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Dans « Le Faux Mathématicien I. I. Stampioen dévoilé» (1) — je dirai désormais: dans le Stampioen ontdeckt— Descartes, sous le couvert de Waessenaer, poursuit son adversaire avec un véritable acharnement.

Et la cause de cette colère ?

Avant de la dire, quelques explications ne seront pas inutiles.

En premier lieu, pourquoi Descartes ne signa-t-il pas l'ouvrage ?

Il avait pour cela de bonnes raisons et en assez grand nombre; mais l'une d'elles était primordiale. Le Stampioen ontdeckt était un pamphlet qui ne s'adressait qu'aux Hollandais et devait être écrit en leur langue. Or un pamphlétaire doit être sûr de sa plume, sous peine de prêter à la raillerie.

Descartes qui vécut près d'un quart de siècle aux PaysBas, s'exprimait sans peine en néerlandais; mais son parler et son style sentirent toujours un peu l'étranger. Il craignait que quelques gallicismes, échappés par inadvertance à sa plume, ne fissent sourire à ses dépens.

Les Pays-Bas avaient été un champ d'action trop étroit pour que le Stampioen ontdeckt fît longtemps parler de lui. Le souvenir de la part qu'y avait prise Descartes s'affaiblit rapidement et peu après la mort du philosophe il se perdit.

C'est à la fin du siècle dernier et à la suite de la découverte au British Museum d'une lettre autographe de Descartes, que l'attention fut de nouveau appelée sur l'opuscule de Waessenaer. La trouvaille était due à M. Korteweg d'Amsterdam et l'autographie était en flamand.

Une lettre flamande de Descartes ! Cela fit sensation. La pièce fut publiée en 1888 par le savant d'Amsterdam

(1) Den On-Wissen Wis-Konstenaer I. I. Stampioenivs ontdeckt door sijne ongegronde Weddige ende Mislucte Solutien van sijne eygene questien. Midtsgaders eenen generalen regel om de Cubicwortelen ende alle andere te trecken uyt twee-namighe ghetallen : dwelcke voor desen niet bekent en is geweest. Noch de Solutien van twee sware Geometrische questien door de Algebra dienstich om alle andere te leeren ontbinden door Jacobus Waessenaer Land-Meter tot Uytrecht. Tot Leyden gedruct by Willem Christiaens, voor Johann Maire, anno 1640. (Bibliothèque Royale de Belgique.)

lui-même, dans les ARCHIVES NÉERLANDAISES DES SCIENCES EXACTES ET NATURELLES (1).

Mais il n'avait pas cru devoir faire mystère de sa surprenante découverte, ni se réserver un droit mesquin de priorité. Il communiqua la lettre à son collègue de Leyde, Bierens de Haan, célèbre à cette époque par l'étendue de ses connaissances bibliographiques dans toutes les parties de l'histoire des Sciences mathématiques et naturelles aux Pays-Bas. Celui-ci élargit le sujet et, dès 1887, il raconta au long la querelle Stampioen-Waessenaer, ou, pour mieux dire, Stampioen-Waessenaer-Descartes. C'est l'objet du chapitre XXX de ses Matériaux pour servir à l'histoire des Mathématiques et des Sciences naturelles en Néerlande (2).

Il semblait bien résulter de cette étude que dans la composition du Stampioen Ontdeckt, Waessenaer n'avait guère été qu'un prête-nom; conclusion à laquelle les éditeurs des Euvres de Descartes, MM. Charles Adam et Paul Tannery, se rallièrent sans réserve (3).

S'il pouvait rester quelque doute sur ce sujet, la Correspondance de Descartes avec Constantin Huygens que vient de publier M. Léon Roth, le ferait tomber. Elle est riche, en outre, de renseignements nouveaux.

Me suis-je trompé en pensant qu'il y avait là une page

(1) Publiées par la Société Hollandaise des Sciences, t. XXII. Haarlem. Les héritiers Loojes, 1888. Notes sur Constantijn Huygens considéré comme amateur des sciences exactes et sur ses relations avec Descartes, pp. 422-466. La lettre de Descartes à Waessenaer se trouve pp. 460-466.

(2) Bouwstoffen voor de Geschiedenis der Wis- en Natuurkundige Wetenschappen in de Nederlanden door D. Bierens de Haan N. XXX. Jan Jansz Stampioen de Jonge en Jacob à Waessenaer. VERSLAGEN EN MEDEDEELINGEN DER KONINKLIJKE AKADEMIE VAN WETENSCHAPPEN. Afdeeling Natuurkunde, 3o reeks, 3o deel, Amsterdam, Joannes Müller, 1887 ; pp. 69-119. La lettre se trouve pp. 90-95.

