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du moins que les climats aient commencé alors à se dessiner franchement sur le globe. La surface terrestre avait eu avant ce temps pour principale source de chaleur les feux internes; mais cette source va disparaître à peu près complètement par suite de l'épaississement continu de l'écorce solide; et le soleil, jusque-là peut-être plus ou moins masqué par des nuages qui dispersaient ses rayons calorifiques et maintenaient ainsi une certaine uniformité de température à la surface de notre planète, sera seul chargé désormais d'y entretenir une chaleur suffisante pour la conservation et le développement de la vie.

Quoique plus élevée selon toute apparence qu'elle ne l'est aujourd'hui dans les mêmes contrées (1), la température de la période miocène n'était donc pas un obstacle à la présence de l'homme. « La végétation en témoigne aussi bien que la faune. Elle présente ce fait singulier que les formes végétales se rapprochent sensiblement de celles qui peuplent aujourd'hui les régions situées au-dessous des tropiques il s'y joint des espèces propres aux régions tempérées de notre hémisphère. L'ensemble de cette flore est donc subtropical avec quelques traits tropicaux d'une part, et septentrionaux de l'autre. C'est un mélange de formes australiennes, indo-asiatiques et américaines. Il y a balance à peu près égale entre les formes tropicales et extra-tropicales: c'est un développement parallèle de deux végétations. Mais les premières appartiennent surtout aux espèces qui vivent de nos jours dans les îles basses, dans les dépressions humides des continents et à l'embouchure des fleuves. M. Heer en conclut qu'à la fin de la période miocène la température moyenne du sud et du centre de l'Europe ne dépassait pas dix-huit degrés (2). »

La faune de cette époque accuse un état de choses ana

(1) On l'estime généralement à 18 ou 19 degrés en moyenne. L'on sait que la température moyenne actuelle n'est guère que de 10 degrés.

(2) De Lubac, La question de l'homme tertiaire : Revue de France, 31 déc.

logue. On peut la répartir en trois âges assez distincts d'après l'ordre chronologique le plus probable. Le premier et le plus ancien, qui correspond à la formation des calcaires lacustres de Beauce (1), est représenté par plusieurs genres de mammifères inconnus à l'époque précédente. Nous citerons entre autres quatre nouveaux pachydermes : le mastodonte qui fait ici sa première apparition par une espèce à dents étroites, le Mastodon angustidens; l'Acerotherium dont Duvernoy a fait le Rhinoceros pleuroceros, quoiqu'il se distingue des autres espèces de ce genre par l'absence totale de corne sur le nez; l'Anchitherium, mammifère dont les molaires très basses révèlent le régime herbivore; une espèce du genre sanglier, le Sus belsiacus, et un rongeur encore représenté aujourd'hui, le Lagomys.

Nous n'avons point à décrire ces divers animaux. Disons un mot cependant du mastodonte qui apparaît ici pour la première fois et que nous retrouverons dans les étages supérieurs.

Longtemps confondu avec l'éléphant dont il partage, du reste, la structure générale et les gigantesques proportions, le mastodonte diffère cependant de ce dernier animal par quatre défenses, dont les deux supérieures sont droites et projetées en avant, en forme de lances, et par ses dents qui, au lieu d'être à couronne plate, sont hérissées de pointes ou tubercules coniques. C'est à cette disposition des dents en forme de mamelons que le mastodonte doit son nom (uaotos, mamelon, idove, dent). C'est encore à elle que nous devons de connaître son régime : cet animal se

(1) Avant le calcaire de Beauce et à la base du miocène, il faudrait, avec la plupart des géologues français et comme nous l'avons fait nous-même ailleurs, placer le grès de Fontainebleau; mais cet étage étant entièrement étranger à la question de l'homme tertiaire, nous avons préféré n'en tenir aucun compte, suivant, du reste, en cela la classification de Lyell qui le place à la partie supérieure des terrains éocènes.

Voir pour cette subdivision du groupe miocène: d'Archiac, Géologie et Paléontologie, p. 629; Lyell, Éléments de Géologie, t. I; Vézian, Prodrome de Géologie, t. 1; etc.

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nourissait de végétaux, de tiges tendres, de feuilles et surtout de racines qu'il déterrait sans doute avec ses défenses. Une curieuse découverte est venue confirmer ces conjectures. On a trouvé dans l'estomac de l'un de ces animaux une masse à demi broyée de petites branches, de graines et de feuilles non encore digérées.

Depuis longtemps connu des indigènes de l'Amérique du Nord pour qui il constituait une créature fantastique appelée le père des boeufs (1), le mastodonte fut décrit pour la première fois par Buffon sous le nom d'animal de l'Ohio. Les bords du fleuve de ce nom et, en général, les régions septentrionales de l'Amérique semblent être en effet la véritable patrie de ce monstrueux pachyderme. Il ne man que pas cependant en Europe. On a découvert ses restes, il y a plus de deux cents ans, dans une sablonnière du Dauphiné; ce sont eux que le médecin Mazuyer promena dans toute la France, en les donnant comme les ossements du géant Teutobochus. Depuis ce temps les découvertes semblables se sont multipliées. Le mastodonte, aujourd'hui parfaitement connu, a été subdivisé en plusieurs espèces dont quelques-unes, fort voisines de l'éléphant par la forme de leurs dents, ont amené certains naturalistes à ranger ces deux animaux dans un seul et même genre.

