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Celui qui espérerait enseigner la géométrie en donnant des leçons de latin ou qui, en dessinant, croirait apprendre à jouer du piano, serait jugé bon à mettre dans une maison de fous. Il ne serait pas plus déraisonnable cependant que ceux qui comptent produire des sentiments meilleurs au moyen d'une discipline des facultés intellectuelles.

Les partisans de l'instruction triomphent quand ils constatent, par des statistiques, que le nombre des criminels illettrès est le plus considérable. Il ne leur vient pas à l'esprit de se demander si d'autres statistiques, établies d'après le même système, ne prouveraient pas, d'une manière toute aussi concluante,que le crime est causé par l'absence de linge, la malpropreté de la peau, l'habitation dans des ruelles etc. M. Spencer confirme absolument les idées que nous avons émises ailleurs sur l'éducation primaire (1).

» Il faut, dit-il, ne pas surcharger les enfants de travail au détriment de leur santé.

>> Il faut commencer à leur enseigner les faits particuliers avant les principes, passer du concret à l'abstrait.

» La genèse de la science dans l'individu doit suivre la même marche que dans la race.

» Il faut favoriser avant tout le développement spontané auquel s'oppose l'habitude d'apprendre par cœur.

» Il faut enfin que l'instruction soit agréable à l'enfant. » N'est-ce pas une chose inconcevable bien que, que la vie et la mort de nos enfants, leur perte ou leur avantage moral dépendent de la façon dont nous les élevons, on n'ait jamais donné dans nos écoles la moindre instruction sur ces matières à des enfants qui, demain, seront pères de famille? N'est-ce pas une chose monstrueuse, que le sort d'une nouvelle génération soit abandonné à l'influence d'habitudes irréfléchies, à l'instigation des ignorants, aux caprices des parents, aux suggestions des nourrices, aux conseils des grand' mamans? Si un négociant entrait dans

(1) Annales de la Société scientifique. 1o année, séance du 26 avril 1876.

le commerce sans connaître le moins du monde l'arithmétique et la tenue des livres, nous nous récrierions sur sa sottise, nous en prévoirions les désastreuses conséquences. Si, avant d'avoir étudié l'anatomie, un homme prenait en main le bistouri du chirurgien, nous éprouverions de la surprise de son audace et de la compassion pour ses malades; mais, que des parents entreprennent la tâche difficile d'élever des enfants, sans jamais avoir songé à se demander quels sont les principes de l'éducation physique, morale, intellectuelle qui doivent leur servir de guides, cela ne nous inspire ni étonnement à l'égard des pères, ni pitié à l'égard des enfants, leurs victimes (1)! >>

M. Spencer fait trop bon marché de la tradition religieuse, qui constitue heureusement une base solide et nécessaire de l'éducation morale.

Cependant, il faut le reconnaître, l'éducation religieuse, qui dicte des lois à la conscience n'exerce pas toujours suffisamment la volonté. Autre chose est d'enseigner à l'homme les lois de la morale, autre chose de lui donner la force de s'y conformer. L'on ne voit que trop souvent des enfants nourris d'excellents principes, se perdre moralement et physiquement, dès qu'ils sont abandonnés à euxmêmes, tandis que d'autres, moins favorisés peut-être sous le rapport des principes, mais soumis dès l'enfance à une éducation physique sévère, prennent la vie au sérieux et fournissent une carrière utile.

L'homme est soumis plus qu'il ne s'en doute aux lois de l'organisation et de l'évolution animale. Par des exercices. intelligents répétés, on peut plier l'organisme humain de très bonne heure à des habitudes salutaires qui préservent plus tard du vice et de la maladie et rendent aisés, par le seul fait de l'habitude acquise à l'âge de l'inconscience, les triomphes de la volonté sur l'instinct (2).

(1) L'éducation physique, intellectuelle et morale, passim.

(2) Voir les données récentes de la physiologie sur la transformation insensible des mouvements volontaires en mouvements réflexes.

Les éleveurs ont des principes et des secrets pour transformer les animaux et dresser leur organisme à des habitudes nouvelles qui les portent souvent à accomplir des actes supérieurs et même contraires à leurs instincts naturels. Ainsi l'on dresse les chiens à chasser et à s'exposer pour l'homme au point de perdre l'instinct de la conservation. Pourquoi n'obtiendrait-on pas de l'enfant, par un dressage analogue, quelque chose de ce que l'on obtient de l'animal? Il y a dans l'homme, comme l'a fort bien fait observer Xavier de Maistre, deux êtres parfaitement distincts et capables d'impulsions contraires : l'animal et le moi. Or, on peut dresser l'animal à ne pas tout rapporter au moi, à se soumettre aveuglément aux ordres de la volonté. Pour cela il suffit d'habituer l'enfant, dès l'âge le plus tendre, à compter avec les autres, à modérer ses appétits et à obéir aveuglėment aux commandements du maître.

