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avons vu, avec Poynting, le flux d'énergie circuler dans le vide et dans l'isolant qui entoure le fil conducteur du courant, sans découvrir comment ce flux pénètre dans le conducteur pour s'y manifester par des énergies de diverses formes et finir en chaleur de Joule, qui en est la forme la moins noble.

Ces échecs n'étaient pas les seuls que la théorie avait subis.

Le plus grave était celui-ci. Malgré tous les efforts d'un demi-siècle d'études, les actions chimiques des courants, si bien analysées et codifiées par Faraday, se refusaient à entrer dans le cadre général de sa théorie, et restaient réfractaires au concept de l'électricité-accident, alors qu'elles s'adaptaient si directement et si simplement à celui de l'électricitésubstance. En effet, prenons de nouveau pour exemple le composé NaCl, chlorure de sodium, dissocié par sa dissolution dans l'eau ; les quantités égales d'électricité positive, portée par l'ion Na, et négative, liée à l'ion Cl, se comprenaient bien dans l'hypothèse du substratum matériel, mais répondaient mal à l'idée d'une quantité fictive, résultant d'une condition de l'éther localisée en ces ions. A un moment donné, les charges abandonnent les atomes Na et Cl et se dirigent vers l'électrode qui les attire; dans le passage de l'atome à l'électrode, la charge est sans support; cela ne se comprend pas d'une manière d'être. C'est la charge des ions qui les met en marche vers l'électrode d'électrisation contraire; on invoquera ici une déformation du milieu liquide diélectrique, pour ne pas en appeler à l'action à distance répudiée par l'école; mais on n'évite pas le concept de charges individuelles, déterminées, attachées aux flancs des atomes matériels. Enfin et surtout, d'après la seconde loi de Faraday, tous les atomes monovalents possèdent, en valeur absolue, une charge égale à celle des atomes précités

du sodium et du chlore, les atomes bivalents une charge double, les polyvalents la charge unitaire multipliée par un nombre entier; l'analogie est évidente avec la loi des proportions multiples de Dalton en chimie; or, la loi chimique a conduit au concept d'un atome matériel; la loi électrolytique suggère de même l'atome d'électricité. La charge correspondant à chaque valence est une quantité invariable, indivisible comme l'atome lui-même, une constante universelle.

Voici d'autres difficultés; je ne ferai que les signaler et les livrer aux méditations du lecteur. La chaleur ne se conserve pas, mais l'électricité se conserve. De nombreux phénomènes, en particulier la conductibilité unipolaire découverte par Erman, en 1815, révèlent une dissymétrie qui ne correspond pas à l'hypothèse de la manière d'être. Etc.

Ces objections ramenaient invinciblement les esprits vers l'idée de l'électricité-substance. Cette conséquence avait été entrevue par Maxwell, car nous lisons, à la page 434 du Tome II de son Traité, que la quantité dont sont chargés les anions et les cations est une charge moléculaire : de là à l'idée de la molécule d'électricité, il n'y avait pas loin (1). En 1881, Helmholtz développait la pensée : Si nous acceptons l'hypothèse que les corps simples sont composés » d'atomes, nous sommes tenus d'admettre pareille» ment que l'électricité positive ou négative est com

posée de parties élémentaires, qui se comportent » comme des atomes d'électricité ». Et Lodge avait souligné cette considération en parlant « d'une unité » naturelle, appelée avec raison atome d'électricité, » telle qu'en dessous d'elle nous ne connaissons

(1) Il est vrai que Maxwell revenait, quelques pages plus loin, sur cette concession, attendu que l'hypothèse des charges moléculaires lui semblait, en somme, « extrêmement improbable »; c'était en 1873.

» rien » (1); en effet, on ne rencontre pas de quantités d'électricité plus petites que cette dernière parcelle de matière.

Les électriciens faisaient donc derechef de l'électricité une chose, une substance, possédant une existence propre; non pas assurément qu'ils revinssent simplement aux deux fluides de Symmer, mais ils matérialisaient de nouveau cet agent, dans lequel ils n'avaient plus voulu trouver naguère qu'une condition, et une manière d'être. On reprenait des idées, mises au rebut peu de temps auparavant, ce qui provoquait de la part d'Henri Poincaré la spirituelle boutade que voici : « il » y a quinze ans à peine, il n'y avait rien de plus » ridicule, de plus naïvement vieux jeu que les fluides » de Coulomb, et pourtant les voilà qui reparaissent » sous le nom d'électrons » (2). Ils reparaissaient sous un nom et sous un vêtement différents, mais c'étaient bien eux, on ne pouvait s'y tromper. Ils reparaissaient, parce qu'on avait besoin d'eux la discipline intellectuelle, conçue en dehors d'eux, avait été trop incohérente en quelques-uns de ses chapitres pour s'imposer à la science; en d'autres, elle avait été tellement artificielle dans son ingéniosité, en plusieurs, elle s'était montrée si impuissante et si nettement incorrecte qu'on s'en était lassé et qu'il avait fallu s'en séparer. La considération d'une substance électrique venait sauver une situation perdue. Nous avons constaté ci-dessus avec étonnement que la théorie matérielle ait témoigné d'une si grande force de résistance contre les thèses nouvelles; elle la devait non seulement aux facilités d'exposition qu'elle possédait, mais plus encore à la

