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nos lois expérimentales, admettra aussi la possibilité, pour cette action, de s'insérer d'une manière quelconque dans les séries contingentes, et de provoquer par là certaines réactions que les agents inférieurs, laissés à eux seuls, n'eussent point exercées. Le nier, c'est nier la contingence foncière de nos lois naturelles et ériger notre déterminisme expérimental lui-même en un intangible Absolu. A priori on ne peut donc dire qu'il soit impossible à l'esprit humain de produire, moyennant l'interférence d'une influence supérieure, un phénomène qu'il n'eût pu produire autrement: l'impossibilité n'existerait que si l'esprit devait, pour se hausser à ce mode nouveau d'activité, se nier luimême... La métaphysique ouvre done une possibilite absolue d'intuition intellectuelle.

La théologie, elle, n'a pas sur la nature de l'intuition mystique de tradition contraignante. On dirait, en termes de l'École, qu'alors même que les plus hauts degrés de contemplation seraient certainement surnaturels (en tant que gratiae gratis datae et non pas seulement en tant qu'actes méritoires), ils pourraient encore n'être pas surnaturels quoad se, dans leurs éléments constitutifs, mais seulement quoad modum, c'est-à-dire dans leurs circonstances de collation. Et, de la très appréciable latitude laissée par cette distinction, quelques auteurs ont usé pour formuler des hypothèses sur la nature de l'état mystique: cet état ne dépasserait pas, de soi, des limites de la psychologie naturelle, et sous ce rapport ne différerait pas foncièrement de l'extase non chrétienne ou purement << philosophique (1). Qui adopterait cette position,

«.

(1) On nous permettra de n'en citer qu'un seul, théologien bien informé doublé d'un philosophe pénétrant. En sept pages, empreintes d'une grande finesse de pensée, le R. P. de Munnynck, O. P. (Praelectiones de Dei existentia. Lovanii, 1904, pp. 25 à 31) esquisse une interprétation de la « contemplation mystique»: « Putamus nos - écrit-il sed haec modeste prolata

n'aurait évidemment aucune objection de principe à opposer aux analyses de M. Delacroix, aussi longtemps du moins que celles-ci respectent le problème des causalités ontologiques réellement en jeu dans l'extase. Ce second problème est, à certains points de vue, plus délicat : nous ne l'avons point envisagé dans ces pages. Pourtant, si la théologie ne se montre point ici très exigeante, il faut avouer que l'opinion commune de ses maîtres les plus écoutés est plutôt défavorable à l'hypothèse d'un état mystique purement psychologique quoad se, ou si l'on veut, dans la nature de son contenu. La question, de ce côté, reste done ouverte ou à près.

peu

II. Allons-nous done conclure que l'esprit scientifique et le souci sincère du progrès de la psychologie suggèrent une position analogue à celle de M. Delacroix? Pas encore, car la psychologie elle-même ouvre une vue très nette sur la possibilité d'une autre hypothèse, qui offre l'avantage d'utiliser telles quelles les descriptions de ceux qui furent, en l'occurrence, les seuls expérimentateurs, les mystiques.

volumus, hanc supremam contemplationem esse quoad se naturalem. » On rend ainsi un compte satisfaisant de ce « mirus consensus paganorum et christianorum » dans la description de l'état mystique : il y a une extase naturelle, accessible par les seules forces psychologiques. Mais « haec dicta volumus pro philosophis ethnicis ; atque etiam pro christianis quatenus eadem vià ad eumdem perveniunt terminum. Verum multis in casibus haec contemplatio sanctorum, etsi, saltem partim, naturalis quoad suum esse, supernaturalis tamen videtur pronuntianda quoad modum, quo ad illam perveniunt. >> Pour nous, comme nous le dirons plus loin, nous admettrions volontiers, à nous fonder sur les descriptions de certains contemplatifs catholiques, qu'ils atteignent, au moins dans certains cas, à un état psychologique dont le contenu même est qualitativement différent du contenu de l'extase naturelle ou philosophique. Mais peut-être, au fond, notre pensée ne diffère-t-elle pas tellement de celle du R. P. de Munnynck, qui ajoute, dans un dernier paragraphe, ces lignes suggestives : « Praeterea considerandum est hanc contemplationem, naturalem quoad esse, veluti continuo progressu pertingere ad contemplationem vere supernaturalem quoad esse, a qua rigorose separari non potest. Porro auctores mystici, speciatim Germani, una simul proponunt quae certe sunt supernaturalia et quae naturalia esse possunt... >>

L'intelligence humaine-l'expérience psychologique le montre est, à travers le phénomène, le concept et le discours, perpétuellement chassée du muable, du multiple et du déficient vers l'Absolu, vers l'Un et vers l'Infini, c'est-à-dire vers l'Etre pur et simple. Cet Etre, impliqué dans la finalité même de notre esprit, en est done à la fois le ressort et le besoin, en ce sens que tout le mouvement de notre esprit n'est qu'une longue poursuite de l'intuition, toujours fuyante, de cet Etre. Or, la tendance foncière d'une faculté est bien si la notion de finalité garde un sens - le signe, à tout le moins, d'une certaine puissance latente en cette faculté. D'autre part, l'intelligence humaine, enfermée dans le cycle étroit de la donnée sensible et quantitative, n'y rencontre point, malgré tous ses efforts de synthèse et de coordination, son intuition propre. Qu'en conclure, sinon que notre intelligence - orientée dans son fond le plus intime vers une « intuition intellectuelle », s'il en fut, celle de l'Etre pur n'est done point totalement disproportionnée à ce genre d'intuition, mais part, la loi actuelle de son exercice, lui imposant exclusivement des « présentations » sensibles, l'empêche radicalement d'égaler par ses actes sa tendance profonde? L'antinomie de cette aptitude fondamentale, de ce « desiderium naturale » (1), et des restrictions insurmontables que lui oppose l'intellection « in phantasmate», ne peut être levée que par l'intervention d'un pouvoir extérieur, capable d'écarter ces restrictions en présentant directement à l'intelligence son véritable. objet, l'Etre. C'est la solution finale que propose la religion chrétienne, en assignant comme terme à l'action de l'homme, aidée de la grâce, la vision même de Dieu. Revenons aux mystiques.

