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rées. Il n'hésite pas à le faire d'une manière expresse pour la deuxième période. « Il n'est pas très difficile, dit-il, de déterminer historiquement l'époque pendant laquelle le sens des couleurs ne consista qu'à sentir le rouge et le jaune, alors que toutes les autres nuances n'étaient pas encore perçues comme des modifications distinctes et sui generis de la sensation et demeuraient confondues dans la notion de l'intensité lumineuse. Les poèmes homériques fournissent justement pour cette époque des renseignements exacts et très instructifs pour nous.

>> Les désignations de couleurs qu'on rencontre dans ces poèmes prouvent de la manière la plus évidente qu'à cette époque la rétine humaine ne pouvait encore reconnaître et sentir, d'après leur valeur chromatique réelle, que les couleurs riches en lumière, tandis que les couleurs d'une intensité de lumière moyenne ou inférieure, telle que le vert, le bleu et le violet n'affectaient pas encore l'œil par un acte distinct de sensation : le vert se confondait avec la notion du jaune-pâle, le bleu et le violet avec celle de l'obscur.

L'emploi d'expressions pour les couleurs prismatiques est complètement absent des poèmes homériques ainsi que l'a montré Gladstone, tandis qu'au contraire, les rapports que présentent les objets diversement colorés, à cause même de leur coloration différente, avec l'intensité lumineuse, avec la quantité absolue de lumière sont notės par des expressions nombreuses et très variées. »

Dans toute sa théorie, M. Magnus se base sur trois ordres de preuves : 1° Il recherche le nombre d'expressions désignant des couleurs aux différentes époques; et il trouve que plus on remonte vers l'antiquité, moins on trouve d'expressions propres à nommer les couleurs; si bien qu'on arrive enfin à une époque, où on ne trouve plus aucun terme de coulcur. 2o Il examine si les noms de couleurs qui ont été employés dans différentes périodes d'une langue sont toujours restés les mêmes ou ont varié avec les épo

ques. Il rappelle que les mots grecs xλwpòs, zúavos, n'ont pas toujours eu la même signification chromatique; et il dit que ce fait serait inexplicable, si on n'admettait pas que le sens chromatique a variẻ. 3° Il compare les descriptions qui ont été faites à différentes époques de phénomènes de la nature, qui ont toujours eu les mêmes caractères de couleur. C'est ainsi qu'il cite Xénophane qui ne reconnaissait que trois couleurs dans l'arc-en-ciel : le pourpre, le rouge et le jaune verdâtre.

A la suite du travail de Magnus, M. Gladstone a encore repris ses études précédentes sur Homère; et recherchant les significations de différentes expressions désignant des impressions visuelles, il arrive de nouveau à la conclusion qu'aucune de nos dénominations actuelles des couleurs ne correspond exactement à l'idée que, d'après l'Odyssée et l'Iliade, Homère pouvait se faire de ces couleurs (1).

Je n'insisterais pas si longuement sur ces divers travaux, si cette question n'avait une importance qu'il est impossible de méconnaître et qui est pleinement mise en lumière par le traducteur de l'ouvrage de M. Magnus: « L'un des titres les plus glorieux de la science moderne, dit le Dr Soury, est d'avoir établi que les formes sans nombre des organismes vivants, loin d'avoir rien de fixe ni d'immuable, se sont développées au cours des siècles et se transforment indéfiniment sous l'action des forces de la nature. Ce qui est vrai des organes l'est aussi des fonctions. A toute modification dans la forme et la structure d'un organe, correspond un changement dans l'activité fonctionnelle. Les organes des sens ont certainement varié comme les autres, mais les différences anatomiques y sont quelquefois presque imperceptibles et peuvent échapper à l'investigation directe: l'évolution ou l'involution des fonctions attestent au moins qué l'organe s'est modifié.

(1) Nineteenth Century, Octob. 1877. Traduct. allemande : Der Farbensinn, mit besonderer Berücksichtigung der Farbenkentniss des Homer. Breslau, 1878.

» L'organe du sens des couleurs paraît être un exemple frappant de ce que nous avançons (1). »

Et plus loin: «Ajoutez les cas de cécité congénitale des couleurs qui semble bien être, ainsi que tout phénomène atavique, une sorte de souvenir organique de l'espèce. >>

On le voit, cette théorie vient à point, et on s'en empare, pour appuyer les idées transformistes qui, décidément, sont de mode aujourd'hui.

Quoi qu'il en soit, de nombreux contradicteurs ont surgi pour réfuter les opinions de MM. Gladstone et Magnus. Et il nous paraît impossible de les admettre encore, après les rudes coups que lui ont portés des adversaires distingués, tels que le Dr Stilling, le professeur Förster, et surtout le Dr Dor, de Lyon.

