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donnée dans le soleil et dans les astres, parce qu'il voulait nous apprendre que ces grands et magnifiques luminaires, dont on a voulu faire des divinités, n'avaient par euxmêmes ni la matière précieuse et éclatante dont ils ont été composés, ni la forme admirable à laquelle nous les voyons réduits. Enfin, le récit de la création, tel qu'il est fait par Moïse, nous découvre ce grand secret de la véritable philosophie, qu'en Dieu seul réside la fécondité et la puissance absolue... Si selon l'ordre établi dans la nature, une chose dépend de l'autre, par exemple, la naissance et l'accroissement des plantes, de la chaleur du soleil, c'est à cause que ce même Dieu qui a fait toutes les parties de l'univers, a voulu les lier les unes aux autres, et faire éclater sa sagesse par ce merveilleux enchaînement (1). »

Cependant il était impossible aux docteurs chrétiens d'exposer la cosmogonie biblique sans toucher à la science. La Genèse y touche elle-même. Pour combattre les erreurs des philosophes païens, il fallait aborder leurs théories physiques; pour déraciner le culte des astres, il était indispensable de parler de l'astronomie; pour enseigner aux fidèles à bien vivre et leur donner des leçons utiles, en expliquant la création, le prédicateur devait se faire un moment naturaliste, et donner au peuple, à propos de la création des animaux, les leçons morales rehaussées de détails techniques et d'anecdotes piquantes qui lui ont toujours été si chères. L'homme, dans tous les temps, a été fort curieux des choses de la nature, et les mystères du monde animal ont toujours excité un vif intérêt, comme le témoignent, entre autres, ces livres singuliers qui portent le titre significatif de Bestiaires. Voilà les motifs qui ont obligė les docteurs chrétiens à faire un peu de science, quoique leur enseignement fùt, avant tout, dogmatique et moral.

Mais en pénétrant dans le domaine des connaissances

(1) Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, 11o part., ch. 1, ŒŒuvres, édit. Lebel, t. xxxv, p. 160-162.

humaines, il faut le remarquer avec soin, les Pères n'avaient plus le secours de la révélation, et ils étaient abandonnés à leurs propres lumières. Il y a une religion révélée, mais il n'y a pas une science révélée. Cela est tellement vrai que les idées scientifiques que nous rencontrons dans les œuvres des Pères sont empruntées, presque toutes, non pas å la Bible, mais aux philosophes grecs et à des sources profanes. Dieu n'a pas voulu nous apprendre dans la sainte Écriture la physique et la chimie, il s'est proposé seulement de nous donner les moyens de sauver notre âme. Comme l'a très justement observė S. Thomas, quand la Bible parle de la nature, elle se conforme au langage populaire: «< Considerandum est quod Moyses rudi populo loquebatur, quorum imbecillitati condescendens illa solum eis proposuit quæ manifeste sensui apparent (1). »

Le premier chapitre de la Genèse fait seul exception; car, quoiqu'il soit susceptible d'interprétations diverses, il nous semble que le sujet même qu'il traite implique, dans ses grandes lignes, un fonds réellement scientifique. Mais ce qu'il nous apprend, très important en soi, est peu de chose relativement au vaste domaine de la science.

Tout se résume en effet dans les points suivants, confirmés par les découvertes géologiques et paléontologiques : Il y a eu, dans l'œuvre créatrice, une gradation ascendante. Dieu a créé d'abord la matière. Il a tiré ensuite le monde du chaos. Il a produit en premier lieu les êtres inférieurs, puis les êtres supérieurs; en s'élevant du moins parfait au plus parfait, du règne minéral au règne végétal, du règne végétal au règne animal et du règne animal au règne humain. Hors de là, Moïse ne nous fait rien connaî

(1) Summ., 1, 68, art. 3. Répété 1, 70, ad 3m. Il n'y a, d'ailleurs, aucune erreur scientifique dans la Bible, pas plus qu'il n'y a d'erreur historique ou autre. Les locutions populaires sur le mouvement du soleil et autres de ce genre, par exemple, ne sont pas des erreurs. Ce sont des locutions,reçues dans le langage ordinaire, qui n'ont pas la prétention d'être des axiomes scientifiques.