que,

d'autre

L'activité mystique, aussi longtemps qu'elle ne se

(1) S. Thomas, Summa c. Gentes, lib. III, ch. 50. Voir aussi les chapitres voisins.

dérobe point à nos analyses, apparait comme une unification du contenu de la conscience, par organisation puis par négation des déterminations particulières. C'est une convergence intense de tous les éléments de l'esprit vers Absolu, considéré non plus comme principe extrinsèque de coordination d'un éparpillement de réalités finies, mais appréhendé comme l'Unique Subsistant dans lequel reffue la réalité de toutes les subsistances contingentes. Ce travail préparatoire de coordination et d'intense unification laisse suivre assez loin ses lignes convergentes et n'échappe point, de droit, au psychologue; mais le point même de convergence se dérobe à tout examen profane. Intuition nouvelle ? Aïdéisme? Le pouvoir propre de l'intellect humain s'évanouit au point critique où le dernier support spatial vient à fléchir. Mais le mystique atteint-il ce point critique? Ne garde-t-il pas de la multiplicité spatiale au moins le minimum strictement requis pour étoffer et objectiver un concept d'être, le plus épuré qui soit ? A prendre les descriptions mystiques chrétiennes à la lettre, non. Alors tout le splendide édifice, élevé durant les phases préparatoires de l'état d'union, s'effondre dans l'inconscience absolue? Oui, si l'esprit est laissé à ses propres forces (1) et à supposer d'ailleurs qu'en

(1) Nous sommes très loin de prétendre que cette inconscience extatique, à laquelle aboutirait le suprême effort de la mystique purement naturelle (voir ce que nous avons dit plus haut de la mystique néo-platonicienne et en général des mystiques non chrétiennes) soit dénuée de toute valeur morale et religieuse. Au contraire, grâce aux efforts qui l'ont amenée et à la « pacification » dont elle s'accompagne, elle peut réaliser avec une certaine plénitude la « polarisation affective » du mécanisme psychologique : cette extase peut donc être bienfaisante par ses contre-coups, mais elle n'enrichit pas la connaissance, du moins pas directement. Ne se rencontre-t-elle point aussi chez certains mystiques chrétiens? Pourquoi pas ?

Nous avons signalé plus haut (p. 414), sans l'apprécier, une théorie de M. Recéjac. En réalité, c'est une théorie psychologique et philosophique de la mystique naturelle; et, à condition d'élargir le sens qu'y prend le mot « volonté », nous la jugerions acceptable dans ses grandes lignes. Seulement, qu'on se rende bien compte de la nature du terme ultime où elle fait aboutir le contemplatif. Conçoit-on, surnageant seule, une intuition pure de la tendance foncière du Moi vers l'Absolu? Cette tendance, il est bien vrai que

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pareille hypothèse le « splendide édifice » ait s'élever jusqu'aussi près du faite. Non, si Dieu, comme le veulent les mystiques, se présente alors lui-même à l'âme et, l'affranchissant des limitations de la connaissance ordinaire, éveille en elle, füt-ce obscurément, cette intuition de l'Etre, qui, tout inaccessible qu'elle soit à l'effort de la seule intelligence, en prolonge pourtant le mouvement naturel.

De sorte que, jusque dans l'ambiance surnaturelle du plus haut degré de contemplation, nous retrouvons, comme facteur psychologique d'une intuition supérieure, qui n'est plus guère qu'analogiquement une « présence », la même activité fondamentale de l'esprit à laquelle nous avons dù faire appel précédemment pour expliquer les affirmations de réalité et de présence spatiale. L'esprit, en marche vers son unité, avait affirmé les réalités partielles dans la mesure où leur multiplicité, se laissant réduire par synthèse, le rapprochait ainsi de l'Etre un et unique vers lequel il tendait. Sera-t-il donc déraisonnable et peu « scientifique » de supposer qu'au cours de l'extase l'esprit humain touche un instant le but qui provoque et oriente toutes ses démarches? Nous jugeons l'hypothèse psychologiquement acceptable. Et c'était jadis l'avis de S. Thomas d'Aquin, dont nous n'avons guère fait que résumer la doctrine (1).

tout le travail mystique préparatoire de concentration et d'épuration tend à la dégager de plus en plus de la matière sensible où elle est immergée; mais, au terme, toute matière sensible se dérobant, par hypothèse, sans qu'une présentation supra-sensible vienne y substituer un aliment nouveau, comment la tendance - forme pure - demeurerait-elle perceptible? L'extase naturelle, ainsi produite, ne saurait être consciente ni lumineuse : c'est un état d'inconscience (M. Recéjac ne recule pas devant le mot), mais d'inconscience polarisée, si l'on peut dire.

(1) Telle qu'elle nous paraît ressortir de la comparaison des « Quaestiones disputatae. De Veritate. Qu. X, art. 11 » avec la « Summa contra Gentes » Lib. III, et avec d'autres passages. Cf. ci-dessus, p. 248.

J. M., S. J.

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