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toute influence, elle manifesta sa capacité propre : il est évident par l'histoire que ce fut celle de la réalisation.

L'acte de réaliser a plusieurs conditions d'existence, sans lesquelles il est impossible de le comprendre. D'abord, pour agir avec fermeté et vigueur, c'est-à-dire avec les conditions de toute réalisation opérée par une population, il faut croire fermement; il n'y a point d'entreprise possible pour une nation si elle doute de son but. Après la foi, il faut encore posséder une autre condition de l'activité il faut avoir raisonné sur les moyens d'arriver à la fin proposée et les connaître; il faut, en un mot, avoir la science de son but. Lorsqu'on possède tous ces éléments de certitude, il ne reste plus qu'à agir.

Or, en exposant ces conditions de la réalisation, nous avons en deux mots rendu compte de l'esprit français dans le moyen âge. La France fut par excellence la patrie de la foi catholique. Pour s'en assurer, il suffit de comparer ses relations avec le saint-siége à celle de toutes les autres nations; il suffit de se rappeler que les premiers cris du protestantisme ne furent point poussés dans son sein, mais à la circonférence du groupe des peuples catholiques, en Angleterre et en Bohême. La France fut particulièrement le pays où se développèrent les conséquences scientifiques du dogme chrétien. Au milieu d'un grand nombre de preuves de ce fait, nous n'en citerons que deux, parce qu'elles se rapportent directement au but de cet essai historique. L'une est le langage, l'autre est l'université de Paris.

Le langage est l'exacte traduction du génie d'un peuple; ses lois ou sa syntaxe sont la manifestation de la méthode logique ou rationnelle de celui-ci. Or, on le sait, la langue française est la plus nette, la plus précise, la plus scientifique de toutes les langues modernes, la seule où il n'y a pas de phrase possible sans une conclusion positive. Ainsi, ce fut un instrument qui répondit parfaitement au génie de réalisation qui animait la nation. Cette concordance est un fait; mais il serait cependant difficilement admis par les personnes peu versées dans les principes de la formation des langues, si nous n'en faisions suivre l'énonciation de quelques mots d'explication.

Il y a deux manières de concevoir la formation d'une langue : suivant l'une, elle est créée d'un seul coup et par un seul homme; c'est le mode appelé à priori, et dont nous n'avons pas à nous occuper. Suivant l'autre, ce n'est pas un homme, mais un peuple qui travaille à exprimer des idées nouvelles, un génie nouveau avec les matériaux ou les mots et malgré les syntaxes que le passé

lui a léguées. Ce fut le cas de la nation française. Il est très-remarquable que, pour l'ordre et la construction des diverses parties ou des divers éléments qui composent une phrase, elle adopta ce que l'on appelle la syntaxe de la proposition qui forme la base de la logique enseignée dans les écoles. Il est encore très-remarquable que cette syntaxe est semblable à la loi d'ordre et de succession logique suivie dans le discours par les évangélistes, les apôtres et les Pères de l'Église. Soit donc résultat de la scolastique, soit seulement résultat de la fréquente lecture des livres saints, il arriva que la langue et la méthode des Français furent par suite essentiellement chrétiennes, essentiellement actives et pratiques. Les mots et les syntaxes qui servirent de premiers matériaux étaient de diverses natures: c'était du celtique, du tudesque, du grec et du latin, idiomes tous sortis de la même origine, mais profondément modifiés par des civilisations bien différentes. La nouvelle langue puisa chez tous ce qui convint à son style sévère et précis : dans les uns, elle prit la nécessité des articles comme indicateurs obligés des relations d'idées; aux autres, elle prit les conjugaisons; quant à la forme de la phrase, elle la copia, ainsi que nous l'avons dit, dans l'Évangile.

Le premier monument que nous possédions, je ne dirai pas de la langue française, mais d'un patois nouveau qui est latin dans la construction de la phrase et dont les mots rappellent plutôt cette dernière langue que toute autre, est le serment de Charles le Chauve à Strasbourg, en présence de son frère Louis et des deux armées réunies au bord du Rhin, au mois de mars 842 (1). Mais là on ne trouve rien de ce genre de méthode sur lequel nous insistons; au contraire, on le rencontre, avec un caractère très-prononcé et de la dernière évidence, dans les poëmes et les ordonnances du douzième et du treizième siècle.

