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hypothèses précitées, une succession de descentes et de montées périodiquement espacées, mais chaque élément du trajet sera cependant un peu moins élevé que le précédent, et la tendance sera la même.

Aussi beaucoup de penseurs modernes ont-ils affirmé, comme Virgile et les Stoïciens, le retour éternel de l'univers rigoureux et précis dans tous ces détails. Ainsi Schelling, pour qui « il y a autant de mondes isolés et particuliers qu'il y a de sphères à l'intérieur desquelles le Mécanisme Universel retourne sur lui-même » (1). Ainsi Guyau, le philosophe poète qui, dans sa pièce sur l'Analyse spectrale, écrit :

Ce qui passe revient, et ce qui revient passe.
C'est un cercle sans fin que la chaîne des ans.

et termine par cette interrogation :

Mais, ma pensée, es-tu toi-même bien nouvelle ?
N'es-tu point déjà née et morte quelque part?

De même encore Blanqui, amené au cours de sa captivité après la Commune à des réflexions philosophicoscientifiques, affirmant la répétition des mêmes événements à un nombre infini d'exemplaires, non seulement dans le temps, mais encore dans l'espace : « La Terre, la France, Paris, nos personnes existent actuellement, ont toujours existé et existeront toujours en plusieurs endroits à la fois. Ainsi nous serions immortels d'une façon assurément inattendue, sans le savoir et sans jamais nous en douter » (2). Il présentait cette théorie comme «< une simple déduction de l'analyse spectrale et de la cosmogonie de Laplace ».

On retrouve la même idée chez le philosophe Nietzsche,

(1) Schelling, De l'âme du monde, hypothèse pour expliquer l'organisme universel, WERK, t. I, p. 349.

(2) Article de A. Blanqui dans la REVUE SCIENTIFIQUE, 17 février 1872, p. 8.

IVe SÉRIE. T. XI.

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les poètes Heine et Maeterlinck, ainsi que chez le vulgarisateur G. Lebon (1). C'est dans Nietzsche que la forme est le plus saisissante. Au cours d'une promenade en Engadine, dit-il, « je fis halte près d'un roc puissant qui se dressait en pyramide. C'est là que l'idée vient à moi »... Et cette idée, c'est que « dans tel nombre de jours, imprévisible, immense, mais limité, un homme en tout semblable à moi, assis à l'ombre de ce roc, retrouvera ici cette même idée. Et cette même idée sera retrouvée par cet homme, non pas seulement une fois, mais un nombre infini de fois, car le mouvement qui ramène les choses est éternel. Donc nous devons écarter toute espérance et penser fermement : nul monde céleste ne recevra les hommes, nul avenir meilleur ne les consolera. Nous sommes les prisonniers de chaque instant. Mais, prenons garde, cette redoutable idée, qui nous interdit l'espérance, exalte et ennoblit chaque minute de nos vies l'instant n'est pas une chose passagère s'il revient éternellement; le moindre est un moment éternel, doué d'une valeur infinie et, si le mot divin a quelque sens, divine »> (2).

Si impressionnantes que soient ces vues, leur réalisation apparaît complètement chimérique si on les rapproche de cette « vérité d'expérience » qu'est le « principe de Carnot », qui nous apparaît comme la plus générale des règles, comme celle qui gouverne tout ce qui se passe, tout ce qui devient. Si, actuellement, l'énergie se dégrade constamment sous nos yeux, comment le monde pourrait-il jamais repasser par l'état actuel, ou même par un état qui en diffère extrêmement peu ? Les auteurs qui ont essayé de mettre sous une forme scientifiquement acceptable le mythe du retour éternel ont généralement situé la «< reconcentration »> «<en des points de l'univers ou

(1) Nietzsche, Le Gai Savoir, aphorisme 342.

(2) Voir l'article de R. Marchal, Le Retour éternel, dans les ARCHIVES. de PhilosophIE, vol. III, cahier 1, Paris, 1925.

dans des périodes de temps fort éloignées de nous. Ils se réfugient ainsi dans l'invérifiable, et même dans l'invraisemblable. Comment, en effet, se produirait cette «< reconcentration »> « Pouvous-nous admettre, fait remarquer M. Meyerson (1), que la chaleur, au lieu de passer d'un corps chaud à un corps froid, prenne le chemin inverse? Hindous et Grecs pouvaient croire qu'en continuant son évolution dans le temps l'univers ramènerait les mêmes phénomènes. Nous sommes forcés au contraire de supposer qu'il renversera sa marche : ce sera alors véritablement le monde retourné du cinématographe mû en sens inverse, le monde où les vibrations de chaleur se concentreront sur les roues et les essieux de la locomotive, où la fumée, formée au loin, rentrera dans la cheminée avec les gaz de combustion, pour y reformer du charbon, où l'être organisé naîtra vieux pour rajeunir avec le temps et rentrer dans l'œuf, où il marchera à reculons et digérera avant d'avoir mangé. Comment se figurer la fin d'une période de « dissipation » et le commencement d'une période de « reconcentration » ?.... L'univers, pour nous, semble se rapprocher indéfiniment d'un état futur, l'état d'équilibre; mais cet état, à supposer qu'il puisse être atteint, nous apparaît comme infiniment et indéfiniment stable. Là où l'énergie sera partout au même niveau, notre imagination se refuse à croire que de nouvelles chutes puissent se créer. »

