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de La Rochelle et aux archives des notaires de la région; nous avons aussi été puissamment aidé par un fonds important mis obligeamment à notre disposition par le regretté M. Laurence, de Niort, qui, avec un soin jaloux, malheureusement trop rare, et un grand sens historique, avait su conserver une quantité considérable des papiers de l'abbaye lui provenant de ses an

cêtres.

Mais nous ne nous sommes pas contenté de tracer en grandes lignes l'histoire de La Grâce-Dieu, nous avons pensé qu'il pouvait être utile aux sciences historiques de publier intégralement les pièces les plus importantes que nous avons rencontrées, persuadé que les érudits y trouveraient après nous de nombreux faits à y glaner.

Notre publication se composera donc de deux parties distinctes en premier lieu l'histoire de l'abbaye, en second lieu les documents eux-mêmes.

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A la mort d'Honorius II une double élection papale, en date du 14 février 1130, avait amené le schisme dans l'église. Haimeric, cardinal diacre du titre de Sainte-Marie Nouvelle, qui remplissait alors les fonctions de chancelier de l'église romaine, fit élire le cardinal diacre Grégoire de Saint-Ange sous le nom d'Innocent II, tandis que quelques heures plus tard un collège de cardinaux proclamait pape, sous le nom d'Anaclet II, Pierre de Léon, cardinal du titre de Saint-Calixte, de la riche et puissante famille des Pierleoni. Ce dernier, qui avait la puissance et la richesse, avait réussi à entraîner Rome et une partie de l'Italie; mais le reste de la chrétienté était moins aisé à gagner ». C'est en vain que le pontife maître de Rome avait sollicité, par ses lettres et ses légats, les suffrages de l'Italie, de la France et de l'Angleterre. La France en particulier s'était tue pendant quelques mois. Quel pouvait être le fruit de son recueillement? De toutes les églises de la catholicité « elle était la seule qui n'eût jamais fléchi devant l'erreur et n'eût jamais été souillée par le schisme. Toujours soutenue de Dieu, elle est demeurée attachée à l'unité, et toujours elle s'est appliquée à donner à l'église romaine des témoignages de son précieux dévouement ». C'est en ces termes qu'Anaclet II, l'un des papes élus, la salue et la loue dans une de ses lettres. Persuadé qu'elle entraînera par son exemple les nations à sa suite, il la conjure de faire entendre sa voix. On sent que c'est d'elle qu'il attend son triomphe définitif ou sa ruine. C'est de la France en effet que partit le coup qui devait le précipiter de son siège. Comme lui, Innocent II en avait appelé au jugement de Louis-le-Gros et de l'épiscopat français. Ni les évêques ni le roi n'avaient osé se prononcer entre les deux prétendants. Mais, lorsque le pontife exilé,

après un séjour de quelques mois à Pise et à Gênes, eut abordé à Saint-Gilles, il put s'apercevoir qu'il mettait le pied sur un sol ami. Le concile d'Étampes venait de lui préparer les voies, en proclamant avec éclat la validité de son élection 1.

A côté de l'illustre abbé de Saint-Denis, Suger, et des archevêques de Reims, de Sens et de Bourges, saint Bernard, abbé et fondateur de Clairvaux, prit une part active au concile et à la décision à laquelle il s'arrêta. Quelques contemporains vont même jusqu'à prétendre qu'il en fut le principal oracle. Si cette opinion contient peut-être de l'exagération, on peut néanmoins induire des récits d'alors et de l'appui qu'il prêta par la suite au pape Innocent II, que la sagesse, l'éloquence entraînante et communicative du saint abbé de Clairvaux eurent une grande influence sur les membres du concile.

Soutenant la légalité de l'élection d'Innocent II, qui aujourd'hui paraît discutable aussi bien que la légalité de l'élection d'Anaclet II, saint Bernard en appelait en outre à la moralité des élus. « L'abbé de Clairvaux fit valoir au roi la supériorité morale du cardinal Grégoire, la priorité de sa nomination, l'autorité de ses électeurs et de son consécrateur (le cardinal évêque d'Ostie), et finalement il conclut à la validité de son élection. Louis-le-Gros, malgré ses attaches personnelles à Pierre de Léon, ratifia cet arrêt si sage, et promit solennellement de soutenir Innocent II. Sa déclaration trouva un écho dans toute l'assistance. Évêques, abbés et seigneurs y répondirent par une puissante acclamation et jurèrent, avant de se séparer, obéissance au nouveau pape. Pour beaucoup d'esprits incertains la décision du concile d'Étampes fut un trait de lumière. Elle arrivait juste à temps pour arrêter les progrès du mal qui menaçait de dévorer la France. Les archevêques et les évêques se hâtèrent de la publier dans leurs diocèses, les abbés dans les monastères de leur dépendance et les seigneurs laiques eux-mêmes dans leurs provinces 2. »

Saint Bernard, l'humble moine qui était à ce point entré dans l'intimité du chef de l'église « que celui-ci, dit un historien du temps, ne pouvait souffrir d'en être séparé 3, » continua son

