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VIII

On ne nous accusera pas de faire peser sur un seul régime une responsabilité qui retombe bien plus sur la France elle-même que sur ceux qui l'ont gouvernée. C'est elle qui a voulu que la religion fût pour l'Etat, et qui a trouvé bon que toute notre législation sur les cultes fût inspirée par cette maxime romaine. Néanmoins on ne peut méconnaître qu'il est telles circonstances politiques qui pourraient aggraver singulièrement cette situation. Nous ne sommes pas de ceux qui s'imaginent qu'une forme de gouvernement préférée prévienne ou guérisse tous les maux. Nous savons qu'en plein gouvernement parlementaire, la liberté des cultes a rencon

LA LIBERTÉ RELIGIEUSE ET LA LÉGISLATION, ETC. 105 tré bien des restrictions et bien des entraves. Cependant ces institutions si décriées avaient au moins l'avantage qu'un droit lésé pouvait se faire entendre d'un bout à l'autre du pays, qu'il avait à son service une presse et une tribune. Hé quoi! nous dira-t-on superbement, vous êtes de ceux qui préfèrent les beaux discours aux grandes choses!... Nous remarquerons d'abord que ces grandes choses, dans lesquelles n'ont rien à voir ceux qui nous les opposent sans cesse car ils en sont parfaitement innocents, -ne nous épargnent pas les beaux discours, ou du moins les beaux articles. Nous préférons les beaux discours qui permettent la réplique à ceux que l'on ne saurait relever et qui se terminent infailliblement par un triomphant monologue. Nous observons ensuite que, s'il est dûment entendu que le régime parlementaire ne fait que des choses mesquines et fâcheuses, au moins permet-il de s'en plaindre. Ce ne sont pas les hymnes en l'honneur de tel ou tel gouvernement que nous regrettons : ce sont les plaintes et les critiques. Qu'on ne s'y trompe pas, ce ne sont pas les beaux discours, ce

sont les discours attristés, peu enthousiastes, sévéres même, qui nous font défaut. Bavardage! nous dit-on... Oh! sans doute, les panégyriques sans réserve sont bien plus variés, bien moins monotones, bien plus forts de pensée, plus énergiques d'accents que les fatigantes discussions qui signalent franchement le mal. Rien n'égale le piquant intérêt, la sobriété nerveuse des détracteurs du gouvernement parlementaire. Chez eux, jamais une répétition, point de phrases, point de détour. Eux des bavards! Ils unissent, par un art inimitable, Tacite et Pline le Jeune; ils expriment avec la concision du premier l'enthousiasme du second!

Laissant de côté cette question toute littéraire et revenant à notre sujet, nous dirons que, sans que la législation ait été essentiellement modifiée, les cultes se trouvent dans une position très-délicate en présence d'une administration qu'il est dangereux de critiquer. Quand la loi du 10 avril 1834, sur les associations, fut présentée à la Chambre des députés, le rapporteur, M. Martin (du Nord), répondait ainsi aux craintes exprimées par l'oppo

sition: « Il ne peut être vrai que désormais la liberté des associations sera enchaînée au point que les entreprises les plus utiles ne pourront se faire jour. Si un ministre était assez mal avisé, s'il était assez coupable pour méconnaître les devoirs de sage appréciation que lui impose la loi, la censure de l'opinion publique, le blâme des chambres législatives en feraient bonne et prompte justice (1). » Mettons hors de cause les ministres, dont le futur garde des sceaux parlait avec une hardiesse qui naturellement nous scandalise. Supposons à leur place les fonctionnaires les plus modestes, et supposons que, par impossible, « ils méconnaissent leur devoir de sage appréciateur. » Comment les atteindre? La presse ✓ est avertie et n'avertit pas. Le droit d'interpellation, dont on a fait un fréquent et utile emploi dans les questions de liberté religieuse, n'existe pas pour nos représentants. Aucune pétition ne peut être envoyée au Corps législatif, et je ne sais quelle voie détournée il faudrait prendre pour y faire faire en

(1) Moniteur du 6 mars 1834.

tendre une réclamation contre un abus de pouvoir d'un agent quelconque de l'administration. - Vous oubliez le Sénat, nous dira-t-on, le Sénat conservateur de la liberté des cultes! Nous n'y avons pas songé, en effet, et nous en sommes confus; mais on sait qu'il n'a pas d'ordinaire la publicité restreinte du Corps législatif, et qu'il n'a pas l'habitude de donner un écho public aux réclamations des citoyens. Quel recours nous reste-t-il donc? à qui pouvons-nous nous adresser? Au Conseil d'Etat? Mais, quelle que soit notre confiance en lui, c'est encore l'administration jugeant l'administration. Nous ne sortons pas de là. Je sais qu'on peut en appeler de Philippe maire ou sous-préfet, à Philippe conseiller d'Etat ou ministre, et que quelquefois il se déjuge; l'administration a blâme l'administration dans quelques circonstances; cela s'est vu : mais cela ne s'est pas vu assez souvent pour que nous ne soupirions pas après le jour où, trouvés assez sages pour recevoir plus de liberté, nous pourrons avoir recours aux anciens moyens de produire nos plaintes.

La liberté religieuse, nous l'avons déjà dit, ne sé

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