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pris la peine de lire des traités spéciaux. Je n'en citerai qu'un seul, des plus récents, des meilleurs, des mieux appréciés dans les pays catholiques, le P. Caussette. Dans la dernière édition du livre excellent qu'il a publié sous ce titre Le bon sens de la foi, il s'étend sur les rapports de la géologie avec les dogmes chrétiens. Chemin faisant, il cite l'opinion de quelques écrivains d'après lesquels toutes les couches fossilifères de la croûte du globe peuvent s'être formées depuis la création d'Adam; et il déclare que ce système, malgré ses difficultés, a droit tout comme un autre au respect de ceux-là même qui lui refusent leur adhésion (1). Autant vaudrait soutenir que le système astronomique de Ptolémée a droit au respect des membres du Bureau des Longitudes!

Ce n'est jamais sans dommage que l'on conteste une vérité laborieusement acquise: mais la chose devient dangereuse quand le doute ou la négation émanent de ceux qui possèdent l'influence morale et religieuse. Il est vrai que dans les dénis de justice, en fait de doctrine, le mauvais exemple vient surtout des savants. Qui ne sait avec quelle légèreté déplorable, avec quelle souveraine incompétence, ils s'expriment parfois sur la philosophie catholique, sur les dogmes révélés, les spéculations de la théologie et l'histoire ecclésiastique ? Il y a de quoi fatiguer la patience chrétienne et expliquer les représailles. Mais l'esprit et le cœur ne doiventils pas s'élever à la hauteur de la mission? Il est digne, semblet-il, de ceux qui défendent les vérités supérieures de rendre justice entière aux vérités plus modestes, infiniment moins précieuses pour l'homme et néanmoins aussi bien assises que les premières. C'est plus que jamais à cette condition qu'ils s'attireront les intelligences. Car par un effet de mirage assez commun sur les esprits mal ordonnés, il ne manque pas, de nos jours, de savants qui attribuent la première place aux résultats des sciences naturelles. Ils sont

<1) Op. cit. t. II, p. 457.

comme enivrés des merveilles qu'ils y découvrent. Ces mèmes hommes parfois sont des aveugles pour les choses de l'âme. Ils semblent incapables de sentir tout ce qu'il y a de lumière et de vie dans un passage des prophètes, dans un chapitre de l'Évangile ou dans une épître de saint Paul; mais ils n'en sont pas moins lecteurs pénétrants du monde matériel. Ils savent qu'on ne conteste leurs preuves que par ignorance ou par mauvaise foi en quoi ils sont dans le vrai. De là, ils en viennent vite à mépriser les personnes inhabiles à saisir le caractère démonstratif d'une science; et des personnes leur mépris passe bientôt aux doctrines les plus importantes.

C'est bien là ce que redoutait, il y a quinze siècles déjà, le plus grand penseur de l'Église, saint Augustin, dans un passage bien connu de son commentaire sur la Genèse, où j'admire comme la fermeté dans la foi s'unit simplement à la largeur des vues. « Souvent il arrive, dit-il, qu'en ce qui regarde le ciel, la terre et ses diverses parties, les astres, leurs mouvements, les éclipses, le retour des saisons, la nature des animaux, des plantes et des pierres, un infidèle a acquis par le raisonnement ou l'expérience des notions très certaines. Supposez maintenant un chrétien qui prétend parler sur ces sujets d'après l'enseignement orthodoxe, et qui énonce devant les incrédules des erreurs tellement grossières, tellement opposées à la vérité, qu'elles les font éclater de rire. N'est-ce pas là quelque chose de honteux et de pernicieux?..... En effet, ajoute plus loin l'évêque d'Hippone, quand les incrédules voient un défenseur de la foi errer sur les matières qu'ils connaissent à fond, et que de plus ils l'entendent appuyer ses erreurs de l'autorité de nos livres sacrés, comment voulez-vous qu'ils croient à ce que disent ces mêmes livres de la résurrection des morts, de l'espérance de la vie éternelle, du royaume des cieux..... Il est impossible d'exprimer quel malaise, quelle tristesse ces chrétiens présomptueux causent à leurs frères plus prudents, en usant des textes sacrés sans bien com

prendre ni les paroles qu'ils prononcent ni la question qu'ils veulent trancher » (1).

D'après ces réflexions de saint Augustin, il est clair qu'en mentionnant un point des sciences naturelles à propos de quelque vérité philosophique ou religieuse, il faut connaître ce qu'enseigne l'observation et ce qui en découle comme une suite nécessaire. Mais on oublie aisément les maximes onéreuses. Dire que la géologie est née d'hier (2), qu'elle

(1) De gen. ad litt., Lib. I, cap. 19. Plerumque enim accidit ut aliquid de terra, de cœlo, de cæteris mundi hujus elementis, de motu et conversione vel etiam magnitudine et intervallis siderum, de certis defectibus solis et lunæ, de circuitibus annorum et temporum, de naturis animalium, fruticum, lapidum, atque hujusmodi cæteris, etiam non christianus ita noverit, ut certissima ratione vel experientia teneat. Turpe est autem nimis et perniciosum ac maxime cavendum, ut christianum de his rebus quasi secundum christianas Litteras loquentem, ita delirare quilibet infidelis audiat, ut, quemadmodum dicitur, toto cœlo errare conspiciens, risum tenere vix possit..... Cum enim quemquam de numero christianorum in ea re quam optime norunt, errare deprehenderint (infideles), et vanam sententiam suam de nostris Libris asserere, quo pacto illis Libris credituri sunt, de resurrectione mortuorum, et de spe vitæ æternæ, regno que cœlorum, quando de his rebus quas jam experiri, vel indubitatis numeris percipere potuerunt, fallaciter putaverint esse conscriptos? Quid enim molestiæ tristitiæque ingerant prudentibus fratribus temerarii præsumptores, satis dici non potest, etc. On retrouve cette même liberté de vues exprimée dans l'admirable ouvrage que saint Augustin a écrit sous le nom d'Enchiridion : quand après avoir déclaré qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter si quelqu'un, en tant que chrétien, n'est pas au courant des conjectures ou des vérités scientifiques relatives au monde matériel, il conclut en disant: Satis est christiano rerum creatarum causam, sive cœlestium sive terrestrium, sive visibilium sive invisibilium, nonnisi bonitatem credere Creatoris, qui est Deus unus et verus. (Enchiridion ad Laurentium, sive de fide, spe et charitate. Cap. IX.)

