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comme un flot puissant les objections mesquines que l'on opposait naguère à la pleine émancipation de la conscience, et les représentants les plus distingués des croyances religieuses, dans toutes les Eglises, se plaisent à reconnaître que, selon une parole du Christ, là où est l'esprit divin, là est la liberté. Ils trouvent qu'il vaut mieux se concerter pour établir victorieusement le droit de la conscience que de se livrer à des récriminations passionnées, et qu'il est plus utile de préparer l'avenir que de chercher dans le passé les moyens de se nuire dans le présent. Ils savent d'ailleurs que plus on remonte au grand passé qui domine toute notre histoire religieuse, plus on se persuade que la liberté de conscience et de culte a été au fond la vraie pensée du christianisme, et que si elle a pour elle la polémique généreuse de la philosophie moderne, elle peut encore s'appuyer sur la plus imposante tradition.

N'est-ce pas Athanase, le champion par excellence de l'orthodoxie, qui a écrit ces nobles paroles : « Quand vous employez la force et que vous con

traignez les hommes contre leur volonté, vous montrez que vous n'avez aucune confiance dans vos croyances. Le Christ est si miséricordieux, qu'il parle ainsi aux hommes : « Quelqu'un veut-il me suivre ? » La vérité ne s'avance pas avec l'épée et la violence, ni avec une armée, mais en exhortant et en suppliant. Elle n'use pas de contrainte, mais de persuasion (1). »

<< Prenez garde, disait Tertullien dans sa grande Ápológie dans laquelle il était encore le représentant authentique de l'Eglise, prenez garde que ce ne soit autoriser l'irréligion que d'ôter la liberté de la religion et le choix de la divinité, de ne pas me permettre d'adorer qui je veux pour me contraindre d'adorer qui je ne veux pas. Où est le Dieu qui aime les hommages forcés (2)? O souveraine impiété, honte sans égale! On a usé pour défendre l'honneur de la divinité, de l'arbitraire et des caprices des volontés humaines, de telle sorte qu'il n'est permis d'être Dieu que sur délibération du

(1) Hist. Arian., c. 5. (2) Apologie, c. 23.

sénat! Rien de plus irréligieux que la contrainte religieuse (1). » Plus les études historiques se développent, plus ces grands principes se dégagent des nuages dont les ont enveloppés des luttes trop passionnées, et ils apparaissent toujours davantage comme inhérents à l'essence du christianisme. Ils sont d'ailleurs honorés aussi bien par leurs adversaires que par leurs défenseurs, car la grandeur d'une cause se révèle tout autant par les inimitiés qu'elle provoque que par les sympathies qu'elle excite. Dites-moi non-seulement qui vous aime, mais aussi qui vous maudit, et je saurai ce que vous valez. Il est donc certain que la liberté religieuse a conquis sa place dans la conscience moderne. A part d'infimes exceptions, qui confirment doublement la règle par leur petit nombre et par leur nature, tous les partis la proclament.

C'est précisément cette unanimité qui nous inquiète. Nous ne craignons pas ceux qui méconnaissent ouvertement le droit de la conscience; ils provoquent au contraire d'utiles réactions en sa fa

(1) Aux nations, 10.

veur. Notre inquiétude commence quand nous entendons des hommes partisans et apologistes du despotisme sur tout le reste, parler avec componction de la liberté religieuse et s'en déclarer les défenseurs et les protecteurs. Combien de fois, dans des luttes judiciaires où ce droit sacré était directement en jeu, n'a-t-on pas vu des jurisconsultes parler, les larmes aux yeux et en mettant la main sur leur cœur, de la liberté de conscience et même se déclarer prêts à mourir pour elle, s'il le fallait; ce qui ne les empêchait pas, en attendant, de la tuer doucement, avec toute sorte de bons procédés. N'oublions pas en outre que ce qui fait à la fois l'honneur et le péril de la liberté, c'est qu'elle est indivisible, c'est qu'elle ne peut exister sur un point tout en étant abolie sur un autre, c'est qu'elle meurt ou ressuscite tout entière et que nulle préoccupation exclusive et sectaire n'est possible dans la cause libérale. Si vous ne songez qu'à la liberté spéciale qui vous tient le plus à cœur, vous ne l'aurez pas; vous n'aurez votre liberté que quand votre pays aura la liberté. Partout où celle-ci sera restreinte

ou supprimée, la liberté particulière qui vous intéresse le sera dans la même mesure.

Il y a donc lieu de rechercher si en France, pour ce qui concerne le droit de la conscience, la pratique répond à la théorie. Les progrès de la théorie, quand ils ne se traduisent pas en faits positifs, sont plus dangereux qu'utiles. En effet, ils imposent à tout le monde un certain langage libéral très-élastique, très-vague, dont les adversaires de la liberté savent user avec un art perfide, et ils parviennent ainsi à la supprimer tout en l'invoquant avec fracas, Quand on n'obtiendrait d'autre avantage pour la première des libertés que la mort sans phrase, partout où l'on tend à la supprimer, on n'aurait pas accompli une œuvre inutile. N'est-ce pas mourir deux fois que d'être immolé et couronné par les mêmes mains?

Qu'on ne s'imagine pas que notre intention soit de courir le monde pour redresser ce qui va mal chez nos voisins. Ces voyages en dehors de notre pays sont sans doute des voyages d'agrément; il est très-agréable de perdre de vue son propre mal

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