Le génie logicien de la nation française ne se révéla pas seulement dans la formation de sa langue; il se manifesta encore par sa tendance aux œuvres scientifiques proprement dites. Ainsi, la France créa les premières institutions consacrées aux travaux de cet ordre, en fondant l'université de Paris. Jusqu'au onzième siècle, les écoles étaient dispersées; elles faisaient partie du peuple attaché aux églises cathédrales et qui habitait les couvents. Celle de Reims paraît avoir été la plus célèbre ; mais au onzième siècle les écoles de Paris commencèrent à se distinguer au-dessus de toutes les autres, autant par le nombre de leurs élèves que par les matières

(1) Collection des Bénédictins de Saint-Maur, t. VII, p. 35 et 36.

qui y étaient enseignées et les questions qui y étaient débattues. En 1150, l'université de Paris était constituée avec toutes ses facultés celle des arts, où l'on enseignait particulièrement la logique et la métaphysique; celle de physique, où l'on traitait de la médecine, de la chimie, etc.; celle de théologie, où l'on enseignait aussi le droit canon. L'université était sous la protection immédiate du saint-siége; elle s'honorait du titre de fille aînée de l'Église. Ses écoliers formaient une population très-nombreuse, composée d'hommes de tous les pays et de tous les rangs, divisés en nations représentées chacune, dans le conseil général de la corporation, par un doyen élu. Toute la discipline de l'université émanait d'un recteur et d'un diaconat formé par élection. Ce n'est pas ici le lieu de faire l'histoire des diverses révolutions que subit l'organisation primitive et des révolutions plus importantes que subirent les idées: il suffit de rappeler que ce corps devint une institution assez puissante sur l'opinion en Europe, pour jouer un rôle important dans les discussions religieuses qui agitèrent le monde catholique dans le quinzième siècle. En effet, ce n'était pas seulement un centre d'instruction, mais encore une institution de conservation des doctrines et un centre de discussions et de travaux, auquel toute l'Europe venait apporter son tribut de lumières et d'érudition. Elle fut, pendant le moyen âge, la capitale scientifique du monde catholique.

Ainsi, la France se trouva en position d'être toujours la nation la plus avancée dans l'intelligence du but catholique et par suite toujours prête, la première, à agir. En effet, ce fut elle qui donna le signal de toutes les grandes actions qui furent opérées dans l'intérêt de ce but et de toutes les modifications sociales qu'il contenait. Nous ne citerons en preuve, parmi plusieurs, que quelques faits, mais qui sont capitaux dans l'histoire de cette période de la civilisation européenne ce sont les croisades et l'extinction du schisme du quinzième siècle, à laquelle l'université travailla la première; ce sont encore l'abolition du servage et la révolution des communes.

La période dont nous nous occupons se divise en deux époques nettement différenciées c'est au quinzième siècle que la première finit et que la seconde commence. Les caractères qui les distinguent sont tellement évidents, qu'ils ne permettent pas de les confondre.

En effet, dans la première, la diplomatie est en grande partie gouvernée par le saint-siége; la royauté est considérée comme de droit divin; les papes s'attribuent le pouvoir de donner et d'ôter les couronnes; et ils le possédaient en effet, car ils gouvernaient l'o

pinion d'une manière absolue. En outre, les successeurs de saint Pierre, disposant de la dîme de toutes les églises, se trouvèrent les plus riches souverains de l'Europe; par suite, ils purent toujours solder les bras chargés d'exécuter leurs volontés; quant à trouver des soldats, il leur suffisait de décréter une croisade pour avoir, tout de suite, une armée nombreuse et brave. Le droit d'instituer ces pèlerinages militaires leur appartenait en effet entièrement. Le caractère de cette époque fut aussi tranché dans les productions de l'intelligence que dans la vie politique l'art fut celui que nous nommons catholique; il enseignait des croyances qui devaient fructifier plus tard. La science, comme l'art, travaillait sur des principes reçus et en épuisait les conséquences.