Le second âge de la période miocène est représenté par les sables et graviers de l'Orléanais. Outre de nouvelles espèces appartenant aux genres mastodonte et anchithérium précédemment cités, cette époque voit apparaître le rhinocéros, cette fois bien caractérisé; un viverridé du genre civette; un rongeur, le castor; un carnassier qui devait tenir le milieu entre le chien et l'ours, l'Amphicyon; et enfin, un nouveau pachyderme, le plus puissant mammifère terrestre qui sans doute ait jamais existé, le Dinothe

(1) Les sauvages Chabanais prétendent que ces animaux vécurent autrefois en compagnie d'hommes dont la taille était proportionnée à la leur ; mais les uns et les autres furent détruits par la vengeance divine.

rium. Une tête de ce dernier animal a été trouvée, en 1837, dans le grand-duché de Hesse-Darmstadt; elle mesurait 1 mètre 30 de longueur sur 1 mètre de largeur. Deux énormes défenses, dirigées en bas comme celles du morse, ornaient la mâchoire inférieure et servaient probablement, comme celles du mastodonte, à extraire du sol les racines dont se nourrissait l'énorme pachyderme. Le dinothérium était donc herbivore, ce qui ne s'accorde guère avec l'idée de férocité qu'exprime son nom (eivos, terrible, Onpiov, animal).

Le troisième et dernier âge miocène correspond à la formation des faluns de la Touraine, et de la molasse d'eau douce de la Provence et de la Suisse. Alors viennent, en même temps que de nouvelles espèces des genres dinothẻrium, mastodonte, rhinocéros et anchithérium déjà mentionnés, des hippopotames, des antilopes et un mammifère marin fort répandu à cette époque dans nos contrées, l'Halitherium. Citons comme achevant de caractériser cet étage un singe découvert par Édouard Lartet dans le célèbre gisement de Sansan, près d'Auch, le Pliopithecus.

Il faut encore rapporter à la partie supérieure de ce troisième étage les mammifères découverts en si grand nombre par M. Albert Gaudry à Pikermi, en Grèce, près d'Athènes, et au mont Lèberon, en Provence. Ces deux gisements, quoique fort éloignés l'un de l'autre, présentent dans l'ensemble de leur faune une analogie des plus remarquables. Véritables ossuaires des temps miocènes, ils nous ont fourni, outre les animaux précédemment cités, un grand nombre d'espèces ou de genres nouveaux constituant, pour ainsi dire, autant d'intermédiaires entre les espèces jusque-là connues. Ce sont de nombreux Hipparions, animaux fort voisins du cheval, quoiqu'ils en diffèrent par l'existence de trois doigts aux pieds au lieu d'un sabot unique; des carnassiers d'une grande taille appartenant aux genres hyène et Machærodus; des sangliers en nombre considérable et fort variés; un singe, le Mésopithèque, qui se rapproche du sem

nopithèque par son crâne et du macaque par ses membres; enfin des ruminants, entre autres l'Helladotherium, le plus puissant des animaux de cet ordre qui aient habité l'Europe, le Tragocère, mammifère voisin de la chèvre et de l'antilope, et la gazelle dont 140 individus ont été découvert soit en Attique soit en Provence, quoiqu'elle manque aujourd'hui totalement en Europe.

Telle est l'intéressante population qui occupait nos contrées à l'époque miocène. M. Albert Gaudry, après l'avoir décrite, ne peut retenir un cri d'admiration. « Ces animaux, dit l'heureux explorateur de Pikermi et du Lèberon, comptent parmi les plus séduisants de la création, de sorte que non seulement ils ont donné plus de mouvement au monde animal, mais aussi ils ont contribué à l'embellir. Il est permis d'appliquer à la plupart d'entre eux ce que Brehm a dit des gazelles: elles ont une utilité esthétique. Qui peut en effet voir sans les admirer, et même sans les aimer, ces bêtes dont le regard est si doux, la tête si fière, les allures si vives, toutes les formes si bien proportionnées ? »

Le climat sous lequel vivait une faune si animée et si voisine de la faune actuelle ne pouvait évidemment être un obstacle à l'existence de l'homme. Disons-le, en effet, avec M. de Quatrefages: «Anatomiquement, physiologiquement, l'homme est un vrai mammifère. Dès que les mammifères ont paru et vécu à la surface du globe, l'homme a pu s'y montrer et y vivre comme eux. A ce titre, il peut dater non seulement des temps tertiaires moyens, mais même des temps éocènes ; il peut remonter plus haut encore. Mais avant d'admettre son existence pour des époques aussi reculées, il faut la démontrer par des preuves décisives (1). Voyons donc si ces preuves existent.

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La principale sans contredit, ou pour mieux dire la seule sur laquelle s'appuient la plupart des partisans de

(1) Cours du Muséum d'histoire naturelle. Revue scientifique, t. ix.

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