S

tre de précis sur la nature des choses (1). Si donc les Pères faisaient, par occasion, de la science proprement dite, ils n'avaient aucune lumière spéciale dans les livres saints, à part l'ordre de la création; ils parlaient en conséquence, non point comme dépositaires et témoins de la tradition catholique, mais comme docteurs particuliers, et leurs assertions sont par là même purement personnelles et n'engagent en aucune manière la responsabilité de l'Église. Leur témoignage fait autorité en matière de dogme et de morale; il ne fait pas autorité en matière de science. La Providence avait suscité ces grands hommes pour propager le christianisme et en conserver la doctrine dans sa pureté et dans son intégrité, non pour faire progresser la physique ou créer la géologie. Nous ne rencontrons parmi eux ni un Copernic ni un Cuvier. Leur science était celle de leur

(1) «Advertendum est, dit le P. H. Hurter, S. J., 10 Moysis scopum non fuisse, tradere prælectiones doctas de astronomia, geologia, zoologia seu generatim de disciplinis naturalibus, sed institutionem tradere voluisse religiosam vulgi captui accommodatam ;.. 2o de hisce loquitur non more physicorum et doctorum, sed concipiendi loquendique morem sequitur populi... 4o Inde sequitur longe pauciora esse themata seu argumenta communia cosmogoniæ mosaicæ et disciplinis naturalibus, ac plures contendere solent. Aliud tractat Moyses, circa aliud occupantur disciplinæ naturales; ille disserit de rerum initiis, de quibus scientia naturalis suis observationibus innixa nihil certi statuere potest; hæc observat phænomena, inquirit in leges, secundum quas ordo præsens regitur, de quibus non est sollicitus Moyses; quare ipse, ut nonnemo acute loquitur, præfationem veluti scripsit ad disciplinas naturales, exponens rerum exordia; quæ hæc consecuta sunt, relinquit indaganda physicis peritis, secundum illud Ecclesiastici III, 11: Mundum (utique prout modo existit a parte rei) tradidit disputationi eorum. Theologiæ dogmaticæ Compendium, Innsprück,1877, t. 11, p. 173-174, Tract. vi, pars II, sect. 1, p. 198.-Cf. S. Cyrille d'Alexandrie, Cont. Julian, 1. 11, Patr. gr. t. LXXVI, col. 577. - « Moïse sans doute, a dit l'abbé Rayle, (S. Basile, archevêque de Césarée, 1878, p. 398-399,) n'a pas écrit l'histoire de la création du monde pour accroître la somme de nos connaissances scientifiques. En inspirant les écrivains sacrés, Dieu n'a voulu nous révéler que les vérités de l'ordre surnaturel, parce qu'elles dépassent la portée de notre esprit et que nous avons besoin qu'il nous les enseigne luimême. Quant aux choses de ce monde, il les a livrées à nos investigations. Pour connaître les phénomènes physiques, ce n'est pas la Bible qu'il faut interroger, c'est la nature. S. Basile a très bien dit que Moïse a écrit pour nous rendre plus religieux, et non pour nous rendre plus savants. >

siècle, et par conséquent, une science défectueuse (1). La cosmogonie des Pères n'en mérite pas moins d'être étudiée. Il est clair, d'après ce que nous venons de dire, que ce n'est point à cause de sa valeur scientifique ellemême ; c'est à cause de l'usage qu'on veut en faire aujourd'hui contre la Bible et contre le catholicisme.

