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qu'une théorie, pour être vraie, se plie à l'interprétation de tous les faits, celle-ci mériterait sans nul doute d'attirer l'attention du monde savant: malheureusement Spencer ne paraît pas même s'apercevoir qu'elle pèche par la base, parce que ses premiers principes, notamment ceux de la thermodynamique, n'entraînent pas les conséquences invoquées par lui à l'appui de sa théorie. Il a fallu pour en arriver là enchevêtrer à chaque pas des hypothèses avec des éléments de mécanique, et s'appuyer ensuite sur cet échafaudage comme sur une base indiscutable qu'il a décorée lui-même du nom de premiers principes et qui n'est, en réalité, qu'un tissu de conjectures et de comparaisons. Il importe selon nous d'insister sur ce point capital pour ne pas être fasciné par toutes les déductions ingénieuses tirées de ces soi-disant premiers principes dans les ouvrages de biologie, d'économie sociale et d'éducation, publiés depuis et traduits dans toutes les langues. C'est en discutant les prémisses et en mettant en pleine lumière leur faiblesse et leur défaut de précision que les mathématiciens pourront établir facilement l'évidence du sophisme sur lequel repose l'œuvre entière du philosophe anglais.

Un des passages les plus curieux des Principes de biologie est le chapitre de l'adaptation, où l'auteur s'ingénie à demontrer l'identité des effets de la loi de l'offre et de la demande dans une société industrielle, et de la loi de l'évolution qui préside à la transformation d'un organe dans un être vivant.

Un organe exercé au delà de ses besoins se met à croître et se trouve bientôt en état d'opposer à un accroissement de demande un accroissement d'offre; un excès de réparation succède à un excès d'usure, en vertu du rythme d'action et de réaction, corollaire de la loi de la conservation de l'énergie. Mais un organe ne peut s'accroître sans entraîner un changement dans la fonction de tous les autres organes dont il dépend. Un travail additionnel imposé à un muscle implique un travail additionnel imposé aux artères, aux

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veines et aux lymphatiques qui amènent et qui ramènent le sang, aux centres nerveux qui excitent le muscle, bref à tout l'organisme qui se transforme insensiblement par la réaction inévitable des fonctions sur les structures. Un rythme d'action et de réaction absolument semblable se produit dans une société humaine équilibrée où une commande insolite entraîne brusquement un travail plus considérable; les établissements s'agrandissent, les salaires augmentent, les matériaux et les ouvriers affluent. L'excès du capital et du travail fait naître bientôt de nouveaux établissements, tant pour la fabrication que pour la production de toutes les matières premières qu'elle exige, tandis que d'autres industries indépendantes disparaissent faute d'éléments ou de bras, comme des organes s'atrophient dans le corps faute d'aliment ou d'exercice. Ainsi la société ira se transformant et s'agrandissant jusqu'à ce que l'offre ou la demande faiblisse, c'est-à-dire, que les commandes cessent ou que l'un des matériaux comme le fer ou le charbon, par exemple, devienne rare ou fasse défaut; auquel cas la cité ou le pays se retrouvera dans des conditions nouvelles et tendra à retourner à son état primitif sans y parvenir jamais.

Il y a donc dans les opérations sociales une dépendance de fonctions essentiellement semblable à celle qui existe dans les organismes. « Si l'activité et la croissance en excès d'une industrie particulière ont duré assez longtemps pour faire prendre une nouvelle forme aux industries affectées directement, cette industrie retombera, si le besoin qui l'a fait naître disparaît.

>> Il faut un temps énorme avant que les réactions produites par une industrie agrandie puisse causer une reconstruction de la société entière, et avant que les innombrables redistributions de capital et de travail puissent reprendre un état d'équilibre.

>> Enfin ce n'est que lorsqu'un nouvel état d'équilibre est constitué que la modification adaptative peut devenir per

manente. Il en est absolument de même pour les organismes animaux. »

Les autres chapitres des Principes de biologie sont consacrés à l'examen de tous les arguments invoqués par Darwin et ses disciples en faveur de la doctrine de l'évolution. Spencer attribue celle-ci à d'autres causes que Darwin; avec Lamarck il fait jouer aux transformations lentes du milieu cosmique, attestées par la géologie, le principal rôle dans la modification des fonctions qui constitue à ses yeux le facteur principal de la transformation des organes.

On peut résumer comme suit les idées fondamentales contenues dans les derniers chapitres des Principes de biologie, consacrés à la défense du transformisme. L'homme primitif s'est formé sur la nature et sur lui-même des opinions qui ont besoin d'être révisées avant de correspondre passablement avec la réalité. Les notions primitives sur la structure du ciel, sur la forme de la terre, sur la nature des éléments, sur les phénomènes de la vie étaient fausses; par suite, conclut Spencer, l'hypothèse qui attribue l'existence des êtres vivants à des créations spéciales était probablement fausse comme toutes les autres explications du monde enfantées par l'imagination livrée à elle-même.