Voir aussi : Quelques lettres inédites de René Descartes et de Constantin Huygens, par Dr D. Bierens de Haan. HISTORISCHE-LITTERARISCHE ABHANDLUNG DER ZEITSCHRIFT FÜR MATHEMATIK UND PHYSIK, XXXII. Jahrgang, Leipzig, Teubner, 1887; pp. 161-172. La lettre se trouve pp. 163-166.

(3) Paris, Léopold Cerf, 1897 et suiv. Je cite cette édition par : Adam-Tannery. La lettre se trouve, t. I, pp. 275-78. Voir aussi PP. 573-578.

de l'histoire scientifique et littéraire des Pays-Bas, peu connue en Belgique, capable par là même d'intéresser les lecteurs de la REVUE ?

J'essayerai de la résumer.

Qui était ce Jean Janz Stampioen qui troubla si profondément la paix de l'âme de Descartes ?

Il naquit à Rotterdam en 1610 d'un père portant les mêmes nom et prénoms que lui, et qui était comme lui professeur de mathématiques. Cette coïncidence engagea le fils à ajouter à son nom patronymique l'épithète « De Jonge, Le Jeune », signature qu'il mit au titre de ses principaux ouvrages.

Descartes estimait peu la science de Stampioen. Il devait cependant convenir qu'en faire bon marché n'était pas l'opinion des savants hollandais; et il l'avouait de mauvaise grâce, notamment dans une lettre du 30 janvier 1640 à Mersenne (1) : « Stampioen, lui écrivait-il, est le professeur de mathématiques le plus en vue aux Pays-Bas ».

On peut être bon professeur de mathématiques sans être profond géomètre, et, malgré le mépris auquel le vouait Descartes, Stampioen en est la preuve. Il eut l'honneur d'être le premier maître en mathématiques du grand Huygens. N'eût-il formé que ce seul élève, son nom mériterait de ne pas périr. Mais il compta parmi ses disciples un autre pupille non moins illustre : le jeune prince d'Orange, qui devait être un jour le stadhouder Guillaume II.

La Bibliothèque de l'Université de Gand possède la Trigonométrie de Stampioen (2), et la Bibliothèque Royale de Belgique a son Algebra ofte Nieuwe Stel-Regel (3).

(1) Adam-Tannery, t. III, p. 5.

(2) Tabulae sinvvm, tangentivm et secantivm ad radium 10 000 000, Met 't gebruick der selver in Rechtlinische triangulen, Door Fr. van Schooten, gecorrigeert Ende int cort bij gevoecht, d'ontbindinge der Sphaerischer-Triangulen, met noch eenigen Constige Geometrische ende Polygonaetsche questien Door I. I. Stampioen d'Ionge. Tot Rotterdam by de Weduwe van Matthys Bastiaenz op 't steijger. (1632), (Univ. de Gand).

(3) Algebra Ofte Nieuwe Stel-Regel waer door alles ghevonden werdt inde Wis Konst wat vindtbaer is. Noyt voor desen bekendt. Gevonden ende beschreven Door Johan Stampioen d'Jonghe Mathematicus Residerende in 's Graven-Hage. 's Graven-hage. Gedruckt ter Huyse

Ce sont ses ouvrages les plus importants. Tous deux méritent le même reproche. Stampioen cherche maladroitement à y marcher sur les traces des novateurs en mathématiques celles d'Albert Girard en trigonométrie ; celles

de Descartes en algèbre.

Sa Trigonométrie qui parut en 1632 à Rotterdam, chez la veuve de Mathijs Bastiaens marchand-libraire, se compose de deux parties en deux petits volumes. La première est une simple réédition de l'édition flamande des Tabulae Sinuum de François Van Schooten le père (1), à laquelle

van den Autheur. In Sphaera Mundi. 1639. Je cite cet ouvrage par Algebra.

A la suite de l'exemplaire de la Bibliothèque Royale de Belgique on a relié plusieurs pamphlets écrits par Stampioen pour défendre son Algebra,

1o I. I. Stampioen wis konstigh Ende reden-maetigh bewijs op den Regel. Fol. 25. 26. en 27. van sijn Boeck ghenaemt den Nieuwen StelRegel. 's Graven-hage. Ter Huyse van den Autheur in Sphaera Mundi naest de Remonstransche Kerk. 1640.