Il ne suffit pas de constater avec M. Spencer « qu'il est temps que les bienfaits apportés à nos moutons et à nos bœufs par les découvertes faites dans les laboratoires soient partagés par nos enfants. » Mais il importe surtout, à notre avis, que les principes de dressage qui assurent aux éleveurs de si merveilleux triomphes sur l'instinct dans l'éducation des chiens et des chevaux, ne restent pas plus longtemps inconnus de ceux qui élèvent nos enfants, c'està-dire qui dirigent l'éducation de l'homme pendant la période de l'inconscience. Les lois biologiques qui s'appliquent aux animaux sont, en effet, valables aussi pour les hommes.

Cependant il existe entre l'homme et l'animal une différence radicale dont il importe de tenir compte dans l'éducation, et qui échappe aux positivistes, trop exclusivement préoccupés des analogies matérielles qui existent entre le corps de l'homme et celui de la bête.

Tandis que l'instinct conduit l'animal à ses fins par les voies les plus sûres et les plus variées, il conspire à la perte de l'humanité, s'il n'est éclairé par la raison et com

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battu sans cesse par la volonté. La théorie de l'homme de la nature de Jean-Jacques, est une erreur monstrueuse condamnée par l'observation. La vérité est que l'homme naît avec des instincts pervertis qui demandent à être artificiellement redressés. Mystère inexplicable, à moins que l'on n'admette le dogme du péché originel; car cette opposition ne pourrait exister si l'intelligence n'était qu'un produit de l'évolution de l'instinct, de la sélection progressive des facultés.

Nous ne pouvons admettre la manière de voir de M. Spencer, lorsque, guidé par l'esprit de système, il affirme la nécessité d'abandonner le plus possible à la nature et à l'évolution spontanée, l'éducation physique, intellectuelle et morale.

S'il fallait, comme il le prétend, laisser subir aux enfants et aux jeunes gens les conséquences de leurs actes pour les instruire, la plupart seraient mis hors de combat avant d'avoir atteint l'âge de la lutte.

Par exemple, il serait dangereux de se fier, comme il le recommande, à l'appétit des enfants qui est, selon lui, un guide sûr chez eux comme chez les animaux. Nous croyons au contraire qu'il importe de réprimer la gloutonnerie naturelle de l'enfant, et de l'habituer de très bonne heure à modérer ses appétits, sous peine de lui voir contracter des habitudes d'intempérance, source malheureusement trop commune des désordres physiques et moraux de l'humanité. S'il n'est pas dressé dès l'enfance à vaincre ses instincts à la voix de son maître, l'homme ne se trouvera pas à même de les maîtriser plus tard à la voix de la raison.

Bref, nous croyons que, s'il importe d'étudier les ressources de la bête pour améliorer l'homme, il ne faut pas assimiler à l'éducation de l'animal l'éducation de l'enfant qui naît avec des instincts viciés transmis par l'hérédité.

Ensuite, au lieu de réagir contre ce que M. Spencer appelle la tendance de l'ascétisme, nous estimons qu'il est

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nécessaire d'imprimer fortement l'idée religieuse dans les esprits dès l'origine. Rappelons à ce propos une pensée fort juste d'un philosophe contemporain : « la volonté est le gouvernail, mais le pilote est la conviction (1). » Il est donc aussi nécessaire, pour former un homme complet, de développer la volonté par le dressage, l'intelligence et le sentiment par l'éducation, que de former la conviction par l'enseignement religieux.

Spencer, en condamnant l'éducation chrétienne, ne donne aucune indication sur l'éducation religieuse qui pourrait la remplacer, c'est-à-dire qu'il oublie de trancher le point. capital d'une étude sur l'éducation. Spencer combat l'idée chrétienne « qui, en portant l'homme à un altruisme exagéré, entrave l'opération éliminatrice et progressive de la sélection naturelle, puisqu'elle favorise la conservation des faibles aux dépens des forts. » Mais il reconnaît contrairement à l'opinion de Huxley l'impuissance de la morale de l'intérêt.

L'expérience de la vie, dit-il, n'empêche pas les hommes les plus instruits de se déterminer le plus souvent par des motifs de sentiment opposés à leurs intérêts particuliers et, bien que les dogmes se transforment, le sentiment religieux est impérissable (2).

Il est précieux d'enregistrer cet aveu, car Spencer a beau s'en défendre, sa morale ne diffère pas au fond de la morale utilitaire des autres positivistes. Quels que soient les bienfaits de l'Évolution, ils ne parviendront jamais à substituer la morale de la sélection naturelle à la morale du Christ. Supprimer au nom du positivisme les enseignements positifs de la religion, c'est enlever à la conscience de l'homme les motifs suffisants pour triompher de son égoïsme et pour sacrifier son existence ou son bien-être à la jouissance et aux besoins des autres; sans la religion, l'instinct de la

(1) Caro. Le matérialisme contemporain.

(2) Introduction à la sociologie, Des préjugés d'éducation.

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