Ce n'est que dans les temps modernes que l'idée de forces générales agissant uniformément, s'est substituée à l'idée d'agents personnels agissant irrégulièrement dans la nature. Depuis lors, on a vu disparaître peu à peu de la science les théories de révolutions brusques et de formations instantanées de mondes et d'organismes, qui ont eu cours jusqu'à ce que les sciences expérimentales et les sciences d'observations reposassent sur des bases certaines.

Si les espèces sont sorties toutes faites des mains du Créateur, pourquoi, se demande Spencer, la terre est-elle peuplée d'un grand nombre d'êtres qui s'imposent les uns aux autres et à eux-mêmes tant de souffrances ? Pourquoi ce carnage universel existant, pendant de longs siècles,

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avant l'apparition de l'homme; la paléontologie prouve, en effet, que, dès les âges les plus reculés, les êtres vivants étaient, comme aujourd'hui, pourvus d'armes habilement préparées pour la destruction. Dans presque toutes les espèces, le nombre des individus, nés chaque année, est tel que la majorité périt de misère et de mort violente avant d'atteindre l'âge mûr. Dans le règne animal, plus de la moitié des espèces sont parasites, chaque espèce a ses parasites propres. L'espèce humaine en a trois douzaines au moins qui occasionnent des douleurs et peuvent entraîner la mort. Partout l'on trouve des dispositions qui assurent la prospérité d'organismes insensibles au prix du malheur d'organismes sensibles. D'autre part, l'anatomie comparée nous montre dans la série des êtres, des rudiments ou des restes d'organes qui ne servent à rien du tout, quand ils ne sont pas nuisibles.

Toutes ces anomalies, inconciliables avec la théologie dans l'hypothèse des créations spéciales, trouvent dans l'hypothèse de l'évolution une explication très claire. L'immense quantité de souffrance infligée à tout ce qui est sensible est la conséquence inévitable d'une adaptation encore imparfaite aux conditions d'existence. Si, dans la marche de l'opération, des organismes inférieurs se développent et font leur proie des êtres supérieurs, les maux qui en résultent ne constituent pas un mal permanent, car ils ne cessent de s'éliminer eux-mêmes; lentement mais sûrement, l'évolution réalise une somme de bien de plus en plus grande parce qu'elle produit une adaptation de plus en plus exacte aux conditions d'existence quelles qu'elles soient, et cela, par un triage continu qui assure le progrès, c'est-à-dire la conservation et la multiplication des meilleurs aux dépens des autres éliminés constamment par la concurrence vitale.

L'évolution serait donc la loi des phénomènes qui fait sortir l'organisme le plus complexe de l'organisme le plus simple. L'étude de l'histoire prouve que les agrégats sociaux n'échappent pas plus à cette loi que les agrégats orga

niques. On ne fait pas les constitutions, mais elles croissent et se transforment lentement; il en est de même des langues, des arts, de l'industrie, des sciences et des théologies. Toutes sont des produits de développement et ont passé par des phases insensibles comme le corps et l'esprit d'un enfant.

Si l'on examine l'embryon de minute en minute, on ne voit aucun changement, et cependant l'anatomie démontre qu'il suffit de quelques mois pour faire sortir un homme d'une cellule unique. Est-il donc si invraisemblable qu'en un nombre inconnu de siècles une cellule ait pu donner naissance au genre humain? La paléontologie n'est-elle pas là pour attester que les organismes actuels résultent de races antécédentes progressivement modifiées, ce que confirment d'ailleurs les phases de l'évolution des embryons, les maladies et les organes rudimentaires inutiles des parasites et des animaux supérieurs? Est-il admissible, en présence des considérations physiologiques développées plus haut, que les organismes soient restés immuables alors que leurs conditions d'existence et par conséquent leurs fonctions se transformaient sans cesse, sous l'influence des changements insensibles de milieux attestés par les révélations de la géologie ?

Dans le second volume, l'auteur se livre à des considérations détaillées sur la morphologie des plantes et des animaux. Inspirées par les principes que nous avons essayé d'exposer, ces études sont, comme le reste, aussi ingénieuses que hasardées. Les nombreuses observations d'anatomie, de physiologie et d'embryologie comparées qu'il invoque à l'appui de sa thèse, présentent souvent un vif intérêt. Ainsi l'étude sur l'antagonisme de la genèse et de l'individuation renferme des considérations très neuves appuyées sur des faits artistement groupés pour entraîner la conviction, ou tout au moins pour séduire l'imagination. du lecteur.

Après avoir montré que les frais d'individuation, c'est-à

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