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aussi, il disposait un appareil pour comparer les vitesses avec lesquelles la lumière se transmet dans l'air et dans l'eau, et, par une expérience de maître, tranchait en faveur de Fresnel la longue controverse sur la prééminence du système de l'émission ou du système des ondulations pour expliquer les phénomènes lumineux. Un an plus tard, en 1851, la réputation de Foucault sort des cercles scientifiques pour se répandre dans les masses. La magnifique expérience du pendule, effectuée au Panthéon, apporte à l'hypothèse du mouvement de la terre, non une confirmation dont elle n'avait plus besoin, mais un aspect sensible et saisissable pour tout le monde. L'année suivante, par sa dẻcouverte du gyroscope, la plus belle peut-être des créations de Léon Foucault,il fournit une nouvelle preuve palpable de la rotation terrestre, en même temps qu'il met en lumière les beaux phénomènes, si peu étudiés jusque-là, qui sont propres aux masses tournant avec une grande vitesse autour de leur axe de' symétrie; il fait ainsi jaillir de tous côtés des expériences neuves et instructives, dont l'influence sur l'emploi des projectiles tournants dans l'artillerie rayée ne saurait être mise en doute. Enfin, en 1853, il écrit sa belle thèse pour le doctorat ès sciences physiques, dans laquelle il développe sa méthode pour la mesure de la vitesse de la lumière, et prépare l'usage qu'il en devait faire plus tard pour la détermination absolue de cette vitesse et de la parallaxe du soleil. C'est encore dans cette période qu'il se livre à d'ingénieuses recherches sur l'électricité et que, appréciant le rôle considérable que la théorie mécanique de la chaleur allait jouer dans la science, il médite une des plus belles expériences par lesquelles cette théorie ait affirmé sa réalité.

En 1854, l'empereur Napoléon III, qui le tenait en haute estime, créa pour lui la place de physicien attaché à l'Observatoire de Paris. Il était difficile de trouver un meilleur emploi de ses remarquables qualités sous l'initiative infatigable et un peu impérieuse du grand astronome qui

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dirigeait alors cet établissement, Foucault allait mettre son génie inventif à perfectionner les instruments nécessaires aux observations astronomiques. L'Observatoire avait acquis en 1855 deux disques de cristal fondus dans les ateliers de Chance à Birmingham; ils étaient destinés à la confection du plus grand objectif que l'on eût encore dirigé vers le ciel. Chargé par Le Verrier de tirer le meilleur parti possible de ces verres d'un grand prix et ne voulant rien donner au hasard, Foucault se fait ouvrier, s'initie à tous les détails de la préparation des verres optiques, et acquiert en peu de temps une habileté exceptionnelle dans cet art difficile. C'est pour lui le point de départ d'une série d'inventions ingénieuses, touchant d'un côté aux détails les plus vulgaires de la fabrication des lentilles, de l'autre aux théories les plus délicates de la physique transcendante : méthodes sûres pour l'exploration des surfaces réfléchissantes, pour la vérification des qualités des lentilles; procédés de retouches rationnelles pour amener successivement à la dernière perfection les miroirs de télescopes; détermination rigoureuse du pouvoir optique vrai de ces miroirs; substitution des télescopes en verre argenté aux lourds miroirs métalliques d'Herschel et de lord Ross; microscopes catadioptriques; application de la couche d'argent aux objectifs de lunettes pour l'observation de la surface du soleil; procédés nouveaux, encore cachés aujourd'hui, pour obtenir des objectifs achromatiques parfaits; invention d'un nouvel héliostat et d'un sidérostat ; nouvelles et profondes études sur les moyens de rendre parfaitement uniforme le mouvement des machines parallactiques que l'on adapte aux lunettes pour suivre les astres dans leur rotation diurne; enfin, recherches étendues et variées sur les appareils régulateurs de vitesse, recherches dans lesquelles il déploya une richesse de conception, une ténacité au travail, un art pour tourner les difficultés que chaque moteur spécial lui créait à plaisir, que l'on ne saurait trop admirer. Une telle abondance de travaux distingués justifiait les

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plus hautes récompenses. Officier de la Légion d'honneur et membre du Bureau des longitudes depuis 1862, honorẻ par la Société Royale de Londres de cette médaille de Copley, réservée aux découvertes éminentes, Léon Foucault vit en peu de temps cette même Société, l'Académie de Berlin et les principaux corps savants de l'Europe lui ouvrir leurs portes. On a pu s'étonner que celles de l'Institut lui soient restées si longtemps fermées : son échec, en 1857, s'explique pourtant par la nature même de son mérite. La science très réelle qu'il possédait était en dehors des traditions classiques; son instruction était restée incomplète sur plusieurs points, et généralement il ne s'enquérait des théories mathématiques que lorsqu'il en éprouvait le besoin pour justifier ses inventions. Suppléant souvent aux enseignements réguliers de la science à force de pénétration et de rectitude d'esprit, il éprouvait peutêtre un certain dédain, qu'il ne dissimulait pas toujours, pour les longues et abstraites théories que son intelligence impatiente ne parvenait pas à s'assimiler tout de suite. Son langage se ressentait de cette disposition; ses écrits en portent manifestement la trace; objet d'une admiration enthousiaste pour quelques-uns, il apparaissait à d'autres un peu comme un irrégulier de la science. Quoi qu'il en soit, l'importance et la solidité de ses travaux eurent raison de tous les obstacles, et en 1866 il succéda à Clapeyron.