Dans la seconde période, les papes perdirent la haute dictature qu'ils avaient exercée sur les affaires de l'Europe : ils ne furent plus que des princes de l'Église, livrés, trop souvent, comme les seigneurs temporels, aux passions égoïstes ou de famille. Le protestantisme était venu nier leur infaillibilité, et les fautes de quelques-uns donnèrent gain de cause aux réformateurs. Les rois prétendirent que les couronnes leur appartenaient à titre de propriétés héréditaires et de famille; les arts et les sciences devinrent indépendants de l'Église. Dans les premiers, on vit paraître le style de la renaissance; les secondes vulgarisèrent leurs découvertes, et l'on en vit sortir les applications qu'on rapporte en général au quinzième siècle, et dont il fut illustré, quoiqu'elles fussent souvent antérieures à cette époque, telles que la boussole et les verres grossissants, qui datent du treizième; telles que la poudre à canon, l'imprimerie, la découverte du cap de Bonne-Espérance et de l'Amérique, etc.

En France, les deux époques sont encore plus tranchées peutêtre, parce que les différences en sont indiquées par des faits moins généraux. La première époque vit s'opérer la révolution des communes et disparaître le servage; dans la seconde, toutes les individualités seigneuriales furent confisquées au profit de l'unité monarchique. Enfin les deux époques furent séparées par un siècle de désordres effroyables, au milieu duquel naquit, comme intérêt du pouvoir royal, l'évidente nécessité de renverser toutes les seigneuries indépendantes qui occupaient le sol français. Nous allons parcourir rapidement l'histoire de ces deux époques dans les deux chapitres suivants.

CHAPITRE II.

Histoire de France du onzième au quinzième siècle.

A mesure que nous approchons des temps modernes, les événements se pressent et se multiplient, et cette complication rend plus nécessaire à la clarté de notre exposition l'emploi des divisions. Nous partagerons donc la matière de ce chapitre en trois sections, purement artificielles d'ailleurs; car, il n'en est point ici comme dans quelques chapitres précédents, où le sujet présentait des successions de temps nettement différenciées. Dans cette période première de la troisième race, toutes choses sont continues, en quelque sorte, simultanées et croissantes; tout au plus peut-on apercevoir, vers le quinzième siècle, l'occasion d'une de ces divisions naturelles que nous avons si souvent rencontrées précédemment. Dans une première section, nous nous occuperons de la constitution de la monarchie capétienne, et, à cette occasion, nous en nommerons les premiers représentants; dans une seconde section, nous nous occuperons de la révolution des communes et de l'abolition du servage; nous citerons les rois dont les noms présidèrent particulièrement à ces grands changements; enfin, dans une troisième section, nous exposerons l'histoire de la révolte générale des feudataires de la couronne de France contre l'unité, des seigneurs contre le roi.

I. Hugues Capet, en montant sur le trône, apporta à la couronne une force réelle. Il ajouta d'abord au domaine royal, qui était réduit à la possession de la ville de Laon, le duché de France, qui se composait des comtés de Paris et d'Orléans. En outre, il était l'élu des principaux seigneurs français, et, en recueillant leur serment de vassalité, il acquit un droit sur toute la puissance militaire dont ils disposaient. Ainsi, dès le premier jour de son installation, le nouveau roi se trouva le représentant d'une puissance déjà redoutable.

En effet, conformément au capitulaire de Charles le Chauve, de 877, que nous avons cité, chaque commandant de cité, de bourg ou de province, avait converti son fief, son bénéfice ou sa fonction en propriété et l'avait transmis, à ses enfants, à titre de possession héréditaire. Dans les cités où il y avait des comtes, le comte s'était approprié le gouvernement de la cité et les droits qui y étaient attachés, et en avait fait un apanage de famille. Dans les cités où il n'y avait que des évêques, ceux-ci avaient joué le rôle des comtes; ils avaient mis l'évêché à la place de la famille. Quelquefois il arriva que le

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