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moindre perturbation, une solution par conséquent que l'existence des planètes rend pratiquement irréalisable. Dès le premier instant, les trois corps cesseraient d'être en ligne droite, et leurs actions mutuelles suffiraient ensuite pour donner à la Lune toutes les vicissitudes qu'elle subit aujourd'hui. On trouvera la démonstration de cette instabilité dans un mémoire de M. Liouville, inséré parmi les Additions à la Connaissance des temps pour 1845.

L'instabilité en dynamique n'est pas exceptionnellement rare, et il est facile d'en trouver des cas plus simples encore que celui de Laplace. Chacun sait qu'avec une force centrale attractive, fonction de la distance, on peut toujours supposer au point mobile une vitesse telle qu'il décrive un cercle d'un mouvement uniforme. Il suffit que cette vitesse soit perpendiculaire au rayon vecteur et que son carrẻ soit égal au produit de la force par ce rayon. Cela est théoriquement vrai, quelle que soit la manière dont l'attraction varie avec la distance. Mais très souvent, à cause de l'instabilité, cette solution théorique sera pratiquement irréalisable. Si l'on suppose, par exemple, que la force est en raison inverse d'une puissance de la distance, le mouvement circulaire ne sera plus qu'une solution instable dès que l'exposant de cette puissance sera supérieur à 3. Ainsi, tandis que l'attraction newtonienne, où cet exposant est 2, ramènerait le mobile vers le cercle si une perturbation accidentelle l'en écartait, une attraction inversement proportionnelle à la 4° puissance continuerait, au contraire, à l'en éloigner indéfiniment. Cependant il est bon de le remarquer, la trajectoire circulaire n'est pas dans ce dernier cas une solution singulière, c'est bien la seule qui soit possible d'après les données; il n'y a pas d'indétermination; s'il n'intervient aucune perturbation étrangère, le mobile suivra nécessairement le cercle, et il exigerait un temps infini pour s'en écarter tant soit peu de lui-même. Les calculs qui établissent ces propositions ne sauraient trouver place ici, mais ils sont des plus faciles.

Ces exemples suffisent pour se faire une idée nette de l'instabilité et de ses conséquences. Une solution n'est pas instable par cela seul que, dans l'application, elle est exposée à subir quelques dérangements. C'est là, on peut le dire, le sort ordinaire de toutes les solutions théoriques; parce que, outre les forces principales essentiellement comprises dans les données du problème, il y en a toujours d'autres, généralement beaucoup plus faibles et qui n'interviennent, pour ainsi dire, qu'accidentellement. Dans bien des cas, ces faibles forces perturbatrices ne déterminent que de légères altérations, de même ordre qu'elles, parce qu'elles en sont alors les seules causes efficientes; souvent même il arrive que les forces principales tendent à les neutraliser. Mais elles peuvent aussi, dans d'autres cas, jouer le rôle de causes excitatrices, c'est-à-dire, modifier tellement le jeu des forces principales que celles-ci se chargent de continuer elles-mêmes et d'amplifier considérablement le dérangement commencé. C'est dans ces cas que la solution théorique, qui ne prévoit pas les forces perturbatrices, mérite vraiment d'être appelée instable, parce que ces faibles forces la renversent complètement. L'on voit aisément que cette notion de l'instabilité s'étend en dehors de la statique, et qu'elle s'applique à des cas de mouvement avec la même précision qu'à l'équilibre instable. L'on voit aussi que, si beaucoup de solutions théoriques peuvent être considérées comme réalisables dans les phénomènes de la nature parce qu'elles n'y sont exposées qu'à de légères variations, il n'en est pas de même des solutions instables. Tous les traités nous avertissent que, dans cet univers où les corps agissent à toute distance les uns sur les autres, tout équilibre instable est une solution purement théorique, incapable de se réaliser pendant une fraction de seconde; évidemment et pour la même raison, il en faut dire autant du cas théorique des trois corps démontré par Laplace, du mouvement circulaire sous une attraction centrale en raison inverse de la quatrième puissance de la distance, et en général de toutes les solutions instables.

Or les solutions singulières signalées par M. Boussinesq sont toutes essentiellement instables. On le voit aisément dans chacun des exemples qu'il a calculés; mais de plus il est possible d'en assigner la raison générale. En effet, lorsque le mobile parcourt une portion singulière de sa trajectoire, la force qui suffit pour l'en écarter et modifier immėdiatement le jeu des forces principales de manière à déterminer le mouvement sur une trajectoire complètement différente, c'est une force rigoureusement nulle au début, à laquelle par suite on peut alors attribuer n'importe quelle direction. Il est donc évident qu'une force perturbatrice quelconque, quelque faible qu'on la suppose, sera plus que suffisante pour commencer le dérangement et permettre aux forces principales de le continuer. Seulement entre ces deux forces il y aura cette différence, que la première étant nulle au début n'est pas forcée de commencer le mouvement à un instant plutôt qu'à un autre, tandis que la seconde doit ébranler le mobile dès qu'elle lui est appliquée. Il s'ensuit que, dans les phénomènes réels de l'univers, la trajectoire singulière théorique sera toujours abandonnée dès son premier point et son premier instant; car il y aura toujours des forces perturbatrices suffisantes pour rendre cet abandon nécessaire. Il n'y aura donc jamais une seule portion singulière pratiquablement réalisable, et par conséquent l'indétermination, qui résultait de la possibilité d'une pareille portion, disparaît entièrement.