2o Copye vanden Brief Ghesonden aende Professoren Matheseos der Universiteyt tot Leyden D. I. Groot ende D. Fr. a Schooten. Signé et daté I. I. Stampioen de Ionghe. Wt 's Graven-Hage, den 8 Febr: 1640.

3o Johan Stampioen de Jonge Wenst den Const-lievende leser Geluck ende voor-spoet.

Cette pièce a une seconde partie, sous un nouveau titre : I. I. Stampioen. Vervolgh Op zijn Reden-Maetigh Bewijs waer mede betoent werd, dat den Regel. Fol. 25. in het Boeck, ghenaemt den Nieuwen Stel-Regel, van sich selven bestandig is.

C'est une addition à sa pièce donnée sous le no 1.

4° Verclaringe Over het Gevoelen by de Ed. H. professoren matheseos der Universiteyt tot Leyden uyt-ghesprochen, nopende den Regel Fol. 25. van I Stampioen ende 't gheene op de naem van een Waessenaer daerteghen is uyt-ghecomen. Weleke dese Verclaeringhe soodanigh ghestelt is dat yeder een daer uyt can oordeelen dat den Regel fol. 25. beschreven van Iohan Stampioen de Ionge, in syn Nieuwen Stel-Regel, seer licht, generael ende de waerheyt conform is, om daer door den Teerling-wortel te trecken uyt tweenamighe ghetallen. 's Graven-Hage, Inde Druckereye van den Autheur, in Sphaera Mundi, Anno 1640.

(1) Tabulae sinvvm, tangentivm, secantivm ad Radivm 10 000 000 Met 't ghebruyck der selve in Rechtlinischen Triangulen, Door Fr. van Schooten Professor Matheseos tot Leyden. Tot Amsterdam, Bij Willem J. Blaeuw inde Sonnewijser 1627. (Univ. de Gand.)

Ce titre est gravé.

Stampioen ajouta quelques Appendices. La seconde est un formulaire de trigonométrie sphérique, Kort Bijvoegsel der sphaerischen Triangulen (1).

Von Braumühl semble croire que Stampioen traduisit les Tabulae Sinuum de Van Schooten et, dans ses Vorlesungen ueber Geschichte der Trigonometrie (2), le savant munichois donne le volume qui nous occupe comme la première édition des Tabulae de Van Schooten publiée en néerlandais. C'est inexact. En 1627 le professeur de Leyde édita ses Tabulae Sinuum simultanément en flamand et en français (3), et cela chez le même imprimeur, Blaeuw d'Amsterdam. L'Université de Gand a les deux éditions.

Dans son premier volume, Stampioen reproduit sans la modifier, l'édition flamande tout entière, mais avec une singularité typographique le texte de Van Schooten est en caractères gothiques, les Appendices que Stampioen y ajoute à la fin sont en romains. Ces Appendices n'ont d'ailleurs aucune importance.

Le second volume ou Kort Bijvoegsel der sphaerischen Triangulen est plus intéressant. C'est un pastiche des Tables des Sinus d'Albert Girard (4), que je viens d'analyser dans MATHESIS (5). A l'encontre de son modèle, dont le pro

(1) Kort By-Voegsel der Sphaerischer Triangulen Door I. I. Stampioenium; Iuniorem ; Mathematicum. Tot Rotterdam, By de Weduwe van Matthijs Bastiaensz, Boeck-verkooper, Op 't Steygher, In Iosephus, 1623. (Univ. de Gand.)

(2) T. I. Leipzig, Teubner, 1900, p. 246.

(3) L'éditeur a gardé le même titre gravé que dans l'édition flamande, sur lequel il s'est contenté de coller un papier imprimé contenant les mots : Avec l'usage d'icelles es triangles plans, par Fr. Van Schooten, Professeur des Mathématiques. Ce papier recouvre la phrase correspondante du titre flamand. L'adresse d'imprimeur a été conservée en flamand. (Univ. de Gand.)

(4) Tables des sinus, tangentes et sécantes selon le raid de 10 000 parties. Avec un traicté succint tant des triangles plans que spheriques. Ou sont plusieurs operations nouvelles, non auparavant mises en lumiere, tres utile et necessaire non seulement aux apprentifs; mais aussi aux plus doctes practiciens des Mathematiques. Par Albert Girard Mathematicien. A La Haye, Chez Iacob Elzevir. L'An M. DC.XXVII. (Univ. de Gand.)

(5) Tom. XL, Bruxelles, Stevens; Paris, Gauthier-Villars, 1926, PP. 337-348; 385-392 et 433-439.

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