Sayfadaki görseller
PDF
ePub

prince-abbé de Stavelot et Malmédy ceux-ci furent imités aussitôt par l'abbesse de Thorn et par le comte d'Aspremont de Lynden, qui accordèrent de bonne grâce, l'une, qu'on levât la carte de sa petite principauté de Thorn, l'autre, qu'on levât celle de son comté de Reckheim, terres toutes deux comme enclavées dans les Pays-Bas. Moins accommodants furent, pour ne nommer que ceux-là, les agents du duc de Bouillon. Souvent les revendications de souveraineté sur les terrains limitrophes étaient questions fort brûlantes telles terres relevaient-elles des Pays-Bas ou bien de l'Empire, ou de Liége, ou de la Hollande ? Un Avis, imprimé en tête de la Carte chorographique, porta finalement que les erreurs, qui se seraient glissées relativement à quelques parties » de la Frontière, ne pourront, dans aucun tems, porter préjudice aux droits ou aux prétentions de Sa Majesté » ni aux droits ou aux prétentions des États Voisins ».

[ocr errors]

Grâce aux interventions personnelles et fréquentes du prince de Lorraine et de Marie-Thérèse elle-même, l'entreprise ne cessa de se poursuivre. Du reste, à Vienne comme à Bruxelles, on nourrissait le désir de voir Ferraris réaliser une œuvre qui surpassât en perfection la Carte de France, carte assez proche de son achèvement et déjà fameuse.

Au travers de ces obstacles, l'activité de Ferraris fut prodigieuse. Une pièce, signée par Ferraris le 2 décembre 1774 (1), et qui confirme une convention signée par lui à Vienne au pied du Trône » le 3 mars précédent, nous montre qu'à la fin de cette année, il avait achevé et livré 120 des 275 feuilles de la Carte du Cabinet, en deux exemplaires, l'un pour Vienne, l'autre pour Bruxelles. Il observe que la chancellerie d'État, à Vienne, venant d'exiger un troisième exemplaire de cette Carte du Cabinet, destiné au Département aulique, il a été convenu

(1) Archives générales du Royaume, endroit cité.

que, le dessin et le parfait achèvement d'une telle carte exigeant un énorme et fort coûteux ouvrage, il se contentera de fournir au chancelier Kaunitz « un exemplaire >> complet des feuilles originales, dites feuilles des plan» chettes, qu'il rendra aussi intelligibles que les cartes qui » ont pour elles l'agrément du dessin », mais il ne livrera ces feuilles au chancelier qu'après le complet achèvement de la carte destinée au public, ces feuilles des planchettes devant servir à la vérification de tous les détails sur la carte gravée.

A ce propos, disons que la planchette fournissait, à chaque opération, le levé, au 11 520me, d'un terrain d'une lieue carrée. L'ensemble des Pays-Bas autrichiens, y compris les enclaves étrangères et les terres limitrophes, couvrait 4 250 lieues carrées et exigea donc le lever de 4 250 feuilles des planchettes (1).

Les opérations géodésiques furent achevées vers la fin de 1774, sauf pour certaines régions spéciales. Il restait sans doute à compléter ces travaux trigonométriques par de nombreux levés à la planchette. Si la triangulation géodésique offre prise à la critique, on notera, avec le général Nerenburger, que l'invention du cercle. répétiteur par Borda, faite en 1778, ne permit que plus tard aux méthodes d'observation d'atteindre cette merveilleuse exactitude qui ouvrit pour la géodésie une ère nouvelle, datée des beaux travaux (1792-1800) de Delambre et Méchain. Du reste, pour la partie occidentale du pays, les triangulations faites par Cassini, vingt-cinq ans auparavant, n'avaient fourni à Ferraris qu'un certain nombre de points de repère. La triangulation de

(1) Il s'agit de la lieue carrée française, ou du carré de 2 000 toises (ou 3km.898) de côté. La Carte du Cabinet se composait de 275 feuilles, chacune représentant un terrain de 5 1/3 lieues de longueur sur 3 1/3 de largeur, fourni par 17 7/9 feuilles des planchettes. La carte gravée, au 86 400me, s'obtenait par une réduction de l'échelle, ou, comme on disait, du point, des feuilles des planchettes.

Snellius, au début du siècle précédent, la première qui ait été faite sur le continent, n'avait poussé dans le nord de la Belgique que quelques triangles. A l'est de la Sambre et de la Meuse, comme aussi sur le plateau central circonscrit par Louvain, Tirlemont, Hannut, Gembloux, Nivelles et Bruxelles, Ferraris s'était contenté d'assemblages à la planchette, bien insuffisants lorsqu'il s'agit de vastes régions et surtout de provinces entières. Quoi qu'il en fût, la carte de Ferraris, au 86 400me, resta pendant près de trois quarts de siècle la seule représentation topographique de valeur de nos contrées (1).

De 1775 à 1777, Ferraris s'employa à poursuivre le dessin de la grande Carte du Cabinet, en deux exemplaires, et surtout à faire graver la « Petite Carte ». On appelait «< Petite Carte» la carte gravée, destinée au public, bien que les 25 feuilles de cette carte au 86 400me, juxtaposées et dressées contre une muraille, forment un rectangle de près de 4 mètres de longueur sur 3 mètres de hauteur; la Carte du Cabinet, au 11 520me, en 275 très grandes feuilles, offre une surface 56 fois 1/4 plus étendue. Le papier avait été commandé par Ferraris dans les usines de notre pays même, longtemps à l'avance, l'impression de la gravure étant meilleure, disait-il, sur du papier un peu vieilli; le coût de ce papier, tant

