Sayfadaki görseller
PDF
ePub
[graphic]

M. Bréguet l'avait bien résolu en construisant un mécanisme qui imprimait au miroir une rotation de 1500 tours, par seconde ! Il fallait en outre que l'observateur saisît au vol l'image instantanée d'une étincelle brillante réfléchie sur le miroir tournant avec cette énorme vitesse; or, comme le dit M. Bertrand, « un observateur attentif et assidu pouvait, suivant un calcul de M. Babinet, nourrir l'espoir fondé d'apercevoir le rayon une fois en trois ans, dans les conditions d'une bonne expérience. » Aussi considérait-on assez généralement le projet d'Arago comme une ingénieuse et brillante chimère.

C'était cependant cette expérience irréalisable dont Foucault annonçait l'heureux succès à l'Académie des sciences le 6 mai 1850 (1), en décrivant l'habile combinaison à l'aide de laquelle il avait échappé à la difficulté qui arrêtait Arago, et en proclamant la victoire définitive du système des ondulations lumineuses. Ce beau travail forme le sujet de la thèse que L. Foucault soutint le 25 avril 1853 pour le doctorat és sciences physiques, sous le titre : Sur les vitesses relatives de la lumière dans l'air et dans l'eau (2), et c'est dans ce mémoire développé que je vais puiser les détails nécessaires sur la méthode, les appareils et les expériences de l'illustre physicien.

Comme la méthode de Foucault se prêtait à une détermination de la vitesse absolue de la lumière dans un milieu transparent donné, il était assez naturel qu'il résumât au début de son étude les diverses méthodes dont on s'était servi auparavant pour cet objet. La première et la plus anciennement connue est celle de Roemer, fondée sur les observations des satellites de Jupiter; laissons Foucault l'exposer lui-même :

« Le phénomène sensible qui dut révéler pour la première fois la vitesse de la lumière, se passe dans les limites de notre système planétaire; il a été observé et expliqué

(1) Recueil, etc., p. 173.

(2) Recueil, p. 185.

par Roemer dans le courant des années 1675 et 1676; il consiste, comme on sait, dans l'inégalité apparente des retours successifs des éclipses des satellites qui accompagnent Jupiter. Le premier de ces satellites surtout, à cause de son petit volume, de la rapidité de sa marche et de sa proximité de la planète, offre à l'observation le spectacle d'immersions dans l'ombre et d'émersions très nettes et faciles à saisir. C'est un flambeau qui s'allume et qui s'éteint à des intervalles de temps réellement égaux, et que l'on observe à des distances variables. Entre l'opposition et la conjonction, la distance de la terre à Jupiter augmente de toute la valeur du diamètre de l'orbite terrestre. Pendant cette période, les émersions seules sont visibles et semblent de plus en plus tardives, par rapport aux instants équidistants où elles devraient paraître quand on les déduit du nombre d'éclipses qui arrivent pendant l'année entière. Entre la conjonction et l'opposition, la distance entre les deux planètes se réduit d'un diamètre de l'orbite terrestre, et pendant cette seconde période, on ne peut voir que les émersions, qui se précipitent de manière à rétablir une compensation exacte. La somme des retards pendant la période d'éloignement est égale à la somme des avances pendant la période de rapprochement, et chacune d'elles donne le temps qu'emploie la lumière à franchir le diamètre de notre propre orbite. Ce temps, mesuré directement aux instruments chronométriques, s'est trouvé égal à 16m, 268; ce qui donne, en tenant compte de l'espace parcouru par la lumière, une vitesse de 79 752 lieues de 4 000 mètres par seconde (1) ».

L'astronomie fournit une deuxième méthode pour évaluer la vitesse avec laquelle la lumière franchit les espaces célestes; elle repose sur le phénomène de l'aberration. On désigne par ce nom un fort petit déplacement apparent des

(1) L'approximation obtenue par Roemer était beaucoup plus grossière ; c'est à Delambre que l'on doit le premier calcul assez exact, d'après cette méthode, de la vitesse de transmission de la lumière.

[graphic]

étoiles situées en avant du plan mené par l'observateur perpendiculairement à la vitesse de translation de la terre, déplacement qui les rapproche du point de l'espace vers lequel se dirige la terre au moment de l'observation. Bradley, qui découvrit ce phénomène, en saisit la cause. Nous jugeons de la position d'une étoile par la direction, relativement à nous, du rayon lumineux qu'elle nous envoie, et cette direction dépend à la fois de la vitesse absolue avec laquelle le rayon parcourt l'espace et du mouvement par lequel la terre nous emporte autour du soleil. Il y a là une illusion analogue à celle qui se produit quand, la pluie tombant verticalement, nous sommes emportés rapidement par une voiture ouverte sur le devant et nous jugeons, par la direction des gouttes d'eau qui viennent à nous sous la capote, que la pluie est chassée obliquement. Un calcul assez simple montre que la valeur de l'aberration est à peu près celle du rapport de la vitesse terrestre à la vitesse de la lumière; comme la première nous est donnée par les lois astronomiques, nous pouvons évaluer la seconde, c'est-à-dire la vitesse de la lumière dans l'air atmosphérique. Ce calcul conduit à un résultat qui s'accorde, à 1/200 près, avec celui qui se tire de l'occultation des satellites de Jupiter.