Ainsi que le font remarquer très justement les Drs Förster (2) et Stilling (3), c'est une grande erreur de soutenir que le développement des langues est toujours en rapport avec celui des sensations. L'expérience de tous les jours prouve qu'il y a des sensations, pour lesquelles il n'existe aucune expression. Voyez plutôt les enfants. Que de temps il leur faut pour trouver les expressions se rapportant au grand nombre de sensations dont ils sont déjà susceptibles vers la fin de leur première année. Et même pour un adulte, que de temps il lui faut pour arriver à connaître à fond et complètement sa langue maternelle. Ne peut-on pas comparer l'espèce humaine tout entière à un enfant? N'apprendelle pas toujours à mieux observer, et n'invente-t-elle pas successivement des expressions servant à désigner des sensations qui existent depuis longtemps? Voyez les autres

(1) Magnus. Histoire de l'évolution du sens des couleurs. Traduction française, avec une introduction par Jules Soury. Paris, 1878.

(2) Section für oeffentliche Gesundheitsplege zu Breslau. 1 Febr. 1878. Centralbl. für prakt. Augenheilk. Mars 1878.

(3) 51e Versammlung der Deutscher Naturforscher und Aerzte, in Cassel. Allgemeine Zitzung am 17 september 1878. Rede vom Dr Stilling jun. Ueber Farbensinn und Farbenblindheit.

organes des sens! Pour l'odorat, pour le goût, que de sensations nombreuses et variées qu'il nous est impossible d'exprimer! Et même pour la vue, ne connaissons-nous pas un bon nombre de nuances, soit de rouge, soit de jaune, qui diffèrent considérablement entre elles, et que nous ne saurions caractériser? C'est à l'imperfection de la langue qu'il faut l'attribuer, et non à un développement incomplet de la rétine.

L'emploi d'un seul et même mot pour deux couleurs différentes ne prouve rien non plus. Car, comme l'observe avec raison le Dr Dor, nous trouvons encore aujourd'hui des peuples qui n'ont qu'une seule dénomination pour deux couleurs différentes. Ainsi les Annamites, à Saïgon et dans toute la Cochinchine, disent encore aujourd'hui xanh pour vert et pour bleu; seulement ils ajoutent la qualification spéciale xanh troi (xanh comme le ciel) pour bleu et xanh tre (xanh comme le bambou) pour vert (1).

L'argument tiré des descriptions des phénomènes de la nature n'est pas meilleur que les précédents. Plus d'un contemporain, que vous interrogeriez, ne saurait pas mieux que Xénophane décrire l'arc-en-ciel. Les anciens avaient, au reste, des notions tout aussi fausses sur toute la na

ture.

En tous cas Xenophane ne peut être considéré comme daltonien; car il n'aurait vu que du jaune et du bleu dans l'arc-en-ciel ; ce sont les seules couleurs que nos daltoniens reconnaissent, ainsi que le démontre un curieux tableau du déluge qui existe au musée d'Amsterdam, et qui a dû être peint par un daltonien.

Le Dr Dor a eu l'idée de faire des expériences avec un certain nombre de malades de sa clinique. Or, sur 43 personnes qu'il a examinées et auxquelles il a demandé de dé

(1) Dor. De l'évolution historique du sens des couleurs. Réfutation des théories de Gladstone et de Magnus. Paris, Masson, 1878.

crire les couleurs de l'arc-en-ciel, quatre seulement lui indiquèrent les sept couleurs ; et dans ce nombre se trouvaient les deux médecins-adjoints, qui connaissaient les couleurs. newtoniennes.

L'observation des daltoniens actuels ne prouve pas grand' chose. Car, si les idées de Magnus se vérifiaient, c'est la cécité pour le bleu-jaune qui devrait être la plus fréquente. Or celle-ci est rare, et jusqu'ici on n'a pu en constater l'hérédité. La cécité pour le rouge-vert est la forme ordinaire, et son hérédité est incontestable.

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D'autre part, la loi des couleurs complémentaires ou antagonistes est aussi en contradiction avec la théorie de l'évolution. Nous savons, en effet, que là où il y a sensation de rouge, il y a aussi sensation de vert; l'une peut même produire l'autre, dans certaines circonstances données. Or les Grecs ont des expressions pour désigner le rouge et le jaune; donc ils devaient être également capables de voir le vert et le bleu. S'ils ne savaient distinguer le vert et le bleu, ils devaient nécessairement être complètement aveugles pour les couleurs.

Au reste, M. Dor a fait dans les poètes français des recherches qui renversent tout l'échafaudage de preuves que MM. Geiger et Gladstone ont tiré de leurs études des auteurs anciens. C'est ainsi qu'il a été frappé du même fait que M. Gladstone signale déjà pour Homère, à savoir l'excessive fréquence relative des expressions désignant l'intensité lumineuse et le petit nombre d'indications sur les couleurs proprement dites.

Il fait, en outre, un grand nombre de citations des poètes modernes, desquelles on pourrait conclure que ces poètes sont pour le moins tout aussi aveugles pour les couleurs que l'humanité au temps d'Homère. Et, du reste, même dans le langage ordinaire, n'employonsnous pas souvent des noms de couleurs d'une manière tout à fait arbitraire ou erronée? Ne dit-on pas du vin blanc, des viandes blanches, la race blanche, des raisins rouges,

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