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Ne nous fions donc pas aux apparences; allons au fond des choses. L'oppression religieuse subsiste tant que la religion n'est pas libre de se répandre ou de s'administrer elle-même, sous la réserve qu'elle se renfermera dans ses propres limites et n'empiètera en rien sur le domaine de l'Etat. L'égalité des cultes n'équivaut pas à leur liberté, car ils pourraient être favorisés d'une égale servitude. Il faut qu'ils soient libres, libres pour la propagande comme pour la direction intérieure. S'il était un pays où ils rentrassent dans les cadres de l'administration au même titre que tel ou tel grand intérêt matériel, où il suffit d'une volonté du pouvoir central pour restreindre ou étendre leurs franchises, pour empêcher ou tolérer l'action de leur gouvernement intérieur, il faudrait reconnaître que ce pays pourrait se vanter de tout, excepté de posséder la liberté religieuse; et si l'on était convaincu comme nous que l'avenir de ce pays dépend de ses progrès dans la voie de la décentralisation, ce serait à la décentralisation des consciences et des croyances

38 LA LIBERTÉ RELIGIEUSE ET LA LÉGISLATION, ETC.

qu'il serait nécessaire de s'attacher tout d'abord. La première chose à faire serait d'étudier et de signaler franchement le mal qu'il s'agirait de guérir : c'est ce que nous tenterons dans les pages qui vont suivre.

V

Il est entendu pour nous que la liberté de religion n'existe qu'à une double condition: c'est d'abord que les croyances religieuses puissent se répandre librement; c'est ensuite que chaque culte puisse s'administrer lui-même sans entrave, sous la réserve expresse du respect des lois. Je ne suis libre dans ce domaine supérieur de ma vie, que si je puis propager et pratiquer ma croyance sans aucune immixtion d'un pouvoir étranger; je ne possède tout mon droit, que quand rien ne m'empêche d'accomplir tout mon devoir: or mon devoir comme homme religieux c'est de proclamer ma foi; la parole apostolique : J'ai cru, c'est pourquoi

j'ai parlé,

demeure la devise de toute conviction sincère. Je dois en outre m'associer à ceux qui pensent comme moi, et l'association religieuse basée sur une foi commune, doit se gouverner elle-même, sans recevoir de mot d'ordre ni de direction de l'Etat pour tout ce qui est purement religieux. Il est évident que si l'Etat dit à la foi : Tu iras jusqu'ici et pas plus loin, ou bien s'il s'ingère dans l'administration intérieure de l'Eglise, la liberté religieuse n'existe pas. La liberté de la religion a sans cesse été confondue avec la liberté de la pensée ou de la conscience décidément hors d'atteinte, ou bien avec la protection de la religion. Pour se contenter de si peu, il faut ignorer ce que c'est que la religion et ce que c'est que la liberté ; il faut ignorer que la religion n'est simplement ni une idée; ni un sentiment intime, mais qu'elle est à la fois croyance et acte, pensée et vie, et qu'il est de sa nature de se répandre par la propagande et de prendre corps dans le culte; il faut ignorer que la liberté consiste non dans la tutelle et la surveillance, mais dans l'indépendance et dans l'abolition de

toute entrave qui s'oppose au plein exercice du droit. Ainsi donc, pour juger de notre législation française en matière si grave et si délicate, nous n'avons que deux questions à poser: Dans quelle mesure le droit de propagande y est-il reconnu? Les divers cultes sont-ils vraiment indépendants de l'Etat dans leur administration et leur gouvernement? La réponse à ces deux questions nous apprendra dans quelle mesure est réalisé en France ce que M. Dupin appelle dédaigneusement je ne sais quelle liberté religieuse, et qui est tout simplement la liberté de la religion.

Le savant jurisconsulte vient de rééditer son Manuel du droit public ecclésiastique français, répertoire un peu confus mais complet de toutes les ordonnances, lois et décrets qui concernent les cultes. En le parcourant on ne peut s'empêcher de penser que la religion doit être un mal bien grave, bien redoutable, pour que tant de précautions aient été nécessaires contre elle. On voit qu'elle a été le perpétuel tourment, le souci rongeur des représentants de l'Etat, et que tous leurs efforts ont été combinés

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