Sayfadaki görseller
PDF
ePub

dents polonais, et écrivirent sur le drapeau de cette nouvelle croisade les mots magiques d'égalité et de liberté de conscience.

La Pologne opposa à cette ligue, si sainte en apparence, les droits établis par la tradition, les lois du royaume les plus régulièrement votées et la prétention de rester juge de ses institutions. Rien n'était plus légitime et plus sacré que ces droits et ces prétentions; rien n'était plus national que la résistance à une coalition sacrilége d'étrangers et de dissidents polonais '; d'un autre côté, rien n'était plus odieux que le but de cette coalition: car, il faut le répéter, c'était à cette époque que la Russie et la Prusse refusaient aux catholiques la plénitude des droits civils, c'était à cette époque que l'Angleterre mettait hors la loi les dissidents d'Irlande que le Danemark et la Suède chassaient les catholiques comme des bêtes fauves, et les forçaient à se précipiter dans de frèles barques pour aller demander un asile aux villes libres de Brême, Hambourg et Lubeck.

2

Mais le mot d'ordre semblait donné pour arracher aux catholiques leurs anciens priviléges, et pour soutenir les dissidents per fas et nefas. La

1 Le prince Radziwil, qui était chef de la confédération des dissidents, était l'âme dumnée de l'impératrice Catherine (Malmesbury, Mémoires, t. I, p. 21).

2

Aujourd'hui, le gouvernement anglais a abandonné complétement ce système de persécution, à tel point que les catholiques sont désormais plus libres en Angleterre qu'en France. C'est un hommage qu'il faut rendre au présent en blåmant le passé.

philosophie, qui n'osait pas écrire une ligne en faveur de l'Irlande, prêta ses principes à la diplomatie pour justifier en Pologne la violation du droit public et du droit des gens. L'envoyé de la Prusse osa déclarer que « le grand Frédéric avait

[ocr errors]

pris l'engagement (vis-à-vis de qui? de d'Alem<< bert sans doute) d'agir avec efficacité

pour faire << rendre justice aux dissidents, voulant, du haut «< de son trône, faire prévaloir et protéger les droits « de la nature humaine. >>

De son côté, Catherine fit dire par son ambassadeur, le fameux prince Repnin : « L'impératrice « n'a que le bonheur et l'indépendance du genre «< humain en vue. L'égalité est le seul fondement « de la liberté; c'est le seul principe auquel se <<< rattachent tous les autres. L'impératrice ne peut « faire un meilleur usage de l'autorité qu'elle tient « de Dieu qu'en réalisant cette égalité, dont il a « placé lui-même le désir dans le cœur de tous les «< hommes, comme un témoignage de sa volonté. » Enfin, après avoir encouragé secrètement les dissidents à former des confédérations, pour obtenir par la force la satisfaction de leurs vœux, et pour renverser violemment les résistances légales de la diète, l'impératrice Catherine allait jusqu'à déclarer hautement « qu'elle approuvait les dissidents << d'avoir eu recours à un moyen que la constitu<<< tion autorisait pour recouvrer leurs droits; qu'elle << regardait comme un devoir de sa Couronne « d'aider les confédérés à conquérir la liberté ré

«< clamée par les nations, et qu'elle espérait ainsi « mériter l'estime de l'Europe. » Voltaire n'aurait pas mieux dit. On pourrait même croire que Frédéric et Catherine avaient emprunté leurs déclamations à leurs correspondances de Paris, et qu'ils y avaient appris comment on doit fouler aux pieds les principes qu'on a proclamés. Afin que rien ne manquât à ces violations de l'indépendance polonaise, les Cosaques furent appelés à entourer la diète, à enlever ses principaux membres, et à arracher par la terreur les concessions que la diplomatie ne pouvait pas obtenir. Lord Malmes-bury, témoin oculaire de ces événements, dit dans ses Mémoires que la diète de 1767 - 1768 fut tenue sous la direction de la Russie; que, pendant ses séances, 8,000 soldats russes entouraient la ville, et 2,000 campaient dans le jardin de l'ambassadeur de Catherine, qui était alors la souveraine absolue de la Pologne1. C'est sous ces auspices que fut réta

