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silex de Thenay, « je puis placer, dit-il, au moins comme singularité d'éclatement par choc accidentel, un assez grand nombre de nodules ubériformes, tous munis d'un mamelon et produisant parfaitement l'apparence d'un travail d'art... Ces singuliers éclats proviennent des silex de la craie..... d'autres éclats simulent des grattoirs; cette dernière forme se produit toutes les fois que le plan d'éclatement coupe une surface arrondie, ce qui doit arriver fréquemment dans les nodules caverneux de Thenay. »

Nous avons eu l'avantage de voir dans la collection de M. Chabas, à Châlon-sur-Saône, les silex secondaires et par suite très naturels auxquels il fait allusion; or nous n'hésitons pas à dire qu'ils présentent plus de traces apparentes de travail, non seulement que tous les silex de Thenay, mais que beaucoup de silex quaternaires universellement considérés comme produits de l'industrie humaine.

Il nous a été donné, d'autre part, d'examiner à loisir soit à Saint-Germain, soit à Pontlevoy, les fameux silex tertiaires. M. l'abbé Bourgeois nous a mis sous les yeux sa collection avec la plus grande complaisance. Il y a joint l'expression de son sentiment bien connu dans la question. Cependant nous devons le dire, si séduisant qu'ait été son langage, si profondément scientifiques qu'aient été ses observations, il nous a été impossible de voir dans les objets informes qu'il nous présentait des marques certaines de l'action de l'homme. On ne manquera pas de récuser notre compétence (1); mais il n'est pas nécessaire, nous semblet-il, d'avoir fait de l'étude des silex son unique profession, pour constater la différence profonde qui existe entre ceux de Thenay et les plus anciens de l'époque quaternaire, ceux

(1) En revanche, on nous permettra de le dire malgré ce que cette assertion peut avoir de paradoxal, nous nous défions de l'appréciation des spécialistes en archéologie préhistorique, précisément parce qu'ils sont spécialistes. Il est difficile aux adeptes d'une science nouvelle de se soustraire à l'espèce d'engouement qui en accompagne tout naturellement les débuts.

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de Saint-Acheul par exemple. Cette différence n'échappe à personne; tous, ceux qui ont visité le musée de Saint-Germain en ont été frappés. Nul rapport, nul passage entre les silex de l'une et de l'autre époque; d'un côté des formes grossières, souvent arrondies, sans nulle apparence de régularité; de l'autre, des formes symétriques, constantes, dénotant une action qui tendait manifestement vers un but. Faut-il s'étonner dès lors de l'incrédulité évidente avec laquelle la plupart des visiteurs de ce musée observent ces prétendus débris d'un art primitif? En vain M. de Mortillet, le savant mais trop systématique directeur du musée, insiste-t-il sur les retailles et sur les bulbes de percussion (1) qu'il voit dans ces silex; il faudrait, pour triompher de l'incrédulité de ses auditeurs, des arguments plus décisifs; il faudrait établir la destination de ces silex, montrer l'usage auquel ils ont pu servir, et M. de Mortillet n'a garde de le faire. Il nous parle, il est vrai, de racloirs, de disques, de grattoirs, etc.; mais ces termes sont bien vagues, ils ne répondent à aucune forme nettement déterminée, et l'on sait assez que nos modernes archéologues les appliquent à tout instrument préhistorique dont les caractères. sont indécis et l'usage incertain.

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On a cité dans ces derniers temps deux silex tertiaires dont la taille serait plus nettement accusée (2); il s'agit d'un racloir et d'un disque garnis tous les deux de retailles. Nous ne doutons pas que ces silex, découverts dès 1873, ne nous aient passé sous les yeux deux ans plus tard, soit à SaintGermain, soit à Pontlevoy. Or, nous le répétons, nulle part nous n'avons trouvé cette régularité qui fait l'admiration

1) On appelle bulbe de percussion une sorte de nodosité qui caractérise le point où s'est produit le choc destiné à enlever un éclat de silex. Comme il y a des chocs naturels, il doit évidemment y avoir aussi des éclats naturels qui présentent ce bulbe.

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en 1874.

Compte rendu du Congrès de Stockholm,
Études sur les origines, par

(2) Revue scientifique, 6 sept. 1873. Revue de France, déc. 1875. M. Marin de Carranrais, 1877, p. 565.

de certains archéologues. Supposons cependant qu'elle existe et qu'elle accuse un acte intelligent; il restera à démontrer que ces deux objets datent des temps tertiaires. Ceux de la période suivante ne manquent pas en effet dans le pays; l'on en a trouvé un grand nombre à la surface du sol; est-il donc impossible que l'on ait confondu les uns avec les autres, et présenté comme provenant d'un même gisement des silex remontant à des âges divers? Ce genre de confusion est facile sur le flanc des collines où affleurent des couches tertiaires et quaternaires, et pour le supposer il n'est nullement nécessaire d'accuser de mauvaise foi les hommes employés par M. l'abbé Bourgeois dans ses recherches.

Après tout, ce ne sont pas quelques silex de grossière apparence trouvés parmi des centaines de milliers d'éclats certainement naturels, au sein de couches qui en sont en partie formées, qui pourront nous convaincre d'un fait aussi étrange que l'existence de l'homme miocène. Ni les retailles, ni les bulbes de percussion que l'on prétend y voir ne sont un caractère suffisant pour déterminer une conviction.