(2) On abuse fort de cette jeunesse de la géologie, qui d'ailleurs après tout prouverait moins notre incompétence que l'insouciance ou l'ignorance de nos pères. On oublie que la plupart des sciences naturelles, si on les envisage au point de vue de l'application rigoureuse des méthodes et des connaissances précises qu'elles comportent aujourd'hui, sont aussi jeunes que la géologie. Où en étaient il y a 150 ans l'anatomie comparée, l'embryogénie, la cristallographie, la chimie, l'étude de la chaleur et la plus grande partie de l'optique? D'un autre côté, bien avant Hutton, Werner et Buffon, on peut recueillir en Italie, en France, en Allemagne, chez les Arabes et chez les anciens, beaucoup de vues et d'aperçus très vrais touchant les modifications

est au berceau, qu'on y rencontre quatre-vingts systèmes différents, qu'aujourd'hui même des naturalistes également recommandables font dériver une même roche, les uns de la voie aqueuse, les autres de la voie ignée, et conclure savamment de tout cela que les inductions géologiques ne dépassent en aucun cas la simple probabilité, ce sont des assertions très commodes, et qu'on peut recueillir même au sein d'un arẻopage académique si les membres en sont étrangers à l'étude du globe. Que de fois je les ai entendues pour ma part! On se tient quitte ainsi envers une science qui, malgré ses lacunes, a des parties aussi positives que la physiologie humaine, et qui, au surplus, est parvenue à des conséquences d'une telle portée qu'un esprit éclairé ne les perd plus de vue quand il en est une fois convaincu.

Mais autre chose est la certitude d'une vérité démontrée, autre chose l'impression qu'elle fait sur la première intelligence venue. Toute préparation, toute disposition d'esprit ne sont pas également favorables. J'ose dire que dans chaque branche des connaissances, seul l'homme du métier est à même d'apprécier ce qui est vrai, probable ou chimérique. Quand la minorité compétente tient une conclusion pour certaine, le restant du genre humain doit l'accepter de confiance. Et ici l'on voit des gens distingués se faire grande illusion. Ils se sont adonnés à la philosophie, à la théologie, à l'histoire, aux recherches qui ont l'homme moral et intellectuel pour fin principale ; et ils s'imaginent très facilement avoir conquis dans ces nobles études une prééminence de jugement qui leur permet à l'occasion de mesurer, comme on dit, en deux enjambées les résultats des théories les plus spéciales. Ils se trompent.

physiques du globe. Parmi les savants nombreux qui ont disserté avec beaucoup d'intérêt sur ce chapitre de l'histoire des idées, je citerai Ch. Sainte-Claire Deville, dans les dernières leçons qu'il fit au Collège de France en 1875. Cons. le beau livre intitulé: Coup d'œil historique sur la géologie et sur les travaux d'Élie de Beaumont, Paris 1878.

Dans un livre sur lequel je vais revenir, livre publiẻ en Allemagne il y a une dizaine d'années et consacré à l'examen comparatif de la Bible et de la géologie, un fort savant homme, le P. Bosizio, rejette l'existence des époques successives ordonnées d'après la superposition des couches fossilifères; et, au fort de la discussion, il déclare que « la philosophie et la théologie sont incontestablement les sciences à qui seules il appartient d'apprécier ce qu'il y a de vrai, ou tout au moins de correct dans les autres branches du savoir (1). »

C'est bien facile à dire ! Mais qu'y a-t-il de péremptoire au fond de cet aphorisme? Il y a simplement que les théories savantes ne peuvent être contraires à la raison ni opposées à la révélation. J'ajoute qu'un philosophe n'est pas la philosophie et qu'un théologien n'est pas la théologie. Quelle que soit la sublimité de leurs études de prédilection, si l'un et l'autre contrôlent la véracité d'une doctrine scientifique, ils sont tenus, comme tout le monde, d'abord de connaître et d'accepter les faits fondamentaux, puis de comprendre la méthode qui permet de les envisager avec précision, de saisir leurs rapports et les lois qui les relient. Or il est des cas où cela peut exiger un tour d'esprit fort différent de celui qui convient au philosophe, et même imposer des années d'apprentissage.

La logique a beau enseigner les règles du raisonnement, ce n'est pas Aristote, mais Euclide et Archimède qu'il faut consulter sur la justesse ou l'extension d'un théorème de géométrie. Pourtant il s'agit là d'une science construite toute entière de conséquences rigoureuses reposant sur quelques définitions.

Il y a quelques années une proposition mathématique fut ainsi formulée : il existe des fonctions continues qui n'ont pas de dérivée; ou autrement : il existe des courbes qui sur une portion plus ou moins considérable de leur parcours

(1) Das Hexaemeron und die Geologie, Mainz. 1865, s. 327.

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