1 Mémoires de lord Malmesbury, t. I, p. 10. Voyez Appendice, no 4. D'un autre côté, voici comment un historien contemporain peu favorable aux catholiques rend compte de ces événements. On pourra apprécier dans ce récit les violences de l'influence étrangère : « Le maréchal de la diète ayant donné connaissance, le 5 mars, d'un projet de délibération en faveur des dissidents, l'opposition fut si vive que l'assemblée fut levée et ajournée au 12 mars suivant. Dans cette séance, le prince primat refusa de recevoir la députation des dissidents, et le roi fit de vains efforts pour calmer les esprits et vaincre la résistance des évêques de Kiow et de Cracovie, et d'un grand nombre d'autres prélats et palatins séculiers. Cette séance fut encore levée sans résultat : alors l'ambassadeur de Russie ne vit plus d'autre moyen de rétablir la paix que celui de recourir à des mesures énergiques. Des patrouilles de Cosaques parcoururent pendant la nuit les rues de Varsovie; les principaux postes furent occupés; on pénétra chez les

blile liberum velo, qu'une diète précédente, celle de 1764, avait sagement aboli, et que fut redigé un nouveau code religieux, qui supprima les statuts des Jagellons de 1424 et 1429, les décrets de 1525, et tous les règlements établis dans les constitutions de 1717, 1736, 1764 et 1766. En vertu de ce code, les dissidents obtinrent tous les droits civils et politiques, moins celui de porter la couronne; ils purent s'unir en consistoires, tenir des synodes, avoir partout des églises et des écoles, et accomplir en pleine liberté tous les actes religieux quelconques'.

Cette liberté dont les catholiques ne jouissent pas encore en France au XIXe siècle, et qu'ils demandent en vain après plusieurs révolutions, et après tant de promesses, cette liberté qu'on imposait à la Pologne, au mépris de ses traditions, de ses intérêts et de ses institutions nationales, cette liberté décrétée sur l'injonction de la Russie par une assemblée mutilée, ne pouvait pas être acceptée sans résistance2. Des confédérations se formèrent

évêques de Kiow et de Cracovie, chez le chapelain de cette ville, et chez les principaux chefs de l'opposition; on saisit tous leurs papiers, et on les transporta aussitôt à Smolensk. Un fait aussi éclatant imposa silence aux autres opposants, qui, dans la crainte d'un semblable traitement, laissèrent le champ libre à leurs adversaires. » (Storia della guerre presente, t. III, p. 89.)

1 Storia, etc., t. IV, p. 9.

2 Lord Malmesbury, dans ses Mémoires, ne peut pas s'empêcher de reconnaître lui-même que les lois de la diète de 1768 étaient imposées par la Russie, et contraires à toutes les idées nationales. Il raconte que le prince Repnin, posté dans une tribune avec cinq ou six géné

pour défendre les priviléges abolis, et enlever aux dissidents, par un soulèvement national, ce qu'ils avaient obtenu par une intervention étrangère'.

Mais les forces n'étaient pas égales entre les deux partis: celui de la vieille Pologne était abandonné par l'Europe catholique, qui voyait avec indifférence les entreprises de la diplomatie et les violences des Cosaques ; celui des dissidents au contraire était soutenu par l'or et l'intrigue d'une coalition d'états protestants. L'issue de la lutte n'était pas douteuse; elle devait tourner au profit des ennemis intérieurs et extérieurs, qui avaient pour eux la puissance des baïonnettes, et elle aboutit en effet au traité de 1773, qui mutila le territoire et la constitution de la Pologne, pour satisfaire les prétentions des dissidents et les convoitises de ses ambitieux voisins.

L'influence de l'esprit philosophique ne s'est pas arrêtée à l'intervention morale que nous venons de signaler les hommes qui se disaient alors les

raux russes, surveillait tout ce qui se passait dans l'assemblée, et menaçait quiconque faisait mine de vouloir s'opposer aux propositions qu'il avait dictées; que, le dernier jour, le maréchal de la diète fit, en peu de mots, l'apologie de ces propositions, et prononça immédiatement la dissolution de l'assemblée; après quoi, les nonces, les sénateurs et le roi se rendirent à l'église, où fut chanté un Te Deum. Thus ended, ajoute lord Malmesbury, this most remarkable affair; and a whole nation were so singularly circumstanced, as to be under a necessity of acquiescing in making new laws totally opposite to their ideas (Mémoires de lord Malmesbury, t. I, p. 19).

1 Voyez à l'Appendice, n° 2, la déclaration des confédérés de Grodno et de Bar.

2 Nous reviendrons tout à l'heure sur ce sujet.

« ÖncekiDevam »