Il n'y a qu'une seule exception possible à ce raisonnement ce serait le cas où l'indétermination théorique s'étendrait au système de tous les atomes de l'univers; car alors il ne resterait plus de forces étrangères pour jouer le rôle de forces perturbatrices. Une pareille occurrence a-telle quelque probabilité? On pourrait le croire à première vue, si l'on admet, comme nous, que plus le système est compliqué, plus les cas d'indétermination possible doivent être nombreux; mais, pour apprécier la probabilité d'un événement, il ne suffit pas de compter le nombre de chan

ces favorables; il faut aussi compter le nombre de chances défavorables, et considérer le rapport de ces deux nombres. Peut-être ce rapport décroît-il à mesure que les nombres augmentent. Il serait bien difficile aujourd'hui d'évaluer, même approximativement, une telle probabilité. Heureusement nous pouvons nous en dispenser; car il ne paraît pas qu'on puisse, sur une pareille base, édifier une théorie analogue à celle de M. Boussinesq.

Avant de quitter celle-ci, nous devons signaler une autre espèce d'indétermination qui ne correspond pas à des intégrales singulières, mais dont la possibilité n'a pas échappé à cet ingénieux mathématicien. Il l'a jugée avec raison <<< moins intéressante » que l'autre, au point de vue des actions volontaires, et il ajoute : « Il serait curieux de trouver en mécanique, s'il en existe, des exemples de lieux de bifurcations ne constituant pas une intégrale, des exemples de bifurcations instantanées, pour ainsi dire. Le moment de prendre chaque décision n'y serait pas laissé à la disposition du principe directeur: celui-ci devrait intervenir à des instants déterminés, pour choisir entre deux ou plusieurs voies ouvertes, tout à coup, devant le système matériel (1). » Nous croyons que, dans ces cas, l'indétermination résulte de ce que, à un certain instant, la force et la vitesse deviennent toutes deux infinies; de même que, dans les solutions singulières, elle nous paraît due à ce que certaines forces et certaines vitesses correspondantes s'annulent ensemble. Voici, nous semble-il, un exemple fort simple de cette nouvelle espèce d'indétermination. Un point matériel sans vitesse initiale, attiré vers un point fixe suivant la loi newtonienne, acquiert une vitesse infinie en arrivant au point fixe où l'attraction devient également infinie. En regardant son mouvement rectiligne comme la limite de divers mouvements elliptiques, on démontre aisé

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ment que l'on peut attribuer à cette vitesse infinie n'importe quelle direction; et, en appliquant le théorème général de la réversion, on conclurait que le mobile peut ensuite, à partir du point fixe, parcourir une droite suivant une direction absolument indéterminée. Mais d'après ce que nous savons de la constitution atomique des corps, il paraît impossible qu'un pareil cas se présente jamais dans la nature, et la philosophie naturelle n'a point à s'en occuper.

L'examen consciencieux que nous venons de faire nous permet de résoudre affirmativement la question que nous nous sommes posée plus haut: Oui, il existe des forces mécaniques volontaires.

En effet, nous pouvons maintenant affirmer que là où les forces atomiques, non volontaires, interviennent seules, le mouvement de leurs mobiles est rigoureusement déterminé par les conditions initiales jointes aux équations de la dynamique. Si donc ces forces étaient seules appliquées aux atomes du cerveau, tous les mouvements de ces atomes seraient déterminés d'avance, et il en serait de même de tous les phénomènes nerveux, de tous les phénomènes organiques qui en sont la conséquence. Il n'y aurait donc pas de phénomènes matériels volontaires. La seule manière possible d'expliquer l'existence de certains de ces phénomènes, en dehors de l'harmonie préétablie que repousse le sens intime, est donc d'attribuer aux agents volontaires une faculté analogue à celle que possèdent les substances atomiques, la faculté d'exercer sur les atomes une action qui suffirait à elle seule pour les déplacer et qui, dans tous les cas où elle s'exerce, modifie leurs mouvements; en d'autres termes, de leur appliquer des forces mécaniques. Nous connaissons les difficultés philosophiques et scientifiques que l'on peut opposer à cette conclusion; mais, comme nous sommes loin d'avoir épuisé le sujet dans ce chapitre, on nous permettra de les réserver.

(La suite prochainement).

I. CARBONNELLE, S. J.

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