Ce qui, aux premiers siècles de l'Église, était l'accessoire, dans le premier chapitre de la Bible, est devenu à plusieurs égards, dans notre siècle, le principal. Les progrès merveilleux de l'astronomie, de la physique, de la géologie, ont attiré de nos jours l'attention générale sur le premier chapitre de la Genèse. Est-il d'accord avec les découvertes contemporaines? Les croyants répondent oui. Les incrédules disent non, et ils allèguent, comme un argument en leur faveur, l'exégèse des Pères. Quand les savants chrétiens affirment que la cosmogonie des Hébreux, bien entendue, comporte une série d'époques successives, pendant lesquelles se sont formées les couches diverses de la terre avec les fossiles qui les caractérisent, les ennemis de la religion crient à la nouveauté dans l'interprétation, et prétendent que nous sommes en contradiction avec la tradition ecclésiastique.

Il importe donc de rechercher quelle est la véritable cosmogonie des Pères et quels devoirs elle impose à l'exégèse contemporaine. C'est le but des pages qui vont suivre. Elles prouveront que la tradition patristique, non plus que l'autorité de l'Église, n'a jamais déterminé et fixé le sens scientifique du premier chapitre de la Genèse. Les Pères l'ont entendu, les uns dans un sens, les autres dans un autre; par conséquent il n'existe pas, à proprement parler, d'interprétation traditionnelle de la cosmogonie mosaïque et

(1) Voir Mgr Freppel, Les Apologistes chrétiens au II° siècle, 1860, p. 268. Aurve siècle, les sciences naturelles n'étaient encore qu'au berceau et il est juste d'appliquer aux Pères ce que disait Sénèque sur ce sujet : «Cum excusatione veteres audiendi sunt: nulla res consummata est dum incipit. Nec in hac tantum re omnium maxima atque involutissima in qua, etiam quum multum actum erit, omnis tamen ætas quod agat inveniet, sed in omni alio negotio longe semper a perfecto fuere principia. » Quæst. nat. VI. 5.

l'exégète de nos jours a le droit de choisir l'interprétation qui lui paraît la plus conforme aux données de la véritable science. Nous pouvons même ajouter que si les anciens écrivains ecclésiastiques ne se sont pas mis d'accord sur la manière dont il fallait expliquer le récit mosaïque, c'est parce qu'ils ne se trouvaient qu'en face d'hypothèses non démontrées, c'est parce qu'ils manquaient du commentaire autorisé que nous fournissent aujourd'hui la géologie et la paléontologie. Le théologien de notre siècle ne fait que marcher sur leurs traces et se conformer à leurs principes en interprétant la parole de Dieu à l'aide des lumières que lui fournit la science. De même qu'il a le devoir de mettre à profit les découvertes archéologiques, historiques, géographiques, pour expliquer des passages jusqu'ici restés obscurs ou même mal compris, de même est-il obligé de se servir des découvertes scientifiques, quand elles sont certaines, pour fixer le sens des endroits de la Bible qu'elles peuvent éclaircir. En ce point, au lieu d'être infidèle à la tradition de l'Église, il ne fait que suivre les exemples du passé.

Pour traiter notre sujet avec ordre et mettre le lecteur en état de suivre plus aisément la filiation des idées, nous étudierons successivement les Pères orientaux et les Pères latins; et, parmi les Pères de l'Église d'Orient, nous distinguerons d'abord l'école d'Alexandrie, puis les écoles syriennes et enfin les Pères cappadociens, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze et saint Grégoire de Nysse avec leurs imitateurs. Tous les auteurs ecclésiastiques, qui ont écrit en grec ou en syriaque, se rattachent historiquement à l'un de ces trois groupes.

Dans l'exposé de la cosmogonie des Pères, nous ne relèverons pas tous les détails; ce serait aussi long et fastidieux qu'inutile; nous choisirons seulement ceux qui sont propres à servir à notre dessein et, en particulier, la manière dont ils ont entendu les jours de la création (1).

(1) Sur les Hexamérons des auteurs ecclésiastiques imprimés, manuscrits ou perdus, voir I. Bekker, dans Migne, Patr. gr., t. xc, col. 1385-1399.

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