L'illustre physicien ne jouit pas longtemps de ce triomphe. Poursuivant avec une hâte fièvreuse, malgrẻ la fatigue dont il se sentait envahir, la solution de ce problème des régulateurs qui chaque jour lui présentait une face et des aspérités nouvelles, il voulait en finir avec lui pour revenir à ses travaux de haute physique : « J'ai devant moi pour vingt ans de recherches, disait-il. » Installé dans un joli pavillon de la rue d'Assas, dont il comptait faire le centre de ses méditations fécondes, il y disposait tout pour des études calmes et suivies, alternées par d'aimables causeries, ornant cette retraite avec une certaine

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recherche de confort, évitant le bruit, la lumière, l'agitation, comme si un secret instinct l'eût averti de ménager des forces qui commençaient à trahir son ardeur.

L'Exposition de 1867 arriva, et avec elle des travaux, des préoccupations, des fatigues démesurées qui achevèrent de ruiner.cette organisation toujours délicate et toujours surmenée. Il avait à installer, sur une machine destinée à mettre en mouvement les outils de la section américaine, son dernier modèle de régulateur, et là il rencontrait une difficulté grave, presque sans exemple dans la pratique industrielle. Cette machine servait de moteur à la fois à un métier à tisser, et à de puissants appareils à travailler le bois qui absorbaient à des intervalles irréguliers une énorme quantité de travail mécanique. On comprend la quasi-impossibilité de donner au premier de ces engins la régularité délicate qu'il réclame, alors que le second apportait incessamment dans la distribution de la force un trouble considérable. L'angoisse de Foucault était extrême: «Chaque matin, conte M. Lissajous, dès l'ouverture des portes, il était à la section américaine, surveillant la marche de son régulateur, et quand il s'éloignait pour prendre part aux opérations du jury, il était encore en esprit auprès de sa machine, prêt à parer à tout événement, tremblant de voir quelque circonstance imprévue donner prise à ses rivaux. » Il sortit triomphant de cette lutte, mais l'organisme était brisé.

« Le 10 juillet 1867, les symptômes de la paralysie s'annonçaient chez lui par un engourdissement de la main qui l'empêchait de signer son nom. Dès la première heure il se sentit perdu ses études médicales avaient été trop complètes pour qu'il pût se faire illusion. Bientôt la langue s'embarrassa, puis la vue fut atteinte : tout ce qui pouvait aider à la manifestation extérieure de la pensée lui faisait défaut, alors que son intelligence restait presque intacte. Cette intelligence merveilleuse, il l'employait à suivre les progrès de son mal, à en analyser les symptômes, et quand

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il s'efforçait de peindre ses souffrances à l'aide de ces mots incohérents qui s'échappaient de sa bouche par un violent effort, c'était en termes d'une précision saisissante qui accusaient la netteté persistante de ses idées. Cette justesse d'expression qui était une de ses préoccupations constantes, il aimait à la retrouver chez les autres, et quand un de ses amis venait à traduire fidèlement sa pensée, sa figure s'illuminait un instant. « C'est ça, disait-il, c'est ça, » puis il retombait dans ses sombres préoccupations, le désespoir l'envahissait de nouveau, et alors ses yeux privés de lumière se remplissaient de larmes, ses mains tremblantes s'étendaient dans l'obscurité comme pour implorer. « Mon Dieu! Dieu! Dieu! s'écriait-il, qu'ai-je fait? » Affreux supplice pour lui et aussi pour sa mère, ses parents et ses amis qui eurent six mois durant ce douloureux spectacle! Enfin, il succomba; le 11 février 1868, Dieu mettait un terme à ce long martyre. »

Léon Foucault eut du moins le bonheur de mourir en chrétien, et de retrouver, pour consoler les heures de sa cruelle agonie, cette foi amie de son enfance que les luttes de la vie et le contact d'un monde sceptique avaient peutêtre plus voilée qu'éteinte. Voici en effet ce qu'écrivait, dans Les Mondes des 20 et 27 février 1868, un de ses chauds admirateurs et amis, le respectable abbé Moigno:

« ... Nous sommes heureux de pouvoir dire que la cruelle maladie qui l'a frappé ne l'a pas mis dans l'impossibilité de remplir ses devoirs de chrétien, et qu'un vẻnėrable dominicain qui avait toute la confiance de sa mère, si pieuse et si dévouée, a été grandement édifié de ses sentiments de retour et de résignation >> ... << Nous avons parlé, dans notre dernière livraison, de l'heureux retour à la foi de celui que nous avions tant admiré et défendu. Disons aujourd'hui que ce retour a été le résultat d'un travail lent et plusieurs fois repris. Son intelligence gênée, mais saine, a dû s'appliquer successivement aux idées de création, de médiation, de rédemption, de pardon et d'absolu

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