:

(1) Lodge, Modern Views on Electricity; cité par M. Drumaux, dans la Théorie corpusculaire de l'Electricité (Paris, Gauthier-Villars, 1911, p. 10. (2) II. Poincaré, La Science et l'hypothèse, p. 194. C'est M. Johnstone Stoney qui a donné en 1874, le nom d'Electron à l'atome d'électricité, que lord Kelvin eût voulu appeler l'Electrion.

part de vérité qu'elle contenait; les théories qui expriment quelque chose de réel ont la vie dure; elles ne meurent pas tout entières.

Cette part de vérité latente ne tarda pas, du reste, à être mise en complète évidence à la suite de découvertes extraordinaires, qui ont révélé un grand nombre de choses ignorées et ont ainsi exercé une influence considérable sur l'évolution des idées que nous venons de retracer. Un exposé rapide de l'ensemble de ces constatations, inexplicables dans l'hypothèse de l'électricité accidentelle, achèvera de démontrer que celle-ci devait nécessairement être abandonnée.

à

L'étude expérimentale des décharges dans les tubes gaz raréfié, qui devait tant contribuer à l'étude des courants, a débuté par l'œuf de de la Rive, qui permettait de suivre les modifications de l'étincelle accompagnant le progrès du vide; en 1855, Gassiot et Plücker imaginèrent les tubes, auxquels Geissler, l'habile souffleur de verre de l'Université de Bonn, a donné son nom, et l'on admira les belles couleurs des gerbes de feu jaillissant de l'électrode positive (de l'anode), les lueurs violacées entourant l'électrode négative (la cathode), et les stratifications étagées dans l'intervalle; on en était alors tout au plaisir des yeux. Mais, en 1869, Hittorf appliqua ces tubes aux observations spectroscopiques et il appela l'attention des physiciens sur la région sombre voisine de la cathode (1). Le vide ne dépassait guère jusqu'alors 2 à 3 millimètres de mercure; en le portant au millième de millimètre, Crookes mit en évidence, avec un rare bonheur, les rayons émanés de la cathode (les rayons cathodiques) qui surgissent normalement de la surface

(1) On confond quelquefois à tort la région sombre de Hittorf, intercalée entre les couches cathodiques violacées, avec l'espace noir de Faraday qui leur succède et précède les strates pour Crookes, cet espace mesurait le chemin moyen libre des particules gazeuses projetées en avant de la cathode.

de leur électrode, marchent droit devant eux dans le tube, quelle que soit la position de l'anode, et développent dans la paroi de verre qu'ils frappent, une fluorescence vert-jaunâtre, qui fut à peine remarquée. Les tubes de Crookes provoquèrent vivement l'attention des physiciens, et ils la méritaient; on croyait analyser des phénomènes lumineux, mais en réalité cette coupure, pratiquée dans le circuit, permettait de faire l'anatomie du courant électrique. La considération, reprise de Faraday, d'un quatrième état de la matière, appelé par lui l'état radiant, et la théorie ingénieuse du bombardement moléculaire de Crookes rendirent compte de plusieurs particularités des phénomènes, mais on ne trouva aucune explication du fait, découvert peu de temps après, plus remarquable qu'on ne le crut d'abord, de la déviation des rayons cathodiques par les champs magnétique et électrique dans des conditions entièrement indépendantes de la nature. du gaz et de celle de la cathode. Ces rayons cathodiques constituaient l'élément principal du phénomène, avec les rayons anodiques (die Kanal-strahlen) que Goldstein découvrit en perçant des trous dans la cathode et en cherchant ce qui se passait derrière elle; ils devinrent l'objet d'intéressantes observations de J. J. Thomson, J. Perrin, Wien, Lenard, Kaufmann, Villard, etc., de 1883 à 1900; Lenard trouva le moyen de faire sortir les rayons cathodiques de leur prison de verre par une fenêtre, fermée par une lamelle d'aluminium. Lenard et Perrin découvrirent ensuite que ces rayons chargent négativement les conducteurs qu'ils rencontrent sur leur chemin, et réduisent une lame de cuivre superficiellement oxydée. Les physiciens s'efforçaient en vain de faire correspondre ces effets inattendus avec les images qu'ils se formaient alors des phénomènes électriques.

En 1895, Röntgen eut la main particulièrement

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