. de Flesselles.

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Paris. Dimanche 12 juillet (1). La nouvelle du changement de ministère ne fut connue à Paris que vers les neuf heures du matin. On remarquait un mouvement extraordinaire de troupes; on voyait passer dans la ville, des cavaliers, des fantassins et jusqu'à de l'artillerie. On lisait, au coin des rues, d'énormes affiches où, de par le roi on invitait les Parisiens à rester chez eux, à ne point se rassembler et dans lesquelles on prévenait la population qu'elle n'eût point à s'effrayer de la présence des corps armés réunis par mesure de précaution contre les brigands.

Cependant, vers midi, la nouvelle n'était pas encore devenue publique. Le Palais-Royal était plein de monde, on s'interrogeait sur ce grand mouvement militaire, sur ce singulier placard. Enfin

(1) Nous nous serions épargné beaucoup de travail en nous bornant à donner la narration des trois journées qui vont suivre, d'après le Moniteur. Mais le compte rendu de ce journal n'est pas seulement incomplet, il a encore le défaut de confondre les événements. Il nous a paru possible d'abréger, et d'être cependant plus exacts.

un jeune homme cria la fatale nouvelle. Les premiers qui l'entendirent refusèrent de la croire et se jetèrent sur le malheureux orateur; on allait le précipiter dans un des bassins, lorsqu'un député du tiers, qui se fit connaître, vint l'arracher à ces furieux, en confirmant tout ce qu'il avait dit. La nouvelle vola en un instant d'une extrémité du jardin à l'autre. En ce moment, il était midi, et le canon du palais vint à tonner. Je ne puis rendre, dit l'Ami du Roi, le sombre sentiment de terreur dont ce bruit pénétra toutes les âmes. A cet instant, Camille Desmoulins monte sur une table, crie aux armes, tire l'épée, montre un pistolet, arrache une feuille d'arbre et se la met pour cocarde au chapeau. On lui répond par d'affreux hurlements. Plusieurs milliers d'hommes, à son imitation, se parent de la cocarde qu'il vient d'improviser. On décide que les jeux, les spectacles seront fermés, les danses défendues, et des pelotons s'échappent porter cet ordre qui fut suivi. Un autre peloton court chez Curtius (1), y prend les bustes de Necker et du duc d'Orléans, on les couvre de crêpes et on les porte dans les rues, au milieu d'un cortége nombreux d'hommes armés de bâtons, d'épées, de pistolets ou de haches, et l'on va ainsi promener la fatale nouvelle et l'exemple de l'insurrection. Le cortége défila de la rue de Richelieu, par le boulevard, par les rues Saint-Martin, Grenétat, Saint-Denis, la Ferronnerie, Saint-Honoré, et vint se présenter sur la place Vendôme il était alors composé de cinq ou six mille individus déguenillés, disent les royalistes. Là il fut attaqué et dissipé par un détachement de dragons qui était sur cette place. Le buste de Necker fut brisé; un garde française sans armes fut tué, et quelques personnes blessées.

En même temps, divers engagements avaient lieu dans Paris. Dans quelques lieux, on jeta des pierres aux soldats. Dans d'autres il y eut des coups de fusil tirés et quelques victimes (2).

Aux barrières, les troubles de la veille recommençaient. Aux Porcherons, un détachement de Royal-Allemand fit feu sur le peuple, il y eut un homme tué et plusieurs blessés par cette décharge (3); mais comme il n'y avait pas assez d'hommes pour garder toutes les barrières, ailleurs le peuple put sans obstacle poursuivre leur destruction qui continua presque toute la nuit.

Cependant, M. de Bezenval, commandant la force armée, avait donné ordre à toutes les troupes qu'il avait dispersées dans Paris, et qu'il avait laissées sans ordre toute la journée, de se réunir sur

(1) Qui tenait un cabinet de figures en cire,
(2) L'Ami du Roi, troisième cahier, page 54.
(3) Idem,

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