(1) Au sujet de la valeur scientifique de la carte de Ferraris, voyez le Mémoire cité de Nerenburger, directeur du Dépôt de lạ guerre, à Bruxelles, de 1845 à 1869, Sur les triangulations qui ont eu lieu en Belgique avant 1830, pp. 436-441, et Hennequin, Étude citée. Voyez aussi la Notice sur G.-A. Nerenburger par Liagre, dans L'ANNUAIRE DE L'ACAD. ROY., 1871, pp. 369-389, notamment p. 373. Houzeau à qui nous empruntons en partie cette critique de la carte (Notice sur Ph. Van der Maelen, p. 120), observe que Van der Maelen lui-même, en 1831, trouva que le premier service à rendre à la cartographie belge, en attendant que la triangulation de nos provinces se complétât, était de rééditer, telle qu'elle avait paru soixante ans auparavant, la carte de Ferraris, devenue d'une excessive rareté. Cette réédition (1831-1832), faite par la gravure sur pierre, fut l'une des premières œuvres sorties de son célèbre Établissement géographique.

pour le dessin que pour la gravure, s'éleva jusqu'en 1778 à près de 10 000 florins courants de Brabant (ce florin valait 1 fr.,81). Ferraris avait monté à Malines un atelier de gravure, où il employait douze à vingt graveurs, et il avait établi à Bruxelles une imprimerie; parmi les graveurs de mérite, qu'il avait appelés de l'étranger, nommons Antoine Tardieu, qu'il fit venir dès 1773, jeune encore, mais appartenant à une famille d'artistes. La gravure de la carte demanda cinq ans de travail et coûta 35 000 florins.

La carte chorographique ou carte marchande, au 86 400me, fut achevée en 1777. On la composa, non de 17 feuilles, mais de 25 feuilles, afin que l'ensemble fût rectangulaire; la plupart sont de 56 centimètres de hauteur sur 90 centimètres de largeur. Le blanc laissé par la partie géographique est occupé, à l'angle sudouest, par un très beau plan de Bruxelles et ses environs, qui forme une feuille à lui seul (56 cm. sur 90 cm.), et, en ce même angle, par divers superbes cartouches. L'un de ces cartouches, qui forme aussi une feuille entière, sert de frontispice à l'atlas constitué par les vingtcinq feuilles c'est un dessin dû à Eisen et gravé par l'artiste parisien J.-B. Patas, où nous est mise sous les yeux la solennelle présentation, à la date du « 10 dé>> cembre 1777 », de la carte chorographique à l'empereur Joseph II par le général Ferraris, accompagné de cinq jeunes officiers, ses aides durant les sept années de labeurs les trois principaux sont les capitaines Cogeur et Gillis et le lieutenant Wirtz, qui conduisirent le long travail; le riche et pittoresque tableau s'encadre de sujets allégoriques, savamment étudiés, mais extrêmement gracieux et très vivants, et le fond nous déroule une scène de stratégie. La carte, composée des vingtcinq feuilles, fut mise en vente en avril 1778: le prix fut de quatre louis d'or, l'exemplaire en noir, et de cinq louis et demi, l'exemplaire colorié (le louis d'or valait 23 fr.,70).

De nombreux exemplaires furent distribués en service, c'est-à-dire aux frais des administrations, à divers fonctionnaires.

La dépense totale de l'entreprise de Ferraris s'éleva, selon son appréciation, à 272 000 florins de Brabant. Si, pour tenir compte de la valeur relative de l'argent, on évalue le florin d'alors à quatre francs de notre monnaie, prise suivant son cours d'avant 1914, on peut dire que les labeurs et dépenses entraînés par cette entreprise coûteraient à nos contemporains, s'ils les renouvelaient, une somme (en francs d'avant la guerre allemande) de plus d'un million de francs. Les deux tiers de la dépense furent couverts par le gouvernement, d'après les ordres de Marie-Thérèse, ou plus exactement par la <«< caisse des finances belges » (1).

(1) On espérait que la vente des cartes gravées couvrirait le surcroît des débours de Ferraris ; mais cette vente fut loin d'être pour Ferraris, à qui les cuivres appartenaient, une opération lucrative. Voy. Hennequin, ouvr. cité, pp. 214-215 et 275. L'archiviste général Gachard récapitule ainsi, en sa Notice citée (p. 30), les sommes payées en diverses fois à Ferraris: Il avait reçu en 1771 et 1772, 16 800 florins de Brabant ; en 1774, 28 000 florins ; en 1778, 24 000 florins; il reçut en 1779, 40 000 florins; on y ajoute les frais de logement des sujets du corps d'artillerie, qui furent employés aux opérations trigonométriques de 1771 à 1774, frais qui atteignirent 25 439 florins. « On trouve, conclut-il, que le trésor des Pays-Bas >> Autrichiens contribua, dans les frais, pour 134 239 florins de Brabant. » Or, dès 1778, Ferraris estimait que la dépense totale s'élèverait à 272 000 florins; et quant aux cuivres de la carte gravée, qui lui étaient laissés en propriété, il évaluait, dans son Mémoire de 1769 au prince de Lorraine, que « l'on pourrait tout au plus »> espérer d'imprimer 1500 exemplaires avec une planche gravée ». Il ne semble pas que l'ensemble des tirages ait fort dépassé ce nombre d'exemplaires. Ferraris dut donc éprouver, du chef de l'exécution et de la publication de sa carte, de fortes pertes d'argent. Ce préjudice et aussi la perte qu'il fit plus tard de ses considérables propriétés en Lorraine et en Belgique, furent compensées par l'empereur François Ier, en 1795, qui lui donna (d'après von Wurzbach, Biographisches Lexikon, t. IV, 1858) l'usufruit, transmisible à sa fille, du domaine de Saint-Hubert, dans le comté de Toronthal, en Hongrie.

« ÖncekiDevam »