En réalité, la « grande année » n'est qu'une fiction où se complaît l'esprit humain, malgré les invraisemblances et les impossibilités, comme dans une légende qui lui permet d'oublier quelque peu l'amertume que cause la fuite du temps, fugit irreparabile tempus...

D'autres solutions ont été proposées pour se rapprocher de l'idéal mécaniste. Les unes se rattachent à ce que M. Meyerson appelle « l'explication par l'immense »,

(1) Identité et Réalité, p. 302.

comme la théorie de Boltzmann, où « les ères que nous qualifions d'éternelles (Aeonen) ont une durée comparativement infime ». Selon cette théorie, nous nous retrouvons dans un monde et à une période où la tendance à l'équilibre a lieu dans le sens des temps « croissants », mais il existe sans doute d'autres mondes ou d'autres périodes où les phénomènes vont en sens inverse, et dans l'ensemble, l'univers reste immuable... Il est à peine besoin de remarquer que de telles hypothèses ne font que reculer la difficulté.

D'autres théories s'efforcent de concilier l'irréversibilité « apparente» avec la conception mécaniste de la nature. Telle fut, par exemple, la théorie de Helmholtz, qui faisait intervenir des masses invisibles; elle s'accordait d'ailleurs très mal avec le principe de Carnot et a été complètement abandonnée depuis.

Beaucoup plus féconde a été la théorie cinétique, due à Maxwell, Gibbs et Boltzmann, d'après laquelle la chaleur est un effet direct de l'agitation moléculaire. La température d'un corps est alors considérée comme caractérisant la vitesse moyenne des molécules. Si deux gaz de températures différentes sont mis en contact, les molécules tendent à se mêler, et au bout de quelque temps on a partout la même vitesse moyenne, de sorte que les températures se sont égalisées. C'est du moins, suivant le langage du calcul des probabilités, le résultat le plus probable. Et, comme dit M. Borel (1), « les fluctuations possibles par rapport aux résultats les plus probables sont absolument négligeables ou, en d'autres termes, des fluctuations non négligeables doivent être regardées comme impossibles, tellement elles sont improbables ». Pour nous donner une idée de l'ordre de grandeur de cette improbabilité, M. Borel nous propose la comparaison du miracle des singes dactylographes.

(1) Le hasard, p. 123.

« Concevons, dit-il (1), qu'on ait dressé un million de singes à frapper au hasard sur les touches d'une machine à écrire et que, sous la surveillance de contremaîtres illettrés, ces singes dactylographes travaillent avec ardeur dix heures par jour avec un million de machines à écrire de types variés. Les contremaîtres illettrés rassembleraient les feuilles noircies et les réuniraient en volumes. Et au bout d'un an ces volumes se trouveraient renfermer [par hasard] la copie exacte des livres de toute nature et de toutes langues conservés dans les plus riches bibliothèques du monde. » Ce résultat n'est pas, strictement parlant, impossible; il est hautement improbable, et d'une improbabilité qui doit être considérée comme pratiquement équivalente à l'impossibilité. Eh bien, si on cherche le nombre de chances pour que le brassage normal des molécules fasse apparaître en un point d'une masse gazeuse un centimètre cube qui soit plus chaud ou plus froid qu'un autre, et cela de manière appréciable pour nos thermomètres les plus sensibles (2), on trouve que ce nombre est du même ordre de grandeur que le nombre de chances de réalisation du miracle des singes dactylographes.

Par la considération des chocs de molécules au voisinage des surfaces de contact on explique la transmission de la chaleur par conductibilité cette transmission se fait évidemment moins vite que dans le cas des gaz, dont les molécules se mélangent rapidement ; mais elle aboutit au même résultat, qui est l'équilibre thermique à une température intermédiaire. La théorie cinétique explique

(1) Le hasard, p. 164.

(2) Il peut y avoir, dans l'ensemble d'une masse gazeuse, des inégalités de température provenant d'autres causes : échauffement d'une paroi, refroidissement d'une autre, courants de convection, etc..., causes faciles à mettre en évidence à notre échelle même... Il ne s'agit ici que des inégalités de température provenant uniquement du brassage normal des molécules.

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