L'homme pourrait à la rigueur en être l'auteur; mais la nature peut aussi les avoir produits, et, dès lors, il nous est impossible d'en rien conclure (1). Combien de galets de nos plages, combien d'éclats de silex de nos promenades publiques, s'ils étaient présentés comme provenant d'une couche récente de l'écorce terrestre, pourraient, eux aussi, être considérés comme des objets travaillés et induire l'archéologue en erreur ! Les exemples de semblables méprises. ne manquent pas du reste; que de fois il a fallu attribuer finalement à des causes physiques et naturelles, à l'action

(1) « Assurément l'homme a pu exister pendant l'époque miocène.... mais de là à croire que cette existence est démontrée, il y a encore fort loin. Or, jusqu'à présent on n'a pu produire que de vagues indices et aucun fait bien concluant n'est venu à l'appui de cette présomption. » Louis Lartet et Chapelain-Duparc : Matériaux pour l'hist. de l'homme, année 1874, p. 106.

des glaciers et des cours d'eau, par exemple, ou encore à la morsure d'anciens carnassiers, des stries, des polissages ou des entailles que l'on n'avait cru pouvoir expliquer tout d'abord que par l'action de l'homme!

Les archéologues de nos jours, ceux du moins qui s'intitulent préhistoriens sont vraiment par trop affirmatifs. Ce n'est pas ainsi qu'une science se fonde. Comme l'a maintes fois observé M. Hébert, ces conclusions trop hâtées nuisent au progrès de l'archéologie qu'elles ont pour but de favoriser. Il est des hommes qui, dans tout caillou qu'ils heurtent du pied, voient un nouveau produit de l'industrie humaine. Ces débris supposés d'un art primitif sont pour eux autant d'instruments nettement caractérisés qu'ils désignent par les noms les plus divers. Mais, il est bien permis de se le demander, «< tous ces prétendus fers de flèches, pointes d'épieu, haches, couteaux, grattoirs, polissoirs, plus ou moins ébréchés ou déformés, sont-ils bien toujours ce que l'on veut qu'ils soient, et l'imagination des archéologues n'a-t-elle pas vu quelquefois le passage de la main de l'homme, là où il n'y a pas autre chose qu'une fantaisie de la nature (1) ? »

Cordier exprimait une idée analogue lorsque, se promenant quelque temps avant sa mort au Jardin des plantes, il disait à un de ses collègues de l'Institut qui l'accompagnait : « Vous voyez tous ces petits éclats naturels de silex; certainement un jour quelqu'un prétendra que ce sont des silex travaillés par l'homme. » L'illustre académicien ne s'était pas trompé. Il s'est trouvé un archéologue qui, dans le gravier avec lequel sont sablés les jardins, squares et promenades de Paris, a reconnu une prodigieuse quantité de têtes de flèches et d'autres petites armes de très petite dimension (2). Faut-il autre chose pour déconsidérer la science?

(1) Jules Marion, Revue des sociétés savantes, 1874.

(2) Bourdran, Comptes rendus de l'Académie des sciences, 21 novembre 1864. Cfr. Matériaux, t. 1.

Disons-le, du reste, à l'honneur de l'archéologie, l'enthousiasme qui accueillit ses premières révélations tend à se dissiper, la réaction commence et l'appréciation saine des faits succède, quoique lentement, à l'engouement des premiers jours (1). Il est vrai que la cause de l'homme tertiaire n'a rien gagné à ce calme des esprits. Pour contrôler la découverte de M. l'abbé Bourgeois l'on a eu recours à la méthode expérimentale, la première qu'on eût dû employer, et l'application de cette méthode lui a été funeste. On prétendait que le silex qui éclate naturellement ne prend jamais de formes semblables à celles que l'on voit à Thenay. Pour en avoir le cœur net, l'un des représentants les plus autorisés de la nouvelle science, M. Alexandre Bertrand a eu l'idée de soumettre à des alternatives de température des rognons de silex provenant de Thenay même. Or il a obtenu des éclats tout à fait analogues à ceux que M. l'abbé Bourgeois nous donne comme présentant des traces incontestables de cassure intentionnelle. M. Bertrand nous a mis sous les yeux les uns et les autres et nous avons dû reconnaître avec lui qu'il y avait ressemblance complète. N'est-ce pas le dernier coup porté à l'homme miocène de Thenay?

L'expérience du savant directeur du Musée de SaintGermain a un autre résultat : elle nous met sur la voie de l'origine véritable des silex de Thenay. Ces silex existaient sans doute primitivement à l'état de rognons dans les terrains crayeux qui abondent dans la contrée. Pour les faire éclater, il aura suffi d'un changement quelconque de température provenant soit d'une modification climatérique, soit

(1) Dans un ouvrage récent, M. A. Gaudry, pourtant très favorablement disposé à l'égard des nouvelles doctrines, confesse ses doutes au sujet de la taille des silex de Thenay. « Ils sont enfouis, dit-il, dans une couche de silex roulés, et il me semble que si on met à côté les uns des autres un grand nombre de ces silex, peu de personnes parviendront à établir, avec une lucidité qui ne laisse aucun doute dans leur esprit, une limite entre le silex regardé comme taillé et celui qui ne l'est pas. » Matériaux, février 1878.

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