Les deux méthodes que je viens d'indiquer présentaient ce caractère commun et dont l'importance ressortira plus loin, de faire intervenir l'une et l'autre dans le calcul les dimensions de l'orbite que la terre décrit autour du soleil. Était-il à espérer, vu l'énorme vitesse indiquée par ces calculs, que des expériences faites sur les distances relativement si petites que comporte le globe terrestre, missent en évidence le temps presque insensible que la lumière met à les parcourir? Arago l'avait pensé, ai-je dit plus haut, et M. Fizeau, par une voie bien ingénieuse, avait essayé en 1849 de résoudre le même problème. Décrivons le principe de cette méthode, dont un habile observateur a fait sortir récemment la détermination la plus probable que nous possédions aujourd'hui.

Représentons-nous deux lunettes placées en face l'une de l'autre, à une distance de quelques kilomètres, de telle manière que l'objectif de chacune d'elles forme à son foyer l'image de l'objectif de l'autre. Une source lumineuse très vive, placée près de la lunette A, vient former par ses rayons réfléchis sur une glace transparente une image étincelante au foyer de la lunette, et cela de manière que l'axe du faisceau émanant de ce point coïncide avec l'axe optique de celle-ci. Ce faisceau traverse l'objectif de la lunette A, va se porter sur celui de la lunette B, le traverse, et par suite de la disposition respective des deux réfracteurs, va se concentrer au foyer de B, où un miroir le renvoie sur le chemin qu'il vient de parcourir vers la lunette A. Là, il vient former au foyer une petite étoile brillante, un écho lumineux, suivant l'heureuse expression de M. Cornu, que l'opérateur placé derrière cette lunette observerait sans interruption au moyen d'un oculaire, si rien d'autre n'intervenait. Une roue dentée est disposée de façon que, pendant sa rotation, ses dents viennent toutes successivement passer au foyer de la lunette A, et, suivant qu'elles y apportent un plein ou un vide, arrêter ou laisser passer le faisceau lumineux, soit à l'aller, soit au retour. Tant que le mouvement de la roue dentée est peu rapide, la vitesse de la lumière est si énorme que le rayon qui a passé entre deux dents a le temps d'aller se réfléchir à la station opposée et de revenir au point de départ, en passant entre les mêmes dents, frapper l'œil de l'opérateur; et comme la succession des impressions produites sur l'œil par ces chocs lumineux est très rapide, il en résulte une sensation persistante; l'observateur voit la petite étoile au foyer à peu près comme si le disque n'existait pas. Mais si l'on accélère la rotation du disque, elle atteint bientôt une valeur telle que le rayon qui, au départ, a passé librement entre deux dents de la roue, trouve à son retour une dent qui l'arrête, et si les entredents sont bien exactement égaux en largeur aux dents elles-mêmes, ce fait, se reproduisant

[graphic]

pour toutes les dents qui viennent successivement passer devant l'observateur, amène l'extinction complète du point lumineux. Concevons maintenant qu'un rouage chronométrique fasse connaître exactement la vitesse de la roue dentée à cet instant; on en déduit sans peine le temps qu'un des vides met à passer devant l'œil et à être remplacé par un plein, et comme ce temps est juste celui que la lumière met à parcourir deux fois la distance entre les deux stations, comme cette distance est connue, un calcul facile tirera de ces données la vitesse de propagation de la lumière. L'appareil fournit un moyen de contrôler le chiffre obtenu. Si l'on accélère encore la vitesse de rotation de la roue dentée, elle acquerra celle pour laquelle une dent et un entredent passent pendant le temps que le rayon met à effectuer son trajet; le rayon, trouvant au retour le passage libre, atteindra l'œil de l'observateur, qui verra de nouveau l'étoile. En augmentant progressivement la vitesse du disque, on observera donc des alternatives de plus grand éclat et d'extinction complète de l'image lumineuse, et chaque extinction donnera une détermination indépendante pour la valeur que l'on cherche.

Malgré la simplicité de son principe, cette méthode présente de très grandes difficultés d'application, exige des appareils d'une exécution parfaite, et M. Fizeau, en l'appliquant entre Suresnes et Montmartre en 1849, n'était arrivé qu'à des résultats peu satisfaisants (1).

Voyons maintenant comment Foucault, en apportant à l'idée d'Arago un perfectionnement qui en change presque complètement la nature, s'est proposé de résoudre ce difficile problème.

La lumière solaire, maintenue dans la même direction par un héliostat, passe par une petite ouverture rectangulaire coupée verticalement par un fil de platine, qui forme

(1) Il avait trouvé pour la vitesse de la lumière 70 948 lieues de 4444 mètres par seconde, ou environ 315 000 kilomètres.

« ÖncekiDevam »