1. Vie de saint Bernard, par l'abbé Vacandard, avec les références que cite cet auteur.

2. Vacandard, loco citato.

3. Ernald, cité par M. Vacandard, p. 311-312.

œuvre en faveur d'Innocent II. Après l'avoir accompagné au concile de Clermont (18 novembre 1130), il se rendit auprès de Henri Ier, roi d'Angleterre, et amena celui-ci à déposer à Chartres, aux pieds du souverain pontife, ses hommages, ses présents, son sceptre et son épée 1. Puis il l'accompagna dans son voyage auprès de l'empereur Lothaire. Ce fut l'abbé de Clairvaux qui eut raison des revendications de Lothaire, dénonçant le concordat de Worms et réclamant le droit des investitures par la crosse et l'anneau. « Rempli d'une généreuse audace, il prit la parole au nom du souverain pontife et, à force de logique et d'éloquence, parvint à faire sentir au prince allemand l'iniquité de ses revendications. Grâce à cette courageuse intervention, l'église échappa encore une fois au joug de l'état et conserva ses franchises électorales 2.

Innocent II ne voulut pas quitter la France sans visiter cette abbaye dont le chef lui avait été d'un si précieux appui. Il y fut reçu avec une simplicité renouvelée des premiers âges de l'église. Les pauvres de Jésus-Christ, remarque un historien, allèrent à sa rencontre, non pas sous la pourpre et la soie, ni avec des livres de prières recouverts d'or et d'argent, mais vêtus de grosse bure et précédés d'une croix de bois. Leur joie n'éclata pas en bruyantes acclamations; elle perçait à peine sous les modulations d'une psalmodie à mi-voix. L'appareil, si imposant et si nouveau pour eux, de la cour pontificale ne piqua même pas leur curiosité; leurs paupières, gardiennes de leur recueillement intérieur, restèrent baissées. Devant ce spectacle d'austère pauvreté et d'angélique modestie, le pape et les cardinaux versèrent des larmes d'attendrissement.

L'église et le réfectoire réservaient encore aux augustes visiteurs des surprises du même genre. La chapelle de Clairvaux, brillante de propreté, mais absolument dépourvue d'ornements, soit sculptés, soit peints, n'était remarquable que par son dénùment. Quel contraste avec la basilique de Cluny que le souverain pontife avait consacrée six mois auparavant! Au réfectoire, les hôtes de saint Bernard durent se contenter de l'ordinaire des moines, « manger du pain de son, et boire, au lieu de vin, une espèce de raisiné du jus d'herbes. En guise de turbot, on leur servit des choux auxquels on ajouta comme friandise quel

1. Vacandard, loc. cit., t. 1er, p. 303. 2. Vacandard, loc. cit., t. 1er, p. 307.

ques autres légumes. C'est à grand'peine que l'on put trouver, pour la circonstance, un poisson que l'on plaça devant le seigneur pape: la communauté n'en eut que la vue. Tout le monde cependant était dans l'allégresse. Cette fête, en effet, remarque précisément le biographe de saint Bernard, « n'était pas une réjouissance de table, ce fut la fête des vertus. »

La France entière ne s'était pas cependant ralliée aux décisions du concile d'Étampes. L'oeuvre de saint Bernard n'était pas achevée. Dans l'Aquitaine, le schisme était entretenu par un personnage remuant, Gérard II, normand d'origine, promu évêque d'Angoulême grâce au renom de savoir et de prudence dont il jouissait dans les écoles du Poitou. Précédemment légat des papes Pascal II, Gélase II, Calixte II et Honorius II, il obtint de l'antipape Anaclet la confirmation de sa charge, même avec une extension de territoire (mai 1130), confirmation qu'il avait en vain demandée à Innocent II. Il prit avec passion le parti de celui qui avait été le plus favorable, choisissant « pour pape, comme écrit saint Bernard, un pape à sa guise, celui qui consentira à le faire légat. Ainsi, ajoute le saint abbé avec une mordante ironie, à moins que tu ne sois légat, Rome ne pourra avoir de pape? D'où te vient ce privilège dans l'église de Dieu1? »

Gérard avait su entraîner dans sa cause Guillaume X, comte de Poitou et duc d'Aquitaine. Guillaume VIII, dixième du nom, avait eu une jeunesse qui prouvait bien l'indépendance outrée de son caractère et sa nature batailleuse. Il eut de violentes contestations avec son père et fut en guerre pendant sept ans avec lui. L'histoire a conservé le souvenir des démêlés qu'il eut avec les évêques de Poitiers et de Limoges 2. Entrainé dans le schisme par Gérard d'Angoulême, il expulsa Guillaume Adelelme, évêque de Poitiers, pour le remplacer, après un semblant d'élection, par Pierre de Châtellerault, l'une de ses créatures. L'évêque de Limoges eut le même sort et fut remplacé par Rainulphe, abbé du Dorat.

Bernard chercha à le ramener et lui écrivit une de ces lettres éloquentes dont il avait le privilège : « Quelle est cette merveille et par quel conseil s'est opérée si promptement votre conversion,

1. Vacandard, loc. cit., p. 322.

2. Voir Historiens des Gaules; Chron. Goffridi Vosiensis, XII, 434 apud Vacandard, p. 318).

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